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Le samedi 14 mars 2009 , René Aniorté sera avec les manifestants pour dire non. Non à un square du 19 Mars 1962 à Valence, lui qui lit dans cette date le souvenir d'une fin annoncée. Celle de ses 22 premières années sous le ciel ensoleillé de l'Algérie, juste à côté d'Oran à Aïn El Turck la Plage. « Il n'y a pas eu que le 19 mars... Nous, c'est après la tragédie du 5 juillet 1962 que nous sommes partis. » Ce jour là, René se souvient d'un voisin et du père d'un copain définitivement disparus. D'une famille aussi...

Ils débarquent avec une 403
surchargée à Marseille

   
 

Alors sans plus attendre, lui et ses deux soeurs de 16 et 20 ans, accompagnés d'une infirmière qui avait tout perdu, s'embarquent sur un cargo au milieu des voitures. Trois jours et trois nuits plus tard, ils débarquent avec une 403 surchargée sur les docks de Marseille. « On est parti avec le chien Riquet et une cage de douze canaris ! » Loin de l'image un peu romantique qui pourrait se dégager de ces souvenirs, le retraité des services techniques de la ville de Valence porte encore la trace de son exil. Pudique, il évoque la difficulté de se faire une place dans une France qui n'a que faire de ces nouveaux venus un peu encombrants. Toulon, Bordeaux, Nîmes, Arles... Avec ses parents qui les rejoindront en 1964, ils cherchent une place au soleil mais atterrissent finalement un peu plus au nord, au hasard de cousins déjà installés à Valence. Là, il parle encore de l'accueil des Arméniens. « On s'est tout de suite liés... Ce sont les seuls qui ne nous ont pas jugés. C'était la même lutte, la même histoire (...) » René épousera ainsi une jeune fille de cette autre communauté en souffrance, Marie-Madeleine. Avec elle, un beau jour de 1976, ils feront même le voyage jusqu'à Aïn El Turck la Plage.


Une histoire de mémoire


« Être Pied-noir aujourd'hui ? C'est être d'ailleurs », dit-il encore. Cette culture qu'il porte en son coeur, il la défend sur le papier. Poète, amoureux des mots, René accumule ses souvenirs pour les offrir plus tard à ses deux enfants. Une histoire de mémoire. Une histoire de morts à évacuer aussi, et de souvenirs pas toujours nostalgiques. Les larmes aux yeux, il évoque ainsi ses copains morts sur les mines. « Ça dépend pas de vous... Ce sont des pensées parfois qui reviennent. Aujourd'hui encore... On se réveille, on a un nom en tête, on pense à quelqu'un ». Des voix chères qui se sont tues... et qui couvrent de leur silence les petites musiques du passé.

René Aniorté a travaillé 30 ans aux services techniques de la Ville de Valence. Pour ceux qui ont déjà vu, à Noël, les escargots lumineux grimper le long des reverbères, c'est lui qui en est l'auteur. « L'escargot c'est le surnom qu'on donnait à l'Espagnol qui débarquait avec son baluchon en Algérie »... Un clin d'oeil voulu bien entendu !
PASSER LE RELAIS
Son père - décédé - lui a laissé 24 pages de souvenirs. Des pages sur lesquelles ses soeurs ont également ajouté leurs souvenirs et lui les siens. Le but : passer l'ensemble de ces 88 pages contant la vie des siens, à ses deux enfants (sa fille qui vit à Romans et son fils à Chicago).

Paru dans l'édition 26C du 14/03/2009 (30600)