Alain Néri rapporteur loi nauséabonde 19 mars
 

Loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

 

Dans sa décision n° 2012-657 DC du 29 novembre 2012, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc et l'a déclarée conforme à la Constitution. Il avait été saisi de cette loi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.

 
       
 
 

D'une part, le Conseil a relevé que la loi avait été examinée successivement dans les deux assemblées et adoptée dans les mêmes termes selon une procédure conforme à la Constitution : examen de la proposition de loi adoptée par la commission saisie en application de l'article 43 de la Constitution et adoption par l'Assemblée nationale le 22 janvier 2002 ; adoption de la proposition de loi sans modification par le Sénat le 8 novembre 2012.
D'autre part, l'article 1er de la loi qui institue une journée nationale du souvenir et de recueillement et son article 2 qui fixe cette journée au 19 mars ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle.

 
 
       
 

Décision n° 2012-657 DC du 29 novembre 2012


Loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, le 9 novembre 2012 par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Philippe BAS, René BEAUMONT, Michel BÉCOT, Pierre BORDIER, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Marcel-Pierre CLÉACH, Christian COINTAT, Raymond COUDERC, Jean-Patrick COURTOIS, Mme Isabelle DEBRÉ, M. Francis DELATTRE, Mmes Catherine DEROCHE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, MM. André DULAIT, Ambroise DUPONT, André FERRAND, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean François HUMBERT, Jean-Jacques HYEST, Mmes Christiane KAMMERMANN, Fabienne KELLER, Élisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Jean-René LECERF, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Louis PINTON, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Henri de RAINCOURT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY et René VESTRI, sénateurs ;

Et le 13 novembre 2012, par MM. Christian JACOB, Bernard ACCOYER, Benoist APPARU, Patrick BALKANY, Xavier BERTRAND, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Guillaume CHEVROLLIER, Éric CIOTTI, Édouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Gérald DARMANIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Bernard DEFLESSELLES, Jean-Pierre DOOR, David DOUILLET, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Yves FROMION, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Georges GINESTA, Jean-Pierre GIRAN, Philippe GOSSELIN, Mmes Claude GREFF, Arlette GROSSKOST, Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Jacques LAMBLIN, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Mme Geneviève LEVY, MM. Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Laurent MARCANGELI, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARSAUD, Alain MARTY, François de MAZIÈRES, Philippe MEUNIER, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Patrick OLLIER, Bernard PERRUT, Edouard PHILIPPE, Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Fernand SIRÉ, Lionel TARDY, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Éric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN et le 16 novembre par M. Nicolas DHUICQ, députés.


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 22 novembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les sénateurs et députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ; qu'ils mettent en cause les conditions d'examen de la proposition de loi au Parlement, qui ne respecteraient pas les articles 3, 24, 25, 27, 39 et 45 de la Constitution non plus que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que les députés requérants contestent également l'absence de portée normative de la loi déférée et la méconnaissance de son domaine de compétence par le législateur ainsi que de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
2. Considérant, d'une part, que la proposition de loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, examinée par l'Assemblée nationale dans le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 de la Constitution, a été adoptée sans modification le 22 janvier 2002 ; que le Sénat a adopté cette proposition de loi sans modification le 8 novembre 2012 ; que, par suite, la loi qui est déférée au Conseil constitutionnel a été examinée successivement dans les deux assemblées du Parlement et adoptée dans les mêmes termes conformément à l'article 45 de la Constitution ; que sa procédure d'adoption n'est en outre contraire à aucune autre disposition de la Constitution ;

3. Considérant, d'autre part, que l'article 1er de la loi déférée institue « une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc » ; que, selon son second article, cette journée « ni fériée ni chômée, est fixée au 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu en Algérie » ; que ces dispositions, qui ne sont pas entachées d'inintelligibilité, ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle,

D É C I D E :
Article 1er.- La loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 novembre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ
 
         
 

