– Revue de presse N° 282
– 8 octobre 2024 – { 2003–2024 – 21ème année }
https://palestinevaincra.com/2024/10/jeudi–17–octobre–a–toulouse–marche–pour–commemorer–le–massacre–colonial–detat–du–17–octobre–1961/
Jeudi 17 octobre à Toulouse, marche pour commémorer le massacre colonial d’Etat du 17 octobre 1961
8 octobre 2024
À l’appel de nombreuses organisations, dont le Collectif Palestine Vaincra, une marche est organisée à Toulouse le jeudi 17 octobre à 18H30 au départ du parvis de la gare Matabiau afin de
commémorer le massacre colonial d’Etat du 17 octobre 1961 et contre les politiques impérialistes, colonialistes et racistes d’aujour’hui.
Dans son appel, les organisateurs rappellent que « le 17 octobre 1961, à l’appel de la Fédération de France du FLN, des dizaines de milliers d’Algériens et d’Algériennes entreprennent une marche pacifique dans Paris. L’objectif est de boycotter le couvre–feu illégal et raciste imposé aux seuls « français musulmans d’Algérie » et de sensibiliser l’opinion publique française à l’indépendance de l’Algérie. Cette manifestation, sauvagement réprimée par la police du sinistre préfet de Paris Maurice Papon, sous les ordres du gouvernement de Michel Debré, un farouche opposant à l’indépendance de l’Algérie, se termine dans le sang. Les victimes se comptent par centaines, disparues, noyées dans la Seine. Les jours qui suivent, plus de 10 000 algériens sont raflés, internés et matraqués. S’ensuivent tortures et exécutions. Ce massacre d’État a été occulté et n’a jamais été officiellement reconnu par l’État français, comme tous les crimes coloniaux perpétrés pendant 132 ans en Algérie. »
Par ailleurs, les groupes signataires soulignent que « depuis un an, Israël mène un terrible génocide dans la bande de Gaza qui a déjà fait des dizaines de milliers de victimes palestiniennes, des millions de déplacés et détruit la quasi–totalité des infrastructures de l’enclave palestinienne. Parallèlement, l’occupation israélienne a lancé la plus grande opération de contre–insurrection coloniale depuis 20 ans en Cisjordanie et poursuit sa politique d’apartheid dans toute la Palestine. Tout cela est rendu possible grâce à la complicité des puissances occidentales qui continuent de soutenir cet État génocidaire. En particulier, la France est un allié stratégique d’Israël en développant notamment des accords économiques et politiques tout en étant le deuxième exportateur d’armes au monde. Symbole de cette complicité, les autorités françaises détiennent depuis 40 ans le militant communiste libanais Georges Abdallah en raison de son engagement dans la résistance palestinienne alors que celui–ci est libérable depuis 1999. Alors que le gouvernement français continue de criminaliser et réprimer les mobilisations anti–impérialistes, nous ne nous tairons pas. »
Alors que les mobilisations anti–impérialistes se développent en France, nous appelons à rejoindre largement cette marche afin de faire converger la commémoration des massacres coloniaux et des victoires anticolonialistes d’hier, avec la nécessaire solidarité aux résistances d’aujourd’hui en Palestine, au Liban, en Kanaky et ailleurs.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les–enjeux–internationaux/immigration–juive–en–israel–pourquoi–partir–pour–un–pays–en–guerre–3299300
Immigration juive en Israël : pourquoi partir pour un pays en guerre ?
Lundi 7 octobre 2024
D’après plusieurs enquêtes récentes, la migration des juifs de France vers Israël serait en augmentation depuis le 7 octobre dernier. Qui sont ceux qui font le choix aujourd’hui de partir ?
Comment comprendre cette préférence pour un pays en guerre ?
Avec Yann Scioldo–Zürcher Historien, chargé de recherche au CNRS
En France, les demandes d’Alyah auraient connu une hausse de 510% en un an – une remontée forte et soudaine après une baisse constante depuis 2016. Comment l'expliquer ?
Les demandes d'Alyah ont augmenté, mais il n'y a pas de fuite massive des juifs de France
Yann Scioldo–Zurcher Levi commence par rappeler que "l'Alyah, est une loi fondamentale de l'État d'Israël, qui date de 1950. Une loi très courte de quatre articles, décide de qui peut faire son Alyah. Sont admis à faire leur Alyah, les Juifs du monde entier, mais aussi leurs familles non–juives, voire les populations descendantes. Donc l'Alyah concerne principalement les populations juives qui, selon le terme connu, sont connectées avec l'État d'Israël, mais concerne aussi une population qui n'est pas forcément ni juive ni pratiquante."
Pour l'historien, la hausse spectaculaire du nombre de migrations vers Israël met au jour un paradoxe. "Pourquoi migrer dans un pays qui est dans une telle situation de guerre ? Les raisons sont absolument multiples. En ce qui concerne la France, on est passé de 1000 dossiers ouverts à 6 500 en 2023–2024. La première explication, c'est que cette population qui se sent extrêmement fragilisée après le 7 octobre, se sent très instrumentalisée par des partis politiques divers et variés qui se font une nouvelle santé sur le dos des juifs de France. Mais cette importante augmentation n'est pas pour autant une fuite, précise–t–il. L'Alyah est sans doute un bon baromètre qui dit beaucoup de choses sur la situation des Juifs en dehors d'Israël, mais c'est un baromètre toutefois imprécis. Finalement, ces chiffres ne sont pas énormes. On est très loin des chiffres, par exemple, des départs des Juifs de France en 2014–2015. Aujourd'hui, l'augmentation considérable des actes antisémites, n'est pas suivie de départs massifs."
Historiquement, la population israélienne s'est construite à partir des migrations
"D'un point de vue démographique, l'immigration est extrêmement importante dans la construction de la population israélienne, composée à 20% de migrants," constate Yann Scioldo–Zurcher Levi. "Avant la création de l'État, en 1948, au début de l'année 1948, 600 000 Juifs résidaient dans ce qui allait devenir Israël. En 1950, un million de personnes étaient arrivées, donc on voit bien que nous avons à faire à une population qui s'est construite par le mouvement migratoire et c'est quelque chose qui est favorisé. Mais autant l'État et les institutions statistiques de l'État sont assez heureuse de présenter les chiffres annuels d'immigration, autant les chiffres de départ sont beaucoup plus difficilement annoncés.
On estime que parmi les Juifs et toutes les populations arrivées de France en Israël, depuis les années 2010, 40% seraient repartis. Le chiffre est somme toute assez important, mais la mesure statistique n'est jamais très officielle."
La démographie est–elle un frein à la cohésion nationale en Israël ?
La démographie israélienne est complexe, elle regroupe des manières de vivre très différentes, entre Arabes israéliens et Juifs israéliens, mais aussi avec la question des laïcs et des non–laïcs. "Les tensions à ce sujet sont nombreuses et les opinions sont de plus en plus polarisées, observe Yann Scioldo–Zurcher Levi. En fonction des lieux, les conflits entre séculiers et non séculiers, entre séculiers juifs et non–juifs, mais aussi au sein des communautés juives, sont de plus en plus importants. L'État devra bientôt faire face à la question de ce qui fait la population israélienne au–delà du religieux. Mais n'oublions pas que dans un pays en guerre, les problèmes démographiques sont toujours objets de grande tension", conclut le chercheur.
Rappel
https://max–marchand–mouloud–feraoun.fr/articles/a–propos–de–la–fusillade–rue–isly–alger–26–mars–1962
À propos de la fusillade de la rue d’Isly, Alger, 26 mars 1962
La guerre d’Algérie a hélas été ponctuée par des drames en cascade. Parmi ceux–ci, l’épisode de la fusillade de la rue d’Isly, en plein cœur d’Alger, possède une triste spécificité : le 26 mars 1962, des Français tombèrent sous les balles de soldats français.
De gauche à droite – Gilbert Meynier, Alain Ruscio, Jean–Philippe Ould Aoudia, Yann Scioldo–Zürcher, © Michel Tréboz
Cet épisode doit être, comme tout phénomène historique, replacé dans son contexte.
L’escalade de la tension [1] Depuis début 1962, les entretiens d’Évian sont entrés dans une phase active, et chacun sait que la signature d’un accord France–GPRA est imminente. L’activité de l’OAS redouble. En métropole, l’attentat du 7 février 1962, au cours duquel la petite Delphine Renard est gravement blessée, en est un signe.
Mais l’escalade en Algérie est infiniment plus sanglante. Ce même 7 février, le général Salan, pour la première fois, autorise ses commandos à ouvrir le feu sur des soldats français, en cas de nécessité. Décision aggravée par une directive, dite OAS/29, en date du 23 février [2], commençant par cette phrase : « L'irréversible est sur le point d'être commis. » L’irréversible ? En fait, l’achèvement du processus de négociations mettant fin à la guerre. Fidèle à cette logique, Salan considérait donc qu’il fallait de toute urgence provoquer les événements par l’adoption d’une stratégie d’ « offensive généralisée » contre « l’Adversaire », nommément désigné : d’abord « les unités de gendarmerie mobile et CRS », considérées comme totalement fidèles au système, secondement « les unités de l’armée », peut–être « moins satisfaites de leur mission ». Salan, logique avec lui–même, donnait alors comme consigne à ses activistes : « Ouverture systématique du feu sur les unités de gendarmerie mobile et les CRS. Emploi généralisé de “bouteilles explosives” pendant les déplacements de jour et de nuit. » On est en présence d’un vocabulaire de guerre civile, on a affaire à un appel ouvert au meurtre contre les forces de l’ordre, légalement mandatées. « Quels sont nos atouts ? » poursuivait Salan. Et il citait en premier lieu « la population » (sous–entendu : européenne), qualifiée d’ « outil valable […] considérée en tant qu’armée dans un premier temps et en tant que masse et marée humaine dans un temps final. » Ces phrases sont terribles. Elles condamnent Salan devant l’Histoire plus, à mon avis, que la tentative de putsch d’avril 1961. Car l’ex–général connaissait parfaitement la situation réelle du pays, il ne pouvait pas ne pas savoir, alors, que toute tentative de résister à l’indépendance de l’Algérie était désormais vouée à l’échec. Et il instrumentalise (« outil valable ») la population civile.
Suivait enfin cette consigne, qui sonne douloureusement quand on connaît la suite rue d’Isly : « Sur ordre des commandements régionaux, la foule sera poussée dans les rues à partir du moment où la situation aura évolué dans un sens suffisamment favorable. » À l’appel au crime contre ses adversaires, Salan ajoutait l’irresponsabilité envers ceux qu’il disait vouloir protéger : il ne pouvait ignorer que, dans son entourage, il y avait des hommes prêts à tout, de véritables fanatiques. Les mémoires de Jean Ferrandi, 600 jours avec Salan [3], prouvent amplement que la direction de l’OAS était consciente qu’elle ne contrôlait pas tous ses éléments, loin s’en fallait. Donner la possibilité à ces hommes de « pousser la foule dans les rues », était vouer à la mort certaine des civils. Cette directive est donc du 23 février. Elle est suivie immédiatement d’effet : le 25 février, à Maison–Carrée, près d’Alger, une gendarmerie est attaquée au bazooka ; il n’y a pas (encore) de victimes.
On imagine que l’annonce de la signature de l’accord augmente la tension et précipite la fuite en avant des éléments les plus déterminés de l’OAS.
Dès le 19 mars, Salan réaffirme ses consignes à Radio France, la voix de l’Algérie française, captée par toute la communauté pied–noire : « Je donne l’ordre à nos combattants de harceler toutes les positions ennemies dans les grandes villes d’Algérie. [4]» Notons au passage que c’est à ce moment, le 20 mars précisément, selon le témoignage irréfutable de Jean Ferrandi [5], que Salan envisage un repli vers l’étranger (l’Italie ?) pour y poursuivre la lutte. Un nom va alors, durant ces terribles journées, symboliser le refus acharné du fait accompli : Bab–el–Oued.
