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– Revue de presse N° 80

– 20 mars 2025 – { 2003–2025 } – 22ème année }

 

https://www.elkhabar.com/press/article/258428/retailleau–beaucoup–de–bruit–pour–rien/

21 mars 2025

L'une des dernières sorties du ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui témoigne de la pression extrême dans laquelle cet homme se trouve en raison de ses tentatives désespérées de se faire un nom et de construire sa gloire politique sur le dos de l'Algérie, est sa déclaration selon laquelle la seule préoccupation du président algérien Abdelmadjid Tebboune est de démissionner et de disparaître de la scène politique française !

Le ministre tente de se convaincre ainsi que ses concitoyens qu'il est devenu un personnage important sur la scène française, bien qu'il sache pertinemment que sans son alliance avec l'empire médiatique de Vincent Bolloré, il n'aurait pas eu la même visibilité ni voix, restant un inconnu sous l'ombre de son employeur, le député Éric Ciotti.

Retailleau semble passer son temps libre, lorsqu'il n'est pas à la télévision, à lire ce que pense les autres de lui, s'imaginant être une figure incontournable, poussant le président Tebboune à consacrer son temps à lui et espérant sa démission du gouvernement.

De telles déclarations indiquent clairement le niveau de déclin atteint par certains hommes politiques français... Lorsqu'une personne, sans aucune empreinte dans la politique française et totalement inconnue des Français, pense qu'elle peut devenir présidente de la France, en passant son temps à suivre des sondages biaisés et manipulés par le groupe Bolloré et l'extrême droite qui exploitent la misère des médias et des centres de sondages pour manipuler l'avenir d'un pays comme la France.

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La tentative de Retailleau de se convaincre qu'il est une figure importante, en exploitant la carte des relations avec l'Algérie et en attribuant les problèmes de son pays à ce pays, tout en faisant sa propre promotion dans une campagne anticipée pour la présidence du parti des Républicains comme porte d'entrée pour les élections après Macron en 2027 (ou peut–être avant), est une situation pitoyable.

L'observateur remarque qu'en l'espace de quelques mois, Retailleau a détruit la crédibilité de son président, a pris la place du ministère des Affaires étrangères, s'est opposé à son propre gouvernement, et a même eu l'audace de les menacer de démissionner. Cependant, cette menace ne reste qu'un coup de vent et une tentative ratée de se fabriquer l'image d'un candidat indépendant.

Il est bien connu que le courage politique signifie, entre autres, que Retailleau aurait dû passer à l'action et non se limiter à des paroles, sans avoir besoin de prendre le président algérien comme prétexte pour prouver une bravoure qu'il n'a pas.

Retailleau accuse l'Algérie de violer ses engagements internationaux après la publication de sa réponse à la nouvelle initiative française, consistant à présenter une liste de citoyens algériens soumis à des décisions d'expulsion du territoire français. Ce faisant, il démontre son ignorance des raisons sous–jacentes de la position algérienne et met en difficulté les institutions de son pays, déjà fragilisées par les luttes internes pour le pouvoir.

Premièrement, l'Algérie avait raison de refuser de répondre à la liste soumise par la France, car l'envoi de listes n'est stipulé dans aucun des accords liant les deux pays, ni dans la pratique commune convenue depuis plus de 30 ans.

Le non–respect par la France des procédures en vigueur dans la gestion des dossiers d'expulsion a été suivi par un recours arbitraire à des menaces, des ultimatums et à toutes sortes d'extorsions, ce qui constitue une violation flagrante des principes fondamentaux du droit international.

 

Deuxièmement, au milieu du débat sur les listes et les procédures d'expulsion, le principal enjeu concerne l'exercice de la protection consulaire des ressortissants algériens en France, une mission que le ministre de l'Intérieur français cherche par tous les moyens à empêcher, bien que le droit international et les accords bilatéraux consacrent cette tâche.

Troisièmement, le ministre de l'Intérieur français s'est vanté à plusieurs reprises de la mise en œuvre de mesures restrictives d'entrée sur le territoire français contre les ressortissants algériens détenteurs de passeports diplomatiques. Cependant, de telles mesures nécessitent avant tout un préavis prévu par l'accord algéro–français de 2013. Dans ce cas, la violation de l'engagement bilatéral a été compliquée par le caractère ostentatoire que le ministre de l'Intérieur français cherche à imprimer à cette question.

Ces éléments et d'autres confirment sans aucun doute la confusion et l'indécision au sein de l'extrême droite infiltrée dans les rouages de l'administration française, du système judiciaire, et du parlement. Il est désormais impératif de mettre fin aux scènes risibles de l'extrême droite qui ne réussiront pas à décourager la détermination de l'Algérie à défendre ses intérêts et à ne jamais renoncer au principe de l'égalité, peu importe les enjeux.

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https://esprit.presse.fr/infolettre/algerie–la–double–instrumentalisation–17

Algérie, la double instrumentalisation vendredi 21 mars 2025

par Revue Esprit

21 mars 2025

Depuis la reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, le 30 juillet 2024, les tensions diplomatiques avec l’Algérie se multiplient, notamment au sujet de ressortissants algériens sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français. Après un nouveau refus des autorités algériennes de les réadmettre, le ministre de l’Intérieur a déclaré, mercredi 19 mars : « Nous ne voulons pas la guerre avec l’Algérie. C’est l’Algérie qui nous agresse. » En s’inscrivant dans le registre de la guerre, Bruno Retailleau verse du sel sur des plaies encore ouvertes.

Cette crise diplomatique, sans doute la plus grave depuis l’indépendance algérienne, ravive les spectres de mémoires certes encore irréconciliées, mais surtout instrumentalisées. La suspension du journaliste Jean–Michel Aphatie, après ses propos sur les massacres commis par l’armée française pendant la conquête de l’Algérie, est à cet égard révélatrice. Car ce qui frappe dans cette affaire, c’est moins le déni français de la brutalité de cette histoire que le décalage entre une réalité bien établie grâce à de nombreux travaux de recherche et jusque dans les programmes scolaires, et le discours de dirigeants qui persistent à en faire un objet de clivages partisans. S’il est certain que le régime algérien, enferré dans une dérive autoritaire de brutalisation de la société civile, exploite à l’envi la « rente mémorielle », cette rente existe aussi en France.

Après les années d’intense investissement mémoriel d’Emmanuel Macron, marqué par un souci d’équilibre – entre reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin, qualification de la colonisation de « crime contre l’humanité » et hommages aux harkis –, l’heure est à la réactivation de la confrontation sur notre histoire coloniale.

Elle est le fait d’une droite qui, depuis Nicolas Sarkozy, a non seulement fait du refus de la « repentance » le prérequis de tout discours sur le passé, mais projette sur cette mémoire ses obsessions pour la société française d’aujourd’hui : l’identité nationale, l’autorité ou l’immigration. Cette instrumentalisation est d’autant plus regrettable que les sociétés françaises et algériennes n’ont sans doute jamais été plus conscientes de l’histoire qu’elles ont en partage.

La rédaction

Esprit, sous–titrée « Revue internationale », est une revue d'idées française fondée en 1932 par Emmanuel Mounier.

Elle œuvre à la recherche d'une troisième voie entre l'individualisme libéral et le marxisme. Après la Seconde Guerre mondiale, elle se distingue par un soutien aux dissidents du bloc de l'Est et les critiques du totalitarisme qui s'y développent. Elle contribue à l'apparition de la deuxième gauche en France.

https://ajir–harkis.fr/le–decret–etendant–larret–de–la–cedh–publie/

Le décret étendant l’arrêt de la CEDH publié ce 20 mars 2025 !

Par AJIR – 21 mars 2025

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Le décret no 2025–256 du 20 mars 2025 modifiant le barème fixé à l’article 9 du décret no 2022–394 du 18 mars 2022 pour tenir compte de l’arrêt de la CEDH est publié au JO de ce jour 21 mars 2025 (lire ici)…

Il convient de rappeler que ce décret fait suite à la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Tamazount du 4 avril 2024. La réparation prévue par la CEDH ne concernait que les 4 personnes de BIAS qui avaient engagé le recours, et ne couvrait que la période de mai 1974 au 31 décembre 1975. Cependant la décision politique du Président de la République permet d’une part de l’étendre à toutes celles et tous ceux qui ont séjourné à BIAS et Saint Maurice l’Ardoise et d’autre part d’ouvrir le droit à réparation pour toute la période de mars 1962 à fin décembre 1975. C’est ce que nous avions demandé dans une lettre au Président (voir ici la lettre)

Rappelons également que AJIR s’était réjoui pour BIAS et Saint Maurice dans un article (à lire ici) et avait demandé aussi que le barème soit modifié pour toutes les structures retenues par la loi et ajoutées par la CNIH ainsi qu’à toutes les personnes qui ne sont pas passées par les structures définies.

