– Revue de presse N° 233–234
– 21 et 22 aout 2025 – { 2003–2025 } – 22ème année }
Polémique sur l’absence de Tebboune : quand le silence des images alimente le doute
Date : mercredi 20 août 2025
La diffusion, il y a quatre jours, d’une vidéo du journaliste franco–algérien Mohamed Sifaoui affirmant que le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune serait en vacances en Allemagne a provoqué une vague de commentaires et de spéculations sur les réseaux sociaux.
En réaction, plusieurs médias algériens, se référant à une source anonyme et « bien informée » ont rapidement démenti ces allégations, parlant de fake news et dénonçant une tentative de déstabilisation. Certains ont même attaqué personnellement Mohamed Sifaoui en mettant en avant son parcours et ses prises de position controversées.

Ces médias ont rappelé que le chef de l’État avait décrété un deuil national d’une journée après le drame de Oued El Harrach. Des sites d’information ont même allégué avec certitude que A. Tebboune se trouve dans une ville de l’ouest du pays, sans donner plus de précisions ni de détails sur ce séjour hors de la capitale, Alger.
En outre, et en l’absence d’images récentes du chef de l’État, ce sont ses ministres et les représentants de la présidence qui tentent tant bien que mal de combler le vide.
À chacune de ses sorties publiques, notamment pour présenter les condoléances de l’État aux familles des victimes du drame de Oued El Harrach, le ministre de l’Intérieur, Brahim Merrad, prend le soin d’indiquer qu’il accomplit cette obligation « conformément aux orientations du président de la République ». Une manière de rappeler la présence symbolique de Tebboune, sans pour autant apaiser les interrogations nées de son absence visuelle. Autrement dit, la voix de son maître.
Tout est hypercentralisé autour de la personne du chef de l’Etat.
Rien autour n’existe !
De fait, si les dénégations sont fermes, elles peinent à convaincre.
Car la meilleure manière de tuer la rumeur n’est pas seulement de la réfuter verbalement : il suffirait de montrer le chef de l’État à la télévision nationale, dans ses activités courantes (réunions, visites, audiences, déclarations). Ou dire la vérité aux Algériens : qu’il est en vacances et qu’il en séjour à l’étranger pour raison de santé.
Or, depuis le drame de Oued El Harrach, aucune image récente de Tebboune en situation publique sur le territoire algérien n’a été diffusée. Aucun déclaration sur une absence tellement visible qu’elle interroge et interpelle.
Seules ses condoléances officielles et le décret de deuil national ont été relayés, de manière très formelle et impersonnelle. Et, le mardi 19 août, un message du président à l’occasion de la Journée nationale du Moudjahid a été diffusé. Là encore, aucune apparition filmée du chef de l’État : seules quelques images fixes, illustrées par son portrait officiel, accompagné du texte écrit de son message à été diffusé sur la page Facebook de la télévision nationale.
Le silence visuel de ce dernier contraste avec la forte présence médiatique du chef d’état–major de l’Armée, le général Saïd Chanegriha, filmé et diffusé à la télévision nationale en visite auprès des blessés à l’hôpital.
Là où l’institution militaire a choisi la mise en scène, la présidence s’est enfermée dans une communication minimaliste, limitée à des communiqués. De fait, on se demande bien qui est aux affaires !
Résultat : les démentis officiels paraissent insuffisants face à la puissance de la rumeur. L’absence d’images alimente les doutes, au point que la polémique prend de l’ampleur et fragilise la parole de l’État.
En Algérie, plus que jamais, la communication présidentielle semble souffrir d’un déficit de transparence et de réactivité. L’opacité reste la règle de gouvernance. A part cet écume informationnel, il est où en fait le chef de l’Etat ?
La Rédaction
1830 : la première Guerre d’Algérie…
21 aout 2025
Les relations entre la France et l’Algérie restent d’une brûlante actualité. Pour comprendre cette histoire commune, le livre de Colette Zytnicki, qui relate la conquête de l’Algérie par la France entre 1830 et 1848, constitue un excellent point de départ. Il vient d’être réédité.
la conquête préface de la Zoubia Benjamin StoraSujet toujours brûlant ! Spécialiste de l’histoire coloniale, auteur en outre d’une étude sur Les Juifs du Maghreb, l’historienne Colette Zytnicki s’attaque à la façon dont, entre 1830 et 1848, « les Français ont pris possession de l’Algérie » : les prémices de la colonisation, d’où naîtra cette Algérie « partagée en trois départements […], arrimée au socle français qui s’étend jusqu’aux rives sud de la Méditerranée ». Essai passionnant, paru il y a trois ans, à présent réédité par Tallandier, dans sa collection Texto. Son titre : La Conquête.
Une terre de colonisation
De la « régence d’Alger » comme on nommait alors ce vaste territoire mal connu, à l’éclosion de « l’Algérie française », donc. Ou « Comment les Français ont pris possession de l’Algérie, 1830–1848 » ( c’est le sous–titre). De fait, si l’épisode colonial a, comme l’on sait, duré 132 années, la conquête de cette « province de l’empire ottoman […] progressivement émancipée de cette tutelle » s’est faite en près de vingt ans. Mais « Il faut inscrire l’expédition de juillet [1830] dans une histoire plus large […] pour saisir ce qui s’est joué ensuite : l’expédition s’est transformée en occupation (1830) puis en prise de possession (1831–1834) et finalement en appropriation (1835–1848) », observe Colette Zytnicki. L’historienne s’attache donc, pour commencer, à restituer le contexte dans lequel interviennent les bouleversements culturels induits par ce qu’elle ne craint pas d’appeler « la Tempête » : celle provoquée par l’invasion française, à l’aurore de la Monarchie de Juillet, renversant un monde essentiellement rural, où le pouvoir se transmettait parmi les membres d’une caste ottomane. Un monde dans lequel coexistent, à Alger – à peine 30 à 35000 âmes en 1830 ! – janissaires, Juifs (venus d’Espagne pour l’essentiel), mais aussi… esclaves chrétiens ! Et à la campagne, Bédouins des plaines, Berbères ou Kabyles dans les montagnes… C’est bien « ce monde qui va être, progressivement, du Nord au Sud, bouleversé par la guerre et la présence française dans ses structures les plus profondes ».
Pourtant, Colette Zyrnicki ne manque pas de le souligner : depuis longtemps déjà « l’idée que conquérir le pays barbaresque peut être une œuvre civilisationnelle se fraie peu à peu son chemin parmi les esprits les plus éclairés ». Aussi bien l’Algérie deviendra « pour des courants socialistes, un lieu d’expérimentation, une terre où ils diffusent leur message civilisateur et émancipateur. Ce qui fait d’eux, paradoxalement, de zélés propagandistes de la colonisation ».
L’idée flottait depuis longtemps dans l’air : Napoléon, en 1808, envisage déjà d’envahir le pays. Dans un climat de plus en plus tendu, au début du XIXème siècle, survient la symptomatique affaire Bacri–Busnach, du nom des marchands juifs livournais en délicatesse avec les autorités du royaume, pour une dette jamais soldée, au cœur de la guerre commerciale franco–britannique : « le négoce du blé a pu jouer le rôle d’une mèche lente menant à la détonation que fut l’expédition française de 1830 ». Effectivement, « les sources de conflits s’amoncellent après 1815 ». En 1816, la flotte britannique bombarde Alger. Les Etats européens rechignent à verser, en échange de la paix, leurs tributs aux deys d’Alger. Puis c’est la fameuse scène du coup d’éventail, en avril 1827 : le chasse–mouche exagérément agité du dey ayant outragé le consul Deval, la France instaure le blocus des côtes algéroises. Piano piano l’argumentaire se met en place, « alors défendu par ceux–là mêmes qui sont les plus ardents critiques du système colonial et de l’esclavage, les penseurs libéraux ». Parmi eux, l’économiste Jean–Baptiste Say. « Le gouvernement de Charles X […] met plus de trois ans avant de se lancer dans l’aventure ». Phase attentiste, qui se dénoue avec la canonnade de l’escadre française dans la rade d’Alger : « le gouvernement tient là le prétexte d’une expédition ». D’autant que, de l’autre côté de la Méditerranée, la Régence est en crise : entre 1808 et 1915, sur sept deys successifs, six meurent assassinés à Alger ! En 1830, Hussein dey, « homme cultivé et sage », préserve encore un fragile équilibre. Mais l’instabilité politique chronique de ce pouvoir « jugé tyrannique et barbare » justifie l’intervention militaire. On y embarque des artistes, tel Eugène Isabey. Hussein capitule le 5 juillet. La prise d’Alger – moins de trois semaines avant la chute de Charles X ! – met à bas tout « le système politique sur lequel reposait la Régence, avec le départ de ce qui en était la pierre de touche : le dey et la milice turque ».

Colonisation et occupation violente
La Conquête narre sans parti pris les premiers temps de l’occupation : pillages, confiscation du trésor beylicale, mais aussi hécatombe de nos troupes par les maladies. Tandis que le duc d’Orléans accède au trône, « une autre histoire commence ». En Algérie, « non seulement les Français ont détruit en quelques jours l’appareil administratif ottoman, mais ils se sont coupés des élites politiques et des outils de gestion qu’elles détenaient ». D’où bien des tâtonnements. La défunte Régence cède la place aux très officielles « Possessions françaises dans le nord de l’Afrique ». Sous l’autorité du général Clauzel, Alger est réorganisé selon nos conceptions architecturales, les rues sont renommées, les maisons numérotées. S’ouvrent boutiques, cafés, hôtels, « instaurant une sociabilité à la française bien éloignée des habitudes locales » ; et même établissements scolaires, où affluent surtout les enfants juifs, « au grand dam de l’administration française ». En quatre ans se met en place ce « vaste mouvement de spoliation dont les effets se sont fait sentir jusqu’au milieu du XXème siècle », la dépossession se jouant aussi dans les campagnes : « la pratique du terrain [amène] à bafouer sans arrêt les intentions civilisatrices proclamées », reconnaît l’auteur. Entre « accommodement et résistances », pour reprendre l’intitulé d’un des chapitres, émerge la figure mythique d’Abd el Kader, au moment même où se met en place, non seulement « l’Algérie française » mais, il faut le dire, l’Algérie tout court : « il faut attendre le 14 octobre 1839 pour que cette dénomination [ Algérie] devienne la règle dans les actes officiels » ! L’Algérie est bel est bien une création française.
Oscillant entre deux modèles, le cadre administratif ne s’organise pas d’un seul bloc : Constantine, conquise en 1837, fait appel à la responsabilité des féodaux alliés à la France, ce au prix de nombreuse révoltes ; à Bône (l’actuelle Annaba) prévaut au contraire l’administration directe, par l’armée et les fonctionnaires. L’« extension du domaine de la guerre » instaure parfois « un régime de terreur », tel celui qu’impose le mamelouk Yusuf, cet esclave affranchi qui, «devenu une figure populaire en France […] épouse une chrétienne, Pauline Weyer, se convertit et est nommé général » ! En 1840, nos troupes comptent 59000 soldats dans un pays « dans un état d’insécurité permanant » où les colons ne cessent d’affluer. Au bout d’une dizaine d’années d’occupation, les Européens n’en restent pas moins une infime minorité « dans une Algérie encore bien mal connue d’eux, rassemblés dans les villes et dans quelques rares villages ». L’auteur rappelle à bon escient que « les Français y sont minoritaires et nombreux sont les Espagnols, venus surtout des Baléares, des Maltais, des Italiens et des Allemands ». « Les conquêtes sont une affaire d’hommes, de militaires, de fonctionnaires et de marchands, voire de gens d’Eglise ». Peu de femmes, donc – et pas de mariages, ou presque, entre européennes et autochtones, musulmans ou juifs. « Plus nombreuses sont les liaisons extraconjugales ». S’impose pour les colons la nécessité de scolariser leurs enfants. Si le projet d’assimilation à travers une école « franco–maure » s’avère un échec, les Juifs rompent avec « la tradition pluriséculaire qui réserve la scolarisation aux garçons » et scolarisent les filles, marquant une assimilation précoce au modèle français (bien avant le décret Crémieux de 1870 conférant la citoyenneté à tous les Juifs d’Algérie), dans un contexte où « malgré le mépris qu’ils leur vouent », note Colette Zytnicki, « Français et élites autochtones se sentent dans l’obligation d’utiliser les Juifs […], minorité religieuse appliquée à trouver sa place dans une société bouleversée ». Nonobstant, un courant arabophile se développe dans l’armée, en particulier chez ces officiers « pétris de saint–simonisme ou de fouriérisme », rêvant « de faire de l’ancienne Régence le lieu idéal d’expérimentations sociales audacieuses ». Un Prosper Enfantin en appelle même à la fusion des « races » (sic) « entre colons et autochtones » ! « L’impact du socialisme sur l’invention de l’Algérie française est déterminant », observe l’historienne, au rebours de l’idée reçue sur une supposée connivence ontologique de l’extrême–droite avec l’entreprise coloniale.