Qu’est–ce, alors que Bab–el–Oued ? Un quartier de 50 à 70 000 habitants, pour l’essentiel des Européens de condition modeste ou moyenne. Là sont nées quelques–unes des plus succulentes anecdotes colportées par la gouaille de quelques écrivains algérianistes. Mais Bab–el–Oued est devenu, avec le développement du conflit, un réduit des irréductibles de l’Algérie française, de cette catégorie de pieds–noirs qui n’avaient, eux, ni les moyens de se replier en métropole, ni les réseaux de connaissances qui leur auraient permis de le faire facilement. Il y a là une injustice supplémentaire, dans cette guerre qui en compta tant, une injustice de classe : ce furent les petits blancs qui, côté européen, payèrent le prix le plus élevé. Sans le plus souvent, hélas, s’interroger sur ceux qui avaient réellement créé cette situation et qui, eux, s’en sortirent.
Le 20 mars, une proclamation, signée par Jacques Achard, alias Alpha, prétend interdire le quartier à l’armée et aux forces de l’ordre :
CRS, gendarmes mobiles, soldats du quadrillage, vous avez jusqu’au jeudi 22 mars, à 0 heure, pour ne plus vous occuper des quartiers délimités par la caserne Pélissier, la caserne d’Orléans, Saint–Eugène, Climat de France [6]. Passé ce délai, vous serez considérés comme des troupes servant un pays étranger… Le cessez–le–feu de M. de Gaulle n’est pas celui de l’OAS. Pour nous, le combat commence. [7] Il faut savoir que les portraits que nous possédons d’Achard ne sont guère à son avantage. Il n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, le plus serein, le plus maître de ses nerfs des cadres de l’OAS.
Le 21 mars a lieu un acte irréparable : une attaque, cette fois–ci contre des blindés postés près du tunnel des Facultés, en centre–ville, laisse 18 gendarmes morts.
Le 23, un autre commando tire, avenue de Bouzaréa, sur un camion de soldats du contingent : cinq appelés sont tués. Une dizaine d’autres membres des forces de l’ordre tombent lors d’affrontements isolés. Le bilan de ce 23 mars est de 15 morts et 77 blessés parmi ces forces de l’ordre [8], probablement du même ordre de grandeur parmi les assaillants [9]. Le 25, la caserne de gendarmerie de Millepère est l’objet d’une attaque en règle : 8 obus de mortier. Il y a des blessés [10]. Lors du procès Salan, le général de gendarmerie Chérasse livrera au tribunal des chiffres impressionnants des victimes de son corps : pour la période d’après Évian (entre le 19 mars et la mi–mai), 15 morts et 65 blessés par attentats et 162 victimes (morts et blessés confondus pour cette seconde catégorie) lors d’attaques de colonnes de gendarmes [11]. On imagine l’état d’esprit des gendarmes et soldats visés.
Les autorités décident alors le bouclage total de Bab–el–Oued. Le quartier est alors littéralement encerclé, les téléphones sont coupés. Des blindés cernent le quartier. Des tireurs isolés de l’OAS sont attaqués par des hélicoptères et même des avions. Mais, à la lisière du quartier, tout est relativement calme. Des pieds–noirs s’approchent des soldats, dialoguent. Volonté sincère de fraterniser ou technique mise au point par l’OAS ? Toujours est–il que les autorités instaurent alors une zone interdite.
Le même jour, l’OAS décide de changer de tactique et d’organiser une manifestation du reste de la population algéroise, pour marcher sur Bab–el–Oued et rompre l’encerclement. C’est le colonel Vaudrey, qui commande l’OAS pour la zone dite Alger–Sahel, qui prend cette décision :
Halte à l’étranglement de Bab–El–Oued.
Une opération monstrueuse, sans précédent dans l’histoire, est engagée depuis trois jours contre nos concitoyens de Bab–El–Oued. On affame cinquante mille femmes, enfants, vieillards, encerclés dans un immense ghetto, pour obtenir d’eux par la famine, par l’épidémie, par « tous les moyens » ce que le pouvoir n’a jamais pu obtenir autrement : l’approbation de la politique de trahison qui livre notre pays aux égorgeurs du FLN qui ont tué vingt mille Français en sept ans. La population du Grand Alger ne peut rester indifférente et laisser se perpétrer ce génocide. Déjà, un grand élan de solidarité s’est manifesté spontanément par des collectes de vivres frais. Il faut aller plus loin : en une manifestation de masse pacifique et unanime, tous les habitants de Maison–Carrée, de Hussein–Dey et d’El–Biar rejoindront ce lundi, à partir de 15 heures, ceux du centre pour gagner ensemble et en cortège, drapeaux en tête, sans aucune arme, sans cri, par les grandes artères, le périmètre du bouclage de Bab–El–Oued. Non les Algérois ne laisseront pas mourir de faim les enfants de Bab–El–Oued. Ils s’opposeront jusqu’au bout à l’oppression sanguinaire du pouvoir fasciste. Il va de soi que la grève sera générale à partir de 14 heures. Faites pavoiser. [12] Cet appel est rapidement porté à la connaissance de toute la population européenne, ce qui était courant à l’époque.
Quoi de plus naturel, après tout, que de briser le blocus militaire d’un quartier habité par des civils ? Sauf que cedit quartier était truffé d’hommes en armes, que des dépôts d’armes et de munitions y étaient de notoriété publique entreposés, sauf que l’OAS avait déclaré être en guerre et que bien des militaires français, excédés, n’étaient pas loin de penser la même chose sans pouvoir le dire. Ceux qui, connaissant cette tension, prirent la décision de lancer une population civile dans une telle expédition, ont fait une sorte de pari : soit la troupe était contrainte de renoncer, et donc laissait passer la foule, et c’était une victoire politique, soit elle la contenait, nécessairement par la violence, compte tenu des états d’esprit surchauffés, et c’était un drame, profitant de fait, également, à l’OAS.
Cette dernière jouait donc dans tous les cas gagnant aux yeux d’une partie de la population pied–noire la plus désespérée, mais aussi le plus radicalisée.
Le 26 mars, avant le drame
Le 26 mars 1962 était un lundi.
Le matin, le préfet d’Alger, Vitalis Cros, diffuse un communiqué interdisant la manifestation :
La population du grand Alger est mise en garde contre les mots d’ordre de manifestation mis en circulation par l’organisation séditieuse. Après les événements de Bab–El–Oued, il est clair que les mots d’ordre de ce genre ont un caractère insurrectionnel évident. Il est formellement rappelé à la population que les manifestations sur la voie publique sont interdites. Les forces du maintien de l’ordre les disperseront, le cas échéant, avec toute la fermeté nécessaire. [13] À la périphérie de Bab–el–Oued, les équipes de surveillance, qui contrôlent les barrages, sont sur le qui–vive. Le barrage mis en place rue d’Isly est confié au 4e régiment de Tirailleurs. La composition de cette équipe a fait l’objet d’une controverse : pour les uns, il s’agissait de supplétifs algériens, arrivés depuis quelques jours seulement de postes isolés du bled et lâchés, quelque peu affolés, dans une Alger au bord du gouffre [14] ; pour d’autres, au contraire, ces soldats étaient habitués au maintien de l’ordre en milieu urbain, ayant été engagé par deux fois déjà lors des émeutes de décembre 1961 à Belcourt et dans l’opération de fouille de Bab–el–Oued les jours précédents [15]. Il y a là un point d’histoire à élucider. Ce barrage est sous le commandement du lieutenant musulman Daoud Ouchène. Dans la matinée, toute la population européenne d’Alger est en effervescence. Le préfet Vitalis Cros comprend vite que l’emprise de l’OAS sur la population européenne est telle qu’il risque d’y avoir des centaines de milliers de manifestants. De premiers jets de grenades lacrymogènes, par hélicoptères, ont lieu.
Vers 14 heures, bravant les interdits, de premiers manifestants se présentent devant la Grande Poste et s’engagent dans la rue d’Isly. Pourquoi ce lieu est–il important ? Les autres axes (boulevard Carnot, rue Alfred–Lelluch, rampe Bugeaud) ont été hermétiquement bouclés par des chevaux de frise. Rue d’Isly, on a manqué de barbelés.
Nous sommes à un moment fatidique, celui du contact entre la foule, qui alterne les menaces et les tentatives d’attendrissement (certains témoins évoquent des femmes européennes qui embrassent des soldats). Les slogans fusent : Al–gé–rie française… L’ar–mée avec–nous… La foule entonne La Marseillaise, puis l’inévitable Chant des Africains.
Le barrage mis en place rue d’Isly est compressé, ses défenseurs quelque peu impuissants. Les appels au calme sont sans effet aucun.
Paris Match, dans son édition du 7 avril, publie une série de photos sur le drame. La première est légendée :
Le lieutenant les avait suppliés. Personne ne sait encore que le drame va éclater. Drapeaux en tête, 3 000 manifestants, qui voulaient rejoindre Bab–El–Oued bouclé, s’arrêtent à l’entrée de la rue d’Isly devant une section de tirailleurs algériens. Le lieutenant les adjure :
– N’avancez pas, nous avons ordre de tirer.
L’instant est dramatique, les nerfs surtendus.
[…]
– Vous n’allez tout de même pas tirer sur nous, dit un manifestant.
Un soldat musulman, terrifié, crie :
– Nous tirerons, je vous dis, nous tirerons…
Mais il n’y a pas, dans la foule, que des hommes avenants et des femmes qui embrassent. Plusieurs témoignages attestent qu’il y a des agressions verbales, de la part de jeunes gens excités, contre les soldats musulmans. Le mot fellagha est jeté au visage.
Le lieutenant Ouchène s’approche alors des manifestants et entame un dialogue… qui se révèle de sourds. Les manifestants répètent qu’ils ne veulent que rentrer dans Bab–el–Oued, l’officier qu’il a des ordres. Il consent toutefois à laisser passer une délégation de 30 personnes. Il est 14 heures 15.
Le lieutenant a–t–il péché par excès de confiance en la parole des porte–parole des manifestants ? Toujours est–il que, cette brèche étant ouverte, ce sont plusieurs centaines de pieds–noirs qui s’y engouffrent. Le climat, déjà tendu, confine à l’insupportable : des insultes racistes sont proférées par la foule, certains crachent sur les soldats. Ouchène correspond avec sa hiérarchie : les ordres formels lui sont confirmés : empêcher l’invasion de Bab–el–Oued.
Les quelques centaines de personnes qui ont franchi, sans véritable violence, le premier barrage, sont alors prises comme dans une nasse. En cas d’aggravation de la violence, elles seront les premières victimes.
C’est ce qui arriva.
La fusillade
C’est alors qu’éclate un premier coup de feu. Il est 14 heures 45 – ou 50 –, les témoignages divergent légèrement.
À la question : qui a tiré ce coup de feu ?, il ne sera jamais vraiment répondu. Le haut–commissaire de France, Christian Fouchet, plus haute autorité de l’État en Algérie, écrira dans ses mémoires : « Les premiers coups de feu furent tirés d’un toit par un provocateur. Mais personne ne le prouvera jamais. »
C’est également la thèse du préfet Vitalis Cros.
Yves Courrière reprend cette thèse de premiers coups de feu tirés des toits ou des étages supérieurs du 64 rue d’Isly et du carrefour de cette même rue et de l’avenue Pasteur.
Cette thèse est retenue aujourd’hui par la majorité des historiens.
À l’opposé, la thèse de l’historiographie dominante chez les Français d’Algérie est celle de premiers coups de feu tirés par des soldats chauffés à blanc par la propagande officielle, hostiles aux pieds–noirs, ces empêcheurs de finir une guerre. Une version plus douce est que ces soldats, inexpérimentés, se seraient sentis menacés.
