– Revue de presse N° 351
– 17 décembre 2025 – { 2003–2025 } – 22ème année }
Reprise
Algérie : ce que contient le projet de loi criminalisant le colonialisme français
Riyad Hamadi
16 décembre 2025
L’Algérie a entrepris de se doter d’une loi criminalisant le colonialisme français. Portée par plusieurs députés, la proposition de loi sera présentée dimanche 21 décembre devant l’Assemblée populaire nationale (APN).
Dans ses dispositions, le texte impute à l’État français l’entière responsabilité juridique des crimes commis en 132 ans (1830–1962) d’occupation coloniale de l’Algérie. Des crimes d’État imprescriptibles, stipule le projet de loi qui souligne l’exigence de la reconnaissance, des excuses et de l’indemnisation. Une trentaine de crimes contre l’humanité
Le colonialisme français a commis en Algérie des crimes contre l’humanité, selon les rédacteurs du projet, citant une trentaine de crimes, parmi lesquels les massacres de masse, les exécutions sommaires, les déplacements forcés, le pillage des ressources, les tentatives d’aliénation de l’identité nationale et la privation du peuple algérien de ses droits politiques, humains, économiques et sociaux les plus élémentaires.
Les conséquences et les séquelles directes et indirectes de ces crimes persistent encore aujourd’hui, est–il indiqué dans le texte.
Dans son article 3, le projet de loi considère que le colonialisme français en Algérie constitue un crime d’État qui viole les principes et les valeurs humains, politiques, économiques et culturels consacrés dans les lois, les conventions et les usages internationaux.
Le texte affirme en outre l’engagement de l’État algérien à révéler et à diffuser les faits historiques liés au colonialisme français.
Les auteurs de l’initiative expliquent que celle–ci s’appuie sur les principes du droit international. Elle vise à réaliser la justice historique, à mettre fin à l’impunité, à établir les responsabilités juridiques et à imposer la reconnaissance et la réparation des crimes du colonialisme.
La finalité étant la préservation de la mémoire nationale contre les tentatives de falsification.
Il s’agit d’un droit souverain et légitime du peuple algérien, un droit exercé par tous les peuples libres conformément aux conventions, traités et usages internationaux, est–il indiqué.
Algérie : le colonialisme français mis au pilori
La proposition de loi survient alors que, six décennies après l’indépendance, le gouvernement français persiste dans son refus de reconnaître les responsabilités historiques de l’Etat français envers l’Algérie, ignorant de manière flagrante les graves tragédies humaines causées par le colonialisme, expliquent les parlementaires à l’origine de la proposition.
Outre les crimes passés, les autorités françaises refusent aujourd’hui encore de remettre à l’Algérie les cartes de dissémination des mines et celles des essais nucléaires dans le Sahara algérien, qui continuent de constituer une menace sécuritaire et environnementale, soulignent les députés.
Abdelmajid Tebboune au secours de Emmanuel avec Macron avec une loi criminalisant le colonialisme français avec une trentaine de crimes contre l’humanité les propos habituels de Emmanuel Macron.
L’Algérie a entrepris de se doter d’une loi criminalisant le colonialisme français. La proposition de loi sera présentée dimanche 21 décembre 2025 devant l’Assemblée populaire nationale (APN).
Une trentaine de crimes contre l’humanité
Le colonialisme français a commis en Algérie des crimes contre l’humanité, selon les rédacteurs du projet, citant une trentaine de crimes, parmi lesquels les massacres de masse, les exécutions sommaires, les déplacements forcés, le pillage des ressources, les tentatives d’aliénation de l’identité nationale et la privation du peuple algérien de ses droits politiques, humains, économiques et sociaux les plus élémentaires.
Abdelmajid Tebboune au secours de Emmanuel avec Macron avec une loi criminalisant le colonialisme français avec une trentaine de crimes contre l’humanité selon les propos habituels de Emmanuel Macron.
Dans son article 3, le projet de loi considère que le colonialisme français en Algérie constitue un crime d’État qui viole les principes et les valeurs humains, politiques, économiques et culturels consacrés dans les lois, les conventions et les usages internationaux. Le texte affirme en outre l’engagement de l’État algérien à révéler et à diffuser les faits historiques liés au colonialisme français.
La proposition de loi survient alors que, six décennies après l’indépendance, le gouvernement français persiste dans son refus de reconnaître les responsabilités historiques de l’Etat français envers l’Algérie, ignorant de manière flagrante les graves tragédies humaines causées par le colonialisme, expliquent les parlementaires à l’origine de la proposition.
Il impose également que l’État algérien ne conclut « aucun accord avec la France tant que les conditions de reconnaissance des crimes coloniaux ne sont pas réunies ».
« Il est l’inventeur d’une doctrine militaire barbare » : à Brest, un collectif demande de débaptiser la rue Bugeaud
Elle porte le nom d’un général aux méthodes brutales et contestées lors de la colonisation de l’Algérie. L’école du même nom a déjà changé d’appellation en 2022.
L’école maternelle qui portait le nom d’un maréchal controversé lié à la colonisation de l’Algérie, s’appelle Alice–Abarnou, du nom d’une résistante brestoise, depuis 2022. | ARCHIVES OUEST–FRANCE
Laurence GUILMO.
Publié le 16/12/2025 à 21h00
Toutes les deux semaines, la rédaction vous propose une sélection d’articles pour connaître et comprendre l’Histoire à l’échelle du grand ouest
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« Est–il normal qu’en 2025, une rue de Brest rende encore hommage au général Bugeaud, l’homme qui se vantait d’avoir « tout exterminé » et brûlé les villages en Algérie ? Un collectif citoyen « Mémoire Digne Brest » s’est constitué pour poser le débat sur la place publique. Ce mardi 16 décembre 2025, dans une lettre ouverte adressée au maire, il demande au conseil municipal de
« mettre fin à cette anomalie historique ».
Il ne s’agit pas ici de céder à une quelconque « Cancel culture » ou d’effacer l’Histoire. Dans les livres, Bugeaud doit y figurer pour ce qu’il est : l’inventeur d’une doctrine militaire barbare. Mais les noms de rue relèvent de la mémoire, c’est–à–dire de l’hommage public »,affirme le collectif.
Thomas Bugeaud (1784–1849) avait mis en œuvre des méthodes brutales lors de la colonisation de l’Algérie : la terre brûlée, la famine organisée et les enfumades de civils.Pour le collectif, il n’existe chez lui aucune « autre facette » qui justifie un hommage républicain. Laisser cette plaque, c’est banaliser la violence coloniale au cœur de nos quartiers. »
Le nom de Gisèle Halimi proposé
Il propose de rebaptiser la rue au nom de Gisèle Halimi. « Avocate, féministe, députée, elle a défendu les militants algériens torturés et a consacré sa vie aux droits des femmes. Elle incarne des valeurs modernes, humanistes et républicaines dans lesquelles tous les Brestois peuvent se reconnaître. »
Cependant, ce changement impactera l’adresse des habitants. Le collectif demande donc à la mairie la « prise en charge des démarches administratives, gratuité de la réexpédition du courrier et aide directe aux riverains. L’honneur de la ville vaut bien cet effort logistique »;
L’Algérie engage l’examen d’un projet de loi criminalisant la colonisation française
Lyas Hallas
16 décembre 2025
L’Assembée populaire nationale (APN) a entamé lundi 15 décembre les premières discussions autour d’un projet de loi visant à criminaliser la colonisation française, un texte longtemps bloqué et relancé dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Paris, a rapporté le média qatari al–Araby al–Jadid, dans une correspondance signée Otman Lahiani. Selon cette source, la commission de la défense de l’Assemblée populaire nationale a ouvert les débats préparatoires sur ce projet, porté par une convergence politique et présenté comme le premier cadre législatif global consacré à la criminalisation de la période coloniale. Le texte doit être soumis au débat en plénière samedi prochain, avant un vote prévu le 24 décembre.
Le projet de loi comprend 26 articles couvrant l’ensemble de la période coloniale, de l’invasion française de 1830 à l’indépendance de l’Algérie en 1962. Il qualifie la colonisation française de crime d’État et définit juridiquement les exactions commises, en tenant la France responsable de leurs conséquences matérielles et immatérielles, selon al–Araby al–Jadid, qui dit avoir consulté le document.
Le texte dresse une liste de 27 catégories de crimes imputés à l’administration coloniale, incluant les massacres de civils, l’usage excessif de la force militaire, les exécutions extrajudiciaires, la torture, les discriminations raciales, les déportations, la confiscation des terres, ainsi que les essais nucléaires et la pose de mines. Ces crimes sont qualifiés d’imprescriptibles.
Le projet prévoit également des dispositions obligeant l’État algérien à recourir à tous les moyens juridiques et judiciaires pour obtenir de la France une reconnaissance officielle, des excuses formelles et des réparations. Il réclame la restitution des archives, des biens culturels et des restes de figures de la résistance algérienne, dont plusieurs centaines de crânes conservés dans des musées français, ainsi que la remise des cartes des essais nucléaires et des sites contaminés. Portée juridique et enjeu mémoriel
Sur le plan interne, le texte introduit des sanctions pénales contre toute apologie ou glorification de la colonisation française. Selon al–Araby al–Jadid, ces infractions pourraient être punies de peines de prison allant de cinq à dix ans, assorties de la perte des droits civiques et politiques. Le projet assimile également la collaboration avec l’administration coloniale à un acte de haute trahison et interdit toute atteinte aux symboles de la résistance nationale.