Reste que l’« appropriation » de l’Algérie par la France s’est faite dans la plus extrême violence. L’Armée d’Afrique, comme on l’appelait alors, (100 000 hommes en 1846, dont ceux de la Légion étrangère, créée comme l’on sait en 1831) affronte des tribus déterminées à opposer une résistance farouche à l’envahisseur. S’ensuivent razzias, « enfumades », massacres, exactions (d’ailleurs dénoncées en France par l’opposition) dans « une guerre de plus en plus ensauvagée ». Si l’ordonnance du 15 avril 1845 divise administrativement le pays en trois provinces – Alger, Constantine et Oran – le Sud et la Kabylie demeurent durablement des zones insoumises. Interné à Toulon puis à Pau, libéré en 1853, Abd El Kader finira par s’exiler à Damas. Assigné à résidence à Alger, Ahmed, le bey de Constantine, y mourra en 1850… Le « vieux monde algérien » est clos, mais « l’assimilation aux normes françaises », dont la colonisation agricole est un des aspects, s’opère de façon progressive : on dénombre 109 000 colons en 1847.
Apprendre à cohabiter
Les derniers chapitres de l’ouvrage décrivent cette « cohabitation » avec les « indigènes » dans les cités algériennes en mutation accélérée. A Oran, ville de garnison, la rue Napoléon devient « le lieu de flânerie préféré des habitants européens […] faisant ce qu’ils appellent « la noria » ». A Alger, dans un décor de plus en plus européanisé, « il faut imaginer cette population se côtoyer dans les rues, le paletot noir du colon frôlant les haillons des portefaix algérois, les voiles des femmes de la casbah ou la crinoline de l’épouse d’un fonctionnaire ou d’un militaire, le tout dans un mélange de langues, arabes, kabyle, catalan des Baléares, allemand ». Cet « Orient à deux jours de la France » devient un lieu de fantasme exotique : Gautier, Dumas font le voyage. « Un topos de la littérature se met à fleurir très tôt, celui d’un Orient gâté par l’Occident », tandis qu’une administration civile remplace le « régime de sabre », dans une ambiguïté « qui sera la marque même de l’Algérie, à la fois territoire français […] et colonie dotée de lois particulières »… Ainsi Tocqueville lui–même n’est–il « pas favorable à une assimilation totale de l’Algérie à la France »…
De l’allégeance à la Sublime Porte à l’élaboration de cette nouvelle société coloniale, dix–huit ans à peine ! Utilement illustré de cartes, agrémenté d’un glossaire qui vous apprendra ce qu’est un « goum », un « khammès » ou un « khodja », pourvu d’un index alphabétique des « acteurs » du drame – d’Eugène Cavaignac au duc de Dalmatie, en passant par Clauzel ou Danrémont – ce volume ranime la mémoire d’une guerre que le traumatisme de la Guerre d’Algérie a contribué à effacer : celle, précisément, de cette « Conquête » à laquelle ce pays doit son existence, et jusqu’à son nom !
Achevée la lecture de ces quelques 300 pages, votre serviteur retombe par hasard sur Jusqu’au bout du monde, volume courageusement édité en 1963 par La Table Ronde. Le célèbre avocat Jacques Isorni, ardent défenseur de l’Algérie française, y règle ses comptes avec De Gaulle. Il invoque « la nécessité de défendre militairement et jusqu’au bout une parcelle de territoire. […] Car, assure–t–il, on ne se battait pas pour la forme d’un régime mais pour les frontières d’une nation. Cette mauvaise guerre finit par créer à la longue la nation algérienne alors que ceux qui l’entreprirent ne l’avaient déclarée que parce qu’ils croyaient posséder déjà cette nation ». Pas loin d’un siècle et demi a passé ; la boucle se referme sur cette Algérie perdue – à tous les sens du terme. En 2025, à quel obscur « empire » appartient l’Algérie dite « indépendante » ?
Dans un chapitre de son passionnant essai paru en 2024, Je souffre donc je suis, Pascal Bruckner évoque « la névrose française de l’Algérie », le régime algérien n’en finissant pas de s’octroyer « vis–à–vis de l’Hexagone une créance illimitée, [escamotant] les atrocités commises par les Algériens eux–mêmes durant leur lutte de libération, [ évacuant] l’usage du terrorisme au nom d’Allah », ou encore « le massacre abominable des harkis coupables de trahison et l’expulsion brutale des pieds–noirs au nom du principe « la valise ou le cercueil’’. Oubliées également, poursuit Bruckner, la corruption et la dictature de l’Etat FLN à partir de 1962, la répression du mouvement kabyle et plus récemment du Hirak entre 2019 et 2021, sans négliger la guerre civile atroce (1991–2002) qui fit au moins 150 000 morts, même si cette guerre, risque–t–il, nous a évité l’instauration d’une république islamique à une heure d’avion de Marseille ».
Ce « doigt vengeur » durablement pointé sur la France « ne sert qu’à raviver la dette inextinguible que Paris aurait contractée à l’égard de son ancien département ». De fait, « Alger ne semble pouvoir exister sans diaboliser la France, l’adversaire éternel autant qu’indispensable », alors même que « c’est en France que les dissidents algériens se réfugient, c’est vers la France, la marâtre autant honnie que désirée, que la jeunesse algérienne se tourne, gourmande de visas ».
Pour paraphraser qui vous savez, la « rente mémorielle’’ n’est rien d’autre que la poursuite de la guerre par d’autres moyens. La Guerre d’Algérie aura–t–elle jamais une fin ?
La Conquête. Comment les Français ont pris possession de l’Algérie. 1830–1848.
Essai de Colette Zytnicki. Coll. Texto. 333p., Editions Tallandier, 2022/2025.
En librairie à partir du 28 août.
Enlisée dans la crise avec l’Algérie, la France se résout à une stratégie de fermeté
La batterie de sanctions voulue par Emmanuel Macron est perçue, de l’autre côté de la Méditerranée, comme un ralliement du chef de l’Etat aux partisans de la ligne dure incarnée par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, face aux tenants du dialogue prôné par le chef de la diplomatie, Jean–Noël Barrot.
Publié hier à 21 aout 06h00, modifié hier à 17h16
Emmanuel Macron s’adresse à la presse à la suite d’une discussion avec les membres de la « coalition des volontaires », au fort de Brégançon, à Bormes–les–Mimosas (Var), le 17 août 2025. PHILIPPE MAGONI VIA REUTERS
Dans la chronologie de la crise qui oppose Paris à Alger depuis l’été 2024, quelle place accorder à l’initiative prise par Emmanuel Macron le 6 août ? Deux semaines après la diffusion par Le Figaro de la lettre du président de la République à son premier ministre, lui demandant d’agir « avec plus de fermeté et de détermination à l’égard de l’Algérie », il est encore difficile d’en mesurer la portée. Mais la relation bilatérale – dégradée à la suite de la reconnaissance par la France de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental, le 30 juillet 2024, avant que de nouvelles affaires viennent envenimer un peu plus le dialogue entre les deux pays – a franchi une nouvelle étape.
Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’Etat se résout au rapport de force avec Alger : il exhorte le chef du gouvernement à suspendre l’accord de 2013 sur les exemptions des visas pour les passeports diplomatiques et officiels ; il exige la relève d’une soixantaine d’agents consulaires français bloqués, selon lui, par les autorités algériennes ; il conditionne l’accréditation des consuls algériens nommés en France à la reprise d’une coopération migratoire pleine et entière.
Des deux côtés de la Méditerranée, on prend note du changement de ton d’Emmanuel Macron, qui, il y a quelques mois, saluait « la clairvoyance du président [Abdelmadjid] Tebboune » à l’issue d’un entretien téléphonique avec son homologue algérien. Dans sa lettre au premier ministre, il fait part de « difficultés croissantes » sur les dossiers migratoire et sécuritaire, et s’inquiète du « non–respect par l’Algérie de ses obligations au titre de nos accords bilatéraux ». Pour les médias algériens, cette fermeté inédite est perçue comme un ralliement du chef de l’Etat aux partisans de la ligne dure incarnée par le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, face aux tenants du dialogue, prôné par le chef de la diplomatie, Jean–Noël Barrot.
Lire le décryptage
Emmanuel Macron se résout à l’épreuve de force avec l’Algérie
A Paris, on préfère défendre l’idée d’une réflexion collective qui trouverait son aboutissement dans la dynamique amorcée le 6 août. La démarche répond à « une forme de dépit, décrit une source impliquée dans la relation bilatérale. Jusqu’à début juillet, les autorités françaises ont adopté une attitude de retenue et ont fait passer des messages par tous les canaux possibles pour renouer le dialogue, sans rencontrer aucun écho côté algérien ». L’Elysée s’est agacé aussi de sa proposition, restée sans réponse, d’organiser un nouveau rendez–vous téléphonique entre les deux chefs d’Etat.
« Une position nouvelle de résistance »
Le sort réservé à Boualem Sansal et Christophe Gleizes, mentionnés dès le début du courrier présidentiel, a pesé également dans la balance. L’Elysée appelait de ses vœux une mesure de grâce présidentielle pour l’écrivain franco–algérien (qui purge une peine de cinq ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat), à l’occasion de la Fête de l’indépendance, célébrée le 5 juillet. Espoir vain, tout comme celui de voir le journaliste français (condamné le 29 juin à sept ans de prison pour apologie du terrorisme) bénéficier d’une remise en liberté sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès en appel. Boualem Sansal, qui n’a pas formé de pourvoi en cassation, comme le confirme son avocat au Monde, pourrait théoriquement faire l’objet d’un geste de clémence du régime. Christophe Gleizes, privé de visites consulaires, mais qui reçoit celles de son avocat algérien, ne peut prétendre à un tel geste puisque sa condamnation n’est pas définitive.
Alger en quête du moment favorable pour la grâce de Boualem Sansal
Les entraves posées par Alger au retour de ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sont une autre préoccupation majeure d’Emmanuel Macron, qui évite de mentionner l’acronyme si éruptif, mais se félicite d’avoir obtenu un doublement des éloignements des Algériens en situation irrégulière, de 1 610, en 2017, à 3 000, en 2024. Or, depuis début janvier, le chiffre est tombé à environ 500 et les services de l’Etat n’ont recensé qu’un retour effectif au cours du mois de juillet.
Libération de Christophe Gleizes en Algérie : l’appel de plus de 80 personnalités dont Catherine Deneuve, Yann Barthès, Benjamin Biolay
« Jusqu’à présent, le pouvoir algérien jouait sur du velours en considérant que Paris ne serait jamais capable d’engager des mesures de rétorsion, analyse Jean–François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Pendant longtemps, l’Etat français voulait faire la démonstration qu’il avait réussi la transition coloniale avec l’Algérie. Aujourd’hui, il se place dans une position nouvelle de résistance. Mais je ne vois pas le pouvoir algérien bouger sur ses positions, car l’ancienne puissance coloniale reste la victime expiatoire parfaite, contre qui taper quand on cherche à retrouver une forme de cohésion nationale. »
Pour le moment, Alger prend acte de la batterie de sanctions que la France a décidé de mettre en œuvre. « Un vaste travail interministériel a été mené depuis plusieurs semaines pour identifier la gamme des leviers à la disposition des autorités françaises et envisager une gradation dans notre relation avec l’Algérie », argumente la même source diplomatique.
Le premier de ces leviers est la suspension officielle de l’accord de 2013 qui exempte de visa de court séjour les détenteurs de passeport diplomatique et de passeport de service (agents civils ou militaires, avec conjoints et enfants), un dispositif qui a largement bénéficié aux familles de la nomenklatura algérienne. Alger a réagi, dès le 8 août, en annonçant « la dénonciation pure et simple de ce même accord ».
Le risque de « répercussions catastrophiques »
Pour s’assurer que les titulaires de passeport diplomatique ne contournent l’obstacle en cherchant à obtenir un visa par la voie classique, Paris active un autre outil, le « levier visa–réadmission ». Cette mesure, inscrite dans l’article 47 de la loi « immigration » de janvier 2024, permet de suspendre la délivrance d’un visa « au ressortissant d’un Etat coopérant insuffisamment en matière de réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière ». Et pour consolider encore son arsenal, la France en appelle à ses partenaires européens, invités à appliquer l’article 22 du code Schengen qui implique qu’un Etat membre ne peut délivrer un visa si un autre Etat membre l’a informé qu’il s’opposait à la délivrance de ce document. Mais elle doit au préalable informer le Conseil et la Commission de sa démarche pour espérer compter sur cette solidarité européenne.
