Benjamin Stora : "La guerre d'Algérie continue dans les têtes, les cœurs, les mémoires"
COMMÉMORATIONS - Pour l'historien Benjamin Stora, le défi des commémorations de la guerre d'Algérie est d'éviter une "communautarisation de la mémoire".
De toutes les commémorations historiques en France, la fin de la guerre d'Algérie est l'une des plus problématiques. Alors que François Hollande rendra hommage aux victimes du conflit samedi 19 mars, le choix de cette date, qui correspond à l'entrée en vigueur du cessez-le-feu après les accords d'Evian du 19 mars 1962, provoque de houleux débats.
Mettre fin à la "guerre des mémoires". Benjamin Stora, professeur d'histoire à l'université Paris XIII, note en effet que "des groupes de mémoire extrêmement nombreux et puissants" se sont formés après la guerre d'indépendance. Harkis, anciens soldats appelés, immigrés algériens en France... "54 ans plus tard, chacun de ces groupes s'enferme dans son propre rapport au passé", note l'historien. "Le risque de la division, de la séparation, de la communautarisation des mémoires est réel." Dans ce contexte, "la guerre d'Algérie continue dans les têtes, les cœurs, les mémoires. Le problème décisif reste d'essayer d'y mettre fin", estime Benjamin Stora. D'où la nécessité de proposer une date de commémoration. Sans cela, "vous restez dans une guerre des mémoires", estime le professeur d'histoire.
Polémique autour de la date. Mais quelle date choisir ? En 2012, le Parlement a adopté une proposition de loi pour faire du 19 mars une "journée nationale du souvenir" des victimes de la guerre d'Algérie. François Hollande a donc suivi le calendrier commémoratif officiel. Mais à droite, cette initiative ne passe toujours pas. Chaque année, des maires boycottent les cérémonies. Jeudi, Nicolas Sarkozy s'est fendu d'une tribune au Figaro pour critiquer les commémorations du gouvernement, arguant que la guerre s'est poursuivie "pendant des mois" après le 19 mars. "Le rapatriement des Français d'Algérie, les victimes des attentats, les exactions contre les harkis, autant d'événements douloureux qui ne peuvent pas être effacés de l'Histoire officielle et rejetés vers le purgatoire de notre mémoire collective", écrit l'ancien président.
Le 19 mars, important pour les appelés. Benjamin Stora, de son côté, semble se ranger du côté de François Hollande. Tout en confirmant qu'après le 19 mars 1962, "il y a eu une sortie de guerre épouvantable", marquée par les exactions, l'historien rappelle que "le groupe le plus important de cette guerre, ça reste les [soldats] appelés". Environ "1,5 million de jeunes hommes sont allés en Algérie. Et pour eux, la date du 19 mars 1962 est fondamentale. Elle signifie la fin des épreuves, le fait de retrouver sa famille et son travail."
Pourquoi commémorer la guerre d'Algérie le 19 mars suscite une controverse
Par Guillaume Perrault
FIGAROVOX/DECRYPTAGE- La date retenue pour commémorer la guerre d'Algérie revêt une portée symbolique et politique, explique Guillaume Perrault, grand reporter au Figaro.
Quand l'Algérie était-elle française?
L'Algérie a été conquise par la France à partir de 1830 et est restée française jusqu'en 1962. A la veille de la guerre d'Algérie, deux communautés principales vivent sur ce territoire: les Maghrébins (plus de 8 millions) et les Européens (un peu plus d'un million). Venus de l'hexagone, d'Italie et d'Espagne, installés par vagues depuis 1830, les Européens d'Algérie sont citoyens français et ont été mobilisés lors des deux guerres mondiales. Ils considèrent l'Algérie comme leur pays. A la différence du Maroc ou de la Tunisie, placés sous protectorat, l'Algérie est vue alors par Paris comme une partie intégrante du territoire national et divisée en trois départements. Outre les Maghrébins et les Européens, 100 000 Juifs séfarades vivent alors en Algérie. A la différence des Juifs du Maroc et de Tunisie, les Juifs d'Algérie sont citoyens français depuis 1870.
Quelles sont les principales étapes de la guerre d'Algérie?
Le 1er novembre 1954, des attentats commis par le FLN marquent le début de la guerre d'Algérie. Le 12 mars 1956, à la demande du président du Conseil, le socialiste Guy Mollet, les députés autorisent le gouvernement à confier à l'armée les prérogatives de la police en Algérie pour réprimer et prévenir les attentats (455 voix pour, dont tous les députés communistes ; 76 contre). Le recours à la torture à une échelle importante par certains éléments de l'armée commence. Par ailleurs, les appelés du contingent sont envoyés en masse en Algérie. La durée du service militaire obligatoire est portée de 18 à 27 mois. Le 30 mai 1958, de Gaulle est rappelé au pouvoir sous la pression de l'insurrection d'Alger. Il paraît d'abord partisan de l'Algérie française. Puis, en septembre 1959, de Gaulle reconnaît le droit à l'autodétermination pour les Algériens. Le 4 novembre 1960, dans un discours, il se rallie à une «Algérie algérienne». Le référendum sur l'autodétermination décidé par de Gaulle, le 8 janvier 1961, se conclut par une victoire sans appel du oui (75,2%). Des négociations publiques avec le FLN s'engagent. En avril 1961, le putsch d'Alger échoue. L'OAS, créée début 1961 pour s'opposer par le terrorisme à l'indépendance de l'Algérie, prend alors de l'ampleur. La lutte contre l'OAS devient la priorité du Chef de l'Etat, au prix de graves entorses aux libertés individuelles. Pour sa part, le FLN achève de liquider le MNA- mouvement rival de Messali Hadj -et intensifie ses attentats en métropole.
Que s'est-il passé le 19 mars 1962?