Les promoteurs du texte affirment qu’il vise à contrer les tentatives de falsification de l’histoire et à établir des mécanismes juridiques garantissant la justice historique et de non–impunité. Le projet intervient alors que de nombreuses voix, en Algérie comme en France, appellent à une relecture du passé colonial, tenant un discours réducteur des violences de la période coloniale.
Cette initiative intervient alors que la France avait adopté en 2005 une loi appelant à reconnaître le « rôle positif » de la présence française outre–mer, une disposition partiellement abrogée par la suite mais restée emblématique des divergences mémorielles entre les deux pays. Le projet algérien s’inscrit ainsi dans une approche inverse, visant à consacrer juridiquement une lecture pénale et imprescriptible de la période coloniale.
« twala.dz » est un journal électronique édité par la SARL Twala. Twala, en référence au proverbe algérien « الخبر يجيبوه التوالى » qui signifie « l’information est apportée par les rescapés d’une bataille ». Mais nous faisons nôtre une traduction moins triste, celle du poète Amin Khan : « Ici est une vérité retardée par les lenteurs du temps ».
Hors sujet
L’arbitre de l'audiovisuel travaille sa droite pour France Télévisions
- Publié le 16 décembre 2025
Lecture : 4 min.Haut du formulaire
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Harcèlement sexuel au Sénat, financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, fonctionnement de CNews… Les thématiques de « Complément d'enquête » sur France 2 agacent l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui s'acharne sur l'émission.
A la grande satisfaction de Gérard Larcher et de Vincent Bolloré…
L’Arcom ferait–elle le jeu de Bolloré après l’avoir obligé à se séparer d’Hanouna ? Depuis 2017, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique a prononcé près d’une centaine de rappels à l’ordre contre les quatre chaînes d’information en continu. CNews, celle du groupe de l’industriel breton, en totalise près de la moitié, soit 49, dont 11 mises en garde et 6 mises en demeure. Elle est la seule à avoir été sanctionnée financièrement (à huit reprises).
Plus spectaculaire encore, l’Arcom a décidé, le 28 février dernier, d’exclure de la TNT C8, la chaîne où sévissaient Hanouna et sa clique. Une décision « prise dans les hautes sphères de la République », selon l’animateur de « Touche pas à mon poste ». Retour de bâton ? C’est bien le service public que Martin Ajdari, le président de l’Arcom, a invité, le 1er octobre lors d’une audition au Sénat, à « un travail d’introspection ».
Compliment d’enquête
Le 19 juin, France 2 consacre son numéro de « Complément d’enquête » au Sénat. Y sont relatés l’affaire de la sextape, révélée par « Le Canard », et des cas de harcèlement sexuel et moral commis dans l’enceinte du Palais du Luxembourg. Dénonçant le « manque d’honnêteté » du diffuseur, le Sénat saisit l’Arcom et publie, sur un site spécialement créé pour l’occasion (« infox.senat.fr »), une série de démentis. Le 24 septembre, l’assemblée plénière du régulateur décide qu’il n’y a « pas lieu de donner suite ». En clair : les confrères de la télé ont bien fait leur boulot. Un courriel, dont le Palmipède a copie, est même adressé à la direction de France Télés pour l’en aviser. Trois semaines plus tard, rebondissement : l’Arcom réclame de nouveau des explications à la rédaction de « Complément d’enquête », qui, le 4 novembre, répond de manière très détaillée. Finalement, l’arbitre de l’audiovisuel adresse le 27 novembre – plus de cinq mois après ! – une « mise en garde » à la télé publique, reprenant à son compte l’argumentaire du Sénat presque mot pour mot.
Ce même 27 novembre, « Complément d’enquête » est consacré à CNews. Le reportage s’appuie sur un long travail de Reporters sans frontières dûment chiffré qui conclut que, en mars dernier, la chaîne d’info continue de Bolloré est loin d’avoir respecté ses obligations légales en matière de pluralité d’opinions.
Mais, à quelques heures de la diffusion du magazine de France 2, le gendarme de l’audiovisuel met en cause les données compilées par l’ONG : « Il n’y a pas de contournements des règles du pluralisme politique au mois de mars 2025 sur CNews, et, s’il y en avait eu, nous les aurions identifiés et nous serions intervenus. »
Dans la précipitation, la rédaction de l’émission coupe une partie de son reportage…
Fureur de l’Arcom, qui voulait que France Télés renonce à diffuser l’intégralité de son programme.
Un peu plus tôt, l’arbitre avait demandé – sans l’obtenir non plus – la déprogrammation de la rediffusion d’une enquête consacrée à l’argent libyen de Sarkozy, à l’occasion du jugement de l’ex–chef de l’Etat.
Une offensive contre la politique éditoriale de la chaîne publique pour se faire pardonner d’avoir viré Hanouna ? Ça y ressemble.
Tout ce beau monde en discutera le 29 janvier… au Palais du Luxembourg. Ce jour–là, l’Arcom organise un « colloque sur la liberté d’expression et le pluralisme ». Larcher ouvrira la causerie. Et les médias Bolloré seront là pour la claque.
douard Philippe et le négationnisme colonial : quand l’histoire vacille et que la gauche se tait
Date : mercredi 17 décembre 2025
Edouard Philippe avec Christian Estrosi, maire de Nice. et Lou Festin Nissart. Crédit @edouardphilippe
Le 10 décembre 2025 restera dans les annales de la mémoire coloniale française. Sur LCI, Édouard Philippe, maire du Havre, ancien premier ministre et probable candidat à la présidentielle de 2027, a été interrogé par le journaliste Jean–Michel Aphatie : « La colonisation est–elle un crime ? »
Sa réponse, lapidaire et choquante, fut : « Non. » Un simple mot, mais chargé d’une signification lourde : un refus de reconnaître les violences, les crimes et les massacres commis pendant la longue histoire de l’empire colonial français. Cette déclaration n’est pas un simple dérapage, elle s’inscrit dans un courant idéologique qui refuse de faire face à la vérité historique.
Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire spécialisé dans l’histoire coloniale, souligne que cette réponse illustre un phénomène récurrent au sein de certaines droites dites traditionnelles et parmi les nostalgiques de l’Algérie française : la négation ou la réécriture de l’histoire coloniale. Selon lui, la réponse de Philippe peut résulter soit d’une ignorance manifeste des faits historiques – ce qui est surprenant au vu de son parcours académique – soit d’une stratégie délibérée visant à séduire une fraction de l’électorat sensible aux thèses révisionnistes. La question coloniale, longtemps éclipsée dans le débat public et académique, reste un terrain électoral sensible.
Le Cour Grandmaison rappelle que les grandes écoles fréquentées par Philippe – hypokhâgne au lycée Janson–de–Sailly, Sciences–Po, puis l’ENA – ont longtemps marginalisé l’enseignement de l’histoire coloniale. Ces institutions ont contribué à diffuser ce qu’il appelle le « roman impérial–républicain », un récit mythifié de l’expansion française où la colonisation est présentée comme un projet civilisateur et universel, occultant les guerres sanglantes, les massacres, les déportations et l’oppression systématique des peuples colonisés. Jules Ferry et ses alliés, selon ce récit, auraient mené une « œuvre civilisatrice », masquant derrière des discours sur l’universalisme les réalités brutales de la conquête.
Cette vision apologétique de la colonisation a été renforcée sur le plan législatif par la loi du 23 février 2005, qui rend hommage aux acteurs de la présence française en Afrique du Nord et en Indochine. Le texte, jamais abrogé, a officialisé une mémoire sélective et partielle, contribuant à la diffusion d’une interprétation louangeuse de l’histoire coloniale. Pour Le Cour Grandmaison, cette loi a ouvert la voie à une série de distorsions historiques, relayées et amplifiées par des médias et des acteurs financiers proches des sphères conservatrices. Vincent Bolloré, les éditions Fayard et d’autres officines médiatiques ont ainsi participé à la diffusion de récits révisionnistes, renforçant un courant qui tend à justifier ou banaliser la colonisation et ses violences.
Au–delà des institutions et des médias, ce courant trouve un écho dans les extrêmes–droites et leurs tentatives de modeler la mémoire collective pour servir des agendas politiques contemporains. Alain de Benoist et ses émules ont théorisé dès les années 1970 une « métapolitique » destinée à conquérir l’influence culturelle et électorale. Aujourd’hui, cette stratégie se déploie dans les médias, les spectacles et les publications, où des mythes impériaux sont présentés comme des vérités historiques incontestables.
Face à cette offensive idéologique, le silence des gauches politiques est préoccupant. La déclaration d’Édouard Philippe aurait dû susciter une réaction massive, mais elle a été largement ignorée, les forces progressistes estimant sans doute qu’il s’agit d’un épisode secondaire. Cette passivité laisse le champ libre aux falsificateurs de l’histoire, permet aux récits révisionnistes de se diffuser et affaiblit les initiatives visant à reconnaître les crimes coloniaux et leurs victimes.