Les effets de ces mesures coercitives ne seront donc pas visibles avant plusieurs semaines. Elles devraient confirmer la tendance baissière déjà observée par les services du ministère de l’intérieur. Un peu plus de 103 000 visas ont été délivrés aux citoyens algériens au premier semestre, soit un rythme de 17 000 délivrances par mois, contre 22 000 au cours de l’année 2024.
Ce durcissement de la politique migratoire édicté par Paris risque d’« entraîner des répercussions catastrophiques sur les relations économiques entre nos deux pays », alerte Michel Bisac, le président de la chambre de commerce et d’industrie algéro–française.
C’est là toute la complexité de la relation bilatérale. Aussi tumultueuse qu’elle soit, « cette relation est insécable, qu’il s’agisse des mouvements de population, de la formation des élites ou encore de l’imprégnation de la langue française en Algérie », rappelle Jean–François Daguzan.
21 aout 2025
Par: Marco BARATTO ★
Il a fallu Jacob Zuma, ancien président de l’Afrique du Sud, pour nous rappeler qu’en politique étrangère, il faut du courage. Depuis le Ghana, lors d’une conférence à Accra, Zuma a salué le soutien de ce pays au plan d’autonomie du Maroc sur le Sahara. Pas une déclaration de circonstance, mais un acte politique lourd : se ranger clairement du côté de Rabat, avec une vision nette de stabilité et d’unité africaines. Et nous, en Italie ? Silence. Mutisme. Enchaînés à un vieux scénario où l’Algérie demeure intouchable et le Maroc traité comme un simple figurant.
L’hypocrisie italienne
À Rome, tout le monde se targue de défendre “l’intérêt national” et la “souveraineté énergétique”. Mais lorsqu’il s’agit de l’Algérie, l’hypocrisie règne. Personne, ni à droite ni à gauche, n’ose dire qu’il est presque impossible d’être chrétien en Algérie, que la Caritas a été contrainte de fermer ses portes par ordre du gouvernement. Personne ne dénonce les camps de Tindouf, où des milliers de réfugiés survivent dans des conditions indignes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de droits humains ailleurs, tout le monde en Italie se transforme en chevalier blanc. Deux poids, deux mesures : avec l’Algérie, le silence est acheté à coups de barils de gaz.
La prison du gaz algérien
Nous sommes tellement dépendants d’Alger que nous n’arrivons même plus à imaginer des alternatives. Et pourtant, elles existent. Le gazoduc Nigeria–Maroc, qui atteindra l’Espagne, ouvrira une nouvelle voie. Les États–Unis exportent déjà du GNL vers l’Europe. L’Arabie saoudite produit plus de 100 milliards de mètres cubes par an et détient environ 4 % des réserves mondiales. Nous ne sommes prisonniers de personne, sauf de notre propre lâcheté. Dire que sans l’Algérie nous grelotterions est un mensonge pratique, une excuse pour ne pas remettre en cause un statu quo qui n’arrange que ceux qui en tirent profit. Le mythe de l’amitié historique On nous répète à l’envi que “l’Italie a soutenu l’indépendance algérienne, nous devons être reconnaissants”. Très bien, nous l’avons été. Mais un lien né il y a soixante ans ne peut devenir une chaîne éternelle qui nous oblige à fermer les yeux sur tout. L’amitié ne veut pas dire silence, ni acceptation aveugle. Au contraire, un pays sérieux devrait avoir le courage de dire : ça suffit. Assez d’ambiguïté. Assez de chantage énergétique. Assez de ce statut d’intouchable accordé à l’Algérie.

Pourquoi le Maroc compte
Pendant que nous nous prosternons devant Alger, nous oublions que le Maroc est un partenaire stratégique. Non seulement parce qu’il constitue une passerelle naturelle entre l’Afrique et l’Europe, mais aussi parce qu’il a démontré une vision claire de développement : infrastructures, innovation, ouverture aux investissements. Reconnaître son intégrité territoriale signifierait renforcer un pays qui mise sur la stabilité, qui ne brandit pas ses ressources comme une arme politique et qui offre à l’Italie de réelles opportunités économiques. En d’autres termes, ce serait se placer du bon côté.
Le paradoxe des droits humains
Il y a un autre aspect qui crie vengeance. En Italie, chaque parti se présente en défenseur des droits humains. Chaque leader invoque la liberté et la démocratie. Mais face à l’Algérie, rideau. Personne n’ose dénoncer la répression des chrétiens, personne ne parle des camps de Tindouf, personne ne met en cause un régime qui restreint des libertés fondamentales. C’est un paradoxe insoutenable : nous prétendons donner des leçons de démocratie au monde, mais nous nous inclinons devant ceux qui la piétinent.
Rompre le tabou
Le Maroc n’est pas parfait, nul ne l’est. Mais il propose au moins une vision claire, un plan concret pour le Sahara, un chemin qui reçoit déjà le soutien de pays africains majeurs. Zuma et le Ghana l’ont affirmé sans hésiter : l’unité et la stabilité priment. Pourquoi, en Italie, personne n’a le courage d’en faire autant ? Pourquoi restons–nous prisonniers d’un tabou ? La vérité, c’est que la politique italienne a peur de perdre le gaz algérien. Mais la peur n’est pas une stratégie.
C’est une condamnation.
Une Méditerranée à réécrire
La Méditerranée ne peut pas rester otage d’équilibres anciens ni de régimes qui utilisent l’énergie comme moyen de chantage. L’Italie doit choisir si elle veut être actrice ou spectatrice. Continuer de s’incliner devant Alger, c’est rester spectatrice, dépendante et manipulable. Regarder vers le Maroc, au contraire, c’est miser sur la stabilité, le développement et une coopération authentique. C’est se doter d’une politique étrangère autonome, non dictée par la peur de manquer de gaz.
Conclusion : le courage qui manque Zuma a déclaré : « Les jours où l’Afrique dansait au son des tambours étrangers sont révolus ». L’Italie, elle, continue de danser au rythme du gaz algérien. Il est temps d’arrêter. Il est temps d’avoir le courage de briser le tabou. Il est temps de dire clairement que le Maroc est un partenaire stratégique et que l’ère des courbettes devant Alger doit prendre fin. Il ne s’agit pas seulement de géopolitique, mais de dignité. Et la dignité, en politique étrangère, n’a pas de prix.
★Marco Baratto, politologue italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »
L'avis dans le JO de la France sur la suspension de l'Accord de 2013: Une source du MAE souligne le caractère mensonger de l’assertion française
BAIZID Radia
21 aout 2025
ALGER – Le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères a procédé, le 19 août courant, à la publication d’un avis dans le journal officiel de la République française portant sur la suspension de l'Accord algéro–français de 2013 relatif à l’exemption de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service.
Cet avis attribue à la partie algérienne la responsabilité de la suspension dudit Accord, en indiquant que l’Algérie a cessé de l’appliquer à compter du 11 mai 2025.
Approchée à ce sujet, une source du ministère algérien des Affaires étrangères a souligné à l'APS le caractère mensonger de l’assertion française.
En effet, notre source a précisé que les restrictions à l’accès au territoire français, imposées aux titulaires de passeports diplomatiques et de service algériens, ont été annoncées par la partie française elle–même dès le mois de février dernier.
Ces mesures ont, en leur temps, été dénoncées par la partie algérienne à travers un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères daté du 26 février 2025.
A cet égard, la source du ministère a rappelé que c’est bien le 13 février 2025 qu’un premier titulaire de passeport diplomatique algérien a été interdit d’accès au territoire français. Ce précédent a été suivi d’un second cas intervenu, quant à lui, le 26 février 2025. Comme l’indiquait alors le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, ces deux cas ont fait l’objet de demandes officielles d’explication adressées aux autorités françaises.
Notre source a ajouté qu’en cette affaire, la mauvaise foi de la partie française est manifeste. C’est elle qui assume la responsabilité des premières violations flagrantes de l’Accord en question.
La réaction algérienne ne relevait, quant à elle, que de l’application de mesures équivalentes s’inscrivant dans le cadre de la stricte mise en œuvre du principe de réciprocité.
La source du ministère des Affaires étrangères a conclu en affirmant que pour la partie algérienne, ce dossier est définitivement clos après la notification, le 7 août dernier, de la dénonciation par l’Algérie de l’Accord algéro–français de 2013 relatif à l’exemption de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service.
Avis et communications
AVIS DIVERS
MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Avis relatif à la suspension par la France de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l’exemption de visas de court séjour pour les détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service du 16 décembre 2013
NOR : EAEJ2523436V
La République algérienne démocratique et populaire a cessé d’appliquer à compter du 11 mai 2025 l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l’exemption de visas de court séjour pour les détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service, signé à Alger le 16 décembre 2013 et publié par décret no 2014–1003 du 4 septembre 2014.
En vertu du principe de réciprocité, cet accord a également cessé de s’appliquer en France à compter du16 mai 2025.
En application de l’article 8 de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l’exemption de visas de court séjour pour les détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service, signé à Alger le 16 décembre 2013, la suspension de l’accord précité, notifiée par la France, a pris effet le 7 août 2025.
19 août 2025 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 53 sur 67
21 aout 2025
Du rapatriement des pieds–noirs d'Algérie au meeting de l'ARC
Après le rapatriement des pieds–noirs d'Algérie en 1962, plus de 90 % des terres agricoles de la SOMIVAC (Société de mise en valeur agricole de la Corse) ont été attribués aux pieds–noirs d'Algérie. Dès lors, la viticulture fleurit dans l'île et en particulier en plaine orientale, avec des mécanismes nouveaux et des cépages non–endémiques.
L’usage du sucre pour la vinification explose dans l'île et atteint 12 500 tonnes importées en 1970, soit environ 650 kg de sucre par hectare de vigne. En Corse, la situation se tend davantage au fil des années, en 1973, une société italienne, la Montedison, déverse des produits toxiques en Méditerranée. Les Corses voient là un affront, et se mobilisent. Par la suite, les revendications sont multiples : "corsisation des emplois", "création d'une université à Corte", "autonomie". Face à un retard structurel majeur, c'est le début d'une action autonomiste. Elle prend davantage d'ampleur deux ans après, le 17 août 1975, lors du congrès de l'ARC. Dans son discours, le chef de file du mouvement autonomiste, Edmond Simeoni, galvanise la foule. Le point de non–retour
"Le métier de négociant en vin est un métier de spéculation, quelquefois on gagne, quelquefois on perd". Henri Depeille ne pensait pas si bien dire avant cette date. Ce 21 août 1975, dès 7h du matin, l'objectif est clair pour Edmond Simeoni : occuper la cave de façon pacifique et donner une grande conférence de presse le samedi pour alerter la presse, mais aussi la population, sur la situation de l'île, notamment le scandale viticole lié à la "surchaptalisation".
Veste de jogging bleue et t–shirt orange de l'ARC floqué "Autonomia", le leader autonomiste s'exprime devant les quelques journalistes présents : "sans préjudice, c'est un très gros scandale à l'heure actuelle, où toutes les mauvaises pratiques bancaires, escomptes bidons, sociétés écrans se retrouvent pour couvrir quelques individus au passif extrêmement lourd, sous le couvert de l'administration qui essaie d'enrayer le scandale."
La façade de l'établissement est recouverte de tags "Colons fora" ou "Tarra corsa à i corsi". Le message devient éminemment politique : "nous pensons que par le biais de ce problème, nous pouvons sensibiliser nos compatriotes à un certain nombre de causes qui sont justes. Telles que la formation des hommes, la conception d'un développement plus humain au service d'un humanisme révolutionnaire, et en particulier la mise sur pied d'une société collective à base d'auto–gestion librement consentie."
Des centaines de personnes viennent soutenir les occupants. Au fil de la journée, les lignes téléphoniques sont coupées, les occupants retranchés par l'arrivée progressive de gardes mobiles aux abords de la cave, l'atmosphère devient explosive. Interrogé par un journaliste sur la suite des événements, Edmond Simeoni ne démord pas : "je pense que quand on est en légitime défense, on a tous les droits, quand on est responsable et qu'on a le sens aigu des responsabilités, nous en avons toujours témoignés. Il n'y a aucun esprit de provocation, ni aucun esprit d'aventurisme, mais il y a une volonté ferme désormais de ne plus céder un seul pouce."
Le président de la République, Valéry Giscard D'Estaing, ainsi que le Premier Ministre de l'époque, Jacques Chirac, sont en vacances. C'est donc le ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski, qui est chargé de régler le problème du côté de l'Etat.