Certains ajoutent : ce sont des soldats musulmans, placés là intentionnellement par un état–major machiavélique, qui auraient tiré. D’autres vont plus loin, tel Pierre Sergent : « On dit même – et c’est à peu près certain – qu’il y avait là des unités du FLN. [16]» On trouve même dans ces milieux la thèse d’un machiavélisme gaulliste : des barbouzes auraient réussi à se faire passer pour des activistes OAS. L’un d’entre eux, un Asiatique (on connaît la hantise des Asiatiques – en fait, des Vietnamiens francophiles de l’époque de la guerre d’Indochine – dans les milieux Algérie française) aurait même été arrêté, mais la police l’aurait fait disparaître. Lors du procès du Petit–Clamart, Me Tixier–Vignancour reprit cette thèse et cita un nom [17]. Compte tenu du climat, des intentions des uns et des autres, la thèse de la provocation venue d’un toit ou d’un balcon des étages supérieures de la rue d’Isly – et donc d’un homme de l’OAS – paraît la plus probable.
Ensuite, durant plusieurs minutes, la fusillade éclate, apparemment un temps sans contrôle de la part des officiers français.
Les cris angoissés et répétés Halte au feu !, que l’on entend sur les bandes sonores, prouvent que, durant en tout cas quelques minutes, les ordres n’étaient plus respectés. Panique ? Vengeance ?
Les manifestants, sous le feu de projectiles venant de toutes les directions, courent, certains sont fauchés. D’autres se sont couchés sur les marches de la Grande Poste, elle aussi objet de tirs intensifs.
Récit de Francine Dessaigne, mère de famille pied–noire :
La première rafale part, c’est la panique. Nous courons quelques mètres et nous nous couchons. Les gens crient, les balles sifflent. Un fusil–mitrailleur tenu par un musulman posté au coin de la rue d’Isly tire à son tour. L’armée française, portant l’uniforme français, vise et tire sur des civils couchés. J’ai vu, je peux témoigner de cette honte. [18] Enfin, l’ordre « Halte au feu ! » est respecté. Yves Courrière décrit des « Algérois, hébétés, hagards, les vêtements souillés de poussière et parfois de sang, contemplent le spectacle ». Certains sont la proie de crise de nerfs. Partout, les cadavres sont allongés, mêlés aux blessés, à divers débris, à des éclats de vitres, des objets divers.
Combien de temps a duré cette fusillade ? Les témoignages divergent. Mais il est vrai qu’en ces circonstances les acteurs des événements ne pensent guère à la postérité.
En milieu d’après–midi, en tout cas, l’armée est maîtresse du terrain. La population est partie ou reste terrée chez elle, les activistes de l’OAS avaient prévu depuis longtemps des itinéraires de sortie.
La fouille de la ville commence. On trouvera 579 armes de chasse, 34 fusils de guerre, 9 pistolets–mitrailleurs, 263 grenades, 5 postes émetteurs–récepteurs, 100 kg d’équipement radio et plus de 2 tonnes d’équipements militaires divers [19], ce qui, pour un quartier habité de civils, était une performance… Combien de victimes ?
Les chiffres de Courrière (46 morts relevés le jour même, puis quelques autres morts de leurs blessures, soit un total dépassant 50) sont corroborés par une petite brochure de 1962, émanant des milieux Algérie française, Le massacre d’Alger. Alger, 26 mars 1962, publiée sans date ni lieu d’édition, qui avance le chiffre de 53 morts. Dès le 1er juin 1962, un Livre blanc, sous–titré Alger, le 26 mars 1962, publié cette fois–ci en métropole (et immédiatement interdit), est dédié « à la mémoire des 80 morts et en souvenir des 200 blessés de la fusillade ». Chiffre repris, par exemple, par Pierre Sergent, dix ans plus tard [20]. Le site Internet de l’Association des familles des victimes du 26 mars 1962 avance le chiffre de 100 morts. Révisant – et niant – quelque peu l’Histoire, l’un d’eux va jusqu’à écrire :
Le spectacle horrible de la fusillade la plus sanglante connue en France depuis la Révolution, celle commise par Bonaparte sur le parvis de l’église St Roch, usant du canon pour massacrer les insurgés royalistes. Ni en 1830, ni en 48, ni sous la Commune, ni jamais après, des forces françaises n’avaient abattu autant de civils en une seule fois. [21] Aujourd’hui, une enquête faite par une adhérente de l’association Alger. 26 mars 1962, qui a dressé une liste nominative, aboutit au chiffre de 65 victimes.
Qui est responsable ?
Mais c’est évidemment la question des responsabilités du drame qui s’impose à tous les esprits. Pour la majorité des associations de pieds–noirs, le pouvoir gaulliste a manipulé officiers et soldats français, a organisé la haine contre leur communauté. Pis : il lui fallait du sang français pour parfaire son infamie.
A contrario, la majorité des commentaires sur cette tragédie dénonce l’irresponsabilité – ou la criminalité – de ceux qui ont envoyé une foule de civils face à des soldats ayant des ordres, sachant à l’avance que le drame était… possible ? probable ? certain ?
C’était d’un égoïsme splendide et d’un cynisme écœurant. Ces « chefs » ne pouvaient pas ne pas savoir le jeu terrible qu’ils faisaient jouer aux autres. Peut–être espéraient–ils encore, contre toute vraisemblance, un revirement de dernière heure de certaines unités militaires ? Peut–être recherchaient–ils un succès de prestige par le défilé triomphal d’hommes et de femmes, rompant les barrages et allant tendre leurs mains à leurs compatriotes enfermés. Mais peut–être aussi ne pensaient–ils qu’à se servir d’un désastre probable et à pouvoir crier au martyre du moment qu’ils n’avaient pu chanter victoire ! Si tel était leur plan, ils l’ont mené à bien ! La tuerie de la rue d’Isly du 26 mars 1962 a effacé, dans l’esprit des Européens d’Algérie, le meurtre des soldats du contingent et l’échec de l’insurrection de Bab–El–Oued. [22] Prudent, Yves Courrière renvoie dos à dos deux séries d’irresponsables.
Le 26 mars 1962 dans la mémoire pied–noire
Depuis mars 1962, les plaies ne sont pas refermées. Sans même évoquer ceux qui ont vu leurs proches blessés ou tués par des balles françaises, c’est l’ensemble de la population pied–noire qui est traumatisée.
Dès le 26 mars 1963, cette communauté a tenu à saluer la mémoire des victimes – messes dites à l’église de la Madeleine à Paris, à Lyon, à Toulouse, dans des petites villes… [23]. Des plaquettes ; des ouvrages de témoignages, nombreux, ont été publiés. Des associations (dont le Souvenir du 26 mars et l’Association des familles des victimes du 26 mars 1962), certains sites Internet, de la mouvance Algérie française honorent toujours la mémoire des victimes. Le Cercle ADIMAD (Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française) signale par exemple diverses initiatives prises le 26 mars 2007 à Paris, Béziers, Antibes (rassemblements, dépôts de gerbes, messes). Déclaration du président du Cercle algérianiste de Béziers, Patrice Weiss :
Nous allons faire un dépôt de gerbes, observer une minute de silence en pensant aux victimes lâchement assassinées par les balles françaises en ce jour anniversaire du 26 mars 1962, rue d'Isly à Alger, mais aussi à la mémoire de tous ceux civils et militaires, qui sont allés jusqu'au bout de leur engagement, sacrifiant leur vie afin de ne pas trahir le serment de ne pas abandonner aux terroristes, aux barbares, aux islamistes, cette province française.
Ainsi, de nostalgie pour une Algérie française mythifiée en lutte affirmée contre l’islam (ici appelé islamisme), certains continuent un combat politique, affirmé comme tel. Est–ce bien là honorer la mémoire de victimes ?
Conclusion
Le drame du 26 mars 1962 apparaît comme un miroir grossissant des incompréhensions, des difficultés de s’avouer à elle–même la vérité qu’a connues la communauté européenne d’Algérie dès le début de cette guerre et, plus encore, lorsqu’il fut éclatant pour chacun que ce pays serait un jour indépendant.
Diverses voies s’offraient alors à la minorité européenne. Elle s’engouffra dans une seule, qui se révéla être une impasse – ce qui aurait été largement prévisible si les passions et la négation de l’Histoire en train de se faire n’avaient obscurcis tous les raisonnements. L’OAS, tout à la fois émanation de ce malheur de vivre et arme qui l’accentua, porte la plus lourde responsabilité de ce drame. Pas la seule : la violence, souvent gratuite, de membres du FLN ou d’éléments incontrôlés, surtout à partir du printemps 1962, certains aspects détestables de la politique gouvernementale française, le mépris personnel du général de Gaulle à l’encontre des pieds–noirs, ajoutèrent aux circonstances dramatiques.
Mais il reste que c’est l’acharnement de l’OAS qui précipita la population européenne d’Algérie dans ce malheur de vivre, qui n’est pas achevé pour l’essentiel. Quand on lit, un demi–siècle plus tard, les Confessions de Jean–Jacques Susini, on est confondu par le calcul froid, cynique, qui présida aux décisions de cette organisation. La violence, dit–il encore en 2012, était :
… mûrie, planifiée, dès le début de l’organisation. Nous cherchions à remobiliser la population et l’armée en vue d’un nouveau coup de force. Pour les convaincre que cette fois nous pouvons réussir, nous devons apparaître aux yeux de tous comme une armée de combattants, un parti révolutionnaire capable – il y a des précédents – de changer le cours de l’histoire. [24] Susini et ses fanatiques ont bien « changé le cours de l’histoire » : ils ont détruit les dernières possibilités, pour des centaines de milliers d’Européens d’Algérie, de rester dans leur pays natal.
Mais, plutôt que de conclure avec une citation de Susini, je préfère reprendre les paroles de Jules Roy, cet officier, ce pied–noir, lorsqu’il apostropha Massu. Même si les circonstances sont différentes, il y a là des échos qui évoquent l’OAS :
Croyant trouver en vous un sauveur, ces naïfs [certains Européens d’Algérie] se sont précipités derrière vous. Vers le gouffre. Mais vous en réchappez et vous montez en grade, tandis qu’eux… Les vrais défenseurs de leur avenir étaient ceux qui essayaient, malgré vous qui vous en teniez à la lettre de vos directives, de sauvegarder les chances d’une coexistence entre les deux communautés […]. La victoire ne va pas à celui qui torture, mais à celui qui a raison. Germaine Tillion, cette femme courageuse que vous insultez, a mieux défendu les pieds–noirs que vous, qui fûtes le préparateur des malheurs que nous voulions leur épargner. [25] C’est contre eux, les amis de Susini, que devraient manifester en ce moment nos compatriotes de l’ex–Algérie française, avec nous, les amis de Jules Roy.
Alain Ruscio
Communication du 17 mars 2012 lors de notre colloque organisé à Évian pour le cinquantenaire des accords.