Olivier Le Cour Grandmaison insiste sur l’urgence d’une réponse organisée et déterminée : reconnaître les crimes coloniaux, défendre les libertés académiques, restituer les biens spoliés et engager des réparations sont autant d’étapes nécessaires pour corriger une mémoire nationale déformée. La négation de l’histoire coloniale inflige une double violence : elle efface la souffrance des victimes et brouille la compréhension des enjeux contemporains liés à l’héritage colonial. Les massacres du 17 octobre 1961, la répression de la guerre d’Algérie, les violences institutionnelles et symboliques subies par les populations afro–descendantes et post–coloniales illustrent cette injustice persistante.
La réponse d’Édouard Philippe n’est donc pas anodine. Elle révèle la persistance d’un négationnisme colonial intégré dans la sphère politique et médiatique, et le danger que représente le silence des forces de gauche face à cette réécriture de l’histoire. Au–delà du geste d’un homme, c’est une mémoire collective, une vérité historique et une justice symbolique qui sont en jeu. Face à l’instrumentalisation de l’histoire, il est impératif que les forces progressistes reprennent la parole, défendent la vérité et réaffirment la nécessité d’une mémoire fidèle aux faits, pour que le passé cesse d’être détourné au service de stratégies électorales et idéologiques.
Synthèse Djamal Guettala
Réponse au pied–noir raciste et nostalgique Robert Ménard qui croit être chez lui à Oran – algerie patriotique – Journal d'actualité Algérie Internationale
RPweb17 décembre 2025
La réponse au pied–noir aux pieds nickelés Robert Ménard, extrémiste de droite, qui vient d’affirmer au micro d’une radio sioniste qu’à Oran «c’est chez lui», est dans cette contribution de Khider Mesloub qui rappelle aux parangons de la colonisation et de ses «effets positifs» que la France n’a absolument rien construit en Algérie, et que tout ce qui y a été bâti, l’a été par des mains algériennes au profit exclusif des colons. L’auteur rappelle des chiffres qui mettent en avant les acquis sociaux que l’Algérie indépendance a pu réaliser en un temps record pour les Algériens, contrairement à la France coloniale qui en a fait des êtres inférieurs, privés de soins, de logements décents et d’éducation sur leur propre terre.
Une contribution de Khider Mesloub – De nos jours, dans l’Hexagone, médias et partis politiques nostalgiques et revanchards ne cessent d’encenser «l’œuvre civilisatrice» de la France, de vanter les bienfaits de la colonisation française en Algérie. Pour illustrer ces «apports civilisationnels», ils évoquent les multiples constructions réalisées en Algérie.
Non, la France coloniale n’a rien construit en Algérie. En tout cas, aucun ouvrage qui aura profité aux «indigènes».
L’unique hôpital et la seule université bâtis en 132 ans d’occupation coloniale étaient réservés exclusivement aux colons français vivant dans les grandes villes urbaines.
De surcroît, cet unique hôpital et cette seule université, tout comme toutes les infrastructures bâties durant la période coloniale, ont été construits par les travailleurs algériens sous commandement tyrannique de satrapes français qui officiaient en qualité d’esclavagistes gaulois.
Aussi les vrais bâtisseurs de cette nouvelle Algérie moderne sont les travailleurs et paysans algériens. La France coloniale, après avoir éborgné la Maison Algérie, autrement dit amputé sa souveraineté à coup de baïonnettes, s’est bornée à employer les matières premières de l’Algérie et la force de travail des Algériens. Dès lors, on peut proclamer que tous les édifices et bâtisses de la période coloniale sont l’œuvre des Algériens.
C’étaient les Algériens qui nourrissaient les parasites pieds–noirs, ces pieds nickelés, par leur labeur dans les champs agricoles, par leur travail dans les chantiers et les quelques usines. Et le fruit de leur travail, produits agricoles et infrastructures publiques, était accaparé et monopolisé par les pieds–noirs, ces pieds nickelés, incapables de se dresser debout, sinon sur le dos des Algériens qui les portaient à bout de bras, les engraissaient avec leurs abondantes et riches ressources agricoles et fossiles, extraites de la terre algérienne avec leurs mains viriles.
A propos des terres, les plus fertiles ont été accaparées par les colons français pour les exploiter à des fins mercantiles. Ils ont délibérément favorisé l’exploitation des cultures commerciales rentables, notamment les agrumes et les vignes, au détriment des cultures maraîchères et céréalières. Ce qui a eu pour conséquence la volatilisation du blé de l’Algérie, autrefois grenier de l’Europe.
En Algérie occupée ont échoué la lie de la société française. La majorité des pieds–noirs descendent de bagnards expédiés par la France pour coloniser l’Algérie.
Des bagnards mercenaires qui ont servi l’entreprise coloniale française avec dévotion et abnégation.
La France leur a octroyé l’opportunité coloniale de vivre de l’oppression et de l’exploitation du peuple algérien réduit en esclavage au nom de valeurs civilisatrices esclavagistes, encore aujourd’hui, sans vergogne, encensées par République française, nonobstant leurs œuvres génocidaires.
Durant presque un siècle et demi, ces pieds nickelés ont mené la vie de château grâce au peuple algérien qui les alimentait en mourant de faim.
Ces esclavagistes gaulois ont vécu dans de somptueuses maisons dans des villes algériennes régies par la ségrégation raciale et spatiale, barricadés dans leurs quartiers «européens» cossus pour ne pas subir la proximité et la promiscuité des indigènes «arabes», réduits à survivre dans des taudis plantés dans de sinistres domaines infectés de pollutions microbiennes toxiques et de misères sociales létales.
Un siècle et demi durant, ces pieds–noirs ont privé les Algériens de leurs droits juridique, politique, économique, social, médical, culturel et cultuel. Leur ont interdit l’accès à la scolarité, sinon accordé parcimonieusement.
Les grandes villes construites au profit exclusif des colons renferment encore la sueur et le sang des exploités algériens, véritables bâtisseurs de toutes les infrastructures dont les nostalgiques de l’Algérie française s’attribuent encore aujourd’hui la paternité.
Il ne faut jamais cesser de le marteler : la France coloniale n’a rien construit en Algérie, mis à part le statut de l’indigénat. Elaboré dans la continuité des lois spéciales visant les esclaves sous l’Ancien Régime (notamment le Code noir), le statut de l’indigénat est un système fondé sur la ségrégation, l’apartheid, le racisme institutionnel, le génocide culturel et le massacres de masse.
Il est utile de rappeler que le code de l’indigénat contenait des règles coercitives et humiliantes : interdiction de quitter sa commune sans permis de voyage, de tenir des propos offensant envers un agent de l’autorité, obligation d’obéir aux ordres de corvées, de transport ou de réquisition d’animaux, règles vestimentaires à respecter (l’obsession pathologique du voile n’est ainsi pas nouvelle) ; amendes, prison, internement, séquestration, prononcés initialement par le commandement militaire doté de pouvoirs de «haute police» et le gouverneur général, puis tous les administrateurs des communes, sans passer par la case justice, etc.
En revanche, la France coloniale a exploité la force de travail des Algériens, profité gratuitement des matières fossiles algériennes, pour se bâtir une vie de parasite colonialiste, immortalisée par diverses œuvres gauloises.
Par conséquent, en 1962, le jour de son indépendance arrachée de haute lutte, l’Algérie n’a fait que recouvrer la souveraineté et, donc, la propriété de ces (ses) infrastructures (immeubles, gares, chemins de fer, ports, etc.) bâties par les «indigènes», mais confisquées, appropriées, accaparées et monopolisées durant 132 ans par les pieds–noirs aux mains maculées de sang algérien. C’est–à–dire récupérer son patrimoine national constitué de toutes les infrastructures façonnées par les Algériens.
Bilan de 132 ans de colonisation de l’Algérie par la France : un seul hôpital, une unique université, quelques infrastructures rudimentaires ; à la libération, en 1962, une population algérienne illettrée à plus de 90% (zéro étudiant ayant suivi de hautes études universitaires, aucun ingénieur, médecin, architecte, etc.).
En revanche, en cinq décennies, l’Algérie indépendante a construit plusieurs dizaines d’hôpitaux et d’universités, sans compter les centaines d’infrastructures et habitations.
De 1962 à nos jours, la population estudiantine est passée de pratiquement zéro à plus de 1,8 millions d’étudiants suivant leur cursus dans plus 116 universités et écoles supérieures répartis sur tout le territoire national.
Pour l’année universitaire 2024–2025, le nombre global d’étudiants algériens s’élève à 1 812 656, et la majorité d’entre eux sont des femmes. Ces deux dernières décennies, le nombre d’étudiants, en majorité des femmes, a été multiplié par plus de 4, passant de 425 000 en 1999 à plus de 1,8 million aujourd’hui. Depuis le début du siècle, on assiste à la féminisation de l’université. En effet, la part des jeunes femmes a atteint aujourd’hui les deux tiers des effectifs étudiants, soit 1,2 million d’étudiantes.
Ce droit à l’instruction, pilier de la liberté et vecteur de l’émancipation, n’a pas été accordé aux femmes algériennes par la France coloniale, mais par l’Algérie indépendante. Et le succès de ces brillantes étudiantes aux examens ne se dément pas, puisque leur taux de diplomation est exceptionnellement prodigieux. Cette population estudiantine porte en elle des transformations sociales profondes que seule une Algérie indépendante et libre a su concrétiser en moins de cinquante ans d’indépendance.
