François Hollande a reconnu la responsabilité de la France dans le massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Mais il n’a fait que la moitié du chemin, il reste la fusillade de la rue d’Isly du 26 mars 1962 à Alger, sans oublier le 5 juillet à Oran , et les milliers de disparus après le pseudo cessez le feu du 19 mars 1962, et sans oublier les Harkis.
 

Thierry Rolando
Président du Cercle algérianiste, association culturelle et mémorielle de Français d’Algérie.


BV. Qu’avez-vous pensé des déclarations de François Hollande sur la « sanglante répression » du 17 octobre 1961 et son hommage à la mémoire des victimes ?

TR. Nous prenons acte que François Hollande a reconnu la responsabilité de la France dans le massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Mais il n’a fait que la moitié du chemin.

 

Il semble oublier que la guerre d’Algérie n’est pas en noir et blanc, qu’elle ne procède pas d’une vision hémiplégique et qu’il existe d’autres drames, survenus à peine quelques mois plus tard, qui sont aussi le fait du Gouvernement de l’époque dont il vient de reconnaître la responsabilité. Je pense notamment à la fusillade de la rue d’Isly du 26 mars 1962 à Alger, sans oublier le 5 juillet à Oran ou des centaines de Pieds-noirs ont été enlevés sans que l’armée française ne réagisse.

On ne peut pas reconnaître les souffrances et les drames à l’égard des victimes algériennes sans reconnaître ceux de ses propres nationaux, sauf évidemment si on a une vision dogmatique de l’histoire et si on est là pour faire plaisir à la partie algérienne. Nous demandons donc à François Hollande de se prononcer très clairement et de reconnaître la totalité des drames de cette période.

La semaine prochaine, on assistera au Sénat à un débat sur la date officielle de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. Pourquoi cette question n’est-elle toujours pas tranchée ?

Parce que la guerre d’Algérie donne lieu à un affrontement et à un choc des mémoires. Nous partons du principe qu’on ne peut commémorer dignement un événement ou le souvenir des victimes civiles ou militaires de la guerre d’Algérie qu’à une date qui unisse la nation et non qui la divise ou la fracture, ce qui est le cas du 19 mars.

Une seule association, la Fnaca (Fédération nationale des anciens combattants d’Algérie, Maroc, Tunisie), veut passer en force et considère que le 19 mars doit s’imposer à tout le monde. Tous les autres (Harkis comme Pieds-noirs) s’y opposent et disent même que ce serait une insulte aux victimes que de commémorer la fin de la guerre à cette date-là.

Il faut rappeler que 80 % des victimes françaises et des harkis ont été assassinés après cette date. Considérer que la guerre d’Algérie était terminée avec les accords d’Alger serait faire injure à leurs familles. Même chose pour les anciens combattants qui ont été tués après le 19 mars 1962… Il est impensable de commémorer un chiffon de papier ! Oui, le cessez-le-feu a existé, mais en théorie seulement, et on sait bien qu’il n’a pas été suivi d’effet.

Tout le monde s’accorde pourtant à dire que la date de commémoration actuelle, le 5 décembre, ne signifie rien…

Si le 5 décembre n’a qu’un mérite, c’est celui d’être neutre. A défaut d’accord sur une date historique, il vaut mieux en retenir une qui n’a pas de signification plutôt que de faire injure à des dizaines de milliers de familles de victimes, ce qui est le cas du 19 mars. On parle aussi du 11 novembre, un peu vidé de sa substance depuis la disparition des anciens de 1914. Le 11 novembre pourrait être fédérateur…

Qu’est-ce qui pousse François Hollande à toutes ces discussions sur l’Algérie ?

Les relations entre l’Algérie et la France ont toujours été compliquées pour n’importe quel gouvernement. D’abord parce que les protagonistes de la guerre d’Algérie sont encore au pouvoir là-bas, à commencer par l’actuel Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, qui était un leader du FLN, même s’il était marginal à l’époque ; ou bien, il n’y a pas si longtemps encore, la vice-présidente du sénat algérien, Zohra Drif, l’une des poseuses de bombes les plus connues de la casbah d’Alger.

François Hollande poursuit un double objectif : d’abord un objectif politicien interne puisque  et c’est Terra Nova, ce think tank proche du PS, qui l’a dit — ses déclarations étaient aussi destinées à son électorat franco-algérien. On sait que 97 % des musulmans ont voté Hollande à la dernière présidentielle…
Il s’adresse à eux, notamment dans la perspective des prochaines municipales, car n’oublions pas que c’est un électorat de plus en plus présent dans un certain nombre de communes. Qui plus est, le droit de vote proposé aux étrangers est en ligne de mire…

Son second objectif est de ne pas se « ramasser » en Algérie : du coup, il donne des gages. Comme toujours avec l’Algérie, ce sont des gages à sens unique. Il ne demande pas à l’Algérie de reconnaître ses torts ni au FLN de reconnaître les exécutions et les disparitions de milliers de Pieds-noirs. Il ne demande pas non plus la libre circulation des Harkis. Il prépare ainsi le terrain de son prochain voyage en Algérie. Comme disait son conseiller Benjamin Stora, ce sont des signes « d’apaisement mémoriel ». En fait d’apaisement mémoriel, ce sont des signes de repentance qui ne veut pas dire son nom.

Tout aussi désolant, en reconnaissant la responsabilité de la France sans demander aucune réciprocité, il autorise à ce que l’on enseigne l’histoire de la guerre d’Algérie de manière tronquée, avec l’idée que les coupables ne sont que d’un seul côté… Il ouvre également la porte aux demandes de réparations et d’indemnisations… Pensant rendre son honneur à notre pays, François Hollande a mis le doigt dans l’engrenage de la repentance, hydre pernicieux qui ne fait que diviser la France.
Thierry Rolando, le 19 octobre 2012

Source : http://www.bvoltaire.fr/thierryrolando/algerie-hollande-donne-des-gages-a-sens-unique,2069

Entretien réalisé par Emmanuelle Duverger