Texte publié dans Le Lien 62, avril 2013
Notes :
- Toute cette chronologie dans Rémi Kauffer, « OAS : la guerre franco–française d’Algérie », in : Mohammed Harbi & Benjamin Stora (dir.), La Guerre d’Algérie, 1954–2004, la fin de l’amnésie, Paris, Robert Laffont, 2004. ↩
- In : OAS parle, Paris, Julliard, coll. Archives, 1964. ↩
- Paris, Fayard, 1969. ↩
- Yves Courrière, La guerre d’Algérie, vol. IV, Les feux du désespoir, Paris, Éd. Fayard, 1971. ↩
- 600 jours avec Salan, Paris, Fayard, 1969. ↩
- Bab el–Oued. ↩
- Rémi Kauffer, art. cité. ↩
- Vitalis Cros, « Bab–el–Oued : Fort Chabrol ? », Historia Magazine, série « La guerre d’Algérie », n° 107, 1973. ↩
- Qui ne laissaient pas leurs morts et leurs blessés sur le pavé (« L’OAS soigne ses blessés seule »). ↩
- Général de gendarmerie André Chérasse, Procès Salan, Témoignage, 17 mai 1962, in : Le procès du général Raoul Salan, Paris, Nouv. Éd. Latines, 1962. ↩
- Jacques Frémeaux, « La gendarmerie et la guerre d’Algérie », in : Jean–Charles Jauffret & Maurice Vaïsse (dir.), Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Paris, Éd. Complexe, 2001. ↩
- Tract TZ 109, cité par Yves Courrière, op. c. ↩
- Cité par Morland, Barangé & Martinez Martinez, Histoire de l’Organisation de l’Armée Secrète, Paris, Julliard, 1964. René Duval, alors envoyé spécial d’Europe1, témoignage, in : Paris et la guerre d’Algérie. Une mémoire partagée, actes du colloque organisé par l’Espace parisien Histoire/ Mémoire/ Guerre d’Algérie, Paris, Hôtel de Ville, 19 mai 2009. ↩
- René Duval, alors envoyé spécial d’Europe1, témoignage, in : Paris et la guerre d’Algérie. Une mémoire partagée, actes du colloque organisé par l’Espace parisien Histoire/ Mémoire/ Guerre d’Algérie, Paris, Hôtel de Ville, 19 mai 2009. ↩
- Christian Weber, Le massacre de la rue d’Isly (film), 2008. ↩
- Le malentendu algérien, entretiens avec André–Paul Dubois, Paris, Fayard, 1974. ↩
- Jean–Pierre Richarte, ancien officier, présent sur les lieux, « Mars 1962 en Algérie, après les accords d’Évian », site Alger–roi, 8 septembre 2008. ↩
- Francine Dessaigne, Journal d’une mère de famille pied–noire, Paris, L’Esprit Nouveau, 1962. ↩
- « Bilan de la fouille de Bab–el–Oued », coupure de presse non identifiée, fin mars 1962, numérisée sur le site Exode 1962. ↩
- Op. c. ↩
- Site Internet Mauvaise Graine, Rue d’Isly, 3 janvier 2007. ↩
- Morland, Barangé & Martinez, op. c. ↩
- Francine Dessaigne, op. c. ↩
- Propos recueillis par Bertrand Le Gendre, Entretiens avec Jean–Jacques Susini. Confessions du n° 2 de l’OAS, Paris, Les Arènes, 2012. ↩
- J’accuse le général Massu, Paris, Éd. du Seuil, 1972. ↩
https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/monde/si–on–renonce–a–laccord–de–1968–lalgerie–perd–la–poule–aux–oeufs–dor–affirme–lancien–ambassadeur–de–france–en–algerie–xavier–driencourt
« Si on renonce à l'accord de 1968, l'Algérie perd la poule aux œufs d'or », affirme l'ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt
Stagiaire VA
ENTRETIEN. Samedi 5 octobre, dans un entretien donné à la télévision algérienne, Abdelmadjid Tebboune a accusé la France d'avoir perpétré un génocide pendant la colonisation. Il a également soutenu que l'accord de 1968 est une « coquille vide ». Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020, réagit aux propos du président algérien.
Publié le 8 octobre 2024 à 13h00
Valeurs actuelles. Le 5 octobre, lors d’un entretien télévisé, le président algérien a minimisé l’importance de l’accord franco–algérien de 1968. Pouvez–vous rappeler quel est cet accord et pour quelles raisons est–il toujours capital contrairement à ce que prétend Abdelmadjid Tebboune ?
Xavier Driencourt. Comme l’a bien dit le président Tebboune, l’accord de 1968 revenait sur les accords d’Évian de 1962. Ces derniers prévoyaient la libre circulation des personnes entre la France et l’Algérie car à l’époque, on pensait que les pieds–noirs allaient rester en Algérie. Dans les accords d’Évian, il était prévu qu’ils pouvaient opter pour la nationalité algérienne et pour faciliter leurs déplacements entre la France et l’Algérie, la libre circulation était prévue. Cependant, en juillet 1962, les pieds–noirs ont été contraints de quitter l’Algérie et de rejoindre la France. Dès lors, la libre circulation profitait uniquement aux Algériens. Donc en 1968, un nouvel accord a été négocié avec l’Algérie. Cet accord, du 27 décembre 1968, ne rétablit pas la libre circulation prévue à Evian mais donne aux Algériens un certain nombre d’avantages dont ils sont les seuls à bénéficier. À commencer par un titre de séjour de dix ans qu’on appelle un certificat de résidence algérien (CRA). Ce titre de séjour ne peut pas être retiré, sauf par un juge. L’accord assouplit les conditions pour le regroupement familial, qui est possible au bout d’un an pour les Algériens, quand les autres étrangers doivent attendre dix–huit mois. Des avantages également pour les étudiants qui peuvent obtenir un visa de commerçants. Et surtout, un avantage lié à notre hiérarchie des normes. La Constitution est le texte suprême ; ensuite viennent les traités internationaux et enfin les lois. Les traités internationaux ont donc une valeur supérieure aux lois, ce qui signifie que le juge administratif n’applique pas la loi française quand il s’agit des Algériens car ils ne sont pas soumis aux lois françaises en matière d’immigration, mais dépendent uniquement, exclusivement, de l’accord de 1968. Abdelmadjid Tebboune fait comme si ces avantages n’existaient pas. En réalité, il en a pleinement conscience. Il sait aussi que si la France renonce à cet accord, l’Algérie perd la « poule aux œufs d’or » .
Les déclarations du président Tebboune montrent que cette note a mis le doigt là ou ça fait mal.
Si cet accord constitue la poule aux œufs d’or pour l’Algérie, comment expliquez vous les déclarations du président Tebboune qui, au contraire, l’a qualifié de « coquille vide », affirmant qu’il « n’y a plus rien dans cet accord » et qu’il représente aujourd’hui « un étendard derrière lequel marchent les extrémistes qui veulent salir l’Algérie » ?
Les autorités algériennes connaissent très bien cet accord et ses avantages. En revanche, en France, il était encore largement méconnu il y a peu. Lorsque j’ai publié une note, en mai 2023, pour la Fondapol, en préconisant sa dénonciation, toute la classe politique a semblé découvrir cet accord, ou a fait semblant de le découvrir. Depuis un an, une grande partie de cette classe politique demande son abrogation car beaucoup de Français ont découvert que les lois françaises sur l’immigration ne s’appliquent pas aux Algériens qui, en effet, ne dépendent que de l’accord de 1968. Les déclarations du président Tebboune montrent que cette note a mis le doigt là ou ça fait mal. Ces déclarations répondent aussi à un objectif de politique intérieure. Il veut renvoyer aux Algériens l’image d’un Président qui défend l’Algérie face à l’ancien colonisateur. Il se place en position de leader nationaliste pour tenter de gagner en légitimité, juste après avoir été réélu, le 8
Vous appelez à dénoncer cet accord pour que les Algériens relèvent du droit commun ?
Exactement. Qu’ils soient soumis aux mêmes règles que les autres. Certains expliquent, ce fut le cas de Gérald Darmanin, que si nous supprimons l’accord de 1968, les accords d’Évian redeviendront la référence et la liberté de circulation s’appliquera à nouveau. Ce qui est faux, car en droit international, l’accord de 1968 est considéré comme ayant annulé l’accord d’Évian sur la disposition de la libre circulation. Un accord abrogé est abrogé. Juridiquement, les Algériens relèveront du droit commun, à savoir le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui s’applique aux autres nationalités.
Le gouvernement algérien de l’époque avait autorisé les essais nucléaires dans le cadre des accords d’Évian. Tebboune se garde bien de rappeler ce point aujourd’hui.
Tebboune a aussi accusé la France d’avoir commis un « génocide » pendant la colonisation. Qu’en pensez–vous ?
Le Président algérien se sent obligé d’en rajouter pour alimenter la confrontation avec la France. Ce type de déclarations lui permet de parler d’autres choses, de détourner l’attention des problèmes actuels. Il essaie de remettre au centre cette accusation de génocide en déclarant que la France a voulu mener « un grand remplacement » en Algérie. Il a de même reproché à la France les essais nucléaires effectués en Algérie dans les années 1960 dans le Sahara. «Vous voulez qu’on soit amis, venez nettoyer les sites des essais nucléaires », a–t–il lancé. Cette revendication est nouvelle côté algérien. Jamais un président algérien n’avait soulevé cette question. C’est oublier que le gouvernement algérien de l’époque, le GPRA, avait autorisé ces essais dans le cadre des accords d’Évian. Aujourd’hui, il se garde bien de rappeler ce point. Dans cet entretien télévisé, le président algérien a sorti la batterie des accusations que l’Algérie a en stock contre la France : la négation de l’importance de l’accord de 1968, la dénonciation d’une « minorité haineuse » qui bloque les avancées sur le sujet mémoriel et qui veut salir l’Algérie, les accusations de génocide et maintenant les essais nucléaires.
Comment voyez vous évoluer les relations entre la France et l’Algérie ?
Depuis un certain temps les relations entre nos deux pays se sont dégradées. Encore plus depuis juillet, lorsque la France a soutenu le plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental. Alger a réagi en rappelant son ambassadeur, qui a été, depuis, nommé au Portugal. Il n’y a plus d’ambassadeur algérien à Paris et il n’y en aura pas de sitôt j’imagine. La visite d’État que le président français doit effectuer à la fin du mois au Maroc sera également scrutée de près par Alger. La situation dans laquelle nous nous trouvons, ce gel des relations entre nos deux pays, c’est d’une certaine façon le résultat de l’échec de la politique française vis–à–vis de l’Algérie. La France fait le premier pas, donne des gages sans rien obtenir en retour. Lorsque Tebboune a été réélu, l’Élysée a adressé au président algérien un message de félicitations étonnant par le biais d’un communiqué qui évoquait une « relation exceptionnelle » et des « liens d’amitié qui unissent la France et l’Algérie » avant même la proclamation des résultats officiels. Après les propos du président Tebboune très violents à l’endroit de la France, la stratégie de l’Algérie est de nouveau d’attendre un signe du Président français. Nous devons arrêter. Les dirigeants algériens ne comprennent que le rapport de force, que la réciprocité. Malheureusement, nos dirigeants ne l’ont toujours pas compris. https://www.barlamane.com/fr/dominique–de–villepin–marchand–didees–homme–de–paille–ou–tout–simplement–naif/
Dominique de Villepin : marchand d'idées, homme de paille ou tout simplement naïf ?
Sara Omar
7 octobre 2024
Celui qui préfère payer annuellement la modique amende de 3 000 euros pour que l’état de sa fortune reste à l’abri des curieux a, cette année, rencontré secrètement le mal réélu Abdelmadjid Tebboune et de hauts responsables algériens. Depuis, postures accommodantes et approches complaisantes envers le régime d’Alger se sont multipliés, parfois au détriment de la France même. L’Algérie s’est–elle glissée dans l’interstice ténue qui sépare Dominique de Villepin et Villepin International ?
Il le jure : ses clients n’ont «aucun» effet sur ses déclarations publiques, «ses conseils géopolitiques sur l’évolution du monde sont une parole absolument ouverte qui ne contient aucun élément ni d’influence, ni de conflit d’intérêts», son cabinet Villepin International ne traite pas avec des «puissances étrangères». Alors que les tensions diplomatiques entre Paris et Alger ne cessent de s’envenimer, notamment après les accusations de génocide formulées par le président mal réélu Abdelmadjid Tebboune à l’égard de la France, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin multiplie les déclarations impromptues, sans véritable considération des enjeux sous–jacents.
Lors de son intervention, lundi 7 octobre sur Franceinfo, de Villepin a regretté que l’Algérie soit devenue le «bouc émissaire» de certains problèmes français, notamment en matière d’immigration, un propos qui paraît éluder une part de réalité. L’Algérie, qui a longtemps bénéficié d’un statut particulier en France, notamment par le biais des accords de 1968, a montré une réticence notable à collaborer sur des questions essentielles comme le retour des Algériens en situation irrégulière. En suggérant que la France porterait seule la responsabilité des tensions actuelles, Dominique de Villepin semble néglige l’énorme rôle que joue Alger dans cette impasse.