Dans cette nation algérienne jeune au double sens du terme, une part importante de la jeunesse est inscrite dans l’enseignement supérieur. En effet, en moins d’une décennie, le taux d’étudiants est passé de 31 à 43%, rattrapant puis dépassant celui de la moyenne mondiale (de 32 à 37%).
Aujourd’hui, pour accueillir ces 1,2 million d’étudiantes, ces futures diplômées, l’Algérie aligne 54 universités, 40 écoles supérieures, 13 Ecoles normales supérieures des enseignants (ENS) et 13 centres universitaires, outre l’Université de la formation continue (UFC).
Pour ce qui des infrastructures sanitaires, l’Algérie dispose aujourd’hui d’un hôpital dans chaque wilaya.
Quant à l’habitation, le programme de construction de logement a été le plus performant au monde puisqu’il il aura vu la construction de près de 4 millions de logements au cours de la seule période 2000–2020.
En termes de réalisations, l’Algérie indépendante a ainsi accompli de prodigieux progrès.
L’occupation française aura non seulement détruit la culture algérienne, mais retardé considérablement le développement de l’Algérie. Un retard que l’Algérie indépendante est parvenue à réduire en une génération.
K. M.
L’Algérie s’apprête à voter une loi sur la « criminalisation de la colonisation française »
Exigeant « la reconnaissance et les excuses officielles de l’État français », le texte, dont une version a été retoquée en 2010, devrait être voté ce 24 décembre.
Publié le 17/12/2025 à 15h45
Le Parlement algérien relance le projet de loi portant sur la « criminalisation de la colonisation française en Algérie ». © Algerian Presidency Offic/SIPA
Quinze ans plus tard, le Parlement algérien, peu volontaire pour proposer des textes, relance le projet de loi portant sur la « criminalisation de la colonisation française en Algérie ». Le 24 décembre prochain, l’Assemblée populaire nationale votera ce texte (composé de 27 articles) après des débats, le 21, dans l’hémicycle.
« La criminalisation du colonialisme est un dossier ancien, remontant à 1984 sous le régime du parti unique. L’idée a été proposée en 2001 par l’historien et ancien député Mohamed Arzeki Ferrad, puis à nouveau en 2006 et en 2019 par d’autres députés, mais elle a souvent été bloquée pour des raisons diplomatiques », rappelle le quotidien El Khabar.
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Le projet le plus abouti date de 2010. Il prévoyait, notamment, la création d’un tribunal criminel spécial pour juger « les auteurs des crimes de guerre et contre l’humanité commis en Algérie » entre 1830 et 1962 – mais a été bloqué par le bureau de l’Assemblée, pour des « considérations diplomatiques et juridiques », selon l’ancien président du Parlement, Abdelaziz Ziari. Le député FLN Moussa Abdi, rapporteur de cette proposition de loi en 2010, a récemment expliqué dans un média que, à l’époque, « le gouvernement a affirmé que cette loi était contraire aux termes des accords d’Évian, ainsi qu’aux orientations générales et aux engagements politiques de l’État algérien ». L’activisme de Jean–Pierre Raffarin en Algérie
« L’exécutif a également prétendu que la conduite de la politique étrangère relevait de la prérogative exclusive du président de la République et que l’Algérie ne disposait pas d’un système juridique permettant de poursuivre les ressortissants français. » Ce même élu a rappelé qu’en 2010 cette proposition de loi était notamment motivée par l’adoption en France, cinq ans auparavant, de la loi de 2005 sur la « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ».
Il est vrai qu’à l’époque les relations entre Alger et Paris connaissaient un certain réchauffement, avec des échanges de visites et l’activisme de l’envoyé spécial de l’ex–président Nicolas Sarkozy, Jean–Pierre Raffarin, chargé des projets en Algérie. Ce rabibochage intervenait notamment à la suite du non–lieu prononcé par la justice française à l’encontre du diplomate algérien Ziane Hasseni, jugé pour son implication présumée dans le meurtre de l’avocat d’opposition Ali Mécili, le 7 avril 1987 à Paris. Mais les temps semblent avoir changé, et c’est peu dire que la crise entre les deux pays a fini par embrasser tout le spectre du bilatéral, mois après mois.
Consensus africain sur la criminalisation de la colonisation
L’annonce de ce projet de loi intervient après l’organisation, par l’Algérie, d’une Conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique, fin novembre. « Tout comme la communauté internationale a criminalisé, par le passé, l’esclavage et les pratiques assimilées, ainsi que la ségrégation raciale, il est temps aujourd’hui de criminaliser le colonialisme lui–même, au lieu de criminaliser certaines de ses pratiques et de ses séquelles », a déclaré, lors de cet événement qui s’est tenu à Alger, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.
« L’idée insufflée par Alger, à cette occasion, est que les pays africains se lancent dans le processus juridique de la criminalisation des crimes coloniaux », explique une source officielle algérienne au Point.
La « déclaration d’Alger », texte final de cette conférence, recommande d’ailleurs « la mise en place et le renforcement de mécanismes juridiques, aux niveaux national, régional, continental et international, afin de promouvoir la codification de la criminalisation de la colonisation dans le droit international à travers la documentation, l’accès et la restitution intégrale des archives, et de garantir la responsabilisation juridique et morale pour les crimes coloniaux et leurs conséquences durables ».
Cette déclaration sera soumise au sommet de l’Union africaine de février 2026 pour examen et adoption. « À Alger, les pays africains, notamment francophones, qui étaient les plus réticents lors des conférences précédentes, ont dépassé la seule expression indignée face à la colonisation, au racisme et à l’esclavagisme », atteste l’historien algérien Hosni Kitouni, qui a participé à cette conférence et qui évoque une « tendance de plus en plus lourde en Afrique d’aller vers la criminalisation de la colonisation, avec des cadres juridiques précis ».
L’État français responsable « juridique de son passé colonial »
Dans les détails, le projet de loi, qui devra être voté le 24 décembre, impute à l’État français la « responsabilité juridique de son passé colonial et de ce qu’il a engendré comme drames ». Le texte précise que « l’État algérien emploiera tous les moyens et mécanismes juridiques et judiciaires dans un cadre impliquant la reconnaissance et les excuses officielles de l’État français ».
Le projet de loi, qui parle de « crimes imprescriptibles » et de « crimes d’État », liste une trentaine d’« actes criminels », parmi lesquels, par exemple, « meurtre avec préméditation », « torture généralisée et brutale », « viol », « privation délibérée de droits fondamentaux tels que l’éducation et l’accès à des fonctions publiques », « déportation illégale de la population civile vers des régions arides », ou encore « crimes de conversion forcée et tentatives d’effacement de l’identité nationale ».
« L’indemnisation équitable et juste concernant toutes les affres matérielles et morales de la colonisation française est un droit intangible », insiste le texte du projet de loi. Ainsi, l’État algérien devra demander à la France de « nettoyer les sites des explosions nucléaires ou autres », de « récupérer les cartes de ces essais (ainsi que celles des essais d’armes chimiques) et celles des mines », d’« indemniser les victimes de ces essais et des mines », de « récupérer les fonds de la caisse de l’État algérien spoliée [en 1830] », notamment. L’article 7 considère comme « haute trahison toutes les formes de collaboration des harkis avec les autorités coloniales ». Un dernier chapitre pénalise toute « glorification » de la colonisation par des peines de prison.
« Au–delà du caractère difficilement contraignant face à la France de ce texte, il me semble que l’Algérie veut, peut–être, imposer un nouveau cadre, un nouveau rapport de force, dans sa relation avec l’ancien colonisateur, en s’appuyant sur la tendance plus générale en Afrique sur cette question », tranche l’historien Hosni Kitouni.
Un acte de souveraineté
17 décembre 2025
«Cette démarche affirme clairement la volonté souveraine de l’Algérie de protéger la mémoire de ses générations contre toute tentative d’effacement et de falsification», souligne le parti historique.
Le Front de Libération nationale (FLN), s'est exprimé par rapport au projet de loi criminalisant le colonialisme, qui sera débattu la semaine prochaine. Le FLN s'est félicité de cette démarche qui montre on ne peut plus clairement que l'Algérie réaffirme sa souveraineté dans ses décisions et positions de principe.
Dans ce sens, le vieux parti a déclaré qu'il «se félicite de l'initiative historique prise par les membres de l'Assemblée populaire nationale,qui ont déposé un projet de loi criminalisant le colonialisme français. Cette démarche affirme clairement la volonté souveraine de l'Algérie de protéger la mémoire de ses générations contre toute tentative d'effacement et de falsification. Les crimes coloniaux français n'ont pas été et ne seront jamais oubliés; ils demeurent un témoignage vivant des immenses sacrifices consentis par le peuple algérien pour la liberté, l'indépendance et le rétablissement de la souveraineté nationale», lit–on dans le communiqué. Abordant le projet de loi sous son aspect politique, le FLN a souligné que «ce projet de loi est au coeur de la politique nationale mise en oeuvre par le président Abdelmadjid Tebboune, qui repose sur la protection de la Mémoire nationale, la consolidation de la souveraineté et l'affirmation du droit de l'Algérie à défendre son histoire et la dignité de son peuple par tous les moyens légaux et politiques», et d'ajouter; «Le FLN considère la criminalisation du colonialisme, la protection de la souveraineté nationale, la défense de la vérité historique et le rôle de l'Armée nationale populaire (ANP) comme gardienne de la nation comme une responsabilité collective, et déclare son plein soutien à toutes les initiatives et mesures qui renforcent l'identité nationale algérienne», a–t–il soutenu. Le Front de libération nationale fait allusion au lien qui existe entre le projet de loi criminalisant le colonialisme et la souveraineté nationale en déclarant que «le FLN affirme que la protection de la souveraineté nationale est un engagement incarné par l'action de l'Armée nationale populaire (ANP), qui constitue la pierre angulaire de la stabilité nationale et de la préservation de l'indépendance de l'Algérie», a–t–il mentionné.