Un déporté honoré et un carrefour de la Libération inauguré lors des commémorations de la Libération d’Aix
Mathis DELERY
21 aout 2025
Au cimetière Saint–Pierre d’Aix, le silence des allées se confond avec la mémoire. Entre les tombes de Paul Cezanne, Darius Milhaud ou Jean Murat, la ville se recueille autant devant ses artistes que devant ses enfants tombés au champ d’honneur. Ici, les monuments commémoratifs sont légion. Aux côtés du monument aux héros de la Résistance et aux martyrs de la Libération ou encore du mémorial national des Français d’Algérie et des rapatriés d’Outre–Mer, s’élève la stèle "Mort pour la France en déportation". C’est devant elle, ce mercredi 20 août, à l’occasion du 81e anniversaire de la Libération d’Aix–en–Provence, qu’une petite assemblée s’est formée. À 15h30, un nouveau nom est venu s’ajouter à la pierre : celui de Jacques Grunberg.
Jennifer Juvénal, présidente de l’Association nationale des anciens combattants était aussi aux côtés de Marc Muscadet pendant la commémoration.
/ PHOTO CYRIL SOLLIER
Un "panthéon local"
Né en Biélorussie, il avait rejoint Aix–en–Provence en 1927 pour y poursuivre des études de lettres. De confession juive, il trouva refuge un temps auprès d’une famille aixoise, avant de tenter de fuir en avril 1944. Mais la Gestapo le rattrapa. Incarcéré aux Baumettes, il passa par Drancy, puis fut déporté vers les pays baltes par le convoi n° 73, le même qui emporta le père et le frère de Simone Veil. Ce destin, est resté longtemps silencieux.
DOSSIER. "Pour beaucoup de journalistes, c'était une façon un peu exotique de vivre une actualité qu'on ne trouve pas sur le continent", Aleria 1975, l'occupation et la guerre médiatique
Edmond Simeoni interviewé par un journaliste, lors de l'occupation d'une cave à Aleria, le 22 août 1975 • © AFP
Publié le21/08/2025 à 12h00
Les 21 et 22 août 1975, les journalistes sont nombreux à se rendre aux abords de la cave Depeille, pour suivre son occupation par des militants de l'ARC, et le violent affrontement avec les forces de l'ordre qui en découle. Une couverture médiatique loin d'avoir été sans faute, et qui illustre la guerre de communication qui s'est aussi jouée à Aleria.
[Le 21 août 1975, une quinzaine de militants de l'ARC investit la cave viticole d'Henri Depeille. Leur objectif : dénoncer des escroqueries liées à certains propriétaires viticoles rapatriés d'Algérie, et les privilèges accordés à leur installation, au détriment de jeunes agriculteurs corses.
50 ans après les faits, France 3 Corse ViaStella propose une série d’articles et de reportages sur cet épisode, devenu fondateur du mouvement nationaliste moderne. Dans ce sixième épisode, retour sur le traitement médiatique de cette affaire.]
22 août 1975, il est un peu moins de 17h. Micros et caméra tendus pour les uns, carnet à la main pour les autres, les journalistes se regroupent autour d'Edmond Simeoni. Après une journée et demie d'occupation de la cave Depeille, le dirigeant de l'Action pour la renaissance de la Corse (ARC) annonce se constituer prisonnier. Une décision tombée après le violent assaut qui vient de l'opposer, lui et la quinzaine d'autres membres de l'ARC présents, aux forces de l'ordre.
Le bilan est lourd : deux CRS mortellement touchés, et un blessé grave parmi les nationalistes.
"Nos hommes sont partis la tête haute, avec leurs armes, leurs équipements", indique alors Edmond Simeoni aux médias. "La première chose à faire, je pense, c'est de s'incliner devant les victimes de part et d’autre. Elles sont les victimes inutiles d'une lutte injustice. Pour notre part, le combat politique commence."
Porte–parole de l'ARC, le docteur Simeoni a, tout au long des heures d'occupation de cette cave viticole à Aleria, multiplié les interviews. Une façon de communiquer sur la situation dénoncée par les militants : la chaptalisation des vins par les viticulteurs pieds–noirs, installés en Corse au lendemain de la guerre d'Algérie.
Edmond Simeoni a multiplié les interview, les 21 et 22 août 1975. • © FTV
Forte affluence médiatique
Des reporters qui montrent via leur caméra ou par des photos des douilles, des armes, et voient pour certains par ce biais–là "une façon un peu exotique de vivre une actualité qu'on ne trouve pas sur le continent", estime Vincent Carlotti, ancien maire d'Aleria.
"Ils venaient ici pour se faire un peu plaisir, et un petit peu jouer à l'apache, dire "voilà, j'ai rencontré quelqu'un du FLNC". Cela nous a apporté beaucoup de torts, à mon avis."
Doutes et mésinformations
De façon générale, il est au cours des événements d'Aleria peu aisé pour les Corses d'obtenir une information objective sur ce qui est en train de se passer. Après l'assaut, les médias, notamment la télévision et la radio, évoquent rapidement deux membres de forces de l'ordre tués. Mais dans la population, beaucoup doutent immédiatement de certaines informations.
Agriculteur rapatrié d'Algérie, et alors installé à quelques centaines de mètres de la cave Depeille, Bernard Cabot se souvient avoir entendu par voie de médias, au cours des événements, "une somation" des forces de l'ordre, ordonnant le dépôt des armes des militants.
"On l'entendait à la radio. Et puis des coups de feu : pan, pan, pan, et deux CRS sont morts. On a tout de suite dit : les gens de la cave ont tiré sur les CRS. Mais c'est faux, insiste le désormais retraité. Parce que les gens qui sont tombés, nous avons les images, ils sont tombés la tête en avant. Si les gens de la cave avaient tiré sur les CRS, ils seraient tombés en arrière."
Des "photos chocs"
Jugé en mai 1976, Edmond Simeoni est condamné à cinq ans de prison, dont trois avec sursis. Il sera finalement libéré en août 1977, après deux ans de détention. Pendant tout son emprisonnement, Max Simeoni ne cessera d'interpeller les médias nationaux.
Algérie, Boualem Sansal… L'éditorialiste Karim Zéribi en rajoute une couche dans la presse algérienne
Marianne
21 aout 2025
Alors que Paris et Alger s’enlisent depuis plus d’un an dans une confrontation diplomatique sans précédent, les passes d’armes dépassent désormais le cadre institutionnel. Dans les médias, des voix comme celle de l’ancien eurodéputé Karim Zéribi relaient et amplifient un climat de défiance réciproque.
Les passes d’armes entre l’Algérie et la France ne se font pas uniquement au plus haut sommet de l’État. Empêtré depuis plus d'un an dans une crise diplomatique sans précédent, Emmanuel Macron avait, le 6 août dernier, affirmé passer à l'étape supérieure en choisissant l'épreuve de force. Il avait demandé à son Premier ministre, François Bayrou, que la France agisse avec « plus de fermeté et de détermination » vis–à–vis de l'Algérie.
Le lendemain de ces déclarations, Alger avait rétorqué, soulignant que la France était l’unique responsable de cette crise bilatérale, en raison de la reconnaissance par la France, de la souveraineté du Maroc sur le Sahara–occidental, en octobre dernier. Cette guerre diplomatique entre Paris et Alger s'observe également dans les médias, où divers défenseurs de l'un des deux partis n'hésitent pas à prendre la parole pour défendre leur bout de pain, au risque d'envenimer la situation ?
Des liens avec le pouvoir algérien
Ce 18 août, dans un entretien accordé au quotidien généraliste algérien El Moudjahid, l’ancien député européen Karim Zéribi ne mâche pas ses mots et critique l’attitude des politiques français de manière acerbe. Il dénonce, au sein d’une partie de la classe politique française « un fond de nostalgie coloniale, une islamophobie décomplexée et un racisme assumé », et se dit « choqué » du silence d’Emmanuel Macron (de quel silence parle–t–on ?) qui équivaudrait à donner une « caution aux extrêmes ». L’ancien député reproche en outre à la France de ne pas respecter l’Algérie, contrairement à d’autres pays tels que la Russie, la Chine, l’Italie ou encore l’Allemagne, qui eux considèrent l’Algérie « comme un partenaire stratégique », à juste titre, selon lui. Paris ne pourrait s'empêcher de « s’accrocher à ses vieux réflexes coloniaux », ce qui constituerait une « faute historique ».
Né à Avignon d’une mère franco–algérienne et d’un père algérien, Karim Zéribi, après avoir été élu politique, cadre de la SNCF ou encore président de la Régie des transports de Marseille, a fondé en mars 2024 le « Conseil mondial de la diaspora algérienne », dont le but est de « permettre aux Algériens d’être plus forts et plus respectés ». Une initiative lancée sous les conseils répétés du président algérien Abdelmadjid Tebboune, selon l’aveu même de son fondateur.
Les liens entre Karim Zéribi et le pouvoir algérien semblent sans équivoque. « Cela fait plusieurs mois que le président de la République Abdelmadjid Tebboune lance des appels à la diaspora algérienne installée partout dans le monde », déclarait–il, à l’occasion d’un entretien donné au premier média francophone algérien sur Internet, TSA.
Justification de l'emprisonnement de Boualem Sansal
Et c’est donc sans surprise que ce dernier avait justifié l'arrestation par le pouvoir algérien de l'écrivain Boualem Sansal, déclarant dix jours après son incarcération : « Il faut aujourd'hui que les gens de paix, les gens positifs, les gens qui veulent se respecter, s'unissent et mettent à mal ces Boualem Sansal pseudos écrivains islamophobes qui propagent la haine (...) Je dis que l'Algérie devrait lui interdire de rentrer sur son sol car il insulte ce pays et peut–être le déchoir de sa nationalité. »
Des enjeux économiques dont on parle assez peu et un fond de nostalgie expliquent sans doute l'extrême pusillanimité de la France. Pourtant il convient de casser la baraque car 50 ans de manipulation
Ces échanges d’accusations, entre diatribes politiques et relais médiatiques, montrent que dans ce contentieux diplomatique, chaque mot devient une arme. Dans ce climat déjà inflammable, émergent des figures comme Karim Zéribi, qui jouent à la fois un rôle de porte–voix d'une partie de la diaspora et de relais du pouvoir algérien.
Reste à savoir si cette guerre de récits, qui risque de s’installer durablement, ne va pas un peu plus fracturer les relations entre les deux pays.
France – Algérie. Anatomie d'une déchirure | Radio France
Thomas Snégaroff (auteur)
Parution : 23.10.2025
Distributeur : Les Arènes
ISBN : 9791037514714
200 pages
Une histoire commune qui divise encore.
Un livre pour comprendre les blessures du passé et les tensions du présent.
Depuis près de deux siècles, la relation entre la France et l’Algérie est traversée par la violence à la fois humaine, culturelle et mémorielle. Cette histoire continue d’alimenter tensions, silences et incompréhensions de part et d’autre de la Méditerranée. Avec clarté et rigueur, Benjamin Stora, historien majeur de cette mémoire franco–algérienne livre un récit indispensable en six dates clés pour saisir les enjeux d’un dialogue toujours fragile, mais plus vital que jamais.
1830–2025 : Deux siècles d’histoire
1830, La conquête : l’expédition française de 1830 inaugure une longue période de domination coloniale. L’Algérie, devient le théâtre d’une conquête violente. Les premières résistances, notamment celle d’Abd el–kader, révèlent déjà la profondeur du refus algérien face à l’occupation. En France, les débats sur la légitimité de la colonisation naissent dès cette époque. 1852, L’Algérie française : sous le Second Empire, l’Algérie est progressivement intégrée à la France via la départementalisation. Tandis que les figures comme Jules Ferry défendent la mission civilisatrice, d’autres, comme Clemenceau ou Jean Jaurès, s’y opposent. La participation forcée des Algériens aux guerres européennes accroît le ressentiment.
1936, “L’Algérie n’est pas à vendre” : à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les revendications nationalistes prennent de l’ampleur. Des mouvements réformistes gagnent la population algérienne, tandis que l’immigration vers la métropole s’intensifie.
1954, la Toussaint rouge : le FLN devient l’acteur central du combat, succédant aux formations nationalistes précédentes. La radicalisation du conflit et la répression française provoquent une spirale de violence. Cette guerre, longtemps tue, continue de structurer les mémoires des deux sociétés.
1962, la fin d’une histoire : des fractures profondes marquent la fin de la guerre. Le tournant gaulliste vers l’autodétermination, le putsch des généraux, la répression du 17 octobre 1961 et les violences de l’OAS précèdent les accords d’Évian. L’indépendance laisse un goût amer (des pieds–noirs aux harkis).
2025, les mémoires entravées : aujourd’hui les traces restent vives. Les extrêmes politiques en France ravivent les tensions. L’arrestation de Boualem Sansal en 2025 incarne la complexité des regards croisés. La réconciliation reste entravée par des mémoires concurrentes.
