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À Valence, les Rapatriés d'Algérie s'opposent à la célébration du 19 Mars 1962
 
 
 
Une douleur. C'est une douleur sourde et tenace qui a défilé, hier, dans les rues de Valence (Drôme). Un millier de Pieds-Noirs de la Drôme, mais aussi des Bouches-du-Rhone, du Vaucluse ou de Languedoc-Roussillon manifestaient leur colère, leur amertume et leur chagrin alors que le maire PS, Alain Maurice (1) s'apprête à baptiser un espace de sa ville "Square du 19 Mars".
"C'est la date anniversaire des
   
 

Accords d'Évian, en 1962, mais ce n'est pas la fin de la guerre d'Algérie. Après cette date, entre 80 000 et 120 000 harkis et Pieds-Noirs ont trouvé la mort. Ce n'est pas "une victoire", explique Maurice, Pied-Noir marseillais. Devant le célèbre kiosque des Amoureux de Peynet, qui ouvre à Valence la perspective sur les Monts d'Ardèche, des hommes et des femmes sont venus tenter d'expliquer. " Nous parlons sans hargne, sans esprit de revanche, poursuit Maurice, sinon nous ne serons pas entendu. Or nous voulons convaincre." Certains portent les photos, en noir et blanc, de Pieds-Noirs disparus, ou assassinés après les accords d'Évian, avec la date à laquelle leurs proches les ont vus pour la dernière fois. D'autres ont des photos de Harkis mutilés. Boualem Ali, président des Harkis du Pays d'Arles affirme : " Henri Guaino (conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires méditerranéennes) m'a téléphoné pour me demander de ne pas faire de vagues. Mais ce n'est pas possible. Il ne peut pas y avoir un développement euroméditerra-néen sur cette base là. "
La querelle est ancienne. En fait, depuis 47 ans, les anciens combattants de la Fnaca, proche du Parti communiste, tiennent à célébrer cette date, alors que les Pieds-Noirs y voient, chaque année, une nouvelle humiliation. On croyait le débat tranché, il y a 6 ans, lorsque fut instauré le 5 Décembre comme date officielle de la fin de la guerre d'Algérie.
"Nous avons accepté cette date même si elle ne correspond a aucun fait historique" , explique Thierry Rolando, président national du cercle algérianiste. "Seul le 19 Mars est inacceptable pour nous. Or depuis l'instauration du 5-Décembre, outre cette décision du maire de Valence, les secrétaires d'État aux Anciens combattants qui se sont succédé ont encouragé les préfets à assister aux commémorations non officielles du 19 Mars", ajoute-t-il. On peut se demander pourquoi insister, 47 ans après, sur ce qui divise et qui blesse, une partie des Français et des musulmans qui avaient choisi la France ? "Nous, nous avons fait un vrai travail de mémoire, un vrai travail d'historien, explique Gérard Rosenzweig. (2) Que l'Algérie commémore le 19 Mars, pourquoi pas? Ce pays a édité des timbres en l'honneur de cette date et c'est son droit. Nous, nous reconnaissons que l'Algérie française n'avait pas d'avenir, nous reconnaissons que la colonisation a commis des crimes si nous avons la faiblesse de penser qu'elle a eu aussi des effets positifs. Mais ni l'Algérie, ni une certaine gauche française n'ont réellement fait ce travail d'historien."

(1) Contactée, la municipalité de Valence n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien.
(2) Cérard Rosenweig dément formellement les propos mensongers qui lui ont été attribués par le journal la Provence.

In La Provence 15 mars 2009
Par Thierry Noir
Envoyé spécial à Valence tnoir@laprovence-presse.fr


MÉMOIRE


Le 19 Mars fait toujours polémique

Le 19 mars 1962, à midi était proclamé un cessez-le-feu dans toute l'Algérie, alors française, en fonction des Accords d'Évian signés la veille. Pour les Pieds-Noirs, cette date ne peut pas marquer la fin de la guerre d'Algérie : " Ce cessez-le-feu n'a jamais été respecté. Selon les estimations, on dénombre entre 80 000 et 120000 Pieds-Noirs et harkis tués par la suite", disent d'une même voix les principales associations de rapatriés. Ils ressentent donc " avec douleur" la célébration de cette date.
D'ailleurs, ils étaient un millier du sud-est de la France à exprimer cette souffrance, samedi, à Valence (Drôme), la municipalité ayant décidé de baptiser un espace de la ville " Square du 19 Mars ". Cet article, dans notre édition de dimanche, a suscité un très grand nombre de réactions.
La Fnaca, par exemple, insiste sur le fait qu'elle " ne célèbre pas " cet anniversaire, mais qu'elle le " commémore ". De fait, les anciens combattants n'ont pas le même vécu que les Pieds-Noirs : " Pour des centaines de milliers de jeunes (appelés du contingent) et leur famille, le fait que la guerre était officiellement finie mettait également fin à leurs angoisses et leurs souffrances", écrit ainsi Claude, de la Fnaca des Bouches-du-Rhône. Il tire argument du fait que le 11 Novembre 1918 n'a pas marqué la fin de la Première guerre mondiale - des combats se poursuivant dans les Balkans - et que le 8 Mai a été suivi deux mois après des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki.

Reste que le 8 Mai n'est pas commémoré au Japon.

Pour tenter de concilier ces points de vue, Jacques Chirac avait décidé de faire du 5 décembre une "Journée nationale d'hommages aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord". Les Pieds-Noirs ont accepté cette date. Mais la Fnaca estime que ce n'est qu'une date libre sur l'agenda présidentiel". 47 ans après, les points de vue restent inconciliables.
Thierry Noir


PRÉCISION


Une erreur de transmission, dimanche, nous a fait attribuer à Gérard Rosenzweig des propos tenus par un autre manifestant Il n'a pas, lui, parlé de "crimes" de la "colonisation". Si elle a eu des aspects regrettables, il pense que " la présence française en Algérie n'a pas eu que des effets négatifs ".

In La Provence 19 mars 2009
Par Thierry Noir
tnoir@laprovence-presse.fr