Le FLN a rappelé que l'ANP est un rempart et un symbole de l'unité et de la souveraineté du pays. Dans ce registre, il a rappelé que «l'ANP n'est pas seulement une force militaire, mais un symbole de patriotisme et de défense de la souveraineté. Elle est le prolongement vivant des sacrifices de nos ancêtres, les justes martyrs et les vaillants combattants de la liberté, qui ont résisté au colonialisme et à la tyrannie, et un rempart garantissant de la liberté et de l'indépendance de l'Algérie», a–t–il noté.
Le FLN a souligné que la «nouvelle Algérie, ayant choisi de s'aligner sur la légitimité internationale, les solutions politiques et le respect de la souveraineté des nations, est devenue une voix influente sur la scène régionale et internationale. Elle a toujours plaidé pour une approche globale qui rejette la militarisation des crises et met en garde contre les dangers des interventions étrangères qui ont dévasté des pays et déstabilisé des populations», et de préciser que «le Front de libération nationale (FLN) souligne que l'Algérie, tout en consolidant sa position d'État pivot, ne permettra pas que sa réputation ni celle de son armée soient ternies. Elle affrontera toute tentative de désinformation par la vérité, l'unité nationale et la force de ses institutions constitutionnelles», a–t–il indiqué.
Le FLN a expliqué clairement dans son communiqué que la nouvelle Algérie n'est ni un État dépendant, ni un État réactif, mais un État de principe, un État souverain et un État capable de décider en toute indépendance.
L'Expression: Nationale – De lourdes peines contre l’apologie du colonialisme
17 décembre 2025
Les sanctions peuvent aller jusqu’à 10 ans de prison ferme et de sévères amendes contre les contrevenants.
RPwebLa commission de la défense nationale de l'Assemblée populaire nationale (APN) a poursuivi, ces derniers jours, l'examen de la proposition de loi relative à la criminalisation du colonialisme français en Algérie. Après une première réunion consacrée à la présentation du texte, tenue avant–hier, la commission a auditionné hier plusieurs experts et spécialistes, selon un communiqué publié par l'Assemblée.
La proposition de loi, qui suscite un large débat, vise à pénaliser toute forme d'apologie ou de glorification du colonialisme français, une question qui demeure au coeur des tensions mémorielles entre l'Algérie et la France.
Le texte prévoit des sanctions sévères à l'encontre de toute tentative de justification ou de réhabilitation du passé colonial. Dans ses dispositions pénales, le projet met l'accent sur la reconnaissance des sacrifices consentis par le peuple algérien durant la lutte de Libération nationale. Il souligne qu'en rendant hommage aux combattants et aux martyrs de la guerre d'indépendance, l'État «garantit la dignité de tous les Algériens» ayant participé, directement ou indirectement, à la résistance populaire, au Mouvement national et à la révolution du 1er Novembre 1954. L'objectif affiché est de préserver la Mémoire nationale et de rejeter toute minimisation des violences et crimes commis durant la période coloniale.
L'article 16 définit l'«apologie du colonialisme» comme toute action, déclaration, publication ou représentation visant à justifier ou glorifier le colonialisme français.
L'article 17 élargit cette notion à toute activité médiatique, académique ou politique qui promeut les idées colonialistes ou nie leur caractère criminel. Ces infractions seraient punies de peines d'emprisonnement allant de deux à cinq ans, pouvant atteindre dix ans en cas de récidive ou si les faits sont commis par un fonctionnaire public, au sein d'un établissement d'enseignement ou par le biais des médias. Les amendes prévues varient entre 200 000 et un million de dinars. La proposition de loi prévoit également une protection renforcée des symboles de la résistance nationale.
L'article 20 stipule que toute atteinte aux symboles de la résistance populaire, du Mouvement national ou de la révolution de libération sera sanctionnée conformément aux dispositions du code pénal.
Les articles 19 et 24 ciblent, quant à eux, les actes visant à réhabiliter la collaboration avec le colonialisme ou à dénigrer le rôle des acteurs de la lutte anticoloniale, ainsi que l'usage de termes infamants à connotation colonialiste portant atteinte à la dignité des Algériens.
Si les partisans de cette initiative estiment qu'elle constitue une étape nécessaire pour préserver la mémoire nationale et protéger les symboles de la souveraineté, certaines voix critiques mettent en garde contre d'éventuelles restrictions de la liberté d'expression, notamment dans les milieux universitaire, médiatique et de la recherche historique.
Des enseignants, chercheurs craignent que les sanctions prévues ne limitent le débat et l'analyse critique du fait colonial.
Au–delà de ses implications juridiques, cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte diplomatique et historique sensible, marqué par les séquelles persistantes du colonialisme dans les relations algéro–françaises.
La question de la mémoire, du devoir de vérité et de la réconciliation demeure ainsi au centre des débats.
Pour rappel, la proposition de loi renferme cinq chapitres comportant 27 articles.
La commission chargée de la rédaction du texte est composée de six députés:
– Zakaria Belkhir (MSP)
– Kamel Benkhelouf (El–Bina)
– Abderrahmane Kadri (Fadjr El Djadid)
– Bida Fatima (groupe El–Ahrar)
– Ismaïl Mira (RND)
– Djouzi Meziane (FLN).
Colonisation : Alger veut désormais des excuses et… de l’argent
CHRONIQUE. L’Algérie durcit sa diplomatie mémorielle avec un projet de loi criminalisant le passé français. Objectif : peser sur Paris, rallier l’Afrique et verrouiller le récit historique à l’intérieur.
Publié le 17/12/2025 à 09h29, mis à jour le 17/12/2025 à 15h16
Alger, capitale symbolique du postcolonialisme africain. Depuis peu, l’Algérie mène en effet une véritable diplomatie mémorielle offensive, avec cette semaine un projet de loi interne criminalisant la colonisation française de 1830 à 1962. En chœur, toute la presse d’Alger fait état d’un texte inédit inscrit à l’agenda de l’Assemblée algérienne, en attente d’un vote prévu ce dimanche.
Il vise autant à peser sur la relation avec Paris (entretenue par un conflit désormais permanent) qu’à resserrer le contrôle politique sur le récit historique algérien. Ce récit s’éloigne dangereusement du moment fondateur de l’indépendance, ce qui induit pour le régime, qui en a vive conscience, une perte en légitimité et en leadership sur l’opinion des Algériens.
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Ce syndicalisme mémoriel de la colonisation, inattendu, s’est récemment traduit par deux initiatives majeures. Du 30 novembre au 1er décembre 2025, Alger a accueilli une Conférence internationale sur les crimes du colonialisme en Afrique, placée sous l’égide de l’Union africaine et du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Une « Déclaration d’Alger » issue de cette rencontre fut cosignée pour servir de base à une stratégie continentale de reconnaissance des crimes coloniaux et de réparations, destinée à être soumise au sommet de l’Union africaine (UA) de février 2026.
Un projet de loi « portant criminalisation de la colonisation »
La capitale algérienne se présente ainsi comme la « Mecque » d’un postcolonialisme offensif. C’est du moins le point de vue d’Alger, qui y trouve une vocation diplomatique en compensation de ses défaillances régionales et de son isolement croissant. En même temps, elle transforme une revendication nationale en cause panafricaine avec un bénéfice de visibilité.
En parallèle, l’Assemblée algérienne doit examiner puis voter un projet de loi spécifique « portant criminalisation de la colonisation française en Algérie », couvrant la période du 14 juin 1830 au 5 juillet 1962 et ses effets directs et indirects. Le texte, structuré en plusieurs chapitres et comportant une vingtaine d’articles selon les journaux d’Alger, définit la colonisation comme « crime d’État ». Il détaille à la fois les crimes imputés à la puissance coloniale et les sanctions pénales applicables aux personnes physiques ou morales.
Ce projet n’est pas totalement nouveau. Des propositions similaires ont déjà été déposées au Parlement, notamment en 2006 en réaction à la loi française de 2005 sur les « aspects positifs » de la colonisation, puis relancées au cours des années 2010 sans jamais aboutir. Le texte servait, traditionnellement, plutôt de monnaie d’échange pour réchauffer ou refroidir les relations bilatérales avec la France, ou peser comme levier de chantage diplomatique. Cependant, le contexte actuel de tensions politiques et de fragilisation interne du régime lui donne une portée inédite et un semblant d’efficacité, du moins espéré, pour faire écran à la crise intestine de légitimité.
« Révéler et diffuser la vérité historique »
Les articles centraux dressent une liste d’environ 27 catégories de crimes attribués à la colonisation française, rapporte–t–on. On y trouve parmi ces catégories : massacres et attaques contre les civils, pratique disproportionnée de la force, armes non conventionnelles, minage du territoire, exécutions extrajudiciaires, essais et explosions nucléaires, pillage des trésors algériens, lois d’exception, torture à grande échelle, discriminations raciales, déportations ou encore confiscations de biens.