Des cartes et des infographies pour tout comprendre En plus du texte, d’une grande clarté pédagogique, l’ouvrage est enrichi de cartes et d’infographies, outils indispensables pour comprendre le fonctionnement de nos institutions. Ces dernières sont l’oeuvre de Légendes Cartographie qui réalise des cartes en sciences humaines et sciences de la Terre depuis 1996.
Thomas Snégaroff est journaliste et historien. Il présente Le Grand Face–à–face et En six dates clés le samedi sur France Inter, et C Politique le dimanche sur France 5.
Benjamin Stora est historien, professeur des universités et spécialiste de l’histoire de l’Algérie contemporaine, de la colonisation française et des migrations post–coloniales. Auteur d’une quarantaine d’ouvrages, il a notamment publié Ils venaient d’Algérie. Une histoire de l’immigration algérienne en France (Fayard), La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie (La Découverte), Histoire de la guerre d’Algérie 1954–1962 (La Découverte), et plus récemment L’Arrivée De Constantine à Paris, 1962–1972 (Tallandier).
France–Algérie : anatomie d'une déchirure
Deux siècles de domination, de luttes, d’exils... et des mémoires toujours irréconciliées
Depuis plus de 60 ans, les relations entre la France et l’Algérie oscillent entre tensions diplomatiques, mémoires à vif et récits concurrents. Héritée de 132 ans de colonisation et d’une guerre d’indépendance sanglante, cette histoire commune reste un sujet brûlant des deux côtés de la Méditerranée.
En 45 questions–réponses, Thomas Snégaroff et Benjamin Stora explorent les grandes étapes de la colonisation, les ressorts du nationalisme algérien, les fractures mémorielles et les conséquences profondes sur les sociétés contemporaines. Pourquoi cette guerre a–t–elle été si longue à nommer? Quelle place occupent les mémoires dans le débat public ? Une réconciliation est–elle possible?
Un ouvrage clair et accessible, avec des cartes, des infographies et des textes de référence.
Agrégé d’histoire, Thomas Snégaroff a longtemps enseigné l’histoire et la géopolitique au lycée, en classes préparatoires et à Sciences Po Paris, avant de s’orienter vers le journalisme. Il présente «Le Grand Face–à–face» et «En six dates clés» le samedi sur France Inter ainsi que «C Politique» le dimanche sur France 5.
Benjamin Stora est historien, professeur des universités et spécialiste de l’histoire de l’Algérie contemporaine, de la colonisation française et des migrations postcoloniales. Il a été président du Conseil d’orientation du musée de l’Histoire de l’immigration et a été inspecteur général de l’Éducation nationale (IGEN).
Ahlem Gharbi, nouvelle déléguée permanente de la France auprès de l’Unesco
Précédemment conseillère de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France à Alger et directrice de l’Institut français d’Algérie, Ahlem Gharbi a été nommée, lors du Conseil des ministres du 30 juillet, aux fonctions d’ambassadrice, déléguée permanente de la France auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Elle prend la suite de Philippe Franc. Âgée de 48 ans, titulaire d’une licence d’arabe, d’une maîtrise d’histoire et diplômée de Sciences Po Paris, Ahlem Gharbi a notamment été la conseillère technique “Afrique du Nord et MoyenOrient” d’Emmanuel Macron à la présidence de la République entre 2017 et 2019. Elle a ensuite passé deux ans comme directrice des partenariats à l’Agence française de développement, avant d’être nommée à Alger, dans la foulée.
Plus tôt dans sa carrière, cette diplomate a par ailleurs été première secrétaire à l’ambassade de France au Caire, en Égypte, de 2009 à 2013, puis première secrétaire à la représentation permanente de la France auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU) à New York, aux ÉtatsUnis, jusqu’en 2015. Après cela, elle a officié pendant deux ans au sein du groupe Total, au poste de viceprésidente adjointe “affaires internationales”.
Publié le 21 août 2025
Rappel
Sa remplaçante à Alger
Cécile Renault, nouvelle patronne de l’Institut français d’Algérie
Changement de fonctions pour Cécile Renault. Précédemment conseillère de coopération et d’action culturelle (Cocac) auprès de l’ambassade de France à Taïwan, elle a été nommée Cocac à l’ambassade de France en Algérie et directrice de l’Institut français d’Alger. Elle a remplacé Ahlem Gharbi le 1er septembre.
Formée à Sciences Po Paris, Cécile Renault a passé la première partie de sa carrière dans le monde de la culture, officiant notamment comme adjointe au directeur culturel du musée du QuaiBranly entre 2011 et 2015.
Cela avant d’intégrer la promotion Louise Weiss (2017) de l’exENA et d’intégrer, à sa sortie, le Conseil d’État.
Aujourd’hui âgée de 45 ans, cette haute fonctionnaire a par la suite exercé, entre autres, comme directrice de projet, chargée du suivi des questions mémorielles sur la colonisation et la guerre d’Algérie à la présidence de la République (2021 – 2022). Dans la foulée, Cécile Renault a pris ses dernières fonctions en date à Taïwan.
Publié le 13 septembre 2024
Les Grandes Voix du Transport : Paul Berliet (épisode 4)
21 aout 2025
Le portrait de Paul Berliet, suite. L’homme a joué un rôle central dans le développement et l’exportation des camions français à travers le monde. Visionnaire, il a rapidement compris que l’avenir de son entreprise passait par l’adaptation des véhicules aux marchés étrangers et la création de partenariats stratégiques à l’international.
Photo Fondation Berliet ( remarque RPweb inauguration usine de Rouiba près d’Alger)L’Algérie et la Mission Ténéré
Dès les années 1950, Paul Berliet s’intéresse à l’Algérie, où il fait construire une usine à Rouïba pour assembler localement ses camions. L’objectif était double : répondre aux besoins croissants de transport industriel et militaire en Afrique du Nord tout en réduisant les coûts liés aux importations. Les camions Berliet, notamment les modèles GAK et GBC 8 6×6 surnommé « Gazelle », se distinguaient par leur robustesse et leur capacité à traverser des terrains difficiles, des routes désertiques aux zones montagneuses.
Cette fiabilité fut mise en lumière lors de la célèbre Mission Berliet–Ténéré, organisée entre 1959 et 1960. L’expédition démontra que les camions pouvaient traverser les zones les plus extrêmes du Sahara, tout en contribuant à des recherches géographiques et scientifiques.
Sans oublier le T100 qui arrive en Algérie en octobre 1958.
Les premiers essais sahariens permettent notamment de tester la transmission et les pneumatiques « spécial sable », dont la très faible pression est comparable à celle exercée par le pied d’un chameau, rapporte la Fondation Berliet.
Archive RPweb
Photo Fondation Berliet La Chine et l’exportation technique
À partir des années 1960, l’influence de Berliet s’étend à la Chine. Paul Berliet devient un pionnier de la coopération industrielle, introduisant les standards occidentaux dans la conception des camions lourds destinés au transport industriel et militaire. Cette collaboration permet non seulement à Berliet de pénétrer un marché en pleine expansion, mais contribue aussi au développement de l’industrie automobile chinoise.
L’Iran et les marchés émergents
Dans les années 1970, la marque Berliet exporte des camions vers l’Iran, adaptés aux routes difficiles et aux climats extrêmes. Ces véhicules sont utilisés pour le transport commercial et la construction, montrant une fois encore la capacité de Berliet à adapter ses camions aux conditions locales et aux besoins spécifiques des marchés émergents.
Photo Fondation Berliet Maroc, Brésil et la stratégie globale
Au Maroc et au Brésil, Paul Berliet mise sur la production locale pour faciliter l’accès aux marchés africains et sud–américains. Cette stratégie permet à Berliet d’assembler les véhicules sur place et de répondre efficacement aux besoins de transport industriel, commercial et militaire.
Une stratégie fondée sur la robustesse et l’adaptation
L’ensemble de ces initiatives illustre parfaitement la stratégie de Paul Berliet, centrée sur la robustesse, la polyvalence et la fiabilité des camions, ainsi que sur leur adaptation aux conditions locales. Grâce à cette approche, Berliet s’impose comme un acteur majeur de l’industrie automobile internationale et consolide durablement la réputation de ses véhicules à l’étranger.
Rouiba , archive RPweb
Rouiba, Archive RPwebAlgérie–France : En baisse sensible, les visas, seul levier de la France ?
Par Oussama Nadjib
21 août 2025
La réduction des visas accordés aux Algériens, devenu le principal outil de pression de Paris, laisse augurer d’un enlisement des relations franco–algériennes au moins jusqu’à l’échéance présidentielle française de 2027.
Un peu plus de 103 000 visas ont été accordés aux citoyens algériens par les services consulaires au premier semestre 2025, soit un rythme de 17 000 délivrances par mois, contre 22 000 en moyenne l’année précédente, rapporte le journal Le Monde, dans un article publié aujourd’hui.
La lecture de l’article confirme largement que le seul véritable “levier” du rapport de force défendu par le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, et désormais soutenu par le président Emmanuel Macron, est celui des visas accordés aux Algériens.
L’accord sur les exemptions de visas passeports diplomatiques et officiels de 2013 – “suspendu” par Paris et “dénoncé” purement et simplement par Alger le 8 aout dernier – n’étant plus de mise, ce sont donc les visas “ordinaires” qui servent de levier. Ils devraient, en toute logique, baisser encore davantage au cours des prochains mois. La France peut faire jouer, si ce n’est déjà fait, l’article 22 du code communautaire européen des visas qui permet à un État membre d’exiger d’être consultés par les autres États membres au sujet desdemandes introduites par les ressortissants de certains pays tiers ou par certaines catégories de ces ressortissants.
La chute drastique des visas a été d’ailleurs été annoncée de fait par le président français dans sa lettre à François Bayrou du 6 août 2025, dans laquelle il évoque explicitement une baisse de 30 % dans la délivrance des visas aux ressortissants algériens.
Cette réduction est certes formellement présentée, non comme une mesure de rétorsion, mais comme une conséquence des “entraves” imposées par Alger à l’activité consulaire française.
Dans les faits, les visas accordés vont baisser de plus en plus.
Des leviers peu opérants
La crise diplomatique à multiples volets, d’une ampleur sans précédent depuis 1962, est alimentée par un contexte pré–électoral en France où le sujet “Algérie” est ingrédient majeur de la droite et de l’extrême droite.
Toute une panoplie de “leviers” de pression sur Alger ont été évoqués par les médias et les hommes politiques français, mais la question des visas semble être la seule pouvant avoir un aspect effectif.
L’impact, réel, sur la population algérienne qui a des liens familiaux et humains en France, est censé servir de moyens de pression. Mais c’est un levier au résultat très incertain.
Les autres leviers évoqués par les politiques et les médias – sur les chaînes d’infos, on a pu observer une méconnaissance totale de la réalité des relations – paraissent peu opérants.
La relation économique entre Alger et Paris est importante, mais elle s’accommode d’un jeu de pression.
Les entreprises françaises seraient d’ailleurs les plus lésées par une telle stratégie. L’Algérie, actuellement quatrième fournisseur de gaz naturel à l’Union Européenne, peut sans difficultés majeures se passer de la France pour ses ventes d’énergie.
Enlisement jusqu’à… 2027 ?
La guerre en Ukraine n’a fait que renforcer la position de l’’Algérie sur le marché européen. Les ventes de gaz à l’Italie ont fortement augmenté, faisant de l’Algérie le premier fournisseur de Rome.
Les ventes de gaz à l’Espagne n’ont pas été affectés par la crise entre les deux pays à la suite du virage de Pedro Sánchez sur le Sahara Occidental.
La France peut, par ailleurs, s’opposer au souhait exprimé par l’Algérie de réviser l’accord d’association, mais son impact sur la relation bilatérale a peu de chance d’être concluant. Globalement, selon les analystes, les entreprises françaises ont le plus à pâtir des tensions diplomatiques, au profit des concurrents chinois, turcs ou italiens.
L’enlisement de la crise est aggravé par le fait que la question de la relation avec l’Algérie est devenue un enjeu de politique intérieure française.
Le sujet de l’Algérie, couplé à l’immigration et à la sécurité, est utilisé comme argument électoral. Le pronostic de Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la communication d’une crise qui ne connaitra pas de répit avant l’élection présidentielle françaiseen 2027 ne semble pas irréaliste.
L’enlisement semble être le scénario le plus probable.
Emmanuel Macron, Gérald Darmanin et l’encombrant Bruno Retailleau : le mystérieux rendez–vous de Brégançon
Laureline Dupont
Exclusif. Entre le chef de l’Etat et le ministre de la Justice, les relations vont et viennent. Mais l’été se révèle souvent propice au rapprochement.