De plus, l’exigence répétée de Villepin selon laquelle la France «devrait demander pardon» pour «les crimes commis durant la colonisation» paraît symptomatique d’une approche unilatérale de la réconciliation, que Paris rejette. À Alger, récemment, lors d’une conférence, de Villepin a fait valoir l’importance de ce qu’il a appelé les «excuses françaises», affirmant que ce processus est nécessaire «pour panser les plaies de l’histoire.» Cependant, cette posture de pardon, insistent les observateurs, semble occulter les efforts déjà entrepris par la France sous des présidences successives. L’exemple de la reconnaissance par Emmanuel Macron des assassinats de Maurice Audin et d’Ali Boumendjel montre que la France n’a pas éludé sa responsabilité, mais de Villepin paraît exiger toujours plus de contrition, sans réciprocité apparente de la part de l’Algérie, notamment sur les violences perpétrées contre les pieds–noirs ou les harkis.
Le chantage algérien permanent
Le bras de fer alimenté par Alger envers Paris est devenu flagrant : «Nous étions une population d’environ quatre millions, et 132 ans plus tard, nous étions à peine neuf millions. Il y a eu un génocide», a tonné Tebboune pour la première fois, accusant, lors d’un entretien télévisé, une «minorité haineuse» en France d’entraver toute avancée sur le dossier mémoriel.
Autre point abordé de manière cynique, la question des essais nucléaires français en Algérie. Tebboune a réclamé que le France «nettoie les sites des essais nucléaires», menés entre 1960 et 1966, la France a procédé à dix–sept essais nucléaires sur plusieurs sites dans le Sahara algérien. Il a aussi évoqué l’accord franco–algérien de 1968 devenu, selon lui, un «étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes» de droite en France, qui cherchent à l’abroger.
L’Algérie, arbitre dans le dossier du Sahara ?
Un autre aspect problématique de la position de Villepin est sa «critique» implicite du soutien, désormais clair et sans équivoque, de la France au plan d’autonomie marocain sur la question du Sahara, soutien qui a crispé encore plus les relations entre Paris et Alger. Villepin estime que Paris aurait dû «faire cela en liaison avec l’Algérie». Surprise : Ce fut le cas. Le ministère algérien des affaires étrangères avait réagi en exprimant «le grand regret et la désapprobation profonde» d’Alger face à l’évolution de la position française sur le Sahara avant qu’elle soit officialisée. Alger a menacé Paris qu’il «tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité» à travers un communiqué qui déplore «un soutien sans équivoque et sans nuance [de la France] au plan d’autonomie sur le Sahara dans le cadre de la souveraineté marocaine.»
La France a affirmé sans ombrages que «la question du Sahara est existentielle pour le Maroc et pour tous les Marocains» et donné son feu vert à l’implantation d’entreprises aux provinces sahariennes un geste symbolique fort. De Villepin occulte ainsi le fait que la France, en tant que puissance diplomatique autonome, a aussi des alliances stratégiques à préserver, notamment avec le Maroc. Sa posture en faveur d’une concertation systématique avec Alger dénote une vision rigide du multilatéralisme, où l’Algérie, malgré ses errements politiques et ses humeurs imprévisibles, serait arbitre, voire gardienne de l’équilibre politique et observatrice impartiale dans des dossiers régionaux où ses intérêts sont opposés à ceux de ses voisins. Cette persistance sur le dialogue avec Alger, même en dépit des divergences profondes, reflète une forme de capitulation diplomatique sans précédent.
La discrétion entourant la rencontre privée qui a eu lieu avant quelques mois entre Dominique de Villepin et Abdelmadjid Tebboune, rapportée par Africa Intelligence, suscite des interrogations sur la nature exacte de ces échanges. Lors son dernier bilan, Villepin International affichait 4,6 millions d’euros de chiffres d’affaires et 2,6 millions d’euros de bénéfices l’année de sa création. L’Algérie entre–t–elle désormais dans le «business plan» de ce cabinet ? Pour rappel, l’Algérie mène une guerre diplomatique au Maroc depuis la mi–novembre 2020 à la suite du déploiement de forces armées marocaines dans une zone tampon de l’extrême sud du Sahara pour en déloger des séparatistes terroristes soutenus par Alger. Ceux–ci bloquaient la seule route commerciale vers l’Afrique de l’Ouest, un axe vital que Rabat a désormais sécurisé.
Motion de censure : quand la seule adoptée sous la Ve République n’a finalement pas eu l’effet escompté
Marie Haynes
Politique 08/10/2024 07:12 Actualisé le 08/10/2024 16:52 En 1962, la motion de censure qui doit faire tomber Georges Pompidou et fragiliser Charles de Gaulle n’a pas eu l’effet escompté par ceux qui l’ont votée.
Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, il n’y en a eu qu’une seule. C’était en 1962, une année qui marque un tournant pour le président Charles de Gaulle et pour la toute jeune Ve République. Le 22 août, l’attentat du Petit Clamart est commis à l’encontre du chef de l’État et de son épouse par un commando de 12 hommes dont des membres de l’OAS, le bras armé des partisans de l’Algérie française. Les terroristes manquent leur cible, mais le choc émotionnel est immense pour les Français et pour le général de Gaulle aussi. Il réfléchit à sa succession et décide alors de lancer un chantier qui lui est cher : le changement de mode d’élection du président de la République.
Le suffrage universel au cœur de la crise politique
« Quand sera terminé mon propre septennat ou si la mort ou la maladie l’interrompait avant le terme, le président de la république sera dorénavant élu au suffrage universel », propose–t–il aux Français dans une allocution télévisée le 20 septembre 1962.
À l’époque, la Constitution prévoit l’élection du président par des grands électeurs, c’est–à–dire des députés, des sénateurs et des élus locaux. Alors l’annonce plonge les parlementaires dans une colère noire, d’autant que de Gaulle ne souhaite pas passer par eux, députés et sénateurs, mais par référendum, et donc directement par le peuple.
Le 4 octobre 1962, tous les partis représentés à l’Assemblée, sauf les gaullistes bien sûr, déposent une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou. Elle est adoptée à 280 voix sur 480, soit plus de la majorité absolue. Le Premier ministre présente alors sa démission, refusée par de Gaulle, qui dissout immédiatement l’Assemblée nationale. Et là, rien ne va se passer comme prévu.
Le oui l’emporte, les gaullistes renforcés
Aux élections législatives des 18 et 25 novembre, les Français décident de conforter le parti gaulliste qui empoche 40 % des voix. Par ailleurs, entre–temps, le 28 octobre, les Français ont répondu à la question : « Approuvez–vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et relatif à l’élection du président de la République au suffrage universel ? » Et c’est le oui qui l’emporte à 62,2 % des voix.
Censurés, Georges Pompidou et son gouvernement sont donc, finalement, confortés. Mais c’est surtout, de Gaulle, et à travers lui, la fonction de président de la République, qui en ressortent plus puissants que jamais.
Eure : la pied–noire qui voulait refaire sa carte d'identité perd son procès
Elle attaquait la ville de Gaillon et l'État qui lui avaient demandé un certificat de nationalité pour refaire sa carte d'identité. La justice a débouté Sylvie Barbaro, pied–noire.
Sylvie Barbaro, habitante du Val d’Hazey, Française née en Algérie avant son indépendance, avait intenté un procès à l’État et à la mairie de Gaillon qui lui avaient réclamé un certificat de nationalité pour refaire sa carte d’identité. Elle a été déboutée par la justice. ©Archives
Le tribunal administratif de Rouen a débouté Sylvie Barbaro, une pied–noire d’Aubevoye (Le Val d’Hazey). Cette dernière avait demandé à la justice de condamner l’État et la commune de Gaillon (Eure) à lui verser 2 000 € de dommages et intérêts pour son « préjudice moral » après qu’il lui a été réclamé en 2022 un « certificat de nationalité » pour pouvoir renouveler sa carte nationale d’identité (CNI). Cette ancienne préparatrice en pharmacie est en effet née le 25 janvier 1962 « en Algérie alors département français », à quelques semaines des accords d’Évian et de l’indépendance de l’Algérie, explique la juge dans une décision en date du 5 février 2024 qui vient d’être rendue publique.
Un certificat de nationalité au cœur de l’affaire
Sylvie Barbaro estimait donc que l’agent de l’état civil qui l’avait reçue le 7 avril 2022 à la mairie de Gaillon pour le renouvellement de sa pièce d’identité avait « commis une faute » en lui demandant de fournir « des pièces non prévues par les textes ». « Cette faute a occasionné un préjudice moral », soulignait Sylvie Barbaro, qui demandait aussi 1 000 € supplémentaires pour ses frais de justice.
La sexagénaire avait en effet expliqué dans L’Impartial en juin 2022 que cette demande de « certificat de nationalité » avait été vécue chez elle comme « une humiliation » et « une insulte à [sa] famille qui a été obligée de quitter l’Algérie en catastrophe » en 1962.
Elle s’était d’ailleurs « emportée » à la mairie, et avait préféré retirer sa demande de renouvellement pour aller la faire auprès de celle de Mantes–la–Ville (Yvelines) sans qu’elle n’ait à fournir le fameux certificat.
La préfecture des Yvelines lui avait donc fourni, courant juillet 2022, sa nouvelle carte d’identité. « Je suis donc française pour tout le monde, sauf pour Gaillon », persistait–elle.
Une carte d’identité ne crée « aucun droit à la nationalité française »
« Aucune faute ne peut être retenue », se défendait pour sa part la préfecture de l’Eure devant le tribunal administratif de Rouen. La commune de Gaillon estimait de son côté que « sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu’elle exerce la mission […] au nom de l’État ».
« Dans le cadre des missions confiées aux maires en tant qu’agents de l’État, les communes assurent la réception et la saisie des demandes de cartes nationales d’identité », prévoit en effet le Code général des collectivités territoriales (CGCT).
« La commune de Gaillon, ainsi qu’elle le fait valoir, ne peut être condamnée à réparer un préjudice qui aurait été engendré par la faute commise par un de ses agents dans le cadre de ses missions »,
Par ailleurs « la délivrance d’une carte d’identité présente un caractère purement récognitif (acte par lequel on reconnaît à quelqu’un un droit déjà existant, selon le Larousse), « et ne crée par elle–même aucun droit à la nationalité française », ajoute la magistrate. « Il appartient aux autorités de s’assurer que les pièces produites sont de nature à établir l’identité et la nationalité du demandeur. »
«Aucun refus » ne lui a été opposé
En l’occurrence « aucun refus n’a été opposé à la demande de renouvellement de la carte d’identité de Mme Barbaro », souligne le tribunal administratif de Rouen.
« Cette dernière fait valoir que le certificat de nationalité […] n’est pas au nombre des pièces à fournir », résume la juge.
« Toutefois, […] l’autorité administrative a la possibilité, lorsque les circonstances le justifient, de solliciter la communication de pièces aux fins de vérification des informations qui ont été produites à l’appui de la demande de l’ancien titre. »
En juin 2022, la mairie de Gaillon avait reconnu dans L’Impartial que cette demande « peu fréquente » qui concerne de « rares cas » émanait d’un fonctionnaire du Centre d’expertise de ressources et des titres (CERT) de la préfecture de l’Eure : il est « très à cheval sur la procédure ».
Elle avait regretté « l’attitude incorrecte » de la requérante à l’égard des agents de son service d’état civil, mais tout en disant « comprendre son incompréhension » puisqu’elle avait déjà « à de nombreuses reprises renouvelé ses papiers d’identité » avant cet incident.
Bons plans. Jean–François Fontana, le Monsieur Jazz de Montpellier
Par Cécile Guyez et Valérie Suiro, photos Céline Escolano
Publié le mardi 08 octobre 2024
© CELINE ESCOLANO – CELINE ESCOLANO
Depuis l'une des dix salles de cours parvient la résonance d'une batterie, tandis que, dans le patio, débarquent des musiciens pour les balances (réglages techniques) avant leur concert du soir. Jean–François Fontana arrive en souriant au milieu de ce fourmillement, à l'image de l'entité dont il est le président depuis 28 ans. Le Jam réunit dans le quartier Prés–d'Arènes une salle de concerts et une école de musiques actuelles. "Le jazz est notre socle commun", définit–il.