Sont également visés la privation d’éducation, les déplacements forcés, les camps de regroupement, l’usage de civils comme boucliers humains, le viol, l’esclavage sexuel, les atteintes aux lieux de culte et les tentatives d’effacement de l’identité nationale. Parmi les exemples souvent rappelés, on trouve les déportations de résistants algériens vers la NouvelleCalédonie au XIXᵉ siècle, les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, ou encore les essais nucléaires du Sahara dans les années 1960.
La loi affirme que ces crimes resteront imprescriptibles. Elle dispose aussi que l’État algérien s’engage à « révéler et diffuser la vérité historique liée à la colonisation française ». Il doit pour cela renforcer les institutions de mémoire et la recherche historique, mais sous stricte tutelle publique et donc politique.
Sur le plan international, le texte proclame la responsabilité juridique de la France pour les crimes commis durant la colonisation et revendique un droit à des excuses officielles et à une « réparation complète » des dommages matériels et moraux subis. La clause appuyée ouvre surtout la voie à la démarche d’indemnisations financières, désormais non taboue pour Alger. En pratique, la portée contraignante de cette revendication demeure limitée.
De cinq à dix ans de prison
La Cour pénale internationale ne juge que les crimes perpétrés après l’entrée en vigueur du Statut de Rome en 2002, et l’Algérie ne l’a pas ratifié. Cela exclut donc tout recours direct à cette juridiction pour les faits de la période coloniale.
Les leviers d’Alger contre la France se révèlent donc principalement politiques et diplomatiques. Ils incluent, soutient–on, le lobbying au sein de l’Union africaine, la saisine de forums multilatéraux, la mobilisation de l’opinion publique internationale, ou encore la pression bilatérale sur Paris dans d’autres dossiers, comme les visas pour les VIP du Régime, la coopération sécuritaire bloquée, les flux migratoires ou la restitution d’archives et d’œuvres d’art.
Le projet de loi va toutefois bien au–delà de la seule dénonciation symbolique du passé face à la France, ancienne puissance coloniale. Sa portée pratique se situe surtout sur le plan interne et la possibilité d’une remise en question du « roman » national du FLN, l’ex–parti unique. Le texte en attente de vote prévoit des peines de prison et des amendes pour la « glorification » ou la « justification » de la colonisation française, définies comme tout propos, écrit, dessin, vidéo ou enregistrement sonore allant dans ce sens.
Les personnes reconnues coupables risquent de cinq à dix ans de prison, de lourdes amendes financières, ainsi qu’une possible privation de droits civiques et politiques. Le texte assimile aussi la glorification de collaborateurs du système colonial ou la négation du « combat national » à un délit passible de plusieurs années d’emprisonnement. Cette logique se retrouve dans certaines lois mémorielles adoptées ailleurs, par exemple en Turquie à propos du génocide arménien. Des dispositions mentionnent en outre « la protection de la mémoire de la résistance, l’interdiction des atteintes à la dignité des victimes de la colonisation ».
Confisquer la mémoire collective aux historiens
Traduit dans les faits, c’est l’officialisation du verrouillage du débat historique, artistique et académique sur la période coloniale et l’immunité totale pour les vétérans de la guerre ou leurs organisations et puissance politique. Tout texte, image ou propos peut entrer désormais dans le champ répressif de cette loi. Toute réflexion ou écriture sur la durée coloniale, sur les vétérans ou sur le récit officiel de ce passé hors du contrôle politique strict devient une contestation et un crime potentiels.
Dans ce cadre, la génération des anciens combattants et les élites politiques qui se réclament directement de la guerre de libération voient leur statut « d’intouchables » consolidé. En effet, toute remise en cause de leur récit peut être assimilée à une atteinte à la mémoire nationale. La loi algérienne transforme ainsi le récit de la lutte contre le colonialisme en instrument de contrôle du présent. Elle risque de confisquer encore plus la mémoire collective aux historiens, aux artistes et aux citoyens qui souhaiteraient construire une narration partagée, moins instrumentalisée, entre l’Algérie et la France et même entre Algériens.
Ce refus porte préjudice à la fois aux Algériens et aux Français qui voudraient élaborer une mémoire moins politique, plus humaine et ouverte au questionnement des jeunes générations. La guerre des mémoires est donc relancée. Et aussi leurs confiscations.
Kabylie indépendante : l’analyse d’un ancien ambassadeur français sur la riposte d’Alger
Publié le17.12.2025 15:24
PARIS (SIWEL) — Dans une tribune publiée le 16 décembre 2025 dans La Nouvelle Revue Politique, l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt décrypte la réaction rapide et multiforme des autorités algériennes à la proclamation de l’indépendance de la Kabylie, intervenue à Paris le 14 décembre. Entre instrumentalisation mémorielle, pression diplomatique sur la France et marginalisation historique des Kabyles, l’auteur éclaire les ressorts politiques d’une réponse algérienne qu’il juge tout sauf anodine :
La réponse algérienne à l’indépendance proclamée de la Kabylie
La réponse algérienne à l’indépendance que le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) a proclamée à Paris le 14 décembre ne s’est pas fait attendre. Après bien des tergiversations, puisque la cérémonie avait d’abord été interdite par le ministre de l’Intérieur, le MAK a proclamé dimanche 14 décembre l’indépendance de la Kabylie.On a tendance en France à parler de l’Algérie ou des Algériens comme si ce peuple était parfaitement homogène dans sa population. C’est oublier que l’ensemble algérien tel que tracé par la France avait vu au fil des siècles se former des entités humaines très différenciées : sur toute la partie sud, d’In Amenas à l’est jusqu’à Tin Zaouatene à l’ouest s’est constitué un vaste territoire touareg dont la limite nord est marquée par l’enclave mozabite (le M’zab) ayant pour capitale Ghardaïa. De l’Atlas saharien jusqu’à la Méditerranée, et de la frontière tunisienne jusqu’aux portes de Sétif, c’est le pays chaoui(Aurès) dans lequel une partie de la Kabylie orientale s’est culturellement fondue.
La Kabylie, au nord, longe la Méditerranée de Boumerdes à Jijel et au sud, de l’Atlas blidéen jusqu’à Sétif. Les Kabyles sont l’une des branches les plus importantes des Berbères ou Amazighs et leur langue, le kabyle, a des origines amazighes.
Leur importance numérique, près de 20 % de la population algérienne, et leur proximité avec la capitale algérienne leur donnent une visibilité qui, au sein du pouvoir, agace les partisans d’une nation algérienne sans dissonance ni différence linguistique ou religieuse. L’organisation sociopolitique des Kabyles, la géographie très rude de la région – un mélange de montagnes et de vallées profondes, des villages perchés sur des promontoires – leur langue et leur poids dans la vie politique du pays donnent aux Kabyles une place très spécifique, place qu’ils ont toujours occupée.
Les Kabyles, qui étaient sur la terre algérienne actuelle avant les Arabes, ont opposé une résistance farouche au débarquement à Sidi Ferruch des troupes françaises conduites par le maréchal de Bourmont en 1830. Cela leur valut de rester « indépendants » face à la colonisation française jusqu’en 1857. A partir de la création de l’Algérie, par décret signé en 1839, il y eut deux entités politiques coexistant : l’Algérie française et la Kabylie indépendante. Alexis de Tocqueville s’opposa à l’Assemblée nationale à l’annexion de la Kabylie, mais le maréchal de Mac Mahon réussit à convaincre Napoléon III de mettre fin à l’indépendance des Kabyles.
Les fondateurs du FLN en 1954 étaient majoritairement des Kabyles, le congrès de la Soumam eut lieu en Kabylie sans que l’armée française y voit quelque chose, c’est le Kabyle Krim Belkacem qui fut le signataire des Accords d’Evian.
Pour toutes ces raisons, histoire, « indépendance » de la Kabylie, irrédentisme, la Kabylie et les Kabyles sont généralement écartés ou marginalisés dans la vie politique algérienne : Aït Ahmed et Krim Belkacem, à l’été 1962, furent écartés du pouvoir et durent s’exiler ; les émeutes de 1988, celles de 2000 et la répression qui s’ensuivit sont restées dans les mémoires ; Issad Rebrab, fondateur et président du premier groupe industriel algérien, Cevital, grand créateur d’entreprises et d’emplois, a connu les pires difficultés durant sa carrière pour finir par être emprisonné en 2019 et voir ses usines quasiment confisquées, comme les hommes d’affaires kabyles, trop puissants aux yeux du pouvoir algérien.
Les églises catholiques, protestantes et évangéliques sont fermées en Kabylie. De même, le pouvoir algérien n’hésite pas à demander à la France d’expulser les dirigeants d’un parti politique, le MAK, le considérant comme « groupe terroriste ».
En tout cas, la proclamation de l’indépendance kabyle, puisqu’il a lieu sur le territoire français sert de prétexte pour ne pas libérer le journaliste Christophe Gleizes. Et, comme par hasard, ce journaliste sportif enquêtait justement sur la JSK, le mythique club de football algérien. C’est bien la preuve, se dit–on à Alger, que la France, la Kabylie, le MAK ont partie liée.