Signalons également qu’une proposition de loi portée par Smail Khaldi et présentée par le groupe LFI (lire ici) demande l’extension de l’arrêt de la CEDH à toutes les structures reconnues par la CNIH.

AJIR poursuit son action pour que la loi prenne en compte tous les Harkis et leurs familles, passés ou non par des structures de toutes natures.

De plus, la loi du 23 février 2022 ne faisant aucune distinction entre les différentes structures, (camps, hameaux de forestage, cité sonacotra, etc, il serait équitable de modifier le barème établi par la loi de 2022 pour appliquer les recommandations de la CEDH à tous les Harkis.

https://www.tsa–algerie.com/voile–en–france–rima–hassan–exhume–une–affiche–de–propagande–coloniale–en–algerie/

Voile islamique en France : la députée Rima Hassan ressort une affiche de propagande coloniale en Algérie

Sonia Lyes

21 mars 2025

image5Source : Twitter Rima Hassan

Rima Hassan

L’histoire se répète–t–elle en France ? L’État français souhaite aujourd’hui interdire aux femmes sportives de se voiler, alors qu’hier, il imposait aux femmes en Algérie de se dévoiler.

Afin de mieux illustrer cette obsession pour le voile musulman, la députée européenne Rima Hassan a exhumé une affiche de propagande coloniale française en Algérie pour inciter les femmes à se découvrir.

De la colonisation à la législation, pourquoi la France fait une fixette sur la voile islamique ?

En France, le voile se retrouve sans cesse au cœur des polémiques : symbole religieux, marqueur identitaire, entrisme islamiste… Il divise l’opinion et les politiques.

Le Sénat français vient d’ailleurs d’adopter une loi interdisant le port du voile dans les compétitions sportives, une législation qui reste encore à débattre à l’Assemblée nationale. Mais pourquoi autant de tumulte pour une question qui relève purement des libertés individuelles ?

« À la question d’où puisent les politiques leur obsession du voile des femmes musulmanes ? Affiche de propagande coloniale française en Algérie », répond la députée européenne Rima Hassan sur X ce jeudi 20 mars.

À une semaine d’un événement sur le féminisme décolonial qu’elle organise au Parlement Européen à Bruxelles, la juriste française d’origine palestinienne a déterré une affiche de propagande qui date de la colonisation en Algérie.

On y voit des femmes drapées de leur haïk, vêtement féminin exclusivement algérien, accompagnées d’un slogan impératif explicite : « N’êtes–vous donc pas jolie ? Dévoilez–vous ! ».

Une affiche du passé qui s’applique au présent

Le choix de Rima Hassan n’est pas anodin. Il illustre que l’État français se mêlait déjà du port du voile à l’époque coloniale. L’administration et l’armée coloniales françaises ont jadis tenté d’imposer un dévoilement forcé aux femmes algériennes. Une autre manière d’effacer toute manifestation d’islam et de culture algérienne.

Pressions, humiliations, violences physiques, tout était bon pour forcer les Algériennes à retirer leur haïk, mais elles ne cédaient pas à la contrainte.

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Pendant la guerre d’indépendance (1954–1962), s’attacher à son voile était un symbole de lutte contre l’occupant. En plus de la croyance religieuse, il est devenu un acte de résistance nationale.

Aujourd’hui, il est facile de faire un parallèle avec l’actualité en France, et la fixation sur le voile soulève de sérieuses questions : s’agit–il réellement d’un débat sur la laïcité ? Ou est–ce le prolongement d’un héritage colonial ?

Curieusement, la France est « le seul pays » à s’interroger encore sur la question du voile, comme le souligne la députée économiste Sandrine Rousseau : « La France a été le seul pays durant les Jeux olympiques à interdire à ses athlètes de pouvoir porter quelque chose sur les cheveux ».

Les femmes musulmanes en France ne seront donc jamais libres de choisir par elles–mêmes ? Rima Hassan rappelle : « Vêtir ou dévêtir de force des femmes relève des mêmes schémas de domination. Ce qui compte, c’est de défendre la liberté pour ces femmes de porter ou de ne pas porter le voile ».

https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/03/21/un–crime–d–etat–farid–alilat–remonte–les–fils–du–complot–ourdi–contre–un–heros–de–l–independance–algerienne_6584248_3260.html

Un crime d’Etat » : Farid Alilat remonte les fils du complot ourdi contre un héros de l’indépendance algérienne

Le journaliste retrace dans une enquête haletante aux airs de thriller politique le piège tendu à Krim Belkacem, assassiné par les hiérarques du pouvoir, à Francfort, en 1970.

Par Frédéric Bobin

Publié hier à 08h00, modifié hier 21 mars 2025 à 08h24

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Krim Belkacem (à droite), à son arrivée à Genève, le 18 mai 1961, pour mener les pourparlers d’Evian, qui aboutiront aux fameux accords de 1962. AFP

« Un crime d’Etat. Règlements de comptes au cœur du pouvoir algérien », de Farid Alilat, préface de Kamel Daoud, Plon, 272 p., 21 €, numérique 14 €.

Krim Belkacem est un symbole. Le 20 octobre 1970, cette icône de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie devenue opposant en exil est étranglée dans la chambre 1414 de l’hôtel Intercontinental de Francfort (Allemagne) par une équipe de tueurs envoyés d’Alger. C’est le récit de cet assassinat, symptôme d’une révolution dévoreuse de ses enfants, que livre le journaliste Farid Alilat au fil d’une enquête haletante aux airs de thriller politique, Un crime d’Etat.

Du complot, l’auteur dévoile les ramifications entre Alger, Rabat, Paris, Lausanne (Suisse) et Francfort, où se croisent militants politiques, espions et figures interlopes, jusqu’à l’entourage du président Houari Boumédiène (1932–1978, au pouvoir de 1965 à sa mort). Si Farid Alilat ne peut rien conclure avec certitude, il juge vraisemblable une instruction émanant d’Ahmed Draïa, le patron de la police de l’époque, peut–être à l’insu de Boumédiène lui–même, dont le souhait était plutôt de faire rentrer l’exilé au pays. De cette ténébreuse affaire, la population algérienne ne saura jamais rien. Faute d’en connaître la vérité, « l’Algérie restera à errer, les yeux crevés, dans son propre labyrinthe », écrit Kamel Daoud dans la préface.

Si le destin de l’assassiné importe, c’est qu’il est l’un des chefs emblématiques de la libération algérienne. Avec fougue – et parfois un peu trop de lyrisme –, Farid Alilat en retrace le parcours hors du commun. Fils de notable kabyle, Krim, né en 1922, prend le maquis dès 1947, un engagement qui lui assure une place naturelle au sein du noyau fondateur du Front de libération nationale (FLN), qui déclenchera l’insurrection de 1954.

Près de sept ans plus tard, il est le négociateur en chef du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) lors de la première séquence des pourparlers d’Evian (mai–juin 1961), déblayant aux côtés des envoyés du général de Gaulle la voie vers l’indépendance. Ce petit homme trapu et joufflu, cartable de cuir à la main, s’expose devant les médias internationaux sur les bords du lac Léman. Moins d’un an plus tard, il paraphe l’accord de paix d’Evian, engloutissant l’Algérie française.

Mais l’indépendance est à peine arrachée que les luttes de clans font rage, éloignant des historiques comme Ferhat Abbas, Hocine Aït Ahmed ou Krim lui–même. Les nouveaux maîtres s’appellent Ben Bella et Boumédiène, le second évinçant le premier lors d’un coup d’Etat en 1965. L’Etat–FLN devient le champ clos de batailles de pouvoir, de trahisons et de purges, jusqu’à l’implacable traque des opposants à l’étranger. L’assassinat, en janvier 1967, à Madrid, de Mohamed Khider, gardien du trésor caché du FLN, épisode dont Farid Alilat offre une reconstitution magistrale, est un avertissement. Nul ne peut narguer impunément les hiérarques d’Alger.

Souricière fatale

Krim Belkacem, pourtant méfiant d’expérience, l’oublie un peu vite quand, en 1967, il crée en France un parti d’opposition, le Mouvement démocratique pour le renouveau algérien. Sa direction est vite infiltrée. Et, trois ans plus tard, le chef exilé se laissera avec beaucoup de légèreté entraîner dans une souricière fatale à Francfort par un certain Aït Mesbah, officier des services spéciaux algériens. Ce dernier était parvenu à l’intéresser à l’idée de diriger un – imaginaire – putsch contre Boumédiène. Si le mystère du tuteur d’Aït Mesbah reste entier, l’enquête de Farid Alilat, riche d’une multitude de détails inédits, est une fascinante immersion dans les eaux troubles des conjurations qui ont scandé le mouvement nationaliste algérien, y compris avant 1962.