Dans ce climat marqué par un déchainement de violence, les accords d'Évian, censés mettre un terme à la guerre, sont conclus le 18 mars 1962 entre le gouvernement français et le FLN. Un «cessez-le-feu» est prévu en Algérie à partir du lendemain, le 19 mars. Et, le 8 avril, les Français, invités par de Gaulle à se prononcer sur les accords d'Evian, les approuvent massivement (90,7% de oui). Pour autant, en Algérie, les nouvelles autorités algériennes se révèlent soit incapables soit non désireuses d'assurer le respect du «cessez-le-feu». Les lynchages des harkis et des notables musulmans pro-français commencent. L'armée française, toujours présente en Algérie, a ordre de ne pas les protéger. Les seuls harkis désarmés sur instruction de Paris et massacrés seraient de 60 000 à 80 000. Environ 45 000 auraient réussi à gagner la métropole grâce à des officiers qui enfreignirent les ordres - certains furent sanctionnés - et aux efforts de Georges Pompidou, premier ministre depuis avril 1962. Les attentats sanglants de l'OAS contribuent également au chaos en Algérie. Le 26 mars, à Alger, des soldats français ouvrent un feu nourri sur une manifestation de Français d'Algérie rue d'Isly. On dénombre entre 46 et 62 morts. Par ailleurs, en un an, plus de 3 400 Français (dont des soldats du contingent) semblent avoir été enlevés en Algérie sans que l'armée française s'emploie à les retrouver. Seuls 1 500 auraient recouvré la liberté, parfois après avoir été torturés. À Oran, à partir du 5 juillet, jour de l'indépendance de l'Algérie, 400 à 800 Français d'Algérie sont tués ou enlevés, parfois sous les yeux des soldats français immobiles. Au total, près d'un million de Français (Européens et Juifs séfarades) fuient l'Algérie en bateau et abandonnent leurs biens sur place. Ils sont très mal reçus en métropole. «Qu'ils quittent Marseille en vitesse, déclare le maire de Marseille, Gaston Defferre, le 26 juillet 1962. Qu'ils essaient de se réadapter ailleurs.»
Jusqu'alors la décision de Hollande de commémorer le 19 mars, pourquoi avait-on préféré retenir la seule date du 5 septembre?
Chaque année -depuis 2003 seulement et sur décision de Jacques Chirac, alors président de la République- une «journée nationale d'hommage aux «morts pour la France» pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie» était organisée le 5 décembre. Cette date ne fait référence à aucun événement de la guerre d'Algérie. Elle est neutre, en quelque sorte: le 5 décembre est le jour où Jacques Chirac avait inauguré en 2003 le Mémorial consacré aux 24 000 soldats français tués pendant le conflit. Ce monument commémoratif se situe Quai Branly à Paris. Il comporte le nom de tous les soldats français tombés en Algérie. Les militaires français tués entre le 19 mars 1962 et le 2 juillet 1962 sont pris en compte. La date du 5 décembre était donc plus consensuelle, car elle accueillait dans ce jour du souvenir les soldats français tués après le «cessez-le-feu» théorique du 19 mars. Par ailleurs, chaque année depuis 2003, une journée nationale d'hommage aux harkis a été instituée le 25 septembre. Une cérémonie officielle se déroule dans la cour d'honneur des Invalides en présence du ministre délégué aux anciens combattants, d'autorités civiles et militaires, d'élus et de présidents d'associations.
Le Parlement s'est-il prononcé sur le choix de la date retenue? Des parlementaires de gauche militent de longue date pour le choix du 19 mars. Une proposition de loi en ce sens avait été adoptée le 22 janvier 2002 par l'Assemblée nationale alors que Lionel Jospin était premier ministre. Dans un souci de compromis, il est vrai, la majorité de gauche de l'époque avait décidé que le 19 mars serait une journée nationale «du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes» de la guerre qui honorerait non seulement la mémoire des soldats français tués mais aussi les victimes civiles du conflit -en particulier des pieds-noirs- jusqu'ici ignorées. Cette proposition de loi, transmise au Sénat en 2002, a été repoussée par la haute assemblée aussi longtemps que la droite et le centre y ont été majoritaires. Puis, après que le Sénat eut basculé à gauche en septembre 2011, la nouvelle majorité sénatoriale a donné son feu vert, le 8 novembre 2012, à la proposition de loi approuvée par l'Assemblée dix ans plus tôt. La proposition de loi a alors été définitivement adoptée par le Parlement. Ce texte a cependant une valeur plus symbolique que juridique, et le 5 décembre demeurait la date retenue par le président de la République jusqu'alors.
Que pensent rapatriés, harkis et anciens combattants du choix de la date du 19 mars?
Les associations de rapatriés et de harkis sont naturellement très hostiles au 19 mars. Elles plaident pour le choix du 5 décembre.
Les anciens combattants, pour leur part, sont divisés. Leur principale représentante, l'Union nationale des combattants (UNC), qui se veut apolitique, et trente autres associations - elles revendiquent plus d'un million d'adhérents au total - voient dans le 19 mars un «risque grave de division profonde entre Français». Les anciens militaires de carrière, nombreux dans leurs rangs, font état du drame de conscience qu'a représenté en 1962, pour de nombreux lieutenants et capitaines, l'abandon des harkis et des civils musulmans pro-français en dépit de la parole donnée. En revanche, la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie (Fnaca), plutôt à gauche et qui revendique 350 000 membres, milite de longue date en faveur du 19 mars. Sa position se fait l'écho du sentiment de nombreux appelés du contingent, qui ont vécu le «cessez-le-feu» de mars 1962 comme un immense soulagement.
Guerre d'Algérie : Sarkozy tacle Hollande sur la commémoration du 19-Mars
Affiche placardée dans les rues d'Alger au lendemain des accords signés à Évian, le 19 mars 1962.