Le jazz, Jean–François Fontana l'a découvert en Algérie, dans les années 60, sur Radio Paris. "Ça m'a accroché tout de suite. Quand je suis venu en France en 1962, j'ai pris des claques
Les regrets de Benjamin stora chez le nauséabond Quentin Lafay de France Culture
C'est l'historien Benjamin Stora qui avait le premier soumis à Emmanuel Macron l'idée de faire entrer Gisèle Halimi au Panthéon l’avocate du FLN celle qui trouve que les Harkis sont des traîtres.
Regrette le droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers après la victoire de François Hollande (François Le Normal (FLN)) à l'élection présidentiellede 2012 que cette idée n'a pas été mise en pratique. Eglise décoloniale dispose de son propre catéchisme de son propre Panthéon avec ses grands prêtres
Déplacement du secrétariat général de la CNIH au festival littéraire « Lumières de Livres » à Amiens
| Les Harkis
8 octobre 2024
Un festival regroupant une soixantaine d’auteurs autour du devoir de mémoire.
Se déroulant les 4 et 5 octobre dans la ville d’Amiens, le festival « Lumières de Livres » a été organisé par Yacoub Abdellatif, attaché culturel de la ville d’Amiens et fils de Harki.
Le secrétaire général de la CNIH, Marc Del Grande, a pris la parole aux côtés de l’ancienne maire de la ville d’Amiens, Brigitte Fouré, de la vice–présidente en charge de la culture et du sport du conseil départemental de la Somme, Margaux Delétré, du président international de La Renaissance Française, Denis Fadda, et du président de l’association « Dialogues et Culture ».
Rencontres et conférences en compagnie d’auteurs divers et reconnus.
Le festival a regroupé une soixantaine d’auteurs autour d’un thème commun : le « Devoir de Mémoire ».
Parmi les auteurs présents figuraient des figures montantes de la littérature française telles qu’Abdellah Taïa dont le nouveau roman "Le Bastion des larmes" est en lice pour le Prix Goncourt 2024.
L’évènement était structuré autour de rencontres, de dédicaces et de conférences.
La question harkie au cœur du festival.
La mémoire de la guerre d’Algérie était mise à l’honneur, en particulier la mémoire des Harkis, de par la venue de nombreux auteurs et intervenants issus de famille de Harkis tels que Zahia Rahmani, Katia Khemache, ou Yamina Chalibi.
Les témoignages de descendants de Harkis furent nombreux et suivis d’échanges avec le public autour de sujets divers comme la transmission de la mémoire à l’école.
Une initiative qui tend à perdurer.
Ayant offert à la ville d’Amiens son premier festival littéraire, Yacoub Abdellatif, face au succès de ce–dernier, a émis le souhait de faire perdurer le festival l’année prochaine.
Marcel Gauchet : "La vie politique démocratique a perdu tout sens"
Anne Rosencher
8 octobre 2024
Que nous arrive–t–il ? Question simple, réponse compliquée. "Tenons le constat pour acquis : il y a bien quelque chose comme "une crise de la démocratie", annonce le philosophe Marcel Gauchet en première phrase de son nouveau livre. Mais quelle crise ?" S’ensuivent 256 pages qui prennent la hauteur nécessaire pour trier ce qui relève du trompe–l’œil de ce qui travaille vraiment nos sociétés libérales. Le Nœud démocratique paraît ces jours–ci chez Gallimard. C’est un ouvrage qui assume d'"aller aux concepts", mais on est frappés, plusieurs jours ou semaines après l’avoir lu, de constater à quel point l'actualité nous y renvoie sans cesse. Pour L'Express, Marcel Gauchet revient sur quelques unes des clefs de lecture essentielles qu'il développe dans son livre, et les applique aux soubresauts récents de l'actualité. La popularité du scrutin proportionnel ? "Le moyen de faire passer l’expression des minorités avant le dégagement de majorités capables de mener une politique cohérente à grande échelle". Autrement dit, "le renoncement à la politique avec un grand P". La polémique sur "l'Etat de droit" ? Si l'on parle de "la protection des citoyens contre les abus de pouvoir, cette fonction–là est "intangible et sacrée". Mais dans son acception plus récente de "primauté des droits individuels sur l’autorité collective", alors là, il devient "litigieux". "Et la discussion, promet–il, ne fait que commencer." Votre livre fouille la dislocation de deux éléments, dont l’harmonie est pourtant essentielle au bon fonctionnement de la démocratie : les droits individuels, d’une part, et la souveraineté populaire, de l’autre. Qu’est–ce qui s’est grippé, et à quel moment ?
Marcel Gauchet Cette dissociation s’est faite dans une décennie dont on mesure rétrospectivement à quel point elle fut charnière : 1975–1985. La crise provoquée par le choc pétrolier de 1974 et ses conséquences en chaîne ont bouleversé le cours de la politique. Nous sommes sortis pour de bon des Trente Glorieuses pour entrer dans l’ère de ce que l’on nomme "mondialisation". Un nouvel espace économique et politique global s’est créé, caractérisé par une concurrence intense, et par la montée en puissance d’instances et de règles supranationales. Parallèlement, nos sociétés ont connu un autre bouleversement : l’avènement d’un individualisme radical. La synergie de ces deux phénomènes – l’un externe : la mondialisation ; l’autre interne : l’individualisation – a totalement changé les repères de la vie collective. Et ces transformations ont induit une profonde dépolitisation. Qu’est–ce que la dépolitisation ?
La dépolitisation ne signifie pas que les gens ne s’intéressent plus à la politique ou ne vont plus voter. Cela peut passer par là dans une partie de la population, mais l’essentiel est ailleurs. D’abord, le principe de base de la vie politique démocratique – à savoir la perspective d’une conquête du pouvoir pour mener une action transformatrice dont on détermine les lignes à l’avance – a perdu tout sens. Les partis par lesquels passait cette visée sont désertés, ils se réduisent à de simples clubs d’élus ; ils se préoccupent à peine de définir des programmes auxquels personne ne croit. Nous nous sommes installés dans un système de pilotage automatique. Quant aux citoyens, certains continuent de s’organiser, certes, pour porter une contestation et des revendications d’une manière parfois intense, mais le fait frappant est qu’ils ne raisonnent plus en termes de gestion collective, avec la hiérarchisation des thèmes et les arbitrages que cela suppose : chacun défend sa propre cause, sans se demander comment elle s’intègre dans le cadre d’ensemble. Aux gouvernants de se débrouiller ! Rien n’illustre mieux la dépolitisation, de ce point de vue, que l’explosion associative. L’association ne veut connaître que son objet spécifique et se concentre sur sa seule cause – "ma priorité est LA priorité". C’est de cette façon que nous sommes passés d’une société politique à une société de marché, où règne la concurrence des causes particulières. Les plus bruyantes, qui ne sont pas forcément les plus importantes, y prennent naturellement le dessus. Une logique qui ne contribue pas peu au sentiment de déconnexion des pouvoirs si puissant dans l’opinion. Ils sont absorbés par une scène publique qui est souvent loin de refléter les priorités du grand nombre.
L’aspiration au scrutin proportionnel – qui a le vent en poupe en ce moment – correspond–elle à ce passage de la société politique à la société de marché ?
Oui, très clairement. Dans le contexte actuel, la proportionnelle se présente comme le moyen de faire passer l’expression des minorités avant le dégagement de majorités capables de mener une politique cohérente à grande échelle. Sa popularité consonne de ce point de vue avec le renoncement à la politique avec un grand P qu’on vient d’évoquer.
Par ailleurs, mais là il n’y a rien de nouveau, une partie du personnel politique pousse à la roue. La proportionnelle, c’est la revanche des partis du centre. Avec des scores électoraux modestes, ils n’en sont pas moins indispensables à la formation de coalitions parlementaires plus ou moins boiteuses. Distinguons bien les deux facteurs. Vous évoquez, dans les facteurs qui ont profondément modifié la structuration de nos sociétés, le rôle de l’informatisation. Quel est–il ?
Au–delà de la technique, l’informatisation fournit un nouveau modèle des rapports sociaux. La connexion mondiale rendue possible par Internet produit une vision de la société qui se réduit aux liens entre individus. Car il ne faut pas confondre le "collectif " et l’"interindividuel" : ce sont deux choses différentes. Le "réseau", au sens numérique, c’est le triomphe des liens choisis. Vous vous adressez à des interlocuteurs qui vous intéressent et vous ignorez les autres, ou vous les repoussez. Or la règle sociale de base, c’est l’obligation de coexister avec des gens que vous n’avez pas choisis, ce qui ne va pas sans de fortes contraintes qui disparaissent sur les réseaux. Joint à l’anonymat, ce décalage explique la virulence qui y déferle. Internet, ses forums, ses boucles, regorgent d’une politisation négative intense, faite de protestations, de dénonciations, de revendications à l’égard du pouvoir, "sans filtre", comme dirait notre président. Nous avons basculé dans l’ère de la réclamation et de l’immédiateté, auxquelles les gouvernants répondent par la communication. En fin de compte, la réponse à la dépolitisation de la société, c’est la politique de la com'. Qui implique aussi un changement de la manière de gouverner.
Dans votre livre, vous pointez deux dérives : celle d’une "composante libérale qui par son hypertrophie tend à devenir anti démocratique", et celle, en écho, d’une "remobilisation de l’idéal démocratique qui tend à se rendre illibérale, par embardées autoritaires". Arrêtons–nous un peu sur ces deux dérives…
La composante libérale est celle qui domine aujourd’hui. Elle met au premier plan l’exercice des libertés privées. Conçues de manière absolue, celles–ci conduisent à rejeter toute décision publique qui limiterait cet exercice. En quoi elles tendent à produire une impuissance politique qui réveille la composante démocratique. Composante qui met, elle, au premier plan, la conversion des droits individuels en pouvoir de tous, au risque d’oublier les libertés personnelles…
Et de tourner à l’exaltation illibérale…
Il y a en effet une pente autoritaire dans la souveraineté du peuple qui rend indispensable le recours aux garanties libérales. Les deux composantes sont aussi complémentaires en dernier ressort qu’elles tirent dans des directions opposées. Notre problème d’aujourd’hui est qu’elles se sont désarticulées en engendrant sectarisme et incohérence intellectuelle. On voit couramment s’affronter un libéralisme autoritaire et un souverainisme anarchique ! Une chose ne lasse pas de me surprendre : c’est à quel point des sociétés libérales comme les nôtres manquent d’esprit libéral. Les prétendus défenseurs de la liberté ne rêvent que de faire taire leurs contradicteurs.
Nos démocraties sont–elles menacées de disparaître ? Existe–t–il en leur sein des tentations dictatoriales ?
Je ne le crois pas. Il y a très peu de gens aujourd’hui au sein des démocraties qui veulent renverser les institutions en place, ne serait–ce que parce qu’ils n’ont aucune idée d’un régime de remplacement. Plus personne ne remet vraiment en cause le régime en lui–même mais, dans le même temps, plus personne ou presque ne comprend ce qu’il faut pour qu’il fonctionne. Nous vivons dans une démocratie sans démocrates. Nous n’assumons plus le "nœud" qui lie étroitement des choses qui coexistent difficilement et qui doivent pourtant aller ensemble, la liberté des personnes, avec la contradiction des points de vue qu’elle implique et la nécessité de prendre des décisions ensemble qui s’imposent à tous. L’esprit des acteurs s’est coupé du génie propre à ce régime, dont on s’aperçoit qu’il n’est pas seulement "le pire à l’exception de tous les autres" pour reprendre la fameuse formule de Churchill, mais surtout le plus difficile à faire fonctionner. L’esprit de la démocratie a quitté la démocratie. Existe–t–il, chez une partie de l’élite, une envie de censitaire ? C’est–à–dire l’idée que certaines questions seraient "trop complexes" pour être tranchées par le peuple ?