Sa décision ne va cependant pas manquer de faire polémique


Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution, jeudi 29 novembre, la proposition de loi reconnaissant le 19 mars comme journée nationale du souvenir à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Le 8 novembre, le Sénat adoptait une proposition de loi demandant la reconnaissance du 19 mars comme "Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc". Le texte, défendu par Alain Néri, sénateur (PS) du Puy-de-Dôme, reprenait à l'identique celui d'une proposition de loi défendue par le même Alain Néri, alors député, et adopté par l'Assemblée nationale le 22 janvier 2002, sous la XIe législature. Le Sénat l'ayant approuvé sans amendement, il a été ainsi considéré comme définitivement adopté. Les députés et les sénateurs UMP ont toutefois saisi le Conseil constitutionnel.

Quels étaient les griefs invoqués pour demander la censure de ce texte ? Tout d'abord, le fait que dix ans se soient écoulés entre son adoption en première lecture à l'Assemblée nationale et son adoption définitive au Sénat. Un délai "manifestement excessif", estiment les requérants, "en raison des changements qui ont affecté la composition des deux assemblées et le système constitutionnel français dans son ensemble". Certes, l'article 45 de la Constitution autorise sans aucune limite temporelle la poursuite d'une "navette" parlementaire entre les deux chambres, même en cas de changement de la composition – et de majorité – de l'une ou de l'autre. Cependant, observent-ils, entre les deux lectures, trois élections présidentielles et trois élections législatives ont eu lieu. "Il ne peut être sérieusement soutenu que la volonté de l'Assemblée de 2002 serait intemporelle et que le vote de 2002 lie l'Assemblée dans sa composition actuelle", moins de 10 % des députés ayant participé au vote de 2002 étant toujours députés aujourd'hui. Selon les députés UMP, il s'agit là d'"un détournement de procédure".

Ils invoquent également la jurisprudence du Conseil constitutionnel en ce qui concerne les lois dites "mémorielles", "démontrant que ne relèvent pas du domaine de la loi des dispositions dénuées de tout caractère impératif et de toute portée normative".


ARGUMENTS JURIDIQUES, DÉBAT POLITIQUE


Ils constatent enfin que ce texte "ne fait que se surajouter aux dispositions antérieures aboutissant à une telle commémoration". Une date d'hommage aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord a été fixée au 5 décembre par le décret du 26 décembre 2003, et rappelée dans la loi 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés. "Cette loi, examinée postérieurement à l'adoption en première lecture par l'Assemblée nationale le 22 janvier 2002 de la proposition de loi qui vous est déférée, a été votée successivement par les deux assemblées du Parlement, celles-ci reconnaissant la date du 5 décembre. Il ne peut revenir au Sénat, seul, de se substituer de commémoration", contestent les requérants. La loi du 28 février 2012 a également fixé, depuis, le 11 novembre comme une commémoration nationale pour tous les morts. "Le texte déféré aboutirait à deux dates spécifiques de commémorations distinctes pour le même événement : 19 mars et 5 décembre, auxquelles se surajoute une commémoration de portée générale, le 11 novembre", concluent-ils.

Autant d'arguments juridiques qui dissimulaient, en fait, un débat politique, posé de longue date, sur la commémoration de la guerre d'Algérie. Pour la principale association de vétérans, la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, au Maroc et en Tunisie (Fnaca), le 19 mars 1962, jour de l'entrée en vigueur du cessez-le-feu au lendemain des accords d'Evian, marque le début du processus de "paix". Une grande partie des "anciens d'Algérie", cependant, s'y refusent, jugeant à la fois que cette date est le symbole d'une "trahison" et que les "massacres" perpétrés par les combattants du FLN ont continué bien après cette date.

Le 5 décembre, proposé par décret en 2003, ne correspond à rien sinon à une tentative de surmonter la "guerre des mémoires".

C'est cependant en droit, et en droit seul, que le Conseil constitutionnel est appelé à se prononcer. C'est en droit qu'il a jugé cette loi conforme à la Constitution.

Sa décision ne va cependant pas manquer de faire polémique