Assiya HAMZA
À l'occasion de la journée nationale du Souvenir Algérie-Maroc-Tunisie, François Hollande se rendra le 19 mars au Quai Branly pour rendre hommage aux victimes de la guerre d'Algérie. Une date qui a suscité la colère de Nicolas Sarkozy.
C'est une initiative qui est loin de faire l'unanimité. Pour la première fois depuis la fin de la guerre d'Algérie, un président français, en l'occurrence François Hollande va assister aux commémorations du 19-Mars, date du cessez-le-feu scellé par les accords d'Évian en 1962. Le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy, a ainsi lancé une violente charge contre le chef de l'État dans une tribune publiée jeudi 17 mars sur le site internet du journal Le Figaro.
"Le président de la République et sa majorité ont choisi délibérément le 19 mars, date du cessez-le-feu qui suivit la signature des accords d'Évian pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie. Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous. Or, chacun sait qu'il n'en est rien, le 19 mars reste au cœur d'un débat douloureux, écrit l'ancien chef de l'État. Choisir la date du 19 mars que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c'est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c'est considérer qu'il y a désormais un bon et un mauvais côté de l'Histoire et que la France était du mauvais côté", poursuit-il.
Une date qui a toujours divisé
Pour argumenter sa démonstration, l'actuel candidat à la primaire de la droite et du centre n'hésite pas à exhumer le souvenir d'un autre socialiste, partie prenante des évènements de l'époque. "Le président François Mitterrand, lui-même, refusa catégoriquement de reconnaître cette date pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie", argumente Nicolas Sarkozy. "Il faut dire qu'il avait été un acteur de l'époque, en prise avec ces événements. Il savait que le conflit n'avait pas cessé au lendemain des accords d'Évian et que la tragédie au contraire s'était poursuivie pendant des mois".
La date du 19 mars a toujours fait débat de part et d'autre de la Méditerranée. En France, d'aucuns estiment qu'elle est marquée du sceau de l'infamie. Les rapatriés estiment que le cessez-le-feu du 19 mars 1962, négocié la veille lors des accords d'Évian, ne marque pas la fin de la guerre. Bien au contraire. Ils avancent notamment le fait que plusieurs milliers d'Européens et de harkis ont été tués après. Sans oublier l'exode des pieds-noirs. Le site d'extrême droite Valeurs Actuelles, qui a lancé une pétition contre "la commémoration de la honte et du déshonneur", dénonce "le voile noir de l'oubli sur les souffrances d'une partie de ses compatriotes, poursuit sa démarche de repentance vis-à-vis de l'Algérie, qui célèbre le 19 mars comme une victoire, et exige que ne soit reconnue qu'une seule catégorie de victimes […]". Dans la même lignée, la présidente du Front national Marine Le Pen a accusé vendredi le chef de l'État de "violer la mémoire" des anciens combattants et harkis.
Deux histoires, deux mémoires en concurrence
Selon Thierry Rolando, président national du Cercle algérianiste, cité dans les colonnes du journal algérien El Watan, il ne s'agit une fois de plus que de la mise en concurrence de deux mémoires. "François Hollande est en train de tourner le dos à une partie de la communauté nationale, il ne reconnaît qu’une seule souffrance, celle des Algériens et jette un voile d’ombre sur les drames des harkis et des Français d’Algérie. Il pourrait embrasser toutes les mémoires en se rendant aux commémorations du 5 décembre."
En 2002, pour mettre fin à la polémique sur la guerre d'Algérie, Jacques Chirac avait en effet choisi le 5 décembre pour rendre hommage à tous les morts de ce conflit. Une date neutre correspondant uniquement à l'inauguration du mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie au musée du Quai Branly. Un décret du 26 décembre 2003, rappelé dans une loi du 23 février 2005, a officialisé ce calendrier.
Nicolas Sarkozy appelle donc le chef de l'État à choisir l'apaisement. "La guerre d'Algérie a été un événement dramatique, des hommes et des femmes portent encore dans leur souvenir comme dans leur chair la trace de cette Histoire vivante, ne déclenchons pas une guerre des mémoires".
Guerre d'Algérie : Sarkozy tacle Hollande sur la commémoration du cessez-le-feu
Même 54 ans après la fin du conflit, la guerre d'Algérie continue de diviser la société française. Le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, critique le choix de François Hollande de commémorer le 19 mars, date du cessez-le-feu de la guerre d'Algérie, dans une tribune
«Le président de la République et sa majorité ont choisi délibérément le 19 mars, date du cessez-le-feu qui suivit la signature des accords d'Évian pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie. Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous.
Or, chacun sait qu'il n'en est rien, le 19 mars reste au coeur d'un débat douloureux», écrit l'ancien chef de l'Etat.
Les associations d'harkis tout aussi critiques
«Choisir la date du 19 mars, que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c'est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c'est considérer qu'il y a désormais un bon et un mauvais côté de l'Histoire et que la France était du mauvais côté», explique-t-il.
Le 19 mars est la «Journée nationale du Souvenir Algérie-Maroc-Tunisie». François Hollande se rendra samedi au Quai Branly pour la célébrer pour la première fois, ce qui a suscité des critiques, notamment d'associations de harkis.
«Le président François Mitterrand, lui-même, refusa catégoriquement de reconnaître cette date pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie», argumente-t-il aussi. «Il faut dire qu'il avait été un acteur de l'époque, en prise avec ces événements.
Il savait que le conflit n'avait pas cessé au lendemain des accords d'Évian et que la tragédie au contraire s'était poursuivie pendant des mois», poursuit-il.
Chirac avait choisi le 5 décembre
«Le président Jacques Chirac avait choisi une date, celle du 5 décembre, pour rendre hommage à tous les morts pour la France de ce conflit. J'ai toujours respecté ce choix, un choix de cohésion et d'unité nationale, car il n'opposait pas deux passés», écrit-il encore.