On émettra toutefois deux regrets. D’abord, Farid Alilat ne trahit–il pas quelque naïveté à présenter Krim Belkacem comme un vertueux démocrate, lui qui a été associé à de sanglantes purges durant la guerre et qui se laissait encore séduire, à la veille de sa mort, par la perspective d’un pronunciamiento ?

Ensuite, Farid Alilat révèle que le général marocain Oufkir, tout–puissant ministre de l’intérieur du royaume chérifien, a informé « ses amis d’Alger » du départ, le 8 octobre 1970, de Krim Belkacem de Rabat vers Genève. Et que ses services ont fait parvenir à Alger de faux passeports marocains qu’utiliseront les futurs tueurs de Francfort. Mais l’auteur n’explore pas cette connexion marocaine dans le complot. Elle aurait pourtant ajouté du baroque à une intrigue déjà étourdissante.

Extrait

« Elle appréhende un malheur, elle pressent quelque chose, elle redoute un guet–apens. Ce nouveau voyage est de mauvais augure, pense [son épouse] Fathia. (…) Si Krim est conscient des risques et des dangers qu’il encourt et qu’il fait peser sur les siens, il fait obstinément confiance à sa bonne étoile et à sa prudence de montagnard. Depuis ce jour de mars 1947 où il est entré dans la clandestinité dans un maquis de Kabylie, il aurait pu mourir une dizaine de fois. Une dizaine de fois, il a échappé aux gendarmes, aux policiers, aux parachutistes, aux tueurs de l’OAS. (…) Promis, son prochain voyage ne durera pas plus d’une semaine. Il reviendra vite à Rabat pour fêter l’anniversaire de leur fille aînée. Il ne reviendra jamais. »

Un crime d’État, pages 220–221

Lire aussi (2023) :

« Le Mal algérien », de Jean–Louis Levet et Paul Tolila : dans le labyrinthe de l’Algérie contemporaine

https://www.lefigaro.fr/international/un–proces–fantome–l–avocat–de–boualem–sansal–denonce–un–processus–purement–politique–20250320

«Un procès fantôme» : l’avocat de Boualem Sansal dénonce «un processus purement politique»

Par Maxime Dubernet de Boscq

Publié le 20 mars 2025 à 19h29, mis à jour le 21 mars 2025 à 12h51

Sujets : Boualem Sansal

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10 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain Boualem Sansal ont été requis par la justice algérienne ce jeudi 20 mars. Kai Pfaffenbach / REUTERS

Dix années de prison ont été requises par la justice algérienne contre l’écrivain franco–algérien ce jeudi midi. Le verdict sera prononcé le 27 mars.

Le parquet d’un tribunal près d’Alger a requis jeudi 10 ans de prison ferme à l’encontre de l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie, dont le cas a envenimé des tensions déjà fortes entre Alger et Paris. «Ces réquisitions sont celles d’un parquet qui n’est pas indépendant, a dénoncé son avocat français, Me François Zimeray, sur BFMTV. En Algérie, les parquets ne sont pas indépendants. C’est la voix du gouvernement qui s’exprime à travers les réquisitions. C’est le procureur, en tant que porte–voix du gouvernement algérien, qui a demandé 10 ans de prison contre Boualem Sansal.»

Le tribunal correctionnel de Dar El Beida rendra le 27 mars son jugement dans le procès de ce romancier connu pour ses critiques du pouvoir algérien et des islamistes, emprisonné depuis le 16 novembre à Alger, selon les médias Echorouk et TSA. Boualem Sansal, âgé de 80 ans selon son éditeur français Gallimard, a été accusé entre autres d’«atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays».

L’Algérie est «un pays gouverné par la peur»

Selon l’accusation, l’écrivain a tenu des propos portant atteinte à l’intégrité du territoire algérien en octobre dernier en reprenant la position du Maroc selon laquelle son territoire aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie. Le procès s’est déroulé «ce jeudi dans des conditions ordinaires, sans dispositions particulières», selon le journal arabophone Echorouk, qui a noté que Boualem Sansal avait «préféré assurer lui–même sa défense», sans recourir à un avocat. «C’est un habillage maladroit pour habiller de façon judiciaire ce qui est en réalité un processus purement politique, dément l’avocat français de l’écrivain. Si ça avait été un procès judiciaire équitable, il aurait eu accès à un avocat, j’aurais eu immédiatement mon visa, j’aurais pu consulter le dossier, nous aurions pu s’entretenir et monter une défense.»

Plus tôt dans la journée, Me François Zimeray avait dénoncé «un procès fantôme tenu dans le plus grand secret, sans défense, incompatible avec l’idée même de justice», rappelant avoir saisi «les organes compétents du Haut–Commissariat des droits de l’homme de l’ONU d’une plainte contre l’Algérie» pour détention arbitraire.

Une démarche qu’il avait annoncée à la mi–mars assurant que Boualem Sansal n’avait pas un accès normal à des avocats ni à des soins médicaux.

Des affirmations alors démenties par le bâtonnier d’Alger, Mohamed Baghdadi, qui avait assuré que l’écrivain voulait se défendre seul et poursuivait son traitement contre le cancer.

«En trois mois, j’ai pu voir à quel point ce pays est gouverné par la peur, poursuit l’avocat.

La peur qui pèse sur les parquets, sur les magistrats et les avocats.»

Avant de se montrer pessimiste sur l’issue de ce procès : «La décision qui s’apprête à être rendue laisse peu augurer une décision favorable.»

https://www.bfmtv.com/international/afrique/algerie/expulsions–d–algeriens–on–ne–peut–pas–renvoyer–des–gens–comme–des–colis–reagit–abdelouahab–yagoubi–depute–des–algeriens–de–france_VN–202503210540.html

Expulsions d'Algériens: "On ne peut pas renvoyer des gens comme des colis", réagit Abdelouahab Yagoubi, député des Algériens de France

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Vendredi 21 mars 2025 19h36 CET

Abdelouahab Yagoubi, député des Algériens de France, était l'invité de BFMTV ce vendredi 21 mars. Il s'est exprimé sur les relations entre la France et l'Algérie, notamment avec les prises de positions hostiles et répétées du ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau.

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Exode marseille 1962

https://www.humanite.fr/politique/alger/les–gens–recommencent–a–avoir–peur–a–barbes–la–communaute–algerienne–sinquiete–des–tensions–entre–paris–et–alger

« Les gens recommencent à avoir peur » : à Barbès, la communauté algérienne s’inquiète des tensions entre Paris et Alger

Elisabeth Fleury

21 mars 2025

Haut lieu de la communauté algérienne dans la capitale, ce quartier du 18e arrondissement est une caisse de résonance des tensions entre Paris et Alger.

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Mercredi matin, Barbès, cœur battant de l’Algérie à Paris. Sous le soleil frisquet de cette fin d’hiver, le ramadan entre dans sa dernière ligne droite et les étals, sur les trottoirs, débordent de gâteaux sucrés. À l’abri des arrière–boutiques, affairées au–dessus de grandes plaques métalliques, des femmes étalent des galettes, cuisent des crêpes épaisses. Les visages sont un peu las. La rupture du jeûne est encore loin.

Massif et sombre derrière son comptoir, Salah débite en silence des côtes d’agneau. Quarante–cinq ans qu’il est en France, il n’a jamais vu ça. « On se lève le matin, on allume la télé, ça parle de l’Algérie. À midi, l’Algérie. Le soir, toujours l’Algérie. » Il suspend son geste et lève les yeux au ciel. « Ils n’ont que ça à faire, franchement ? Il n’y a pas d’autres problèmes à régler ? » Salah, boucher depuis l’âge de 13 ans, est né à Guelma, il y a soixante–sept ans.

« C’était la France », rappelle–t–il. Son grand–père, lui aussi, était français. « Deux siècles, bientôt, qu’on se mélange. Ce n’est pas à cause de deux ou trois voyous qu’ils vont diviser nos peuples », veut–il croire. Les menaces que fait planer Retailleau sur les accords de 1968 ? « Ce n’est pas de son niveau, juge–t–il. Ces histoires–là, c’est aux chefs d’État d’en parler. »

« Je suis fière d’avoir ces deux cultures »

Au sujet des tensions entre la France et l’Algérie, « les torts sont des deux côtés », avance Noria, 32 ans, un sac de courses sous le bras, des lunettes fumées sur le nez. Barbès, c’est sa vie. Elle y est née. Elle y habite. Elle travaille comme assistante sociale dans une association du quartier. Elle y élève ses quatre filles avec son mari algérien. Parfois, entre eux, le ton monte. « Nous ne sommes pas sur les mêmes positions, dit–elle. Ses parents à lui ont vécu la guerre.

https://fr.hespress.com/416095–lalgerie–face–a–lepuisement–de–la–rente–memorielle.html

'Algérie face à l'épuisement de la rente mémorielle

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Hicham Oukerzazvendredi 21 mars 2025 – 12:04

Depuis plus de six décennies, l’Algérie exploite la mémoire de la colonisation comme un levier politique, tant sur la scène interne que dans ses relations avec la France. Ce recours systématique à la « rente mémorielle » a permis au pouvoir d’Alger de détourner l’attention des difficultés économiques et sociales du pays. Mais ce discours, autrefois efficace, semble aujourd’hui à bout de souffle, à mesure que la conjoncture internationale évolue et que la France adopte une posture plus affirmée sur certains dossiers sensibles.

