Au moment où, contrairement à tous ses prédécesseurs et singulièrement François Mitterrand, le président Hollande a prévu de célébrer le 19 mars, s’impose un rappel des faits historiques.
Le 18 mars 1962, les négociateurs d’Evian signaient un accord de cessez-le-feu entre l’armée française et le FLN qui dirigeait la rébellion indépendantiste. Le texte était accompagné de « déclarations gouvernementales » censées garantir la sécurité des Européens présents en Algérie, comme de ceux, de toutes origines, qui s’étaient opposés au FLN. Les harkis, supplétifs de l’armée française n’étaient pas mentionnés. La promesse, toute verbale, du FLN qu’il n’y aurait pas de représailles contre eux, fut jugée suffisante par le négociateur français Louis Joxe
Le texte d’Evian fut publié le 19 mars 1962. Depuis, certaines organisations considèrent cette date comme celle de la fin de la Guerre d’Algérie. Or, loin que le conflit s’apaisât à partir du 19 mars, il ouvrit une période de massacres et de violences sans précédent, dont la fusillade du 26 mars rue d'Isly ne fut pas le moindre épisode. Il en fut ainsi non seulement jusqu’au 3 juillet, où Paris reconnut l’indépendance de l’Algérie, mais ensuite également, jusqu’à l’automne de 1962 et au-delà.
La période suivant l’indépendance fut marquée d’un surcroît d’enlèvements et de massacres. Les victimes musulmanes du FLN furent plus nombreuses durant ces six mois qu’elles ne l’avaient été durant les huit années précédentes. Le nombre des Pieds-Noirs enlevés quintupla, contraignant l’immense majorité d’entre eux à un exil définitif. Ajoutons que durant ce semestre, nombre de militaires français furent tués ou enlevés ; ainsi, 386 perdirent la vie et plusieurs centaines d’autres furent-ils portés disparus à ce jour .
Dès le 17 avril 1962, l’encre d’Evian étant à peine sèche, le FLN inaugura le terrorisme silencieux, les enlèvements massifs d’Européens à Alger, à Oran, dans la campagne oranaise et en Mitidja. Ces rapts prenaient pour prétexte : la lutte contre l’Organisation Armée Secrète (OAS). Ils frappaient en réalité tous les Européens. Jugeons-en: en mai 1962 ,272 Européens furent enlevés en Alger contre 44 en avril. A la fin du mois de juin, on évaluait à plus de 1000 les victimes européennes de rapts dans la seule région algéroise.
Deux jours après, le 5 juillet à Oran, date de l’indépendance, une manifestation venue des quartiers musulmans submergea le centre-ville européen. Plus 700 Pieds-Noirs et une bonne centaine de Musulmans pro-français furent massacrés. Ceci accentua l’exode et le rendit irréversible.
Mais il faut rappeler que les victimes les plus nombreuses se situèrent parmi la population des français-musulmans. Dès après le 19 mars, des harkis furent attaqués et exécutés notamment à Saint-Denis-du-Sig, en petite et grande Kabylie, à Saïda où les membres du commando Georges furent enlevés et tués alors que plusieurs d’entre eux étaient officiers français.
Après le 3 juillet, les représailles contre les Musulmans ayant combattu le FLN s’intensifièrent. Des dizaines de milliers furent assassinés, emprisonnés ou persécutés de diverses manières, malgré l’action exemplaire et courageuse de quelques officiers français ayant tenté d’exfiltrer cette population en danger de mort... Ces faits largement établis historiquement n’en sont pas moins dissimulés voire niés aujourd’hui. Ceux qui ont vécu les événements de ce vilain temps en sont marqués à jamais.
Aussi, cette date du 19 mars ne peut-elle être considérée ni comme la date d’un cessez-le-feu, ni comme la fin de la guerre d’Algérie. On ne peut pas plus la retenir comme le début d’une ère heureuse pour la population de ce pays, car après les 132 ans d’administration française, intervint alors une période d’anarchie qui engendra le régime du parti unique, la dictature militaire et la guerre civile des années 1990.
Pour beaucoup de Français, cette date est celle de la douleur et du recueillement. Pour les signataires du présent texte, il convient de la respecter comme telle.
Ont signé les historiens Maurice FAIVRE, Guy PERVILLE, Alain LARDILLIER, Gérard CRESPO,
Jean MONNERET, Roger VETILLARD, Jean-Pierre PISTER, Rémy VALAT, Philippe CONRAD, Georges JEHEL,
Gérard HILAIRE, Jean-Paul ANGELELLI, Bernard LUGAN, Pascal DIENER, Robert DAVEZAC, Danielle PISTER-LOPEZ
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