Publié le 21/08/2025 à 18:30
Même chez le plus ardent des hommes politiques, il arrive, dit–on, que les déconvenues assomment l’ambition. Gérald Darmanin échappe à cette règle d’airain. Trop agile, trop habile, trop conscient de sa faiblesse : seule la promesse du poste plus prestigieux que le précédent apaise ses tourments de Petit chose éternel. "Je n’ai pas fait l’ENA, je ne viens pas du même monde qu’eux" : il peste et tient son combat. Non pas les égaler, ces héritiers, mais les dépasser. Alors, renoncer à Matignon, lui qui s’y est vu installé un été pas si lointain – c’était en 2023, c’était il y a deux ans, c’était il y a un siècle ? Défaite absurde. La situation politique apparaît si instable… Tout devient possible, lui a appris un ancien président.
Le mardi 12 août, le ministre de la Justice est attendu à Nîmes, il débarque à Marseille. Visite inopinée à la prison des Baumettes, "à peine une petite heure", relate le quotidien local La Provence. Il suffira d’une minute pour recevoir un signe d’Emmanuel Macron qui, sachant son ministre à moins de 100 kilomètres du Fort de Brégançon, le convie à passer le lendemain. Emmanuel Macron : "Il est remonté sur son cheval, Gérald !"
Mercredi 13 août à midi, les voici réunis. L’Elysée se garde de communiquer officiellement sur la rencontre et Gérald Darmanin, photographié par la presse en terrasse dans un restaurant à 200 mètres du Fort le même jour, se retient également de fanfaronner dès la sortie. Car leur discussion a porté sur deux sujets. La non–confidentielle réforme judiciaire initiée par le ministre et la secrète équation de la fin du quinquennat. « Nous avons surtout parlé de la justice, précise à L'Express Gérald Darmanin. Bien sûr, nous avons discuté de la situation politique mais sans évoquer les conséquences d'une éventuelle censure. »
Y aurait–il une menace pire encore, ne venant pas du Parlement mais de la Place Beauvau ? L’insécurité est partout. « Darmanin anticipe très bien ce que veut le chef, et là, ce que le chef veut, c’est ne plus voir Retailleau », explicite un autre visiteur estival du président. Escamoter le ministre de l’Intérieur, tout auréolé de son triomphe chez les Républicains ? Voilà qui ne déplairait sans doute pas au garde des Sceaux.
Il se murmure ainsi qu'il aurait ciselé devant Emmanuel Macron l’idée d’une nouvelle équipe sans le patron des Républicains mais avec des personnalités fortes, issues de la droite. Une espèce de gouvernement Philippe II qui aurait la bonne idée de s'appeler plutôt gouvernement Darmanin et le mérite de faire exploser LR avant 2027 tout en affaiblissant le Vendéen. Ce canevas culotté a poussé le président à conclure devant quelques–uns de ses confidents réunis à Brégançon : "Il est remonté sur son cheval, Gérald !"
Rebellions successives
Entre ce président parfois étonnement dépourvu de flair politique et ce ministre souvent débordé par son sens politique, la valse des tensions depuis 2022. Sans doute le premier se méfie–t–il de la témérité sans limite du second qui constate un soutien, disons… ondoyant du premier qui se méfie de la témérité sans limite du second qui constate… Etc. Au début de l’année, alors qu’il venait à peine de s’installer place Vendôme, Gérald Darmanin louait en privé la franchise de leurs rapports : "Le président m’avait dit oui pour le Quai d’Orsay, donc je savais que ce serait non." Comme tous les enfants terribles, Darmanin est un affectif, perpétuellement surpris de découvrir qu’un chef de l’Etat se préoccupe davantage de lui–même que de la carrière de ses ministres, fussent–ils loyaux, fussent–ils serviables. Quelques mois plus tôt, dressant la liste de ses déconvenues devant un ancien sarkozyste comme lui devenu macroniste, il se fait grave : "Je n’ai pas de nouvelles du PR." Il y a de quoi rire, songe l’ami effaré qui réplique : "On est à mi–mandat, tu voudrais qu’il prenne position pour toi et soit ton directeur de campagne ? Tu plaisantes !"
Un peu de considération tout de même… Durant le premier quinquennat, ceux qui côtoyaient Edouard Philippe Premier ministre et Gérald Darmanin, ne cachaient pas leur stupéfaction devant la différence des traitements qu’Emmanuel Macron réservait à l’un et à l’autre. Pas un échange avec le chef du gouvernement, "ils ne se parlent pas", répétaient les observateurs du premier rang. Avec le ministre du Budget, en revanche, les coups de fil et les SMS paraissaient incessants. Mais les rebellions successives et l’appétit politique d’ogre inquiètent toujours, avant de lasser.
A présent, c’est avec un autre transfuge de la droite que le président semble entretenir des conversations politico–stratégiques ininterrompues. Sébastien Lecornu a le bon goût de rester à sa place et dans son temps, en 2025 et non en 2027 ; de se concentrer sur les dossiers de son ministère des Armées, de faire preuve d’une discrétion sans faille et de ne pas utiliser la menace quand la déception point, même quand il s’agit de céder le siège de Matignon en une heure à François Bayrou. Mais la fin du quinquennat se dessine, déjà il faut songer à la trace et peut–être au retour. Emmanuel Macron sait qu’il ne peut laisser sa relation avec l’audacieux locataire de la Place Vendôme, déterminé à jouer un rôle et pas le moindre en 2027, se dégrader. "Avoir un Gérald calme, c’est précieux", synthétise un proche du chef de l’Etat. Le recevoir donc. Et à deux reprises en un mois. Car le ministre a également été convié à l’Elysée en juillet, avant le départ en vacances. D’autres ministres l’ont été mais cela n’efface pas l’attention. Le rendez–vous de Brégançon, cette fois, a des airs de privilège. Plus qu’un déjeuner de soleil ?
Décolonisons les imaginaires !
Pas de statue de Bigeard à Toul
Manif Est
22 aout 2025
CherEs camarades, chères amiEs,
Le collectif contre la statue de Bigeard donne rendez–vous à toutes les personnes attachées au respect des droits humains et à un avenir de progrès dans la diversité, la mixité sociale et la fraternité.
Si, comme nous, vous êtes soucieuxEs de la propagation exponentielle des discours de racisme, de discrimination et de haine , dont la statue est un très mauvais symbole,
Venez partager un moment convivial et militant ce dimanche 24 août, à 18 h, à Toul devant la statue, square du lieutenant Génin.
Merci à toutEs de diffuser dans vos réseaux.
Prises de paroles, musique, poésies, pancartes et banderoles bienvenues.
C’était un 22 août : l’attentat du Petit–Clamart
C’était un 22 août : l’attentat du Petit–Clamart
Le 22 août 1962, le général de Gaulle échappe de peu à un attentat spectaculaire organisé par l’Organisation armée secrète (OAS), au carrefour du Petit–Clamart, près de Paris. Ce soir–là, alors qu’il se rend avec son épouse Yvonne et son gendre Alain de Boissieu vers la base de Villacoublay, leur Citroën DS est prise sous un feu nourri : 187 balles sont tirées, 14 atteignent la carrosserie. Par miracle, aucun occupant n’est blessé.
Un contexte explosif : la guerre d’Algérie et la colère de l’OAS
Depuis l’annonce de l’autodétermination de l’Algérie en 1959, puis les accords d’Évian de mars 1962 qui scellent l’indépendance, de Gaulle est considéré comme un traître par les partisans de « l’Algérie française ». Parmi eux, l’OAS multiplie les actions violentes en métropole comme en Algérie. Le lieutenant–colonel Jean Bastien–Thiry, convaincu que le chef de l’État a abandonné les pieds–noirs et les harkis à leur sort, met au point l’« opération Charlotte Corday », une embuscade destinée à abattre le président. Douze hommes lourdement armés participent au guet–apens du Petit–Clamart.
Une tentative avortée qui change la République
Si de Gaulle échappe de peu à la mort — il dira lui–même : « Cette fois, c’était tangent » —, l’attentat bouleverse la vie politique. Quelques semaines plus tard, le général saisit l’occasion pour proposer une réforme majeure : l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Adoptée par référendum en octobre 1962, elle transforme durablement la Ve République en renforçant l’autorité présidentielle.
Bastien–Thiry, arrêté le 17 septembre 1962, est jugé et condamné à mort. Il sera fusillé au fort d’Ivry en mars 1963, devenant le dernier condamné à mort exécuté par fusillade en France.
L’attentat du Petit–Clamart reste l’une des plus graves menaces contre la Ve République naissante. S’il avait réussi, c’est toute l’histoire politique française qui aurait pu basculer.
22 août 1962, attentat du Petit–Clamart contre le général de Gaulle : un complot aux ramifications lot–et–garonnaises
Le général de Gaulle défile dans les rues de Bordeaux en septembre 1958 à bord d’une DS.
© Crédit photo : STAFF/AFP /colorisation /RPweb/
Publié le 22/08/2025 à 7h00.
Mis à jour le 22/08/2025 à 11h09.
L’huissier de Lauzun Jean Larrieu et deux complices d’Agen ont fait partie du complot de l’OAS qui visait à assassiner le général de Gaulle, alors président de la République. Soixante–trois ans après les faits, retour sur les ramifications lot–et–garonnaises de l’attentat du Petit–Clamart
«Larrieu, dans l’attentat de De Gaulle, c’est fort. » Le maire de Lauzun, Jean–Pierre Barjou, reconnaît bien volontiers que la grande histoire n’a pas retenu le nom de Jean Larrieu. Mais dans son petit village bien tranquille du Lot–et–Garonne, « l’affaire a marqué ».
Soixante–trois ans après les faits, l’élu se souvient très bien de l’arrestation de l’huissier de justice Jean Larrieu, un petit matin de septembre 1962. Personne ne soupçonne qu’il puisse être lié à un complot visant à décapiter la tête de l’État. Et pourtant, l’homme que l’on vient d’interpeller est bien impliqué dans l’attentat du Petit–Clamart qui s’est produit quelques jours plus tôt, le 22 août 1962. Le général de Gaulle, alors président de la République, en réchappe miraculeusement. Le grand écrivain était descendu de Malagar pour venir saluer le chef de l’État lors de sa visite à Langon il y a soixante ans, le 15 avril 1961
Un journaliste montre les quatorze points d’impacts de mitraillettes qui ont atteint la DS du président de la République.
La piste de l’OAS (Organisation armée secrète), de l’extrême droite et des partisans de l’Algérie française ne fait aucun doute. Et si Larrieu n’est qu’un second, voire un troisième couteau dans ce vaste complot, son interpellation rapide a permis aux enquêteurs de remonter une filière de complices lot–et–garonnais et de démasquer l’un des principaux suspects.
Mitraillette à la hanche, ils ont entouré sa maison et l’ont cueilli vers 7 heures du matin »
La police examine l’estafette d’où sont partis les premiers coups de mitraillette, avec à son bord Murat, démasqué grâce à l’interpellation de l’huissier de Lauzun.
AFP
« Je devais avoir 9 ans. J’étais chez le coiffeur pour la rentrée des classes », se souvient Jean–Pierre Barjou. « Tout le village était en ébullition. On nous explique que Larrieu a été arrêté. Un peloton de gendarmes s’était formé à l’entrée du village. Mitraillette à la hanche, ils ont entouré sa maison et l’ont cueilli vers 7 heures du matin. »
Le Petit–Clamart, banlieue sud de Paris. Soir du 22 août 1962. Le cortège présidentiel est la cible d’un attentat des ultras de l’Algérie française. Le général de Gaulle et son épouse en sortent miraculeusement indemnes
« Ça a surpris tout le monde qu’il soit impliqué dans cette affaire », poursuit le maire qui décrit un « fils de bonne famille, élevé par sa tante ». « Un homme banal, falot. Pas du tout un personnage haut en couleur. On le savait anti–gaulliste, mais pas un profil de militant acharné. » On le disait aussi fasciné par Jean Bastien–Thiry, l’organisateur de l’attentat du Petit–Clamart, qu’il avait rencontré des années plus tôt à l’armée.
Sur la piste de « Murat »
Quelques jours après la fusillade qui a criblé la DS noire à bord de laquelle circulaient le général, sa femme, son gendre et son chauffeur, les premières arrestations tombent. Dont celle d’Alain Bourgrenet de la Tocnaye, chef opérationnel du commando. Les policiers veulent savoir qui se cache derrière le pseudo Murat, l’un des principaux membres.
Les principaux accusés de gauche à droite : (en haut) Bastien–Thiry, Alain de Bourgrenet de la Tocnaye, Étienne Ducasse, (en bas) Jean–Charles Prévost, Alphonse Constantin, Pierre Nadage.