Comme le souligne François d’Orcival dans un éditorial paru dans la livraison de Valeurs Actuelles de ce mercredi 19 mars, « la France a bien fait de reconnaître au Maroc sa souveraineté sur le Sahara occidental pour qu’Alger finisse par comprendre que ‘sa rente mémorielle’ était épuisée ». Cette décision marque un tournant dans la diplomatie française au Maghreb et envoie un signal clair à l’Algérie : le temps où les revendications mémorielles façonnaient la politique de Paris est désormais révolu.

En dépit des nombreux gestes symboliques et politiques effectués ces dernières années – ouverture d’archives, déclarations officielles sur les violences de la colonisation – Alger continue d’exiger des actes supplémentaires de repentance.

Une posture dénoncée aujourd’hui par de nombreux politiciens et responsables français, qui observent que chaque concession alimente une nouvelle revendication.

Ce processus sans fin reflète l’incapacité du régime algérien à tourner la page d’un passé instrumentalisé pour maintenir une légitimité politique érodée.

En fait, ce régime continue d’entretenir un récit où la France reste désignée comme responsable des difficultés du pays. Cette lecture figée de l’histoire a permis aux dirigeants algériens d’éluder leurs propres responsabilités et de détourner l’attention des citoyens des défaillances internes.

Mais il arrive un moment où la répétition des mêmes accusations perd de sa force. Ce moment semble être venu : les jeunes générations, qui n’ont pas connu la colonisation ni la guerre, aspirent aujourd’hui à un avenir dégagé du poids des conflits passés.

Cette stratégie mémorielle contraste avec la réalité des relations franco–algériennes. Si le pouvoir algérien multiplie les déclarations hostiles à l’égard de Paris, les échanges économiques et humains entre les deux pays restent intenses.

Chaque année, des milliers de jeunes Algériens aspirent à s’installer en France, tandis que des responsables algériens bénéficient discrètement des liens tissés avec l’ancienne puissance coloniale.

Une contradiction qui souligne l’hypocrisie d’un pouvoir dénonçant publiquement la France tout en entretenant des relations privilégiées avec elle.

Pourtant, l’Algérie est confrontée à des défis majeurs qui ne peuvent plus être masqués par les discours sur le passé.

La dépendance aux hydrocarbures fragilise son économie face aux fluctuations du marché, le chômage des jeunes s’aggrave, et l’émigration illustre le désenchantement croissant d’une population privée de perspectives.

La reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental illustre ainsi un changement de paradigme.

En actant cette position, Paris semble indiquer que ses choix diplomatiques ne seront plus conditionnés par les exigences mémorielles d’Alger.

Il s’agit d’un message sans équivoque : l’Algérie doit désormais comprendre que la rente mémorielle, si longtemps exploitée, n’est plus une arme diplomatique efficace.

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Caricature de Cyril Hanouna : LFI condamnée pour atteinte au « droit à l’image » et non pas pour caractère antisémite

https://aujourdhui.ma/chroniques/macron–accule–sur–lalgerie

Macron acculé sur l’Algérie

Mustapha Tossa

21 mars 2025

Bruno Retailleau avait compris la gravité de l’instant. Et c’est pour ces raisons qu’il menace de démissionner dans le cas où il rencontre un manque de solidarité et de soutien de la part de l’Elysée avec sa politique algérienne.

Avant même la fin de l’ultimatum fixé au régime algérien par le Premier ministre François Bayrou et le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, Alger a refusé de recevoir la liste des soixante expulsés algériens, mettant les autorités françaises dans une véritable impasse dans leur bras de fer avec l’Algerie sur la question migratoire.

Outre le scandale presque inédit d’un pays qui refuse d’accueillir ses propres nationaux dûment munis de passeports algériens en cours de validité, cette position d’Alger est tout en défis et en rupture à l’égard de Paris. Les autorités françaises sont presque dans l’obligation de réagir et de dérouler cette réponse graduée promise par Bruno Retailleau. Emmanuel Macron qui, un temps donna l’impression de prendre de la distance avec le langage de fermeté adopté par son gouvernement sur l’Algérie, se trouve acculé à réagir, sous peine de montrer à son opinion une inexplicable faiblesse politique à l’égard d’un défi majeur pour la sécurité des Français.

Bruno Retailleau avait compris la gravité de l’instant. Et c’est pour ces raisons qu’il menace de démissionner dans le cas où il rencontre un manque de solidarité et de soutien de la part de l’Elysée avec sa politique algérienne. Inutile de préciser qu’une démission de Retailleau dans le contexte actuel équivaut à une fracassante sortie des républicains du gouvernement qui va entraîner immanquablement la chute de ce dernier et la nécessité d’organiser des élections législatives anticipées. Ce qui ne serait constitutionnellement possible qu’après l’été prochain. L’opposition de gauche et d’extrême droite ne manquera pas d’exiger la démission du président de la République.

À cause d’une possible dissonance sur la question algérienne, Emmanuel Macron court le risque d’une crise de régime français. Et pour éviter ce scénario–catastrophe, Emmanuel Macron est dans l’obligation de suivre le langage de fermeté adopté par son ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, soutenu par le centriste François Bayrou.

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La relation entre la France et l’Algérie entre dans cette séquence où la réponse graduée va être déployée. Elle pourrait débuter par une imposition générale des visas à tous les porteurs de passeports diplomatiques sans exception. Ce qui du point de vue français peut s’apparenter à une sanction ciblant les dignitaires du régime. Cette réponse graduée pourrait passer par la décision de se saisir des biens mal acquis de la nomenclature dirigeante algérienne en France.

Le régime algérien a déjà ouvert le chapitre des biens immobiliers diplomatiques occupés par la France à Alger. Une décision qui pourrait annoncer une réplique française autrement plus douloureuse pour cette élite dirigeante algérienne habituée à investir l’argent public algérien détourné en France.

Dans sa relation avec la France, la stratégie du régime algérien est de cibler personnellement Bruno Retailleau en espérant qu’Emmanuel Macron puisse le sacrifier sur l’autel d’une possible normalisation avec l’Algérie. Cette vision est basée sur une fausse analyse dont se gargarisent les médias du régime algérien et qui veut que l’origine de cette crise serait l’œuvre exclusive d’une extrême droite nostalgique de l’Algérie française . Or cette crise dépasse largement ce paramètre.

A l’exception d’une niche de l’extrême gauche encore obnubilée par la portée soi–disant «révolutionnaire» qu’on prête à l’Algérie indépendante, l’ensemble de la classe politique française est consciente des racines de ce malaise franco–algérien et de la nécessité absolue de crever l’abcès.

Sur ce point particulier, Emmanuel Macron se trouve en première ligne. Lui qui avait débuté son premier mandat baigné dans un tropisme algérien inédit chez tous les présidents de la cinquième république, qui avait surpris son monde avec une incroyable diplomatie tactile avec le président Abdelmajid Tebboune dont il a porté, contre toute logique politique, à bout de bras le second mandat, se trouve aujourd’hui dans le rôle de celui qui doit trancher.

Entre Paris et Alger, la tendance inévitable est à l’escalade.

Aucun signal n’annonce une possible baisse de tension. Sauf miracle diplomatique de dernière minute, le deux pays sont engagés dans un bras de fer politique dont il est difficile de prévoir les conséquences. Emmanuel Macron doit non seulement soutenir son gouvernement dans ce challenge algérien, il doit aussi utiliser tous les moyens à sa disposition pour sortir la très particulière relation entre la France et L’Algérie de la très dangereuse impasse qu’elle traverse.

https://fr.le360.ma/culture/le–village–de–lallemand–un–passe–derangeant–sous–la–plume–de–boualem–sansal_OPIWXP62WZDCVHRGVDYHAPJKME/

«Le village de l’Allemand»: un passé dérangeant sous la plume de Boualem Sansal

Karim Serraj

21 mars 2025

L’embastillement de Boualem Sansal est une mise en abyme démonstrative du roman «Le village de l’Allemand» (éd. Gallimard, 2008). Je l’ai relu. L’auteur s’y inspire de faits réels: des criminels nazis ont trouvé refuge à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Algérie et combattu aux côtés du FLN. Se rencontrent ainsi deux histoires a priori sans lien, la Shoah et l’Algérie post–coloniale. Sansal plante le décor de son récit dans les années 1990 en pleine guerre civile (la décennie noire), et simultanément dans les cités sensibles de la banlieue parisienne. Il nous transporte également dans l’Europe des années 1940, celle du nazisme triomphant puis déchu. Les analogies historiques brouillent les frontières temporelles pour mieux en souligner les échos.