La démocratie censitaire est, à mon avis, d’ores et déjà en vigueur sous une forme soft. Bien entendu, on ne prive personne du droit de vote, la garantie des libertés individuelles est assurée et même renforcée. Mais il est entendu dans l’esprit des élites dirigeantes que les choix déterminants doivent être effectués entre gens "compétents", à l’abri des humeurs imprévisibles de la souveraineté populaire (dont l’exemple traumatisant pour les élites a été le Brexit). C’est pourquoi les élites affectionnent l’Etat de droit, en lequel elles voient un rempart contre la souveraineté populaire. De manière générale, les décisions importantes sont de plus en plus reportées vers des instances non–élues ou désignées au second degré (les institutions européennes), les cours de justice ou les organisations internationales. La priorité pour ces élites, c’est l’ajustement aux règles du fonctionnement économique mondial dont elle accepte d’atténuer les effets indésirables par une politique d’achat de la paix sociale. En France, cette contrepartie s’appelle "explosion de la dette". Puisque vous parlez d’Etat de droit, que vous inspire la récente déclaration du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, selon laquelle "l’Etat de droit, ça n’est pas intangible ni sacré" ? Partagez–vous la vive émotion qu’elle a suscité ?
Prise à lettre, la formule est maladroite, parce qu’elle peut évoquer un abandon ou, pire, un démantèlement de l’Etat de droit. Or l’Etat de droit est incontestablement une composante majeure de la démocratie. Une composante et non un équivalent ou un substitut perfectionné de la démocratie. C’est là où la déclaration de Bruno Retailleau peut être un électrochoc salutaire en ouvrant un débat de fond sur ce qu’il faut mettre sous cette notion qui fait l’objet de détournements intéressés. Dans son acception fondamentale, l’Etat de droit, c’est le contrôle par le juge de l’obligation pour les pouvoirs publics d’agir dans le respect des lois. Autrement dit, c’est la protection des citoyens contre les abus de pouvoir. Cette fonction–là est "intangible et sacrée". Il faut se battre pour la sauvegarder. Mais dans la période récente, il s’est développé sur cette base une autre idée de l’Etat de droit qui ajoute aux lois à respecter les droits individuels à conforter, et c’est là que le bât blesse. Dans cette conception, l’Etat de droit devient de fait le garant de la primauté des droits individuels sur l’autorité collective. C’est ce qui en fait un objet légitimement contentieux. Cela se vérifie sur des terrains qui concernent au plus haut point le ministère de l’Intérieur, comme celui de la procédure pénale ou celui de l’immigration. L’Etat de droit devient problématique quand il est le moyen de mettre en échec le pouvoir collectif face aux droits des candidats à la migration ou des présumés criminels. Mais cela se vérifie aussi sur le terrain économique avec le droit de propriété face aux appétits des Etats. Ce pourquoi la défense de cet Etat de droit là réunit aussi bien les militants no borders que le gratin des grandes entreprises. La discussion ne fait que commencer.
Certains ont peur que le peuple "se trompe" et le regrette. Mais peut–on dire que la démocratie va de pair avec la possibilité de se tromper ?
Bien entendu, comme tout autre régime. La vertu de la démocratie ce n’est pas d’éviter les erreurs, c’est la possibilité de les corriger. Parce que les autocrates ou les oligarques en font aussi beaucoup, mais ils ont beaucoup de mal à les rectifier ! La démocratie, par définition, c’est la confrontation à l’incertain sur l’analyse des sociétés, sur le mouvement général dans lequel nous sommes pris, sur les rapports de force internationaux, etc. Le monde dans lequel nous vivons étant extraordinairement compliqué et imprévisible, de temps en temps, ça marche, et de temps en temps, ça rate. Le problème, c’est la rapidité dans la correction de ces erreurs. C’est pourquoi la liberté d’expression tous azimuts est essentielle. La force de la démocratie n’est pas dans l’assurance de faire bien mais dans la possibilité d’éviter le mal par la discussion. Parce que la pluralité des avis permet de faire émerger plus vite les diagnostics et les remèdes.
Votre livre ne se place pas dans une dimension nationale mais tente de comprendre "la crise dans la démocratie" qui traverse tout l’Occident. Cependant, si l’on "zoome" sur la situation française aujourd’hui, comment qualifieriez–vous le moment ?
Nous sommes dans un moment intermédiaire parce que la France reste encore aujourd’hui, en dépit du mouvement général de dépolitisation, un des pays les plus politisés du monde. Il n’y a qu’à voir comment il a suffi d’appuyer sur le bouton "union de la gauche" pour que cela fonctionne à la surprise générale ! Alors qu’en pratique, cette union ne veut plus rien dire. De la même façon, il est intéressant de noter l’enracinement du gaullisme dans la mémoire politique. Même si la notion est totalement mystifiée. Cela permet de mesurer l’enracinement de nos grands repères politiques. Le choc de cette mémoire avec des évolutions qui vont contre tout ce qui a construit la France est violent. Au fond, cela commence en 1981 et l’élection de Mitterrand, qui s’est faite à contre–courant de l’évolution du monde, dans le déni de la transformation néolibérale qui était en cours et devant laquelle il a fallu finalement s’incliner, sans l’avouer. C’est ainsi que ce pays, forgé par la politique, est entré à son corps défendant dans la logique des sociétés d’aujourd’hui, sous la double pression dépolitisante de la mondialisation et de l’individualisation. Je crois que c’est ce qui est au cœur du désarroi français. Nous n’avons pas le discours, la représentation, la vision de l’avenir qui permettraient d’accorder notre héritage et cette réalité qui s’impose à nous. Dès lors, les Français oscillent entre la mégalomanie – Macron étant typique là–dessus – et la dépression suiviste. Nous n’avons pas encore trouvé le langage politique de l’époque. linitiative.ca
Entretien avec Samia Kriens Chabane : « Je ne veux pas parler de la société arabe mais de la société algérienne »
8 octobre 2024
Après des études universitaires en littérature anglaise à l’université à l’ENS d’Alger et un court passage dans une société algérienne de pétrole, Samia Kriens Chabane a préféré continuer sa carrière dans des société américaines puis européennes de pétrole et de gaz. Après avoir vécu aux Pays–Bas et en Belgique, elle s’est installée en France où elle a élevé ses trois enfants en travaillant dans une grande entreprise française.
Cette vie riche tant sur le plan professionnel qu’humain a donné naissance à ce récit autobiographique dans lequel le moi tantôt se met en lumière et tantôt il reste en retrait pour laisser place à des faits qui ne demandent qu’à être connus. Samia Kriens Chabane a eu l’amabilité de répondre à nos interrogations.
Ce qui est répandu dans ce récit autobiographique Récits d’Alger et…d’ailleurs, c’est l’idée de la société patriarcale. Pouvez–vous expliquer les raisons de ce choix ?
Ce n’est pas qu’une idée mais une réalité que nous avons vécu dans notre chair. Nous sommes nées dans une prison à ciel ouvert où tous les faits et gestes de la petite fille, l’adolescente, la femme sont scrutés par tous les membres de la famille et de la société en générale (des lois ont été faites dans ce sens : le code de la famille), souvent avec la complicité des mères, belles–mères qui y jouent un rôle décisif pour reproduire le schéma de la femme soumise à cette société patriarcale garante de l’ « honneur » de toute la famille.
Une concomitance régulière se fait entre la période de la colonisation et celle de la décennie noire. En quoi ces événements historiques peuvent–ils se ressembler ?
Dans les deux cas, c’est une guerre contre une population innocente.
La première, la guerre de libération, avait un ennemi bien identifié. Le peuple algérien a lutté pour se débarrasser de son colonisateur et recouvrer sa liberté et sa dignité. Dans la deuxième, l’ennemi était parmi nous, de notre sang et de notre culture. Les gens étaient encore plus terrorisés par cet inceste génocidaire dirigé contre une population dans le seul but de la neutraliser en la terrorisant, ce qu’ils ont réussi à faire par la sauvagerie de massacres incessants. L’Islam a été le prétexte de cette terreur comme si la population algérienne n’était pas en majorité musulmane.
Dans les deux cas, c’est le peuple qu’on opprime et l’avenir des Algériens qu’on supprime à travers l’assassinat ou la fuite de ses intellectuels, la clochardisation du système éducatif, de santé, de son économie à travers les sangsues du trabendisme et de l’«import–import ».
Dans les deux guerres, l’absence d’égalité, de justice dans tous les domaines : politique, éducatif, social, ont été des marqueurs qui infériorisent et nient les droits de tout un peuple, ceux des femmes en premier.
À la page 26, vous écrivez : « (…) Dès l’annonce de l’indépendance le 5 juillet 1962, l’euphorie s’empara de tout le pays. Les fêtes, les youyous, les drapeaux, les klaxons, bref le bonheur habita tous les cœurs et toutes les têtes des Algériens qui pensaient naïvement avoir enfin leur liberté et surtout leur dignité ». En quoi se résume cette naïveté ?
La soif d’indépendance qui habitait l’esprit de chaque Algérienne et Algérien fut concrétisée le 19 mars 1962 par un cessez–le–feu et le 5 juillet 1962 par la promulgation de l’indépendance de l’Algérie mais pas des Algériens. Une immense joie s’était alors emparée de tous les Algériens les projetant vers des lendemains forcément meilleurs puisque le colonisateur, source de leurs malheurs avait été vaincu par le courage de millions de femmes et d’hommes qui après tant de sacrifices ne désiraient qu’une chose : vivre dans leur pays, y travailler et récolter les fruits de leur travail. Malheureusement, dès le début, les dès étaient politiquement pipés mais c’est un autre sujet.
Nous commencions à déchanter devant les premières injustices et exactions contre des innocents pour des raison diverses : vengeance, cupidité, jalousie, instincts primaires, etc. La France n’avait pas permis aux Algériens de fréquenter les écoles et les universités pour se préparer à construire une indépendance digne de la lutte que des centaines de milliers de personnes ont mené et un million et demi de martyrs dont mon père, pour se débarrasser du joug de l’ignorance et de l’injustice colonial.
Sans oublier que nombre de ceux qui avaient une vision constructive et progressiste de l’Algérie tel que Abane Ramdane et bien d’autres ont été assassinés par leurs « frères de lutte ».
Des bandes d’opportunistes souvent incultes ont pris les commandes des administrations parce qu’ils étaient là au bon moment : on les a appelés les soldats du 19 mars car ils sont apparus vêtus de tenues militaires et armés dès l’annonce du cessez–le–feu. Ils avaient à peine ou pas du tout pris part à la guerre ! C’est ceux–là que j’ai devant les yeux à ce moment–là et je n’oublierai jamais leur arrogance, leurs exactions, leur hogra et leur mépris de nous, le peuple et de tous les vrais patriotes qui voulaient leur faire barrage dont mon grand–père, pour éviter la gabégie qui s’en est suivie.
Vous écrivez à la page 50 : « (…) Erragued …C’est vrai que cette histoire est peu connue, peu écrite. Elle est souvent le produit de l’oralité, de la passation, générationnelle. Maissa Bey en a parlé dans un de ses livres ainsi que la sociologue Feriel Lalami qui a traité ce phénomène du point de vue du droit pratiqué avant le code de la famille qui a limité la grossesse à 10 mois ». Pouvez–vous en dire plus à ce sujet ?
Ce fait de société est malheureusement peu connu alors qu’il a permis de sauver la vie de milliers de femme victimes des viols intra–familiaux.
En effet, quand la femme se retrouvait enceinte en l’absence de son mari émigré, en prison ou au maquis elle aurait été discrètement assassinée pour sauver l’honneur de la famille, de la tribu alors que l’auteur du viol était tout simplement « oublié ».
Pour sauver cet honneur (décidément c’est toujours les femmes qui portent l’honneur de la tribu !), on parlait de réveiller le fœtus fécondé par le mari alors présent afin de continuer le processus de la grossesse !
Bien qu’elle travaille et s’assume entièrement pensez–vous que la femme dans la société arabe continue à souffrir en silence ?
Je ne veux pas parler de la société arabe mais de la société algérienne aussi bien en Algérie qu’en France dans les familles immigrées. Peut–être que d’autres sociétés s’y reconnaitront.