Il faut donc punir Paris pour avoir autorisé cet évènement. Il y a bien sûr, non seulement le dossier Gleizes, mais plus subtilement, il y a le « mémoriel » algérien. Dimanche 21 décembre, l’Assemblée nationale algérienne examinera un projet de loi criminalisant la colonisation française. Quoi de mieux pour souder l’opinion algérienne et surtout exciter Paris, que de ressortir un vieux dossier, déjà brandi en 2010 par Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, dur parmi les durs du FLN qui avait déjà proposé un texte criminalisant la colonisation française et exigeant des réparations.
Il avait fallu, je m’en souviens, toute l’habileté de Bouteflika, pour calmer le jeu, ne voulant pas être celui qui avait déclaré la guerre mémorielle à Paris. Déjà, à la fin novembre, le pouvoir algérien, a organisé à Alger une conférence sur les crimes de la colonisation européenne (c’est–à–dire principalement française) en Afrique.
Mais cette fois–ci, il s’agit bel et bien de recenser les crimes coloniaux français qui auraient ainsi violé les principes fondamentaux de l’humanité et les valeurs politiques et humaines consacrées par les traités internationaux. Dans ses dispositions, le texte impute à l’État français l’entière responsabilité juridique des crimes commis en 132 ans (1830–1962) d’occupation coloniale de l’Algérie. Des crimes d’État imprescriptibles, stipule le projet de loi qui souligne l’exigence de la reconnaissance, des excuses et de l’indemnisation. Le colonialisme français a commis en Algérie des crimes contre l’humanité, selon les rédacteurs du projet, citant une trentaine de crimes, parmi lesquels les massacres de masse, les exécutions sommaires, les déplacements forcés, le pillage des ressources, les tentatives d’aliénation de l’identité nationale et la privation du peuple algérien de ses droits politiques, humains, économiques et sociaux les plus élémentaires. Les conséquences et les séquelles directes et indirectes de ces crimes persistent encore aujourd’hui, est–il indiqué dans le texte.
Le texte de loi évidemment, ne se contentera pas de critiquer la France et les pratiques coloniales françaises – sans doute moins brutales par rapport à ce que faisaient à l’époque Belges au Congo, ou Allemands au Sud–Ouest africain, deux pays dans lesquels la colonisation fut particulièrement dure– . Il s’agit derrière cette prise de position morale, d’obtenir de Paris des réparations financières, notamment pour les essais nucléaires français réalisés au Sahara.
Evidemment, on cachera au lecteur algérien que ces essais nucléaires ont été menés avec l’accord écrit du gouvernement algérien. Le Président Tebboune m’avait d’ailleurs rappelé cette précision au cours d’un entretien et reconnu que l’Algérie était consentante.
Que retenir de tout cela ? Cette initiative n’est évidemment pas innocente : non seulement, Alger peut ainsi «maintenir au chaud » en quelque sorte, le dossier brûlant de la colonisation française, en espérant au passage trouver dans la classe politique française des partisans de cette offensive ; mais surtout, elle constitue une réponse rapide à la déclaration d’indépendance de la Kabylie, autorisée (et pense–t–on à Alger, soutenue) par la France.
De quoi maintenir au moins jusqu’en 2027, la pression sur Paris…
Xavier Driencourt
Ancien ambassadeur en Algérie, à deux reprises, Xavier Driencourt a également été ambassadeur de France en Malaisie, conseiller au cabinet d’Alain Juppé et directeur général de l’administration au Quai d’Orsay, enfin chef de l’inspection générale des affaires étrangères.
Alger va débattre d’une loi criminalisant la colonisation française
Victoire Riquetti 17 décembre 2025
Dimanche 21 décembre, l’Assemblée populaire algérienne débattra une proposition de loi criminalisant la colonisation française. « Le texte impose également que l’État algérien ne conclue aucun accord avec la France tant que les conditions de reconnaissance des crimes coloniaux ne sont pas réunies », rapporte l'agence de presse turque Anadolu Ajansi. Le vote sera ensuite soumis aux votes algériens le 24 décembre prochain. Les relations franco–algériennes semblent n’avoir jamais été aussi mal, mais comment reprocher au gouvernement de Tebboune de s’engouffrer dans la porte laissée béante par Emmanuel Macron ? Après la repentance, l'auto–procès ?
En février 2017, alors en pleine campagne présidentielle, le candidat Macron s’était rendu en Algérie sur l’invitation de Tebboune. Là, rappelle l’INA, à la télévision algérienne, celui qui deviendrait Président avait déclaré, au sujet de la colonisation française, que « c'est un crime. C'est un crime contre l'humanité, c'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes. » La proposition de loi sur la criminalisation du colonialisme français que devrait voter l’Algérie, dimanche, ne fait qu’emboîter le pas du Président Macron : après la reconnaissance et le mea culpa médiatique, Alger veut une reconnaissance politique, diplomatique, juridique et financière. En effet, comme l’explique l’Algérie aujourd’hui, « loin d’être un simple texte symbolique, ce dernier qualifie la colonisation de crime d’État, tout en exigeant reconnaissance, excuses et réparations ». Parce que c’est bien de cela qu’il est encore question : repentance et victimisation ! Et si notre Président avait fait le choix de donner raison à l’Algérie, pour le média El Moudjahid, « cette démarche, empreinte de fermeté et de détermination, a été lancée en mars 2025 par la chambre basse du Parlement dans un contexte d’attaques et de surenchères récurrentes du courant de l’extrême droite française contre l’Algérie ». Un nouveau moyen de coercition contre la France
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement algérien tente de légiférer sur le sujet : en 1984, d’abord, puis en 2001, 2005, 2006, 2017, 2020 et 2021, rappelle le média Anadolu Ajansi. Comment ne pas voir dans le retour de cette proposition de loi un nouveau moyen de coercition de la part d’Alger ? D’ailleurs, le média algérien Horizons DZ insiste : « Dans un contexte où Paris continue de refuser toute reconnaissance claire de ses responsabilités, ce projet de loi incarne une volonté souveraine de clore les blessures du passé non par la vengeance mais par le droit. Le texte tient à rappeler de prime abord que l’agression française contre l’Algérie fut considérée comme le point de départ d’un "projet colonial systématique", raciste, ayant duré plus de 132 ans. » Horizons DZ, qui dit avoir pu se procurer la proposition de loi, détaille avec minutie ce que l’Algérie reproche à la France et ce qu’elle attend d’elle : en bref, une autocritique et des excuses officielles assorties de réparations et de dédommagements. Si la France est sur le banc des accusés, elle n’est pas la seule : tous ceux qui seront suspectés d’un tant soit peu de complaisance au sujet de la colonisation française en Algérie seront sanctionnés : « La proposition prévoit également des peines de prison et des amendes conséquentes pour quiconque s’aventurerait à glorifier la colonisation ou à dénigrer des figures de la résistance », rapporte L’Algérie aujourd’hui. Légiférer sur l'Histoire qui déplaît
En clair, gare à celui qui oserait critiquer le FLN ou reconnaître que la France a doté l’Algérie d’infrastructures, de ports, de réseaux routiers et électriques, par exemple. D’ailleurs – et c’est tout un symbole –, le texte de loi condamne pour haute trahison, rapporte El Moudjahid, « toutes les formes de collaboration des harkis et de ceux qui étaient avec les autorités coloniales contre les diverses formes de lutte et de résistance pour le recouvrement de la souveraineté nationale et l’indépendance du pays ». Mais ce n’est pas tout, rapporte L'Algérie aujourd'hui, « la proposition de loi rappelle que l’Algérie était une nation pleinement souveraine et reconnue sur la scène internationale avant l’agression militaire du 14 juin 1830, une agression qui a marqué le début d’un projet colonial systématique et raciste, prolongé pendant plus d’un siècle ». Autrement dit, l’Algérie s’octroie le droit de façonner l’Histoire à sa convenance, puisque c'est le général Schneider qui donna son nom à l'Algérie en 1838 et que, expliquait Jean Sévillia au Figaro, « le territoire actuel de l'Algérie n'avait, de fait, jamais connu d'unité politique avant la conquête française ». Si la réalité déplaît, il suffirait donc de légiférer ? Une semaine après que la Kabylie a proclamé son indépendance et sa volonté de se libérer du joug et de la colonisation algériens, voilà Alger qui revient à la charge avec la colonisation française : une façon de se persuader de son unité ? En tout cas, Alger a bien pris garde à inscrire dans sa proposition de loi « l’imprescriptibilité » de ce qu’elle appelle le « crime d’État » français. La proposition de loi criminalisant le colonialisme français acceptée par l’APN : le projet examiné par la Commission de la défense
Ph.:Y–Cheurfi
Ce texte s'aligne avec les valeurs et principes internationaux condamnant l'injustice et bannissant les crimes contre l'humanité et il n'est pas contraire au dialogue ou à la coopération entre les Etats.
La Commission de la Défense nationale à l'Assemblée populaire nationale a examiné, hier, la proposition de loi portant criminalisation du colonialisme français en Algérie, avant sa présentation en plénière, dimanche prochain. «Cette proposition incarne une conscience collective du peuple algérien à travers ses représentants, en phase avec le processus du renouveau du projet national, dans le cadre des choix de l'Algérie victorieuse qui a placé la préservation de la Mémoire nationale au cœur de ses priorités, sous la conduite du président de la République, et avec l'appui des différentes composantes, élites et partis de la Nation», a souligné, à cette occasion, le président de la Commission.