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Le personnage de Hans Schiller en est la parfaite illustration. Officier SS impliqué dans l’extermination des juifs (ingénieur chimiste dans les camps de la mort), il échappe aux Alliés, est exfiltré en Égypte puis en Algérie, où il devient formateur pour le FLN. Il se convertit à l’islam, se marie avec une Algérienne qui lui donnera deux fils et prend part à la révolution.

Il devient un ponte du régime. Ses garçons, Malrich et Rachel, devenus grands, tiennent des journaux intimes et mènent une enquête en Algérie sur le passé inavouable de leur père: un bourreau nazi qui déteste les juifs, transmué en héros de l’armée de libération nationale. Cette trajectoire dérangeante entremêle les catégories de l’Histoire algérienne. Sansal dresse un parallélisme symbolique entre le militaire nazi et les pères fondateurs de la mythologie FLNiste. Et tout au long du roman glauque et somptueux, les périodes historiques vacillent, se confondent. Les personnages, SS ou militaires algériens, aussi.

Un secret de famille et une culpabilité transgénérationnelle

La culpabilité, thème lancinant du «Village de l’Allemand» se manifeste dans une interrogation large sur la responsabilité individuelle face au Mal, et envahit le legs transgénérationnel. Sansal insère même des références à la littérature de la culpabilité, par exemple la présence obsédante du poème de Primo Levi ou encore un écho à «La Chute» de Camus (lorsque Rachel, tel Jean–Baptiste Clamence, se demande en substance: «Que faire pour être un autre?»). La jeune génération porte malgré elle le poids des crimes qu’elle n’a pas commis, comme un «boulet» traîné à vie, une «honte indélébile». Ce sont les «fils du monstre», dira Rachel dans son journal. Une filiation algérienne maudite: «Se découvrir le fils d’un bourreau est pire que d’avoir été soi–même un bourreau. Le bourreau a ses justifications, il s’abrite derrière un discours, il peut nier, il peut crâner, revendiquer son crime […] il peut s’amender, il peut tout. Mais le fils, que peut–il, sinon compter les crimes de son père et traîner le boulet sa vie durant? (...) Tu n’avais pas le droit de fuir, papa. (...) Hans Schiller, sois maudit!». «Cette vie je n’en veux pas», écrit–il – et de maudire celui qui l’a mis au monde. Ses repères identitaires (fils, frère, Algérien, nazi…) se brouillent et se réduisent à cette seule filiation qu’il ne supporte pas. Incapable d’assumer d’être «le fils de l’Allemand», Rachel choisit le suicide.

Son frère Malrich, de son côté, se forge dans l’action et la révolte plutôt que dans la culpabilité. Il éprouve de la colère et une soif de justice. Il se demande ce qu’il faut faire maintenant pour empêcher que l’Histoire se répète. Il refuse de se définir comme le fils d’un bourreau et cherche à reprendre la main sur son destin. Cela passe par un voyage en Algérie, au village, pour affronter la vérité sur place. Il découvre alors la double vie de cet homme respecté comme un ancien moudjahid du FLN, tout en étant, en vérité, un fugitif. Un salaud: «Un homme phagocyté par le Mal, qui ne se suicide pas, qui ne se révolte pas, ne se livre pas pour réclamer justice au nom de ses victimes, mais au contraire s’enfuit, dissimule, organise l’oubli pour les siens, n’a pas le droit à la compassion, à aucune circonstance atténuante.» Si Rachel portait le fardeau du passé, Malrich se sent responsable de l’avenir.

Histoire croisée des transmissions occultées

Ces héritages de strates de violence sociale apparaissent clairement lorsque Boualem Sansal commence à établir des parallèles. D’abord entre la décennie noire et les Algériens qui pullulent dans les banlieues de France gangrenées de violence: «L’imam du 17, il faut lui couper le sifflet avant qu’il ne soit trop tard», allant jusqu’à imaginer un traquenard pour assassiner le fqih parisien. Ensuite, lorsque ces mêmes hommes du FLN étaient là, à observer, quand furent organisés dans la décennie 1940 les camps de concentration vichystes en Algérie, la chasse aux juifs et les brimades quotidiennes. Une séquence que les FLNistes répéteront vingt ans plus tard, à l’indépendance, lorsque la communauté séfarade fut maltraitée, massacrée et chassée d’Algérie par le pouvoir. Enfin, ce schéma de la violence, dénoncée par Boualem Sansal, se reproduit à la décennie noire, avec une partie des hommes fondateurs de l’Algérie.

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La couverture du roman «Le village de l'Allemand, ou le journal des frères Schiller», de Boualem Sansal (éd. Gallimard).

Cette tension de l’horreur risque d’exploser aujourd’hui en France, prévient l’auteur, à travers des enchaînements historiques. La mémoire est un héritage en morceaux qu’il faut rassembler. Sansal finit par avouer: «Nous sommes comme les déportés d’antan, pris dans la machination, englués par la peur, fascinés par le Mal, nous attendons avec le secret espoir que la docilité nous sauvera.» Les tragédies du 20ème siècle sont liées par des continuités souterraines, des circulations d’hommes, d’armes et de propagandes.

Une allégorie de l’Algérie militarisée et du cycle de la violence

L’Allemand, allégorie cynique qui se cache dans l’Algérie post–coloniale, finit par incarner le régime sanguinolent et la mémoire refoulée. Boualem Sansal a commis un roman où l’histoire de Hans Schiller et de ses deux fils se fond dans le grand récit collectif algérien. Le pouvoir à Alger s’est érigé sans état d’âme grâce à d’anciens criminels de guerre (et non des politiciens civils). Les discours nationalistes ont transformé les bourreaux d’hier en combattants de la liberté.

Le SS converti en moudjahid illustre également la manière dont le pouvoir en place en Algérie s’est construit sur des figures ambiguës, des alliances contradictoires et des mythes réécrits au fil des besoins politiques. Hans Schiller, en devenant père de famille et patriarche d’une descendance algérienne, incarne une filiation toxique: ses fils ne peuvent se défaire de cette mémoire criminelle qui les hante. Cette malédiction transgénérationnelle devient une métaphore du poids de l’histoire algérienne, où l’oubli imposé ne suffit jamais à effacer les origines troubles du pouvoir.

En cela, Schiller devient le double fictionnel du régime militaire algérien: il se réinvente sans jamais se remettre en question, il dissimule son passé tout en imposant son autorité, et il perpétue un cycle de domination et de violence. L’Algérie indépendante s’est voulue en rupture avec le passé colonial, mais elle a fini par reproduire, sous d’autres formes, des logiques d’oppression et de répression, en s’appuyant sur les figures autoritaires et la confiscation de la mémoire historique.

Le pacte faustien de l’Algérie indépendante

On peut, in fine, y voir une métaphore du pacte faustien: l’Algérie naissante a passé un accord avec le diable, recyclé dans l’apparence du moudjahid. «Le village de l’Allemand» est le livre de la tache originelle. Il suggère un cycle de fanatisme dans un pays qui a toujours recraché la violence. Ce pacte se retrouve dans l’histoire même de l’Algérie post–indépendance, où les alliances naturelles du FLN avec les dictatures, les groupuscules séparatistes et les terroristes ont été, et sont encore, un secret de Polichinelle. Boualem Sansal ne se contente pas de dénoncer un passé trouble: il met en garde contre la répétition des schémas de dépression qui régulent l’Algérie.

https://www.elmoudjahid.dz/fr/actualite/akli–mellouli–senateur–ecologiste–du–val–de–marne–a–el–moudjahid–la–france–prisonniere–de–son–imaginaire–colonial–232357

Akli Mellouli, sénateur écologiste du Val de Marne, à El Moudjahid : «La France, prisonnière de son imaginaire colonial»

– Actualité : EL Moudjahid

Tahar Kaidi Journaliste

21 mars 2025

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Akli Mellouli, sénateur écologiste du Val de Marne, vice–président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées, estime que «la polémique est devenue un instrument de la politique intérieure, y compris lorsqu’il s’agit de relations internationales aussi sensibles et stratégiques que l’axe Paris–Alger». Pour le vice–président du Groupe d'amitié France–Algérie au Sénat, «les contentieux et les différends doivent se régler avec discrétion, et loin des projecteurs médiatiques».

El Moudjahid : Le gouvernement Bayrou a choisi l'escalade verbale, l'outrance et le tapage médiatique. Quelle lecture faites–vous de cette posture ?