AFP
Des documents saisis à son domicile de Lauzun mettent les enquêteurs sur la piste d’un ancien officier, Henri Niaux »
« En examinant les fiches téléphoniques dans les hôtels de l’Yonne où le terroriste Murat avait séjourné, les policiers furent amenés à s’intéresser à un huissier de Lauzun, Jean Larrieu », rapporte le journal « Le Monde » dans un article publié le 18 septembre 1962, quelques jours après son arrestation. Interrogé au Quai des Orfèvres, Larrieu reconnaît avoir été en contact avec plusieurs hauts responsables de l’attentat, dont Murat. Mais il prétend ne pas connaître sa véritable identité.
Des documents saisis à son domicile de Lauzun mettent les enquêteurs sur la piste d’un ancien officier, Henri Niaux. Installé à Agen, reconverti en courtier d’assurance agricole, Niaux est à son tour interpellé et confronté à Larrieu. L’huissier de Lauzun affirme que plusieurs réunions se sont tenues au domicile de Niaux pour mettre au point l’attentat en présence de Bourgrenet de la Tocnaye, de Georges Watin dit le « Boiteux » ou encore de Murat, présent dans l’estafette jaune d’où sont parties les premières rafales de mitraillettes.
Pendu dans sa cellule
De son côté, Niaux promet de tout livrer aux enquêteurs. Coup de théâtre, le 15 septembre 1962, au lendemain de sa confrontation avec Larrieu, l’ancien militaire est retrouvé pendu dans sa cellule. Mais des documents retrouvés à son domicile agenais permettent d’identifier Murat en la personne de Serge Bernier, qui sera condamné un an plus tard à la réclusion criminelle à perpétuité.
Jugé en septembre 1963 par la cour de sûreté de l’État, Jean Larrieu a été condamné à cinq ans d’emprisonnement. L’enquête permit d’établir qu’il avait hébergé des agents de l’OAS et tenu à son domicile de Lauzun des réunions de préparation. Lors de la même comparution, un autre lot–et–garonnais d’Agen, Auguste Laborde, 43 ans, fut condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir lui aussi hébergé des agents de l’OAS. C’est lui qui avait mis en relation l’huissier de Lauzun et Henri Niaux.
« Jean Larrieu a purgé sa peine en Lorraine, à la prison de Toul », raconte Jean–Pierre Barjou. « Or, il se trouve que mes grands–parents habitaient Toul où on allait en vacances régulièrement. Mon père, militant de gauche, qui connaissait bien Jean Larrieu, car ils étaient copains d’enfance, lui a rendu visite à plusieurs reprises.
Une fois, on a même fait venir sa femme avec nous », se souvient le maire de Lauzun.
Le couple n’a pas eu d’enfant. À sa sortie de prison, déchu de sa profession d’huissier de justice, Jean Larrieu est parti travailler en région parisienne dans un cabinet de contentieux.
Puis, il est venu prendre sa retraite à Lauzun, où il est mort en 1996 et enterré à l’entrée du cimetière
50 ans des événements d'Aleria : la dernière sommation
Paulu Antone Squarcini, Alexandre Antonini
A l'occasion du 50e anniversaire des évènements d'Aléria, RCFM vous propose une série de cinq épisodes, consacrée à cet événement fondateur du nationalisme corse moderne. Aujourd'hui, dernier épisode consacré à l'affrontement sanglant opposant gardes mobiles et militants de l'ARC.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, la Corse est dans une situation de marasme économique et social. Les guerres successives, l'exode rural, et le manque de projet de développement plongent l'île dans le désarroi. Les jeunes partent et le fatalisme s'installe. Face à cette situation, un sentiment d'injustice gagne la société insulaire. Une accumulation de facteurs qui entraîneront une quinzaine de militants de l'ARC (Action Régionaliste Corse) à occuper la cave d'un viticulteur pied–noir à Aleria, le 21 août 1975.
1962 : Le rapatriement des pieds–noirs d'Algérie
Tout commence en 1957, le Plan d'Action Régional prévoit la création de la SETCO (société pour l'équipement touristique de la Corse) et de la SOMIVAC (société pour la mise en valeur agricole de la Corse), censés axés le développement économique de l'île sur ces deux axes. Mais dès la fin de la guerre d'Algérie en 1962, plus d'un million de pieds–noirs sont contraints de revenir en France, dont environ 20 000 en Corse. Les choses prennent une toute autre tournure.
Des lots agricoles de la SOMIVAC sont rapidement plastiqués. Monsieur Junca, pied–noir victime d'un attentat en 1970, témoigne dans le JT de l'ORTF : "il existe en Corse des groupes qui prônent la Corse aux Corses et le départ des pieds–noirs. Jusqu'à samedi, j'avais l'impression d'être intégré pourtant." La SOMIVAC est d'ailleurs au cœur des discussions. 90% des lots seront attribués aux rapatriés d'Algérie et les insulaires se sentent lésés. Un comité de défense d'agriculteurs se forme à Prunelli di Fium'Orbu : "les lots de terres agricoles doivent être confiés, non pas en majorité, mais au moins à 75 % à des Corses !".
La plaine orientale Corse changera complètement de visage en une dizaine d'années, avec l'implantation d'agrumes et de vignes.
Années 60 : La chaptalisation du vin
Dès lors, la viticulture fleurit dans l'île et en particulier en plaine orientale, avec des mécanismes nouveaux et des cépages non–endémiques. L’usage du sucre pour la vinification explose dans l'île et atteint 12 500 tonnes importées en 1970, soit environ 650 kg de sucre par hectare de vigne.
André Giansily, président du GIVIC (Groupement interprofessionnel des vins de l'île de Corse) de l'époque, voit en ce modèle une aubaine pour l'île : "ce potentiel n'est pas très élevé, car la Corse n'est pas l'Algérie, 30 000 hectares seulement sont possibles. Ce qui fait un marché de 2 500 000 hectolitres." Le vin peut atteindre treize degrés d'alcool par l'ajout de sucre, un procédé défiant toute concurrence.
Michel Martini, président du Groupement de défense et promotion des vins de Corse de qualité, s'insurge contre cette politique menée au détriment de la qualité du vignoble insulaire : "va–t–on donner l'appellation vins de Corse, aux vins faits comme naguère, comme hier, à des vins surchaptalisés qui ont attiré sur nous les foudres de toute la viticulture nationale et internationale ?" En réponse à cette dérive, l’abrogation de la chaptalisation, accordée à la Corse en 1929, est effective dès 1972.
L’interdiction devient stricte, mais certains producteurs continuent de frauder, en important du sucre ou des moûts concentrés illégalement. Ce qui attise les braises d'une contestation autonomiste, et à sa tête, un certain Edmond Simeoni.
17 août 1975 : le congrès de l'ARC
En Corse, la situation se tend davantage au fil des années, en 1973, une société italienne, la Montedison, déverse des produits toxiques en Méditerranée. Les Corses voient là un affront, et se mobilisent. Par la suite, les revendications sont multiples : "corsisation des emplois", "création d'une université à Corte", "autonomie". Face à un retard structurel majeur, c'est le début d'une action autonomiste. Elle prend davantage d'ampleur deux ans après, le 17 août 1975, lors du congrès de l'ARC.
A Corte, en ce mois d'août 1975, des milliers de personnes prennent place sous un chapiteau, où trois drapeaux à la tête de Maure sont érigés à son sommet. Le fondateur de l'ARC, Edmond Simeoni, est à la tribune, il interroge les sympathisants de son mouvement : "le peuple corse, privé de tous ses biens, est–il en légitime défense ? L'ARC doit–il baisser les bras ou doit–il se battre ? Pouvons–nous utiliser, de façon responsable, réfléchi, mais déterminé, tous les moyens qui impliquent cette légitime défense ? Question capitale : êtes–vous prêts à assumer une lutte dure et inégale à nos côtés ?"
A ce moment–là, la jeunesse est séduite et prête à agir. Jean Pierre Susini a 27 ans à l'époque et militant clandestin de Ghjustizia Paolina : "après ce meeting, ça nous convient puisqu'on a répondu oui à tout. A la question 'êtes–vous prêts à mourir pour la Corse', on ne va pas dire non ! Pour nous, ces paroles ont un sens, elles ne sont pas lâchées à la légère."
La situation est alors tendue dans l'île, tout peut exploser à n'importe quel moment. La Corse est à un virage, et Edmond Simeoni se livre au micro de TF1 : " on s'achemine lentement, mais sûrement vers des actes regrettables. Pour notre part, nous ne dérogerons pas à nos responsabilités, nous les assumerons, quel que soit le prix à payer."
Par la suite, une quinzaine de militants autonomistes occuperont une cave viticole, à Aleria, quatre jours plus tard : le 21 août 1975.
21 août 1975 : l'occupation de la cave d'Henri Depeille à Aleria
"Le métier de négociant en vin est un métier de spéculation, quelquefois on gagne, quelquefois on perd". Henri Depeille ne pensait pas si bien dire avant cette date. Ce 21 août 1975, dès 7h du matin, l'objectif est clair pour Edmond Simeoni : occuper la cave de façon pacifique et donner une grande conférence de presse le samedi pour alerter la presse, mais aussi la population, sur la situation de l'île, notamment le scandale viticole lié à la "surchaptalisation".
Veste de jogging bleue et t–shirt orange de l'ARC floqué "Autonomia", le leader autonomiste s'exprime devant les quelques journalistes présents : "sans préjudice, c'est un très gros scandale à l'heure actuelle, où toutes les mauvaises pratiques bancaires, escomptes bidons, sociétés écrans se retrouvent pour couvrir quelques individus au passif extrêmement lourd, sous le couvert de l'administration qui essaie d'enrayer le scandale."
La façade de l'établissement est recouverte de tags "Colons fora" ou "Tarra corsa à i corsi". Le message devient éminemment politique. Des centaines de personnes viennent soutenir les occupants. Au fil de la journée, les lignes téléphoniques sont coupées, les occupants retranchés par l'arrivée progressive de gardes mobiles aux abords de la cave, l'atmosphère devient explosive. Interrogé par un journaliste sur la suite des événements, Edmond Simeoni ne démord pas : "je pense que quand on est en légitime défense, on a tous les droits. Il n'y a aucun esprit de provocation, ni aucun esprit d'aventurisme, mais il y a une volonté ferme désormais de ne plus céder un seul pouce."
Le président de la République, Valéry Giscard D'Estaing, ainsi que le Premier Ministre de l'époque, Jacques Chirac, sont en vacances. C'est donc le ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski, qui est chargé de régler le problème du côté de l'Etat.
22 août 1975 : "dernière sommation ! On va faire usage de la force !"
En ce matin du 22 août 1975, deux camps sont font face. D'un côté, une quinzaine de militants, armés de fusils de chasse et de deux fusils mitrailleurs, de l'autre 1200 forces de l'ordre sont dépêchées à l'aube. Blindés, hélicoptères encerclent la cave Depeille. Les militants essuient des tirs, ils ripostent.
Jean–Pierre Susini, membre de Ghjustizia Paolina est à ce moment là au sommet d'une cuve, sous un toit, il raconte "on fait plusieurs ouvertures. Côté Nord, Sud et Ouest. On se positionne avec nos armes automatiques pour voir ce qu'il se passe, et là on se rend compte qu'on se fait couilloner...". Sous les ordres d'Edmond Simeoni, Jean–Pierre Susini ouvre le feu en direction des forces de l'ordre "j'attends qu'un premier passe la tête, et là bam, je le tire et il se baisse. De même pour un deuxième. Je tire un coup de chevrotine. Je ne sais pas si j'ai atteins ma cible, mais de ce côté là, on ne passe plus".
Les affrontements durent moins de deux minutes mais sont très intenses. Deux gendarmes de 20 et 36 ans sont tués. Un militant, Pierrot Susini, est blessé à la jambe. Edmond Simeoni, chef de file de l'ARC décide de se rendre au terme de deux jours d'occupation, il passera près de deux ans derrière les barreaux.
Edmond Simeoni s'exprime devant les quelques journalistes encore présents lors de son arrestation : "Conformément à ce qui a été décidé je vais me constituer prisonnier. Nos hommes sont partis la tête haute avec leurs armes, avec leurs équipements. Il faut s'incliner devant les victimes de part et d'autre, elles sont les victimes inutiles d'une lutte injuste. Pour notre part, le combat politique commence. Et je pense que cette lutte aura l'avantage de cristalliser l'opinion publique sur des scandales qu'on a voulu étouffer".
À Aléria, en ce 22 août 75, s'ouvre dans la douleur, le 1er chapitre du nationalisme moderne.