Il conclut sa tribune ainsi: «La guerre d'Algérie a été un événement dramatique, des hommes et des femmes portent encore dans leur souvenir comme dans leur chair la trace de cette Histoire vivante, ne déclenchons pas une guerre des mémoires».
Guerre d'Algérie : «Sarkozy souffle sur les braises», dénonce Bruno Le Roux
Bruno Le Roux estime que François Hollande cherche
« l'apaisement » et que Nicolas Sarkozy veut « rouvrir des plaies ».
La polémique continue sur le discours que prononcera François Hollande samedi au quai Branly pour la «Journée nationale du souvenir Algérie-Maroc-Tunisie».
Dans une tribune, Nicolas Sarkozy dénonce le fait que le président ait choisi le 19 mars, date du cessez-le-feu, pour ce discours. Des associations de harkis ont également protesté. Ce vendredi matin, l'extrême droite et la droite sont vent debout contre le choix de François Hollande, tandis que le socialiste Bruno Le Roux le défend.
«Nicolas Sarkozy rouvre des plaies», regrette Bruno Le Roux. Le patron des députés socialistes, invité de Sud Radio et Public Sénat, souligne que «la seule date qui veut dire aujourd'hui quelque chose dans la chronoogie de la guerre d'Algérie, c'est le 19 mars, le cessez le feu». «Le président sait la façon dont cette guerre est encore dans les têtes, il veut avoir des mots d'apaisement, explique Bruno Le Roux. L'ancien président se dit : l'apaisement, ce sera sans moi et donc, je souffle sur les braises». «Nicolas Sarkozy se trompe car il y a une loi, il la remet en cause», souligne-t-il. C'est en 2012 que le Sénat avait adopté la proposition de loi socialiste consacrant le 19 mars 1962 comme journée nationale du souvenir des «victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie».
«Je ne comprends pas qu'un ancien président puisse, pour des raisons politiciennes, raviver la guerre des mémoires», regrette le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants Jean-Marc Todeschini. «Le 19 mars, ce n'est pas la commémoration d'une victoire ni celle d'une défaite. C'est simplement la reconnaissance des souffrances qui ont pu être endurées par toute une série de personnes différentes, d'abord par les familles françaises qui ont vu leur enfant, leur mari, partir (...) ensuite les souffrances des militaires, les souffrances des populations», ajoute-t-il. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll appelle lui Nicolas Sarkozy au «dépassement des passions».
François Hollande «viole la mémoire des anciens combattants, harkis et rapatriés», fustige Marine Le Pen. «Honorer cette date, dénonce la présidente du FN, c'est aussi mépriser les centaines de milliers de nos compatriotes harkis et rapatriés qui ont vécu et qui vivent avec ces souvenirs tragiques». «On peut choisir n'importe quelle date sauf le 19 mars avait pourtant averti son prédécesseur socialiste François Mitterrand», souligne-t-elle ajoutant que «parce qu'il est le Président de tous les Français, le président de la République ne devrait pas participer à cette commémoration du déshonneur».
«Il faut arrêter la repentance», demande Florian Philippot. Le numéro 2 du FN, sur RFI, estime qu'il «faut que nous sortions d'une vision de l'histoire où la France serait toujours du côté des mauvais ou des perdants». «On doit être fier de la France, il faut envisager sereinement l'avenir».
«Le choix de cette date est fait pour diviser les Français», estime Frédéric Péchenard.
Sur France Info, le vice-président les Républicains du conseil régional d'Ile-de-France, et proche de Nicolas Sarkozy, fustige le choix du 19 mars. «Cela fait plus de 50 ans que la guerre d'Algérie est terminée, les cicatrices sont à peine en train de refermer et le président les rouvre, regrette-t-il.
La date du 19 mars est un mouchoir rouge pour un certain nombre de nos compatriotes, rappelons : un millions de rapatriés, plusieurs centaines de milliers de harkis, il y a eu des exactions terribles commises après cette date. Donc, on voit bien que c'est une date qui va faire plaisir à certains mais qui en fait va diviser la communauté française».
Commémoration fin de la guerre d'Algérie
"Lechoix de cette date est fait pour diviser les Français"
F. Péchenard https://t.co/8hNNKWPxD0
— France Info (@franceinfo) March 18, 2016
«Je crois que la date du 19 mars n'est pas un bon choix», juge Benoist Apparu. Sur i>Télé, le député juppéiste de la Marne rappelle qu'«il existe des faits historiques en 14-18, en 39-45, des armistices acceptés par tout le monde, et ce n'est pas le cas pour l'Algérie ». Et de conclure : « De ce point de vue, la date neutre me semblait plus astucieuse »
«Je n'aime pas cette date», lâche Hervé Mariton, rappelant qu'il est «né à Alger» et est «pied-noir». Sur BFM TV, le député les Républicains déclare avoir «en tête les dizaines de milliers de victimes qu'il y a eu en juillet 62, j'ai en tête les harkis (...) ...
Cette date, pour beaucoup, marque un peu une repentance et ce n'est pas comme ça qu'on peut construire l'avenir du pays.» Selon lui, François Hollande a choisi «une date provocante», ajoute-t-il. «Je suis un peu atterré par la provocation de François Hollande qui, faute d'améliorer la situation du pays, baigne dans des démarches mémorielles», insiste-t-il.
Cérémonie du 19 mars :
«Une commémoration doit rassembler : celle-ci divise»
Bernard Carayon, depute-maire de Lavaur,
Le 19 mars 1962 n’avait jamais été commémoré par les Présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et Sarkozy. Il le sera par François Hollande et les parlementaires de sa majorité qui ont voté une loi indigne : celle du 6 décembre 2012 qui institue le 19 mars comme « journée nationale du souvenir ».