Akli Mellouli : Effectivement, nous traversons la crise diplomatique la plus grave entre la France et l'Algérie depuis l'indépendance. Cette tension trouve ses racines dans plusieurs facteurs convergents. Premièrement, la situation politique interne en France est un élément déterminant. Depuis la dissolution, le gouvernement repose sur un fragile équilibre parlementaire où l'extrême droite exerce une influence décisive. Il est important de rappeler que le Rassemblement national est héritier d'une tradition politique nostalgique de l'Algérie française.

Cette dépendance pousse l'exécutif à adopter des postures complaisantes envers cette famille politique, alimentant un discours hostile à l'égard de l'Algérie. Deuxièmement, la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en contradiction avec le droit international, les résolutions de l'ONU et les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, a constitué un tournant majeur. Cette position a entraîné le rappel immédiat de l'ambassadeur d'Algérie, témoignant du rejet ferme de ce que les autorités algériennes considèrent comme une rupture d'un équilibre diplomatique précédemment préservé par Paris. Enfin, ces deux éléments révèlent un troisième facteur plus profond : la persistance d'un inconscient colonial dans une partie de la classe politique et de l'opinion publique française. L'absence d'un travail de mémoire sincère et complet alimente ce déni historique.

Trop nombreux sont encore ceux qui ignorent ou minimisent les crimes de la colonisation. Le traitement récent du journaliste Jean–Michel Aphatie, sanctionné pour avoir simplement rappelé des faits historiques incontestables, illustre cette difficulté à affronter la vérité. Malgré ces obstacles, je reste convaincu qu'il est de notre responsabilité, en tant qu'élus, de préserver le dialogue, de désamorcer les tensions et de rétablir une relation franco–algérienne apaisée et mutuellement bénéfique.

L'insécurité en France, c'est l'Algérie. Voilà ce que tentent de faire croire l’extrême droite nostalgique de l’Algérie française…

Il est indéniable que l'absence de travail de mémoire profond et sincère empêche la France de se défaire d'un imaginaire colonial persistant. Certains discours publics continuent d'essentialiser les Algériens, les réduisant à des stéréotypes hérités d'une période révolue. Pourtant, dans une République digne de ce nom, chaque citoyen est responsable de ses actes. Si un individu commet un délit, il doit en répondre devant la justice, quelles que soient ses origines. Mais lorsqu'une partie de la classe politique stigmatise une communauté entière sur la base de faits divers isolés, on ne parle plus de justice, mais de régression vers une logique d'indigénat, contraire aux principes républicains fondamentaux.

Dans les règles de la diplomatie, les contentieux et les irritants se règlent dans la sérénité et non à travers des ultimatums et des invectives et dans les médias. Mais Il s'avère que «la polémique fait politique» en France

Il est vrai qu’en diplomatie, les contentieux et les différends se règlent avec calme et discrétion, loin des projecteurs médiatiques. Pourtant, en France, il semble que la polémique soit devenue un instrument de la politique intérieure, y compris lorsqu’il s’agit de relations internationales aussi sensibles et stratégiques que l’axe Paris–Alger. Mais une action politique ne se juge pas sur le bruit qu’elle génère, elle se juge sur ses résultats. Et les polémiques n’ont jamais produit de solutions concrètes, encore moins en matière de géopolitique. Ces échanges d’invectives par médias interposés ne font qu’envenimer la situation, au détriment d’un dialogue serein et constructif. Il est temps de retrouver la sagesse, la sérénité et le sérieux que mérite la relation franco–algérienne. Cette relation, riche d’une histoire complexe, ne peut se résumer à des joutes verbales. Elle exige du respect mutuel, de la hauteur de vue et un engagement sincère à construire un avenir commun. Et après ces mois de crispations et de déclarations tapageuses, quel est le résultat ? «Much ado about nothing», comme dirait William Shakespeare. Beaucoup de bruit pour rien. Il est urgent de dépasser ces postures stériles et d’engager un dialogue digne des enjeux qui lient nos deux nations.

Vous affirmez qu’une frange de la classe politique française «soucieuse de ses ambitions personnelles» sacrifier l'axe Alger–Paris sur l'autel de calculs électoralistes à courte vue» ?

Il est indéniable qu’une partie de la classe politique française, guidée par des ambitions personnelles et des calculs électoralistes à courte vue, compromet l’axe Paris–Alger. Cette attitude est, non seulement irresponsable, mais elle nuit aussi aux intérêts stratégiques de la France. Dans un contexte où l’extrême droite occupe un tiers des sièges à l’Assemblée nationale et où son ressentiment envers l’Algérie post–coloniale est bien connu, il est tentant pour certains responsables politiques de faire de l’Algérie un bouc émissaire ou de reléguer cette relation au second plan. Pourtant, ce cynisme politique a des conséquences direc– tes : la France perd progressivement de l’influence en Afrique et fragiliser l’axe Paris–Alger ne fera qu’accélérer ce déclin. C’est pourquoi il est urgent de bâtir un partenariat structurant entre la France et l’Algérie, à l’image de ce qui a été réalisé avec l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Malgré une histoire récente et douloureuse, la France et l’Allemagne ont su dépasser leurs antagonismes grâce à deux piliers essentiels : –La reconnaissance des fautes du passé, permettant d’apaiser les mémoires et de construire une relation fondée sur la vérité et le respect mutuel. – Des projets industriels et économiques d’envergure, créant des intérêts communs et tournés vers l’avenir. Adopter ce même modèle avec l’Algérie permettrait, non seulement de renforcer la coopération bilatérale, mais aussi de redéfinir la place de la France sur le Continent africain. Un partenariat fondé sur un nouveau paradigme – celui d’une relation «gagnant–gagnant», respectueuse des souverainetés, offrirait à la France une opportunité unique de renouer avec une influence positive et durable en Afrique. En somme, il ne s’agit pas seulement de réparer les erreurs du passé, mais de poser les bases d’une relation équilibrée et tournée vers l’avenir. Si la France a le courage d’emprunter cette voie, elle pourra, non seulement consolider l’axe Paris–Alger, mais aussi ouvrir une nouvelle ère de coopération avec l’ensemble des nations africaines.

Le 19 mars marque la journée de cessez–le–feu en Algérie. Certains appellent à «tourner la page», mais n'oublie–t–on pas que cette réconciliation exige une reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux ?

Tourner la page ne peut se faire sans regarder l'Histoire en face. La France doit avoir le courage de reconnaître, de manière globale et sans ambiguïté, l'ensemble des crimes commis entre 1830 et 1962. D'autres anciennes puissances coloniales ont su accomplir ce travail de vérité. La France, si elle veut prétendre à une relation équilibrée et apaisée avec l'Algérie, doit sortir de la reconnaissance au compte–gouttes. Cette reconnaissance est, non seulement une question de justice historique, mais également une nécessité politique pour construire un avenir commun fondé sur le respect mutuel. Assumer pleinement ce passé permettra d'ouvrir une nouvelle ère dans la relation franco–algérienne, fondée sur la confiance et la coopération sincère, au bénéfice des deux peuples.

«La polémique avec l'Algérie est l'instrument de la politique intérieure en France.» la France perd progressivement de l’influence en Afrique, et l'affaiblissement de l’axe Paris–Alger ne fera qu’accélérer ce déclin.

La France doit avoir le courage de reconnaître, de manière globale et sans ambiguïté, l'ensemble des crimes commis entre 1830 et 1962.

T. K.

https://www.sudouest.fr/gironde/salles/une–esplanade–du–19–mars–1962–verra–le–jour–a–salles–23723977.php

Une esplanade du 19 mars 1962 verra le jour à Salles

Le maire Bruno Bureau fait son annonce lors de la cérémonie, mercredi dernier.

Par Paul Guégan

Publié le 21/03/2025 à 17h01.

La commune de Salles va honorer les morts des guerres d’Afrique du Nord en nommant une esplanade du 19 mars 1962, date du cessez–le–feu en Algérie.

Mercredi soir 19 mars, place de la Mairie, a eu lieu la commémoration de la fin des combats en Algérie, Tunisie et Maroc en présence de la Fnaca, du Souvenir Français et de nombreux anciens combattants. Après la lecture des communiqués, le traditionnel dépôt de gerbes au monument aux morts par les officiels et face aux porte–drapeaux, l’hymne national a été entonné par les membres de Cantaleyre.

Le maire Bruno Bureau a conclu cette cérémonie empreinte de simplicité, mais aussi de recueillement, par une petite allocution qui lui a permis de faire une annonce importante pour faire perdurer le souvenir. Sur sa proposition et après validation par le bureau municipal, cela suite à une demande émise par le comité local de la Fnaca afin d’honorer les morts des guerres d’Afrique du nord, lors du conseil municipal d’avril, la dénomination d’une esplanade du 19 mars 1962, date du cessez–le–feu en Algérie, sera proposée, pour une inauguration lors des cérémonies du mois de mai.

