POUR les neuf premiers mois de 1985, il apparaît une perte d'exploitation qui se chiffre à 2 238 134 F. Il est bien certain que la responsabilité de l'ancien directeur de la caisse est en cause. Le conseil a eu raison de demander à Raymond Froumentin de cesser ses activités.
Un travail de recherches dans la comptabilité a permis de constater un premier détournement de fonds effectué par le comptable, Klenner, à son profit. Entre le 5 janvier 1984 et le 28 mai 1985, il a ainsi pu détourner 1 450 000 F en chèques et 180 000 F en espèces. « En tant que président, j'ai été amené à signer des chèques à l'avance. Il est bien entendu que la plus grande discrétion doit être observée par chaque membre du Comité national. Ces renseignements ne doivent pas sortir du cadre de la Fnaca. »
Ces propos confidentiels révélant le piètre état de santé de la caisse nationale mutualiste de la Fnaca, tenus par le président Jacques de Jaeger au comité national des 20 et 21 septembre 1986, il aura donc fallu plus d'un trimestre pour les connaître.
Depuis plusieurs années, la caisse mutualiste de la Fnaca, cette association d'anciens d'Algérie largement contrôlée par le PC, est en quasi-faillite à la suite de la gabegie qui y régnait. Et les adhérents ne sont même pas tenus au courant.
La Fnaca, dirigée comme un syndicat, a choisi pour insigne de ralliement les deux mains entrecroisées identiques à celles de la CGT. Elle regroupe difficilement 10 % des 3 millions de combattants en Afrique du Nord entre 1954 et 1962. On connaît son engagement politique très prononcé, notamment pour imposer la scandaleuse date du 19 mars 1962 comme commémoration officielle au même titre que le 11 novembre.
En 1970, les responsables ont créé une caisse de mutuelle avec trois secteurs : retraite, médico-chirurgical, garantie obsèques. Guy Ramis en devient le directeur, coiffé en 1976 par Raymond Froumentin puis Jacques de Jaeger en 1979. qui en assumait la présidence jusqu'à ces derniers mois.
Déficit
Depuis quelques années, la •situation n a cessé de se dégrader à la mutuelle comme en témoignent les multiples changements de postes et d'équipe dirigeante. En septembre 1983. Exit Guy Ramy au profit d'une nouvelle équipe censée mettre de l'ordre dans les comptes. C'est qu'en 1982 un expert comptable consulté a mis en évidence un déficit de 24 millions et des poussières. Déficit qui n'a cessé de s'aggraver depuis.
Le conseil d'administration du 23 juin dernier, dont le procès-verbal s'apparente plus à celui de la police qu'à celui d'une assemblée d'anciens combattants. A cette date, il n'y a toujours aucun bilan « après la découverte de comptes bancaires ignorés de l'expert comptable ». De même, « des réserves sont émises sur le sérieux du service comptabilité (...). Des comptes en banque étaient occultés, des rapprochements bancaires non effectués (...). Le service a découvert certaines lacunes graves, notamment la signature de chèques en blanc. » Et cela continue ainsi sur plusieurs pages.
Bien entendu, il ne faut pas que les adhérents soient au courant. Et au contraire, il faut augmenter les cotisations pour boucher le trou. En quelques mois, outre le renouvellement complet de l'équipe comptable et de plusieurs personnalités de premier plan à la Fnaca, on procède sans en donner les raisons au relèvement de la cotisation médico-chirurgicale de 20 % et de 40 % pour les adhérents de plus de soixante ans, augmentation du droit d'inscription, prestations modifiées dans un sens restrictif, suppression du forfait pour l'optique, suppression des prêts d'honneur, relèvement des cotisations pour la garantie obsèques, etc. Inutile de dire que dans les colonnes de L'Ancien d'Algérie, on ne manquera pas d'accuser le gouvernement et la dureté des temps.
Depuis lors, la situation ne s'est nullement améliorée, une bonne partie du déficit étant en réalité chronique : l'imprimerie de la Fnaca compte par exemple 56 personnes. La Fnaca envisage de louer une partie de ses locaux, avenue de Gâtines, et de mettre en gérance ses maisons familiales.
Tout l'objectif est donc de cacher l'existence de cette double comptabilité, ces chèques en blanc, ces détournements de fonds, le déficit allant se creusant. C'est ce qu'avoue crûment l'un des membres du conseil de la Caisse, Pelletier : « Je crains que la situation de la mutuelle soit divulguée à l'extérieur de la Fédération, notamment par les médias. Et que le ministre des Affaires sociales ne nous envoie un contrôleur de gestion. » Dont acte. Tout ce joli monde pourrait bien se retrouver inculpé pour abus de biens sociaux et dissimulation de situation avec détournement de fonds. E.R |