Une commémoration doit rassembler : celle-ci divise, car elle est rejetée par la plupart des associations d’anciens combattants comme par les Français d’Algérie, harkis et pieds-noirs.
Une commémoration doit apaiser, dans le souvenir des disparus et la réconciliation avec l’ancien ennemi : celle-ci martyrise ceux de nos compatriotes que les accords d’Evian ont abandonné au FLN.
Une commémoration célèbre une victoire, mais c’est l’Algérie qui la considère comme telle.
Le 19 mars ne clôt d’ailleurs pas officiellement la guerre d’Algérie : il n’est qu’un cessez-le-feu, aussitôt violé par le FLN. Dès cette date, et durant plusieurs mois, l’horreur frappe nos compatriotes : 558 soldats métropolitains, 100 à 120 000 Français d’origine nord-africaine, des milliers de civils européens aussi sont assassinés, souvent dans des conditions atroces, égorgés, émasculés, parfois ébouillantés vifs. Ces victimes là n’ont-elles pas droit au respect ? Un million de Français sont contraints à l’exil, n’ayant le choix « qu’entre la valise et le cercueil ». N’ont-ils pas droit à l’émotion des âmes sincères ?
Invoquant « la force injuste » de cette loi, je ne participerai pas à une cérémonie qui banalise le crime, insulte la mémoire de ceux qui aimaient la France comme une mère. Je rends hommage à tous nos anciens combattants, absents ou même présents le 19 mars. Je salue avec respect les familles de harkis dont les pères sont leur honneur. Je partage la colère de cet ami, pied-noir de Lavaur, qui, enfant, assista avec son frère, à l’assassinat de son père et de sa mère.
Le 19 mars, jour de deuil, nos drapeaux, à Lavaur, seront en berne parce que le cessez-le-feu n’a pas fait cesser le sang de couler.
Bernard Carayon, Maire de Lavaur
Journée du 19 mars : Quand Sansal reproduit le discours lepéniste sur l’Algérie
Lena Azizi
Il y a un débat franco-français très politicien sur le 19 mars qui a été historiquement celui de la fin de la guerre d’indépendance avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Dans ce débat entre Français, il y a la haine des nostalgiques de l’Algérie française qui continuent, à ce jour, de ne pas gober l’indépendance de l’Algérie.
C’est à ces nost-algériques que s’adressent les politiciens de droite avec un Nicholas Sarkzoy en course avec Marine Le Pen. Leurs voix se font encore plus glapissantes depuis que François Hollande a décidé de commémorer la date du 19 mars en prononçant, aujourd’hui samedi, un discours devant le «mémorial national de la Guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, situé au Quai Branly». C’est une première que la droite n’a pas ratée. Dans l’extrême droite française, on dénonce une «trahison» de la part du président français. Un cran en dessous, mais dans la même veine, Nicholas Sarkozy a publié une tribune dans Le Figaro dénonçant la participation de François Hollande à cette commémoration.
«Choisir la date du 19 mars, que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c’est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c’est considérer qu’il y a désormais un bon et un mauvais côté de l’Histoire et que la France était du mauvais côté», affirme Nicholas Sarkozy. On comprend clairement que si du temps a passé, l’histoire ne passe toujours pas dans les esprits d’une partie de l’establishment français qui continue à voir dans l’Algérie le symbole d’un empire perdu.
C’est une discussion «régulière» en France qui aurait pu passer dans la banalité commémorative habituelle s’il n’y avait eu l’intrusion – absolument pathétique – de Boualem Sansal dans ce débat. Dans un entretien publié, également par Le Figaro, il est encore plus lepeniste que M. Sarkozy et adresse une sommation au président français pour qu’il «reste chez lui» au lieu de «se prosterner devant Bouteflika». Même Sarkzoy n’a pas osé dire qu’un discours de Hollande un 19 mars serait «calamiteux pour l’image de la France».
Mais, M. Sansal ne se contente pas de cela, il considère que la commémoration en France du 19 mars par M. Hollande est «catastrophique pour le combat courageux que les Algériens mènent pour se libérer de la dictature coloniale du FLN et de M. Bouteflika, qui, depuis le 19 mars 1962, en est l’un de ses principaux animateurs». On se pince ! A la limite, il ne manque pas d’Algériens qui considèrent que le système algérien est une «dictature», un «autoritarisme», mais une «dictature coloniale» voilà une nouveauté conceptuelle des plus ridicules.
Et pour aller dans le sens du Figaro qui avait titré sur «L’Algérie qui fait peur», l’écrivain ne craint pas de faire des prévisions d’Armageddon en affirmant qu’il est «possible que l’Algérie explose et donne naissance à un Daech 2. Daech 1 est déjà en embuscade à sa frontière Est et l’Aqmi au Sud».
Le reste de l’entretien de M. Sansal est du même tonneau, délirant. Pris dans le rôle qu’on lui a assigné, l’écrivain est dans une concurrence avec l’extrême droite française dans une lecture révisionniste de l’histoire. Il confirme ce que beaucoup pensent de sa légèreté. Un pauvre type en somme…
Harkis : ils ont des droits sur la France!
Par Bernard Carayon
Une compagnie de Harkis à Alger le 8 mai 1957 lors du défilé militaire commémorant la fin de la Seconde guerre mondiale.
L'Incorrect. Contre les socialistes qui se vautrent dans la repentance, le temps est venu de célébrer ceux qui ont fait le choix de la France.
La guerre d’Algérie laisse à beaucoup un goût amer : aux anciens combattants dont la jeunesse a été fracassée, aux pieds-noirs qui ont perdu une terre aride qu’ils avaient fertilisée, aux harkis sacrifiés au nom de la raison d’État et méprisés par une gauche qui leur préfère les immigrés, à ceux qui aimaient une France belle comme une mosaïque, ouvrant des routes dans l’Atlas, construisant écoles et hôpitaux. Pas une famille de là-bas dont les coeurs ou les corps n’aient été mutilés.