La fille puis la femme a toujours porté le poids de la responsabilité vis–à–vis de toute la famille. Très jeune on l’a éduquée pour servir les mâles de la famille : le père, les frères en participant aux tâches ménagères en aidant sa mère.
Parallèlement elle a étudié et a réussi souvent mieux que ses frères car elle voulait se débarrasser de ce joug à travers une autonomie financière. Même arrivée à ce stade, une partie de son salaire était destinée à améliorer le niveau de vie de sa famille.
Aucune fatalité à ce phénomène sinon la reproduction d’une éducation où les garçons sont élevés dans du coton, reconnus et admirés dès leur naissance.
Heureusement que les nouvelles mères envisagent autrement l’éduction de leurs enfants. Et cela fait du bien à l’humanité !
Propos recueillis par Lamia Bereksi Meddahi
L'archevêque d'Alger Mgr Jean–Paul Vesco élevé au rang de cardinal | RCF
8 octobre 2024
Un article rédigé par Pauline de Torsiac – RCF, le 8 octobre 2024 – Modifié le 8 octobre 2024
Le pape François a annoncé ce dimanche 6 octobre 2024 la création de 21 nouveaux cardinaux pour l’Église catholique. Parmi eux, un français, l'archevêque d'Alger, Mgr Jean–Paul Vesco. D'abord, évêque d'Oran, celui qui a choisi l'ordre dominicain est devenu l'archevêque d'Alger le 12 février 2022. Un an plus tard, il est naturalisé algérien par les autorités. Mgr Jean–Paul Vesco se confie sur ce que représente sa nomination pour la petite Eglise d'Algérie et pour l'Eglise universelle. Mgr Jean–Paul VESCO, archevêque d Alger, à l occasion des Etats Généraux du Christianisme organisés par l hebdomadaire La Vie à Strasbourg 2015. Crédit photo Hans Lucas
Mgr Jean–Paul Vesco était en voiture lorsqu'il a appris, par un journaliste, sa nomination. "Cela a été une surprise totale, cela m'a coupé le souffle" admet–il. "C'est une météorite qui tombe dans une vie quotidienne. On est en train de penser à la messe qu'on va célébrer et l'instant d'après, on se dit qu'on va participer un jour à un conclave, et ça fait bizarre."
D'abord, évêque d'Oran, celui qui a choisi l'ordre dominicain est devenu l'archevêque d'Alger le 12 février 2022. Un an plus tard, il est naturalisé algérien par les autorités. Pour Mgr Jean–Paul Vesco cette nomination est un très beau signe pour son église, une église petite et fragile. Cette reconnaissance qui vient du Saint–Siège compte.
Je suis algérien, et c'est aussi en tant qu'algérien que je reçois cette nomination, c'est un honneur qui est fait à notre église. Je pense que pour l'Algérie, c'est important. Je sens bien qu'à la fois, rien ne va changer et tout va changer.
Mgr Vesco rappelle que l'église d'Algérie a été marquée par une grande figure tutélaire, le cardinal Léon–Etienne Duval. "Il a été très présent, très engagé pour l'indépendance de l'Algérie pendant la guerre d'indépendance. C'est la référence pour les autorités. Entre lui et moi, il y a eu un géant, c'est Mgr Henri Tessier. Celui qui était là pendant la décennie noire au cours de laquelle dix–neuf martyrs chrétiens furent assassinés, parmi lesquels son confrère Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, et les sept moines trappistes de Tibhirine. J'avoue que ma première pensée a été pour lui."
La nomination de Mgr Jean–Paul Vesco au rang de cardinal, une occasion de servir l'Église universelle.
Cette élévation au rang de cardinal est une reconnaissance pour la mission de l'Eglise en Algérie, une église aux frontières, insérée dans la relation avec le monde musulman. Pour l'archevêque d'Alger, cette nomination, c'est aussi l'occasion de défendre une vision de l'Église universelle qui lui tient à coeur :
L'accueil des personnes divorcées et remariées, la place des femmes, des laïcs et le grand chantier de la synodalité, qui est un changement profond du rapport de l'Église au monde et de l'Église par rapport à elle–même, c'est essentiel. Le fait d'être cardinal va forcément changer quelque chose. Je vais me sentir plus impliqué par l'avenir de l'Église universelle.
Comme un clin d'œil, le pape a nommé Mgr Jean–Paul Vesco cardinal le 6 octobre, le jour anniversaire de sa nomination comme évêque en Algérie, il y a 22 ans.
L'archevêque d'Alger et les vingt autres prélats seront créés cardinaux lors d’un consistoire qui se tiendra le 8 décembre 2024.
Chems–Eddine Hafiz a choisi son camp : «Le Hamas est un groupe terroriste»
Pour Hafiz, les 45 000 morts palestiniens sont des victimes collatérales. D. R.
Par Kamel M. – Le cas du recteur de la Grande Mosquée de Paris relève de la schizophrénie. Au début tenant le bâton par le milieu, n’affichant aucune empathie envers les Palestiniens massacrés à Gaza, mais faisant mine d’être ému par le drame vécu par les victimes de l’armée nazie israélienne, Chems–Eddine Hafiz a fini par glisser petit à petit vers le soutien indécent à l’entité sioniste, aux côtés du grand rabbin de France dont semble dépendre son sort au sein de cette institution cultuelle musulmane, normalement propriété de l’Algérie.
Si, à décharge, il faut admettre qu’il ne fait pas bon se positionner contre Israël dans la France d’Emmanuel Macron, où le simple soutien à la cause palestinienne peut conduire au tribunal, il faut cependant signaler que Chems–Eddine Hafiz, invité à la cérémonie d’investiture du président Tebboune, porte la lourde responsabilité de ne pas contredire la position officielle historique de l’Algérie dans la guerre asymétrique qui fait rage au Moyen–Orient et dans laquelle Israël commet des crimes contre l’humanité qui ne peuvent être tolérés et encore moins couverts par des déclarations qui mettent le bourreau et sa victime sur un pied d’égalité.
C’est, en tout cas, ce à quoi le recteur de la Grande Mosquée de Paris vient de participer en signant un document faussement intitulé «Appel international à la paix et à la fraternité», rédigé par la Conférence des responsables du culte en France (CRCF). Ledit document accable la résistance palestinienne et, à aucun moment, ne dénonce le génocide perpétré par l’entité sioniste qui, non contente d’avoir rasé Gaza, étend son agression au Liban où elle mène des opérations aériennes et terrestres, en complète violation du droit international.
«Le 9 octobre 2023, responsables religieux catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans et bouddhistes, nous exprimions ensemble notre effroi et notre profonde tristesse face à la barbarie du Hamas», écrivent les signataires de l’appel cosigné par le Franco–Algérien Chems–Eddine Hafiz. «En ce 7 octobre 2024, nous peinons à prendre la mesure des traumatismes, sans précédent pour notre génération, engendrés par ces actes terroristes», poursuivent–ils. Pour le recteur de la Grande Mosquée de Paris, les 45 000 enfants, femmes et hommes palestiniens tués sur ordre du criminel Benyamin Netanyahou sont des «victimes collatérales de la réponse militaire israélienne».
Chems–Eddine dit également «porter dans [son] cœur et [sa] chair l’immense souffrance des civils israéliens […] livrés à la terreur et aux ravages que produit la guerre» et s’«inquiète vivement des conséquences durables de tant de violences, terroristes ou militaires, chez ceux et celles qui les subissent et ceux et celles qui les exécutent», les terroristes étant les résistants palestiniens.
Cet appel, aussi fourbe qu’ignominieux, a été signé par le président de la Fédération protestante de France, le président de la Conférence des évêques de France, le président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, le grand rabbin de France, le président de l’Union bouddhiste de France et le recteur de la Grande Mosquée de Paris.
K. M.
Salon international du livre d’Alger : Gallimard interdit à cause du livre de Kamel Daoud
Le palais des expositions des Pins maritimes à Alger accueillera le Salon du Livre d’Alger du 6 au 16 novembre prochain. Une 27e édition à laquelle ne participeront pas les éditions Gallimard, interdites de s’y rendre.
Thibault Jeannin 09/10/2024 à 19:43
Les éditions Gallimard ne seront pas présentes au SILA (photo d'illustration) WITT/SIPA / © WITT/SIPA
Choix littéraire ou choix politique ? Selon des sources algériennes proches de l'organisation du 27e Salon international du livre d’Alger (SILA), la maison d’édition française Gallimard ne participera pas à l’événement, fait savoir Le Figaro. « Nous venons de recevoir un courrier qui n'apporte aucune explication quant aux raisons ou motifs qui justifient cette décision » a déclaré Antoine Gallimard au site Actuallité. Les organisateurs voudraient éviter d'avoir à justifier la présence sur les stands du salon du dernier roman de Kamel Daoud, « Houris », publié en août dernier. Le romancier n’a pour sa part pas encore réagi à cette information.
Des interdictions à répétition
Dans ce roman, une survivante d'un massacre durant l'insurrection islamiste des années 1990 tient un monologue avec la petite fille qu’elle attend, racontant la terrible histoire de ces années de sang et le silence imposé par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2015.
Mais selon l'article 46 de ce texte, « quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international », est puni d'un emprisonnement de trois à cinq ans et d'une amende équivalente de 1700 à 3500 euros.
Cependant, la question de la décennie noire en Algérie a déjà été traitée par plusieurs romanciers. Toujours selon une source proche du SILA, « la consigne verbale donnée par le ministère de la Culture est très claire : éviter tout ce qui est français ».
En 2023, une autre polémique avait marqué le Salon. L’écrivaine française, Annie Ernaux, prix Nobel de littérature en 2022, n’avait pu se rendre en Algérie, faute de visa.
Assemblée nationale : le député LFI Hugo Prevost démissionne après des accusations de "faits graves à caractère sexuel"
Le groupe de La France insoumise à l'Assemblée nationale a pris la décision mardi d'exclure le député de l'Isère, Hugo Prevost, en raison de "faits graves à caractère sexuel pouvant constituer des infractions pénales". Ce dernier a finalement annoncé sa démission ce mercredi soir.
Publié le 9 octobre 2024 à 22h33
Hugo Prevost, © ISA HARSIN/SIPA
Accusé par plusieurs femmes de violences sexistes et sexuelles, le député de la France insoumise, de la première circonscription de l’Isère, Hugo Prevost, a annoncé sa démission dans un communiqué publié ce mercredi soir sur les réseaux sociaux. Il déclare qu’il n’était pas au courant, lors de sa candidature pour le Nouveau Front populaire, des accusations qui pèsent contre lui.
Hugo Prevost explique ce mercredi soir qu’il souhaite « s’excuser auprès de toutes les personnes investies dans la campagne pour le choc qu’elles ont pu éprouver ces dernières heures. Je mesure la gravité des accusations qui me sont faites (…) J’annonce dès aujourd’hui la démission de mon mandat. » Il annonce ensuite qu’il ne se défendra pas publiquement.
Olivier Véran a réclamé une enquête
Le groupe LFI à l’Assemblée a précisé tard mardi avoir été informé fin septembre par le Comité de vigilance contre les violences sexistes et sexuelles (CVSS) de LFI au sujet de « faits graves à caractère sexuel pouvant relever d’infractions pénales, antérieurs » à l’élection du député. En conséquence, il a annoncé avoir décidé de « prononcer son exclusion ». L’ancien syndicaliste étudiant de 25 ans a également été exclu de parti. L’annonce du groupe LFI a suscité mercredi de nombreuses réactions et des appels à la démission en Isère, où Hugo Prevost avait été élu en juillet face à l’ancien ministre macroniste Olivier Véran. La suppléante de Hugo Prevost, Salomé Robin, a déclaré dans un communiqué qu’elle était « atterrée et écœurée par ces révélations » et a exprimé son « soutien aux victimes ». Elle a également ajouté : « N’ayant plus aucun lien avec Hugo Prevost, je vous informe que je quitte mon rôle de députée suppléante en attendant sa démission. » Olivier Véran a, de son côté, réclamé une « enquête », selon France Bleu. Les dessins du jour