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https://www.lefigaro.fr/vox/politique/sans–une–concession–de–l–algerie–rester–au–gouvernement–pourrait–devenir–une–impasse–pour–bruno–retailleau–20250321

«Sans une concession de l’Algérie, rester au gouvernement pourrait devenir une impasse pour Bruno Retailleau»

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Par Paul Cébille

FIGAROVOX/TRIBUNE – Le ministre de l’Intérieur a agité la menace d’une démission pour obtenir gain de cause sur le dossier algérien. Pour l’analyste d’opinion Paul Cébille, se maintenir au gouvernement, comme l’a fait Nicolas Sarkozy en son temps, comporte un risque : celui de décevoir d’ici 2027.

Paul Cébille est rédacteur en chef d’Hexagone – la France en chiffres, et est auteur notamment de la note «Référendums locaux : peut–on faire confiance aux citoyens ?» (GénérationLibre, juillet 2024).

En menaçant de démissionner du gouvernement si le bras de fer avec l’Algérie tournait à l’avantage du régime d’Alger, Bruno Retailleau joue son premier coup de poker politique au sein du gouvernement. Une stratégie gagnante à court terme, mais sans action globale et perceptible sur la réduction de l’immigration, le ministre pourrait toutefois compromettre ses chances pour l’élection présidentielle de 2027.

Avant d’examiner les marges de manœuvre de Bruno Retailleau dans cette crise, revenons sur les raisons de sa popularité. Son ascension fulgurante dans le classement des personnalités politiques préférées des Français, avec 45 % d’opinions favorables, le plaçant devant Gérald Darmanin, Marine Le Pen et Laurent Wauquiez, constitue un fait marquant de la vie politique ces derniers mois. Par ailleurs, de nombreux Français, en particulier ceux de droite mais aussi du centre, lui reconnaissent plusieurs qualités : compétence, fermeté, proximité avec les préoccupations des citoyens et une capacité à inspirer confiance.

Ce capital d’image repose sur des atouts majeurs, souvent sous–estimés depuis 2017 : une solide expérience locale de 30 ans, qui témoigne d’une bonne connaissance des préoccupations du terrain, une carrière parlementaire au Sénat qui renforce son image de dirigeant capable de mettre en œuvre ses idées, et un positionnement politique en phase avec les attentes des électeurs de droite sur des sujets clés comme l’immigration, la lutte contre l’assistanat, la réduction du déficit public ou encore la laïcité.

Surtout, Bruno Retailleau ne correspond pas au profil classique des hommes politiques de droite de ces 30 dernières années. Il désamorce un à un les clivages qui ont longtemps opposé le Rassemblement national et les Républicains, notamment sur les questions sociétales et, surtout, sur le souverainisme. C’est d’ailleurs ce positionnement qui l’a conduit à voter non au traité de Maastricht, au traité constitutionnel de 2005 et au traité de Lisbonne, à contre–courant de son propre parti. Plus largement, ses prises de position depuis 2017 lui permettent d’incarner une opposition cohérente au macronisme.

La question est désormais de savoir jusqu’où les Français accepteront son engagement au sein du gouvernement Bayrou et sa relative bienveillance envers le président de la République, encore largement rejeté par l’opinion.

Le principal risque pour Bruno Retailleau est que les Français ont des attentes très précises en matière de sécurité et d’immigration, d’autant plus qu’ils le jugent capable d’y répondre.

Paul Cébille

La campagne présidentielle qui s’ouvre devrait clôturer 10 ans de macronisme et tout ce qu’il a pulvérisé du paysage politique français inscrit dans le clivage gauche–droite. Les actions et décisions de Bruno Retailleau s’inscrivent dans ce contexte, avec l’idée que se renforcera au centre une polarisation gauche et droite, dont il entend bien bénéficier, jusqu’à en profiter pour se constituer une base solide et chasser dans l’électorat du Rassemblement national ?

Face à l’Algérie, Bruno Retailleau a choisi une ligne prudente, et ce pour au moins deux raisons qui trouvent un écho dans l’opinion. D’abord, il n’est pas directement en charge des affaires internationales, une prérogative qui revient traditionnellement au président de la République. Sur ce point, une partie des Français perçoit les limites de son pouvoir face à un Emmanuel Macron réticent à toute confrontation avec l’Algérie. L’absence d’avancées sur ce dossier est donc davantage imputée au chef de l’État, dont l’impopularité reste forte, qu’à Bruno Retailleau, qui bénéficie d’une image favorable : 57 % des Français estiment qu’il est un bon ministre de l’Intérieur, selon un sondage Elabe publié la semaine dernière.

Ensuite, il est difficile d’imaginer que Bruno Retailleau tienne un double discours sur ce sujet, alors qu’Emmanuel Macron, depuis son élection, a multiplié les gestes d’apaisement envers Alger. Enfin, les Français mesurent la complexité de la situation face à un régime algérien de plus en plus intransigeant. Dans ce contexte, Bruno Retailleau bénéficie d’un répit.

Le principal risque pour Bruno Retailleau est que les Français ont des attentes très précises en matière de sécurité et d’immigration, d’autant plus qu’ils le jugent capable d’y répondre. Les sondages sont clairs : ils ne tolèrent plus les niveaux actuels des flux migratoires, et encore moins le maintien sur le territoire d’étrangers dangereux ou sous OQTF.

Sur ce terrain, le ministre de l’Intérieur dispose d’un avantage concurrentiel important face à d’autres figures politiques, comme Édouard Philippe, qui a déjà exercé le pouvoir mais n’a plus de responsabilité nationale depuis près de cinq ans. Toutefois, c’est surtout face à Marine Le Pen qu’il doit démontrer sa valeur ajoutée. En tenant un discours proche, ils se disputent le même électorat, mais convaincre les électeurs du Rassemblement national de changer leur vote reste un défi de taille.

Sans une concession de l’Algérie donc, obtenue par la négociation ou la menace, rester au gouvernement pourrait rapidement devenir une impasse pour Bruno Retailleau.

Paul Cébille

Une chose est certaine : une démission de Bruno Retailleau lui ferait perdre la visibilité et la légitimité liées à son action politique, un handicap à plus de deux ans de l’échéance présidentielle — une éternité dans un contexte où les Français se sont largement détachés de la vie politique et de ses évolutions. Ainsi, il faut à la fois du temps pour bien se faire connaître des Français mais ces derniers peuvent changer d’avis au dernier moment, quelques jours avant le scrutin. Il risquerait alors de connaître le même sort que Gabriel Attal, poussé vers la sortie malgré une popularité et une notoriété solides.

À l’inverse, rester au gouvernement jusqu’au bout comporte aussi un risque : celui de décevoir d’ici 2027. Ce pari, gagnant pour Nicolas Sarkozy en 2007, pourrait ne plus fonctionner aujourd’hui, tant les Français semblent de plus en plus réticents à accorder leur confiance sur de simples promesses non suivies d’actes concrets. Ce danger commence d’ailleurs à se matérialiser, avec une baisse de 5 points dans les opinions favorables sur l’action de Bruno Retailleau entre février et aujourd’hui. Comme il l’a pourtant souligné, sa démission ne se fera pas au prix d’une victoire offerte au président algérien Abdelmadjid Tebboune.

Sans une concession de l’Algérie donc, obtenue par la négociation ou la menace, rester au gouvernement pourrait rapidement devenir une impasse pour Bruno Retailleau. Après avoir légitimé encore un peu plus les idées du Rassemblement national, le ministre de l’Intérieur provoquerait ainsi une issue inévitablement favorable à Marine Le Pen.

https://www.cannes.com/fr/agenda/annee–2025/mars/e–anniversaire–de–la–fusillade–de–la–rue–d–isly–a–alger–le–26–mars–1962.html

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63e anniversaire de la fusillade de la rue d'Isly à Alger

Quand ?

Le mercredi 26 mars 2025

Horaire(s) : 17h30

Cimetière du Grand Jas 205 avenue de Grasse
06400 Cannes

https://www.mediapart.fr/journal/fil–dactualites/210325/france–le–ministre–de–l–interieur–accuse–gauche–de–compliquer–le–sort–de–boualem–sansal

Fil d'actualités Dépêche

France: le ministre de l’Intérieur accusé à gauche de « compliquer » le sort de Boualem Sansal

Agence France–Presse

21 mars 2025 à 10h58

La gauche radicale en France a accusé vendredi le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau de « compliquer la situation » de l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal et d’instrumentaliser son cas « à des fins personnelles ».

https://www.lejdd.fr/International/je–fais–confiance–au–president–tebboune–macron–reagit–a–la–peine–de–prison–requise–contre–boualem–sansal–en–algerie–156211

«Je fais confiance au président Tebboune» : Macron réagit à la peine de prison requise contre Boualem Sansal

Audrey Senecal

21 mars 2025

Alors qu’un procureur algérien a requis, ce jeudi, dix ans de prison ferme contre Boualem Sansal, le président français espère une « issue rapide » afin que l’écrivain puisse « retrouver sa liberté ». Emmanuel Macron mise sur la « clairvoyance » de son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune.