L’Algérie n’a jamais été une colonie, elle était une autre France que l’on embrassait par l’aventure et qui n’a cessé d’être stratégique : l’armée d’Afrique y entreprend la reconquête de l’Europe ; la IVe République y meurt d’une rébellion qu’elle ne sait éliminer ; l’urgence de rétablir l’ordre porte au pouvoir de Gaulle ; les soutiens internationaux que le FLN mobilise transforment une guerre civile en une guerre tout court ; depuis quarante ans, les flux massifs et incontrôlés d’émigration vers la France, puis le terrorisme islamiste font germer des peurs et de nouvelles haines.
Déjà le procès de la torture avait dérivé en un procès de la France et de son armée, occultant le dramatique bilan de l’État algérien : le sort des terroristes d’autrefois valait-il plus que celui de la jeune fille, amputée d’une jambe parce qu’elle était à la terrasse d’un café, ou de ces harkis du commando Georges dépecés puis ébouillantés vifs ?
Rappeler cela, c’est s’exposer au refus des moralistes d’une “comptabilité macabre”. La France n’a évidemment ni de compte à rendre ni de repentir à exprimer. Il n’y a pas de débiteurs à vie et de créanciers perpétuels. Ou alors, exigeons la transparence sur les crimes commis par le FLN et ses “porteurs de valises”. Qui étaient-ils, ceux qui dénonçaient l’armée française en Algérie ? Les camarades de Maillot dont les armes volées ont permis au FLN de tuer 21 soldats du 5e régiment d’infanterie ! Ceux de Danielle Minne qui enseignait sans honte à l’université et dont les bombes ont tué ou mutilé des dizaines de civils ! La famille de Ben M’Hidi, exécuté sans doute mais qui, avec Yacef Saadi, l’ami de Germaine Tillion, avait ensanglanté Alger.
Des crimes ont été commis des deux côtés. Mais l’Algérie c’était la France, et la guerre contre le terrorisme n’est pas une affaire d’enfants de choeur.
La France s’est fait de la repentance et de la responsabilité collective une spécialité. On chercherait en vain une tradition analogue aux États-Unis où l’on ne convoque pas au tribunal les survivants des drames du Viêtnam.
Depuis l’antiquité gréco-latine, le droit occidental, fécondé par le christianisme, ne reconnaît que la responsabilité personnelle. Pour Camus, la responsabilité collective est d’inspiration totalitaire. Les vertus de l’amnistie et de l’oubli, issues de ces traditions, avaient été rappelées par Henri IV, clôturant avec l’édit de Nantes une période de folie meurtrière. De Gaulle et Mitterrand ont eu raison de tirer un trait sur les drames de notre histoire ; un peuple ne peut se nourrir perpétuellement de haine, comme le dit Begin à Arafat : « Il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix, un temps pour haïr et un temps pour aimer. »
Les harkis avaient fait le choix de la France contre ceux qui, devant l’histoire, l’avaient trahie ; le choix aussi de l’honneur et de la fidélité quand la France le leur demandait, et même quand elle ne le leur demandait plus.
Les accords d’Évian, puis les indignes instructions d’abandon et de refoulement du ministre des Affaires algériennes, Louis Joxe, les ont livrés, dès le 19 mars 1962, au martyre, puis à l’oubli et souvent à la misère. « Ils ont des droits sur nous », disait Georges Clemenceau à propos des combattants de la Grande Guerre : les harkis, nos frères par le sang versé, ont des droits sur la France.
Guerre d'Algerie: pour Eric Ciotti, "le 19 mars, c'est une forme de provocation"
Le président des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a critiqué sur France Info, la date choisie par François Hollande pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie.
Eric Ciotti, député et président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes.
"C'est une forme de provocation, le 19 mars est une date très controversée. On sait que des Français ont été assassinés dans des conditions épouvantables après le 19 mars, en Algérie. On sait que beaucoup de rapatriés, les rapatriés, récusent cette date", a expliqué le député.
"De la part du président de la République, célébrer le 19 mars, c’est céder à l’aile gauche, à l’extrême gauche, a-t-il ajouté. C’est encore une fois fracturer les Français. C’est la marque de fabrique de ce quinquennat."
Le 19 mars 1962 est la date d'entrée en vigueur cessez-le-feu né des accords d'Evian. Il a officiellement mis fin à huit ans de guerre.
"Provocation", "falsification de l'histoire"... de nombreux élus azuréens vent debout contre la commémoration du 19 mars 1962
Ce samedi, 19 mars 2016 François Hollande commémore la date officielle de la fin de la Guerre d'Algérie le 19 mars 1962. Pour de nombreux élus des Alpes-Maritimes, c'est une "provocation".
Michèle Tabarot, Christian Estrosi, Eric Ciotti et Lionnel Luca.
Pour la première fois, un président de la République française en exercice commémore les accords d'Evian, marquants la fin de la Guerre d'Algérie.
Christian Estrosi: "c'est une provocation"
Le député-maire de Nice et président de la région Provence-Alpes-Côte D'Azur s'est exprimé sur la question.
"Je juge inqualifiable et je m’oppose à la participation du Président François Hollande aux commémorations du 19 mars. Il s’agit d’une provocation à l’encontre de l’ensemble de la communauté rapatriée et des harkis. Cette date constitue pour eux un déni de vérité. Je rappelle avec force que le nombre de victimes et de disparus s’est amplifié après le 19 mars 1962. La signature des Accords d’Evian, respectés unilatéralement par la France, marqua le début d’enlèvements et du massacre de milliers de civils européens et de harkis"
Eric Ciotti: "une date très controversée"
Invité de la matinale de France Info ce vendredi matin, le députée des Alpes Maritimes s'est montré très clair sur le sujet :"c'est une forme de provocation, le 19 mars est une date très controversée. On sait que des Français ont été assassinés dans des conditions épouvantables après le 19 mars, en Algérie. On sait que beaucoup de rapatriés, les rapatriés, récusent cette date", a expliqué le député.