Younes Hariz assure que cette démarche s'inscrit dans le cadre de la fidélité aux sacrifices du peuple algérien et de la concrétisation de l'engagement constitutionnel pour la préservation et la protection de la Mémoire nationale contre l'oubli et la déformation, en s'appuyant sur les principes de la Déclaration du 1er Novembre 1954 et le préambule de la Constitution de 2020 qui a consacré, a–t–il rappelé, le devoir de fidélité aux martyrs et l'attachement aux valeurs de la Révolution de libération nationale. Et d’ajouter : «Le colonialisme était un système fondé sur l'assujettissement, le pillage, l'aliénation identitaire et la commission de crimes contre l'humanité.
Ce texte s'aligne avec les valeurs et principes internationaux condamnant l'injustice et bannissant les crimes contre l'humanité et il n'est pas contraire au dialogue ou à la coopération entre les Etats. Il consacre plutôt des relations équilibrées fondées sur la reconnaissance de la vérité, le respect de la Mémoire et la réciprocité entre les nations, par fidélité à l'Histoire de l'Algérie et aux sacrifices de ses valeureux martyrs». De son côté, le coordinateur de la commission chargée de la rédaction de cette proposition a présenté les motifs de la proposition de loi, expliquant qu'elle vient en réponse au devoir d'établissement de la justice historique et de préservation de la Mémoire nationale. Fateh Brikat a rappelé, à cet effet, la gravité des violations commises par les autorités coloniales françaises à l'encontre du peuple algérien, qualifiées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, étant imprescriptibles et parmi les crimes les plus graves en droit international.
«Le besoin s'est fait sentir de mettre en place un mécanisme juridique criminalisant le colonialisme français en Algérie et d'imputer au gouvernement français la responsabilité juridique des faits perpétrés durant la période allant de 1830 à 1962, en rejet du raisonnement de la mise sur un pied d'égalité de la victime et du bourreau», a–t–il expliqué, précisant que cette proposition de loi se réfère aux principes consacrés dans le droit international, qui affirment le droit des peuples à l'équité juridique, à la concrétisation de la justice historique et au refus de l'impunité.
«Aussi, a–t–il poursuivi, le texte vise à situer les responsabilités et à obtenir la reconnaissance et les excuses officielles pour les crimes d'occupation, en tant que fondement de la réconciliation avec l'histoire et de la préservation de la Mémoire nationale».
Synthèse S. A. M.
Kamel Daoud : « À Oran, les bulldozers emportent le bar de Camus »
CHRONIQUE. Le Cintra, lieu de mémoire des Oranais, va disparaître. Une victoire amère de la honte et de la peur.
Publié le 17/12/2025 à 17h30
Oran, place du 1er–Novembre, avec le Théâtre régional (Opéra jusqu'en 1963). © Alamy Stock Photo /Abaca
À Oran, le bar Cintra, sur l’ancien boulevard Gallieni, « est aussi un bon observatoire ». Pour observer quoi ? Les belles femmes. « Des cohortes de jeunes femmes, chaussées de sandales, vêtues d’étoffes légères et de couleurs vives, montent et descendent la rue. On peut les admirer, sans fausse honte : elles sont venues pour cela. » C’est Albert Camus qui parle ainsi d’un café d’Alger puis de cette brasserie d’Oran, ouverte autour de 1920, dont le souvenir demeure très vif dans la mémoire des habitants. Grande salle à balcon intérieur, orchestre au rez–de–chaussée, comptoir vitré à poissons et à viandes prêtes à frire, vieux serveurs lents aux gestes augustes de statues divines qui, enfin, s’animent : tout y célébrait une joie bruyante, monotone, confortable. On y étanchait sa soif d’alcool autour de barils en bois entourés de tabourets ou dans des box creusés en niches dans les murs, où l’on venait négocier l’amour ou d’autres contrats, dans une ambiance mélancolique et pourtant heureuse. J’y allais jeune, à l’époque de la guerre civile des années 1990 : Le Cintra avait sa réputation. Elle tenait d’abord à un portrait au crayon de Camus accroché à l’un des murs, puis à l’emplacement : au cœur d’Oran, à côté du lycée Pasteur, face aux ensembles Art déco de la Banque d’Algérie et des édifices de prestige. C’est là que logeait le médecin de Camus, juste en face, un peu sur la gauche, dans un grand immeuble ouvrant sur un hall de granit noir, pierre rare, avec deux escaliers ; le Dr Cohen deviendra un peu le Dr Rieux, héros et narrateur clandestin de La Peste. Troisième atout : Le Cintra fermait tard et retenait une ambiance de vie intellectuelle oranaise déjà révolue. Pas seulement l’ombre de Camus, qui y venait souvent, mais aussi celle des avocats, des enseignants, des artistes, des notables : on y chantait, on y buvait, on y pensait, et on y répétait que c’était mieux que de vivre à Alger. Cela a duré des décennies, jusqu’au déclin lent qui a suivi la guerre civile : en dix ans de guerre, ni l’armée, qui tient le pays depuis les luttes de décolonisation, ni les islamistes n’ont vraiment perdu, seule a reculé la joie en Algérie. Aujourd’hui, ces islamistes imposent en grande partie les lois et l’habit dominent l’école, la justice, les médias, la rue, les esprits, et le déclin a gagné la clientèle du Cintra comme celle des autres brasseries d’Oran. Toutes ferment peu à peu. Le « beau monde » de la nuit a déserté le centre pour se réfugier sur la Corniche oranaise, longue falaise de l’ouest qui surplombe la mer, avec ses villages balnéaires défraîchis, ses plages parfois fermées par les casernes et ses cabarets où le raï maintient sa complainte clandestine. Au cœur de la ville d’Oran ne subsistaient plus que des clients épuisés et nostalgiques, restés fidèles à eux–mêmes, faute de pouvoir l’être à une ville qui ne leur appartenait plus.
Au nom d’une idéologie rigoriste
Un homme d’affaires sans peur a alors repris l’enseigne : il a rasé l’intérieur, créé une brasserie aux laitons flambant neufs dans le style parisien, un restaurant lounge en bas et un bar perché au–dessus avec des lumières tamisées. Cela aurait pu marcher, mais l’Algérie, et Oran avec elle, s’islamisent : la clientèle a honte de boire ou se cache pour s’encanailler, composée désormais de désespérés, de colériques, de rebelles agressifs, de chagrins, de vieilles personnes taiseuses ou de jeunes désœuvrés.
Elle s’est faite rare, puis introuvable. Ici, La Peste, ce roman que Camus aurait commencé dans ce bar, selon la légende, a fini par gagner : elle est revenue, cette peste–là. La preuve ? Cette semaine, des bulldozers ont rasé la terrasse du Cintra en plein jour, au centre–ville d’Oran, et les photos qui circulent sur Internet divisent l’opinion, à l’image de l’Algérie elle–même. Après les bulldozers, une lettre ouverte a été adressée au wali (préfet) : « Monsieur le Wali […], on ne détruit pas ce qui est beau. On ne détruit pas le patrimoine d’Oran. On ne le touche pas. Ce patrimoine ne vous appartient pas, ni à vous ni aux gouvernements successifs. Il appartient à l’Histoire et aux Oranais, à ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain. » Pourquoi Le Cintra a–til été détruit ? Sous la pression constante des islamistes, affirme la lettre – et une partie de l’opinion –, qui poursuit : « Vous avez également cédé à certaines voix qui, au nom d’une idéologie rigoriste, réclamaient la destruction de ce lieu sous prétexte qu’il s’agissait d’un bar. Vous avez cédé à la haine. […] Vous avez détruit le Cintra, le bar préféré d’Albert Camus, ce témoin de pierre et de vie qui racontait notre ville au monde entier. L’Histoire, Monsieur le Wali, retiendra votre nom. Oran, il faut l’aimer pour pouvoir la gérer. » Le prétexte officiel de cette démolition ? Dégager le trottoir du boulevard, un espace public, alors même que certaines mosquées, dans l’est de la ville, ont accaparé les trottoirs en réalisant des extensions illégales et hideuses. Là se joue le rapport de force. Certains invoquent « l’ordre dans l’espace public » et « l’application de la loi », tandis que les réseaux sociaux mettent en scène l’affrontement entre deux discours : la mémoire d’un côté, la dénonciation islamiste de l’autre au nom d’une conception rigoriste de la religion d’État. Sur ce fond de conquête de l’espace public par un néomoralisme, l’islamisme en acte devient force de gouvernement des rues et des corps. Dans le nord–est de l’Algérie, à Sétif, « un milliardaire achète un cabaret pour en faire une école coranique », jure–t–on. Cela fait le buzz dans les réseaux sociaux.
Hystéries
Le Cintra ? Une brasserie oranaise, certes, mais bien plus que cela. « Oran a peu d’arbres, mais les plus belles pierres du monde », écrivait Camus dans ce texte même où il évoque la brasserie oranaise, intitulé Petit Guide pour des villes sans passé. Ce titre et cette métaphore sont devenus une vérité cruelle avec les démolitions et la décrépitude du patrimoine Art déco de la ville. L’affaire du Cintra, pour qui veut comprendre ce qui se joue en Algérie derrière les murs de ses hystéries, en dit sans doute plus que bien des discours. Une époque se meurt. Et tue.