Bernard Cabot, pied–noir installé en 1965 à Aleria, à l'âge de 20 ans
La cave vinicole "Sovicor" d'Aléria en Corse, appartenant à un pied–noir, est incendiée par un groupe de militants autonomistes corses de l'ARC (Action pour la Renaissance de la Corse, dirigée par Edmond Simeoni) le 23 août 1975, au lendemain du dénouement tragique de la prise d'otages de six personnes par des nationalistes de l'ARC. © AFP
Citoyenneté française : Harkis
adminLuc
22 aout 2025
–“Ces derniers jours, la France a été saisie d’indignation lorsqu’un parc de loisirs a refusé l’entrée à 150 enfants israéliens en raison des convictions personnelles de son gérant. La réaction du ministre de l’Intérieur fut immédiate et claire : « Ce n’est pas notre conception de la République, ce n’est pas notre conception de la dignité humaine. »
Nous partageons pleinement cette affirmation. Elle rappelle une vérité fondamentale : la République n’accepte aucune discrimination fondée sur l’origine, la religion ou toute autre distinction arbitraire.
Pourtant, dans le silence des bureaux administratifs, une discrimination symbolique persiste à l’encontre des harkis et de leurs familles. Dans les textes de la loi du 23 février 2022 et dans certains courriers officiels, l’expression « anciennement de statut civil de droit local » continue d’être utilisée.
Cette mention, héritée du droit colonial, rattache encore aujourd’hui des citoyens français – parfois nés en métropole après 1962 – à une appartenance religieuse et ethnique qu’ils n’ont jamais choisie. C’est une survivance d’un système que la République a pourtant aboli.
Or, en République, on ne naît citoyen qu’une seule fois. Ce principe n’admet ni adjectif, ni condition, ni hiérarchie.
Une incohérence juridique et morale
Cette mention n’a aucune utilité dans la mise en œuvre de la réparation prévue par la loi : la preuve du séjour dans les camps ou hameaux suffit. Elle viole en revanche plusieurs principes fondamentaux :
–Article 1er de la Constitution : égalité devant la loi sans distinction d’origine.
–Règlement européen RGPD : interdiction de traiter des données révélant l’origine ethnique ou religieuse lorsqu’elles sont inutiles.
Maintenir cette expression, c’est accepter une citoyenneté de seconde zone, contraire à notre modèle républicain.
Une exigence républicaine
La République ne peut condamner publiquement un acte discriminatoire tout en perpétuant, dans ses textes, des catégories issues du Code de l’indigénat.
Il est temps que les harkis et leurs descendants soient reconnus pour ce qu’ils sont – des citoyens français à part entière, sans qualificatif dérogatoire.
Supprimer cette mention n’est pas un choix politique, mais une obligation juridique et morale, au nom de la cohérence républicaine. La France doit être fidèle à elle–même : “Une et indivisible, égale pour tous ses citoyens”.
Collectif Citoyenneté Française & Haut Conseil de la Citoyenneté Réparatrice (HCCR)
La ville de Saint–Raphaël honore les cent millions de morts du communisme
Peggy Sastre
22 aout 2025
En France, les victimes du nazisme ont depuis longtemps leur place dans l'espace public. Celles du communisme ? Invisibles ou presque. Le 23 août, la ville de Saint–Raphaël (Var) inscrira son nom dans l'histoire mémorielle française en inaugurant la première stèle du pays à leur rendre hommage. Une initiative rare, quasi inédite en Europe occidentale, inscrite dans la Journée européenne de commémoration des victimes des régimes totalitaires.
Porté par le maire Frédéric Masquelier (LR), ce geste veut briser un « tabou mémoriel » dans un pays où les crimes communistes restent en marge de la mémoire collective. Pour concevoir la cérémonie, il s'est appuyé sur l'historienne Virginie Girod, spécialiste des sociétés et des mentalités, qui a notamment contribué au choix de l'inscription gravée sur la stèle. Elle participera aussi à la table ronde organisée le jour de l'inauguration avec les historiens Pierre Rigoulot et François Kersaudy, ainsi que le journaliste Vincent Hervouët. De l'absence de « Nuremberg » rouge aux raisons de cette mémoire sélective, en passant par la symbolique de ce monument et le message qu'il adresse aux générations futures, Virginie Girod et Frédéric Masquelier répondent, chacun à leur manière, à des questions qui dépassent largement les frontières de la Provence. Le Point : En France, on commémore depuis longtemps les victimes du nazisme, mais presque jamais celles du communisme. Comment expliquez–vous ce déséquilibre mémoriel ?
Virginie Girod : En France, il n'y a pas de victimes directes du communisme. Pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons subi l'occupation allemande mais pas la violence de l'Armée rouge. Par ailleurs, il y a eu des communistes dans la Résistance à l'instar de Missak Manouchian panthéonisé en 2024. Notre traumatisme collectif est l'Occupation symbolisée par le drapeau nazi à croix gammée, pas par la faucille et le marteau. Après la guerre, à l'ouest du rideau de fer, les partisans du communisme n'ont jamais vraiment voulu prendre conscience des horreurs des régimes communistes perpétrés entre 1917 et 1989. Pour eux, les purges, les camps d'enfermement sont l'œuvre des seuls Staline, Pol Pot, Mao… Commémorer leurs victimes lointaines n'est pas une évidence quand notre propre histoire, au XXe siècle, des tranchées à la collaboration du régime de Vichy, est chargée de drames.
Pourquoi avoir choisi Saint–Raphaël comme lieu d'inauguration de cette première stèle ?
Frédéric Masquelier : Parce que Saint–Raphaël est une ville de mémoire. Nous avons honoré les soldats alliés du débarquement de Provence, les résistants, et il était cohérent d'ajouter à ce devoir d'histoire les victimes du communisme. La mémoire n'est pas sélective et les victimes du communisme ne sont pas des sous–victimes. Ici, nous avons eu le courage de poser un geste que beaucoup hésitent encore à faire par calcul ou frilosité politique.
Pensez–vous que cet acte puisse conduire d'autres villes françaises à faire de même ?
Frédéric Masquelier : Je le souhaite ardemment. Dans les pays d'Europe centrale et orientale, ces monuments existent depuis plus de trente ans. Il est temps que la France assume aussi ce pan de l'histoire. Les résistants communistes, qui eux ne connaissaient pas l'horreur des goulags, ne doivent pas servir de paravents à ceux qui continuent à vendre un rêve qui a tourné à chaque fois au cauchemar. Plus nous serons nombreux à le faire, plus nous renforcerons notre vigilance collective contre toutes les formes de totalitarisme, surtout ceux qui se drapent aujourd'hui dans un vernis « progressiste ».
On dit souvent qu'il n'y a jamais eu de « Nuremberg du communisme ». Quelles raisons expliquent cette absence ?
Virginie Girod : C'est à cause de la Seconde Guerre mondiale. Certes, il y a eu le pacte germano–soviétique en 1939 mais après l'opération Barbarossa, le jeu des alliances se modifie. C'est l'Armée rouge qui libère le front de l'Est des nazis et c'est elle qui prend Berlin en 1945… parce que les Américains, par courtoisie diplomatique, lui ont laissé la capitale où Hitler était acculé. L'URSS devient ainsi le pays qui a vaincu le nazisme ! Au lendemain de la guerre, le rideau de fer s'abat et on ignore ce qui se passe derrière. Les exactions de Staline, de Mao, de Pol Pot et consorts ne nous parviennent pas en temps réel. En outre, nous avions l'Europe à construire, l'économie à redresser. À l'ouest, le communiste apparaissait comme une force politique à surveiller pour son potentiel perturbateur, mais à part les quelques tchekas des Républicains en Espagne, il n'y a jamais eu l'ombre d'une prison politique rouge en Europe occidentale.
Cette stèle s'adresse aux victimes d'un système qui s'étend de l'URSS aux Khmers rouges. Comment rendre compte, dans un seul monument, de la diversité de ces tragédies ?
Virginie Girod : Par le choix de l'inscription. J'ai conseillé à la mairie d'écrire « Aux cent millions de victimes des régimes communistes à travers le monde ». Ce nombre évalué par l'historien Stéphane Courtois correspond aux victimes cumulées de cette idéologie. En mettant le mot « régimes » au pluriel, je tenais à montrer qu'on ne parlait pas ici que de la Russie, mais de tous les endroits où le communisme a accouché d'une structure étatique autoritaire dans un bain de sang.
Certains vous accusent d'instrumentaliser l'histoire à des fins politiques. Que leur répondez–vous ?
Frédéric Masquelier : Le vrai ré
visionnisme, c'est de mentir, de taire ou d'occulter une partie de l'histoire pour protéger une idéologie. Quand des responsables politiques – encore aujourd'hui – tiennent des propos indulgents sur Castro, Chavez ou d'autres régimes autoritaires, ils participent à cette instrumentalisation. Dire la vérité sur les crimes communistes n'est pas un acte partisan : c'est un devoir moral et démocratique car la vérité historique est connue.
Le communisme conserve encore, dans certaines sphères, une image positive. Comment concilier devoir de mémoire et persistance de cet imaginaire ?
Virginie Girod : J'avoue que cela reste un mystère pour moi. Je ne comprends pas comment aujourd'hui, avec ce que l'on sait, on peut encore imaginer que le communisme a des choses à apporter au monde. Les luttes sociales ou la recherche de la justice, essentielles à l'équilibre de la société, ne sont pas l'apanage strict du communisme. Mais il est impossible de débattre avec les thuriféraires de cette pensée.
Comme l'écrivait déjà Gustave Le Bon dans Psychologie du socialisme paru en 1898, le socialisme, et par extension le communisme, doit être étudié « comme une croyance. Il repose sur des bases psychologiques très fortes, peu importe que ses dogmes soient contraires à la raison ». Les communistes ont leur « credo ». Ils n'en démordront pas. C'est à nous qui avons ouvert les yeux sur les horreurs commises au nom de cette pensée d'honorer le devoir de mémoire. On observe, notamment chez certains jeunes, un regain d'intérêt pour des idées issues du communisme. Comment l'expliquez–vous ?
Virginie Girod : En historienne, je regarde davantage le passé que le présent mais je sais cependant que si une partie de la jeunesse se laisse toujours séduire par le communisme, c'est parce qu'elle ne connaît pas son histoire. J'ai eu l'occasion de visiter le lycée S21 au Cambodge, un lieu de torture dirigé par les Khmers rouges. On en sort épouvanté. J'ai eu le même sentiment d'horreur après la visite de la maison de la Terreur à Budapest, un autre lieu de torture aux mains des croix fléchées puis des communistes hongrois – qui furent souvent les mêmes hommes d'ailleurs.
Les citoyens qui plébiscitent des personnalités telles que Ian Brossat ou Fabien Roussel ne voient qu'un communisme cool, urbain, multiculturaliste et paradoxalement très bourgeois. Ils ont envie d'être des leurs. Rares sont ceux qui ont lu Marx. Le seul petit livre rouge qu'ils connaissent est probablement le Michelin, pour reprendre une blague de Jean Yanne dans son film Les Chinois à Paris qui dénonçait, en 1974, la bêtise du maoïsme. À vos yeux, la mémoire des victimes du communisme est–elle aussi un avertissement contre de nouvelles formes de totalitarisme ?
Frédéric Masquelier : Absolument. Les totalitarismes évoluent : ils changent de discours, adaptent leur vocabulaire, mais conservent les mêmes mécanismes – contrôle de la pensée, surveillance, effacement de l'individu au profit d'un projet idéologique.
Quand j'entends certains discours de La France insoumise, qui délégitiment les institutions démocratiques et exaltent un pouvoir populaire centralisé, je vois réapparaître des schémas qui, dans l'histoire, ont toujours fini par confisquer la liberté aux mains de quelques dictateurs illuminés. Cette stèle est un hommage, mais aussi un avertissement.
Gilles Roth, l’un des pionniers, s’en est allé
Gilles Roth entouré de sa femme et de sa fille, en octobre 2024.
Gilles Roth, pionnier de la ville et un des membres du premier conseil municipal de la ville, est décédé.
Rapatrié d’Algérie en 1962, il a intégré l’armée de l’air jusqu’en 1970. Gérant d’une station–service à Alès, Total lui propose de reprendre une station en 1971, avec le choix entre Sète et La Grande–Motte.
Ancien membre du conseil municipal
Il opte pour cette dernière, la seule station d’essence de la ville, située à l’époque au niveau du port, où il vit dans un mobile home à côté avec femme et enfants. En 1975, la station de l’avenue de Melgueil est construite et Gilles s’y investit jusqu’en 1996, date de son départ en retraite. Il s’est très vite investi dans cette nouvelle ville, son implication au sein de l’association des pionniers fut sans faille ainsi que dans l’association des Anciens combattants. L’an dernier, lors du jubilé de la ville et de la mise à l’honneur des trois élus au premier conseil municipal dont il a fait partie, l’émotion était à son comble chez Gilles.
Un dernier hommage lui sera rendu, ce vendredi 22 août à 10 h 30 en l’Église Saint–Augustin.
À sa famille et ses proches, la rédaction de Midi Libre présente ses sincères condoléances.
Correspondante Midi Libre : 06 71 09 73 75
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