Michèle Tabarot: "une faute historique"
Dans une lettre ouverte à François Hollande, la députée-maire du Cannet, fille de Pieds-noirs, dénonce une "faute historique et symbolique".
"Non, le 19 mars 1962 n’a jamais été la paix. Il n’a jamais été une date heureuse pour qui que ce soit. De "cessez-le-feu", il n’y en a jamais eu. Les morts se sont comptés par milliers après cette date, à Oran, Rue d’Isly et dans tant d’autres endroits de sinistre mémoire."
Lionnel Luca:"une falsification de l'histoire"
Dans une série de tweets, le député-maire de Villeneuve-Loubet décrit le 19 mars 1962 comme "un cessez-le-feu bafoué qui a fait plus de victimes après qu'avant dont le massacre d'Oran".
La droite allume une polémique sur la guerre d'Algérie
La droite accuse François Hollande d'entretenir la "guerre des mémoires" par sa décision de commémorer le cessez-le-feu qui a mis officiellement fin aux combats de la guerre d'indépendance algérienne le 19 mars 1962.
Une loi du 6 décembre 2012 fait de cette date une journée nationale de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. François Hollande sera samedi le premier chef de l'Etat français à y participer.
A moins de 14 mois de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, président du parti Les Républicains (LR), s'empare du sujet. "Le président de la République et sa majorité ont choisi délibérément le 19 mars (...) pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie", écrit le prédécesseur de François Hollande dans une tribune publiée vendredi dans Le Figaro.
"Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous. Or chacun sait qu'il n'en est rien", ajoute-t-il.
Il rappelle que ce cessez-le-feu n'a pas mis fin à toutes les violences (attentats, exactions contre les harkis partisans de la France, rapatriement des Français d'Algérie).
"Choisir la date du 19 mars, que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France (...) c'est considérer qu'il y a désormais un bon et un mauvais côté de l'Histoire et que la France était du mauvais côté", dit-il.
Riposte du numéro un du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, dans un tweet : "Nicolas Sarkozy rejoue la bataille d'Alger ! Il est temps, voire urgent, de tourner la page."
Le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux, a accusé l'ex-chef de l'Etat de se tromper de bataille. Nicolas Sarkozy "remet en cause la loi de son pays (...) au profit d'un débat qui rouvre des plaies quand le président veut les fermer", a-t-il déclaré à Sud Radio et Public Sénat.
La décolonisation de l'Algérie, ses suites et les difficiles relations entre Paris et Alger ont laissé à droite et à gauche des séquelles, causes de nombreuses polémiques.
"PROVOCATION MÉMORIELLE"
Cette fois, la mèche a été allumée le 11 mars par la députée LR des Alpes-Maritimes Michèle Tabarot dans une lettre ouverte à François Hollande.
Le 19 mars "reste synonyme d’une souffrance jamais éteinte pour les Pieds-noirs, les Harkis et leurs descendants" qui ont eu à choisir "entre la valise et le cercueil", écrit cette descendante de rapatriés d'Algérie.
Elle demande au chef de l'Etat de renoncer à prononcer un discours à cette occasion, devant le Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, quai Branly, dans le XVe arrondissement de Paris.
D'autres dirigeants de droite lui ont emboîté le pas, comme le député LR Hervé Mariton, né à Alger, qui a dénoncé sur BFM TV et RMC une "provocation mémorielle".
"Pour moi, le départ d’Algérie est une tragédie et je ne me sens pas de marquer le 19 mars", a-t-il expliqué.
La présidente du Front national, Marine Le Pen, dénonce dans un communiqué une "commémoration du déshonneur" et accuse le chef de l'Etat de "violer" la mémoire des anciens combattants, harkis et rapatriés "morts pour la France" en Algérie.
L'hebdomadaire Valeurs Actuelles, proche de l'extrême droite, a lancé une pétition signée par une vingtaine d'associations de rapatriés d'Algérie demandant non seulement l'abandon de la commémoration du 19 mars mais aussi que soient débaptisées les rues et places portant cette date.
L'entourage du chef de l'Etat assure que son intention est au contraire d'essayer d'apaiser et de rassembler.
Pour l'historien Benjamin Stora, la commémoration du conflit algérien reste pour la France un défi. "La guerre d'Algérie continue dans les têtes, les cœurs, les mémoires. Le problème décisif reste d'essayer d'y mettre fin", a-t-il dit à Europe 1.
Lui se rallie au choix du 19 mars car "le groupe le plus important de cette guerre, ça reste les (soldats) appelés".
"Un million et demi de jeunes hommes sont allés en Algérie et, pour eux, la date du 19 mars 1962 est fondamentale", a-t-il rappelé. "Elle signifie la fin des épreuves, le fait de retrouver sa famille et son travail."
Guerre d'Algérie: Hollande indigne opposition et harkis en commémorant le cessez-le-feu du 19 mars 1962
François Hollande s'attire les foudres des harkis, de la droite et l'extrême droite en commémorant pour la première fois, samedi, le cessez-le-feu décrété le 19 mars 1962 en Algérie au lendemain des accords d'Evian.
L'initiative présidentielle est contestée par de nombreuses associations d'anciens combattants et de pieds-noirs, pour qui le 19 mars marque non pas la fin du conflit algérien, mais le début de l'exil et du massacre de civils et des harkis.
Elle crispe également la classe politique. Dans une tribune publiée vendredi dans Le Figaro, l'ex-président Nicolas Sarkozy tonne ainsi contre la décision de son successeur. "Pour qu'une commémoration soit commune, il faut que la date célébrée soit acceptée par tous. Or, chacun sait qu'il n'en est rien, le 19 mars reste au cœur d'un débat douloureux", écrit-il.