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Emmanuel Macron, jeudi 20 mars, à l'issue d'un Conseil européen à Bruxelles. SIPA / © Arnaud Andrieu

Emmanuel Macron a exprimé, jeudi soir, son souhait d’une « issue rapide » pour permettre à l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal de « retrouver sa liberté » après les réquisitions prononcées à son encontre, qui demandent dix ans de prison ferme pour atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie. « Ce qui s’est passé est très grave, mais je fais confiance au président [algérien Abdelmadjid] Tebboune et à sa clairvoyance pour savoir que tout cela n’est pas sérieux et qu’on a affaire à un grand écrivain, qui plus est malade », a déclaré le chef de l’État français devant la presse, à l’issue d’un sommet européen à Bruxelles, rapporte l’AFP.

Interrogé sur une éventuelle discussion avec son homologue algérien, le président de la République a indiqué que « plusieurs messages » avaient été « échangés ». « Notre souhait, c’est que Boualem Sansal puisse être soigné, libéré et aller où il souhaite aller. Et donc, s’il veut quitter l’Algérie, qu’il puisse la quitter », a ajouté Emmanuel Macron. Ce dernier espère trouver « une issue rapide à cette situation, qui est une situation humaine, humanitaire et de dignité », jugeant que cela est également « très important aussi pour l’Algérie ».

Crise diplomatique

Le verdict du procès de Boualem Sansal, incarcéré depuis novembre en Algérie en raison d’accusations d’atteinte à l’intégrité territoriale du pays, sera rendu jeudi 27 mars. Les tensions entre Paris et Alger ne se limitent hélas pas à cette affaire… À l’arrestation arbitraire de l’écrivain franco–algérien s’ajoutent en effet la question du Sahara occidental, dont Emmanuel Macron a récemment réaffirmé la souveraineté marocaine, mais aussi le comportement controversé de certains influenceurs franco–algériens, et surtout, le refus de l’Algérie d’accepter le renvoi de ses ressortissants en situation irrégulière, dont l’auteur présumé d’un attentat ayant fait un mort le 22 février dernier à Mulhouse.

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Face à cette situation, le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a menacé d’abroger des accords bilatéraux dans le cadre d’une « riposte graduée ». Interrogé sur ce que les autorités algériennes qualifient de « velléités d’intimidation », Emmanuel Macron a, de son côté, choisi de ne pas se prononcer. « Je ne mélangerai pas » le « destin de ce grand écrivain, de cet homme et de ce citoyen aussi français » avec « le reste du sujet, sur lequel j’aurai l’occasion de m’exprimer en temps voulu », a conclu le locataire de l’Élysée.

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«Crime d’État », la marmite politique d’une révolution – Le Matin d'Algérie

Kacem Madani

21 mars 2025

image22 Abane Ramdane

Il y a des livres qui sont difficiles à lire tant ils portent la plume là où ça fait mal, heurtent notre naïveté et sa fibre sensible. Époustouflant.

Je viens de lire « Crime d’État » écrit par Farid Alilat… il me laisse sans voix…pas tant sur toutes sortes de révélations concernant la maffia des frontières mais sur le fait que Krim Belkacem en personne a bel et bien participé à l’élimination de Abane Ramdane ! ?

Décidément, c’était mal parti bien avant 1962, et nous continuons à en payer les pots cassés.

Je comprends mieux l’adage du terroir : « khelli bir b’eghtah », « touche pas au couvercle de la marmite », car le fond de la marmite recèle des secrets qu’il est très difficile d’ingurgiter sans se risquer à une fausse route alimentaire …

J’avoue que mon incurie en histoire m’a fait relire le passage suivant x fois pour me convaincre du fait que je lisais bien un récit historique et non une fable sortie d’un conte à ne pas lire aux enfants.

« Abane Ramdane, premier crime d’État

Dans l’avion qui vole vers le Maroc, Abane cogite. Il se tourne vers Krim et lui glisse : « Je sens un sale coup qui vient, mais tu le regretteras… »

L’appareil transportant les trois hommes atterrit sur le tarmac de l’aéroport de Tétouan. Il reste moins d’une heure à vivre à Abane.

Sur place, Boussouf est accompagné de Abdelkader Maachou, responsable du Maroc oriental, ainsi que de deux malabars.

Tandis que les trois passagers attendent leurs bagages, Boussouf entraîne Krim par le bras pour lui annoncer d’un ton ferme : « Il n’y a pas de prison assez sûre pour garder Abane.

J’ai décidé sa liquidation. » Alors que les bagages ne sont pas encore livrés, Abane ne remarque pas le manège autour de lui. Krim, Chérif et Boussouf échangent des propos mezza voce.

Boussouf fait mine de les fouiller pour confisquer leurs armes. Abane n’en porte pas.

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Boussouf est agité, surexcité. Il sait qu’il reste moins d’une heure pour exécuter Abane Ramdane. Il a déjà désigné les tueurs, des hommes à lui qu’il a choisis dans le camp de Khémisset, dans la région de Rabat.

À l’extérieur de l’aéroport, deux Simca Versailles bleues attendent. Abane monte dans la première voiture, encadré par les deux malabars de Boussouf, tandis que Mahmoud Chérif monte à l’avant.

Dans le second véhicule prennent place Krim, Boussouf et Maachou.

Le convoi prend la route en direction de la ferme de Tétouan. Après avoir roulé longuement, les deux véhicules pénètrent dans cette ferme isolée et s’arrêtent devant une bâtisse avec un étage. Toujours encadré de ses gardiens, Abane est dirigé vers l’intérieur de la bâtisse où se trouvent déjà quatre hommes armés.

À peine est–il arrivé devant eux que les quatre hommes lui sautent dessus, le ceinturent avant de le conduire dans une pièce. Krim et Mahmoud Chérif regardent sans broncher Abane disparaître dans cette chambre.

À l’intérieur, Abane a les mains attachées derrière le dos avec une grosse ceinture.

On tente de lui mettre un bâillon dans la bouche. Boussouf le prend par la gorge et l’injurie.

Abane s’agite, mais n’y peut rien devant la force de ces hommes. Boussouf ordonne à ses sicaires d’entraîner Abane dans une autre pièce et de l’attacher à une chaise tandis que lui monte au premier étage pour rejoindre Krim et Mahmoud Chérif. S’ensuit une discussion entre les trois hommes.

Le conciliabule dure quelques minutes. « Abane y passera et bien d’autres y passeront », avertit Boussouf.

Son sort est définitivement scellé. Ils redescendent au rez–de–chaussée.

Dans l’autre pièce, Abane Ramdane est sur une chaise.

Deux hommes se saisissent d’une ceinture et l’étranglent, chacun tirant d’un côté. Boussouf se joint à eux pour participer à la mise à mort du supplicié.

Abane émet des râles, gesticule des pieds, les yeux exorbités, le visage tournant au bleu. Et puis son corps lâche prise. Il est mort. Les yeux injectés de sang, le souffle rauque, la tête d’un monstre, Boussouf sort de la pièce pour rejoindre Krim et Mahmoud Chérif avant de les inviter à aller constater la mort de Abane Ramdane qui gît sur un lit.

La ceinture autour du cou. Qui sont les deux hommes qui ont accompli la sale besogne en compagnie de leur chef ?

Le premier s’appelle Mohammed Abdelli, dit Hamid, déserteur de l’armée française qui a été récupéré par Boussouf pour en faire un de ses hommes de main.

À l’indépendance de l’Algérie, Abdelli sera élevé au grade de colonel et dirigera l’aviation militaire.

Le second étrangleur est Mohamed Rouaï, alias Toufik, dit Hadj Barigou, bras droit de Boussouf au Maroc et plus tard un des maillons forts du MALG (ministère de l’Armement et des Liaisons générales).

Alors que la dépouille de Abane est ensevelie dans un coin de la cour de cette ferme, Krim Belkacem, Mahmoud Chérif et Boussouf déjeunent ensemble avant de prendre la route vers Tanger pour y passer la nuit. »

Finalement, on a beau cogiter la chose dans tous les sens, le crime est l’étendard de toute révolution. Nos beaux discours humanistes n’y changeront rien !

Le clanisme au sommet ne date pas d’hier… les voyous ont gangrené la révolution dès le départ…

Cela dit, « Un crime d’État, règlements de comptes au cœur du pouvoir algérien » se lit comme un roman et se déguste sans modération !

Kacem Madani

« Un crime d’Etat, règlements de comptes au cœur du pouvoir algérien », de Farid Alilat, éditions Plon

Le dessin du jour

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