Pour les Fnakistes les Rapatriés d'Algérie sont de dangereux nostalgériques, racistes , qui refusaient de donner à boire aux soldats du contingent, mais un article trouvé dans la presse régionale qui permet de confirmer le dévouement des familles d'Algérie pour les soldats métropolitains qui faisaient leur service durant la guerre d'Algérie et essayer d'adoucir leur vie.
             
 

j'ai plaisir à vous faire partager une histoire de ma vie. Noël 1957, Algérie. Bernard et moi sommes invités dans une famille de « pieds noirs » pour le réveillon, tous les ans ils font partager leur repas de fête à deux soldats loin de chez eux. Air de France, hameau près d'Alger : à 20 h nous frappons à leur porte. Il y a là, autour du sapin illuminé, une vingtaine de personnes, du dernier bébé à la très vieille grand-mère. L'ambiance est chaleureuse, le repas excellent. Après la bûche, la salle à manger est débarrassée de la table et des chaises : le tourne-disque à l'œuvre, on se met joyeusement à danser. Bernard, tout comme moi, a repéré « sa » cavalière. La « mienne » se prénomme Marceline.

 
- Mairie de la Bouzareah près de Air de France
         

Je n'ai pas 19 ans, elle, à peine 16. Nous nous entendons très bien, enchaînons les danses jusqu'à ce slow des Platters « Only you ». Nous nous serrons un peu l'un contre l'autre comme le font tous les adolescents en quête de tendresse. Soudain, Marceline se fait toute molle : je n'ai pas le temps de la retenir qu'elle s'écroule à terre, sans un cri, inconsciente. J'aide son père à la transporter dans une pièce dotée d'un divan et d'un fauteuil. Il l'allonge doucement, la couvre et, se tournant vers moi me dit : « Elle fait une crise d'épilepsie, elle va dormir et ne se souviendra de rien ».

 
Air de France près d'Alger
 

Je m'installe sur le fauteuil, un peu bouleversé par cette jeune fille qui aura vécu une triste nuit de Noël. Au matin elle s'éveille, me voit à côté d'elle : « Mon dieu Michel, que fais-tu là ? ».
Durant mes deux mois de stage ses parents m'inviteront tous les dimanches. Marceline et moi vivrons une gentille amourette. Des dimanches lumineux, car on ne savait pas que ces choses n'arrivent qu'une fois puis disparaissent dans le passé en vous laissant marqué à jamais. Mais les beaux jours étaient courts, je dus rejoindre mon régiment et ne revins plus dans l'Algérois ni dans ce petit village au nom d'Air de France. Marceline vécut son destin, moi le mien. Quand Eliane devint ma femme, je lui racontais l'histoire de Marceline. Où l'exode des « Pieds Noirs » l'avait-elle menée ? Et ses parents ? De temps à autre ce petit épisode de ma vie apparaissait dans des conversations sans la moindre ambiguïté, surtout quand une radio passait « Only you ».
Avril 2010, 53 ans plus tard. Sans rien me dire, Eliane, qui maîtrise internet, a cliqué, au hasard sur Air de France. Bingo ! Elle trouve une association des anciens du village. Sur une photo de groupe, je reconnais Marceline ! On obtient son téléphone, elle habite à Langon, près de Bordeaux. Je l'appelle. Vous imaginez la surprise. Elle n'en croit pas ses oreilles, pense qu'elle a affaire à un affabulateur. Mais, aux détails que je lui donne, elle comprend et se souvient de moi. Nous sommes allés la voir. Elle est venue nous voir. Il y a eu beaucoup d'émotion et maintenant elle a retrouvé un de ses amours de jeunesse... et gagné deux amis ! Ainsi va la vie.
Michel Brunel
Source : http://www.midilibre.com/articles/2011/02/22/VILLAGES-VAGABONDE-1545401.php5