M. Sarkozy note qu'en son temps l'ex-président socialiste François Mitterrand "refusa catégoriquement de reconnaître cette date pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie", sachant qu'après les accords d'Evian, "la tragédie s'était poursuivie pendant des mois".
Dénonçant "une provocation à l’encontre de l’ensemble de la communauté rapatriée et des harkis", le maire Les Républicains de Nice et président de la région Paca Christian Estrosi, a prévenu qu'"aucune cérémonie" ne serait organisée dans sa ville samedi.
Pour l'ancien président de l'Assemblée Bernard Accoyer (LR), François Hollande "commet une erreur et une faute contre la cohésion nationale".
Marine Le Pen, présidente du FN, a pour sa part accusé le chef de l'Etat de "violer la mémoire" des anciens combattants et harkis.
Afin de ne pas raviver les passions, Jacques Chirac avait choisi une date neutre, le 5 décembre 2002, pour inaugurer un monument célébrant la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie mais aussi celles des combats en Tunisie et au Maroc.
C'est devant ce mémorial érigé quai Branly au pied de la Tour Eiffel que François Hollande prononcera samedi à 16h30 une allocution, avec pour idée de tenter "le compromis" pour instaurer "la paix des mémoires" sur ce conflit algérien qui exacerbe toujours les passions.
Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a d'ailleurs appelé vendredi l'ex-chef de l'Etat au "dépassement des passions".
"Je ne comprends pas qu'un ancien président de la République puisse pour des raisons politiciennes, peut-être de campagne électorale dans le cadre d'une primaire, raviver la guerre des mémoires", a déploré pour sa part le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini
"Pas de repentance"
C'est à l'initiative de François Hollande, qu'une loi avait été votée au Parlement le 6 décembre 2012 pour faire du 19 mars la "journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie" mais aussi "des combats en Tunisie et au Maroc".
Le 19 mars, "c'est une date qui renvoie à des mémoires qui ont été longtemps opposées dans la population française", reconnaît-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
Mais "l'ambition du président de la République, c'est d'embrasser toutes ces mémoires et de les faire entrer dans le récit de l'histoire de France (...) Ca n'est pas de faire disparaître les douleurs, ça n'est pas de nier les morts et les drames, c'est de les rappeler et de leur rendre hommage", explique-t-on également.
Dans son discours, M. Hollande devrait, comme il l'avait fait devant le parlement algérien le 20 décembre 2012, redire "l'injustice du système colonial" mais sans verser dans "le registre de la repentance", précise un conseiller.
L'historien Benjamin Stora, convié récemment à l'Elysée pour mettre en perspective devant la presse la démarche présidentielle, voit "un certain courage" dans la volonté de François Hollande "d'essayer de trouver une sorte de compromis, de consensus par rapport à cette guerre d'Algérie qui a bien du mal encore à passer dans l'histoire française".
Dans un texte transmis à l'AFP par le Centre de documentation historique sur l’Algérie (CDHA), un collectif d'historiens proteste contre le choix du 19 mars, qui "ne peut être considérée ni comme la date d’un cessez-le-feu, ni comme la fin de la guerre d’Algérie" puisqu'elle fut suivie d'"une période de massacres et de violences sans précédent".
Hervé Bourges : "Il est tout à fait normal que le 19 mars 1962 soit commémoré"
GUERRE D'ALGÉRIE - Hervé Bourges, ancien conseiller du président algérien Ben Balla, a fustigé vendredi sur Europe 1 la récupération politique autour des commémorations du 19 mars 1962.
L'annonce de cette cérémonie ne passe pas. Samedi, François Hollande sera le premier président à commémorer les victimes de la guerre d'Algérie un 19 mars, en faisant un discours au Quai Branly. Une date qui ne doit rien au hasard : il y a 54 ans, le 19 mars 1962, le cessez-le-feu promis par les accords d'Evian entrait en vigueur. Et signait le début d'un processus de paix, à défaut de l'arrêt immédiat de la guerre.
Polémique. Le fait que de nombreuses violences aient continué après cette date, avec notamment les exactions commises contre les harkis, des attentats et le retour souvent difficile des Pieds-Noirs en France, a conduit de nombreuses voix à s'élever contre la décision de François Hollande de commémorer la guerre d'Algérie à ce moment-là. Parmi elles, certaines associations d'anciens combattants et de harkis, mais aussi ces Français rapatriés ou leurs descendants. "Que cela puisse choquer des consciences, je veux bien le croire", a déclaré Hervé Bourges, vendredi sur Europe 1. Mais pour celui qui a été militaire en 1958 puis conseiller du premier président algérien après l'indépendance, Ben Balla, "il est tout à fait normal que ce soit ce jour-là qui soit commémoré".
Récupération politique. En effet, Hervé Bourges a souligné que le 19 mars 1962 signait le début d'un processus de paix après des années de guerre. "Même si, je le reconnais bien volontiers, il y a eu le lendemain de l'indépendance, comme dans toutes les guerres révolutionnaires, des choses inadmissibles." Dès lors, celui qui a également été président du Conseil supérieur de l'audiovisuel entre 1995 et 2001 juge "scandaleux" que certains "utilisent [cette polémique] à des fins politiques". Un tacle à peine voilé à Nicolas Sarkozy, qui a signé vendredi dans Le Figaroune tribune fustigeant le choix de François Hollande de tenir des commémorations le 19 mars.
Une date importante. Pour Hervé Bourges, "il est important que cette date soit marquée". Et si l'actuel chef de l'Etat est le premier président à le faire, Jacques Chirac ayant préféré, par exemple, tenir des cérémonies le 5 décembre, sans lien aucun avec les événements de l'époque, c'est que les prédécesseurs du socialiste "ont eu peur des lobbys". |