image1

– Revue de presse N° 361

26 décembre 2024 – { 2003–2024 21ème année }

Benjamin Stora, avocat de l’Algérie ou ambassadeur plénipotentiaire de la France ?

Un chercheur trop soucieux d'idéologie.

Jean–Pierre Lledo

– 26 décembre 2024

image2

Emmanuel Macron reçoit des mains de l'historien Benjamin Stora son rapport sur la mémoire de la colonisation de l'Algérie, palais de l'Elysée, 20/01/2021

L’historien auteur du fameux « Rapport » qui porte son nom a paru peu enclin à défendre Boualem Sansal après son arrestation par les autorités algériennes. Ce fait est à mettre en parallèle avec son refus obstiné à admettre l’existence d’une judéophobie musulmane en Algérie avant, pendant et après l’indépendance de ce pays. Tribune du cinéaste et essayiste, Jean–Pierre Lledo.

Beaucoup de ceux qui avaient encore quelque estime pour cet historien ont été choqués par ses propos le dimanche 24 novembre sur la chaine publique France 5, suite à l’arrestation de l’écrivain algérien Boualem Sansal dès son arrivée à l’aéroport d’Alger, huit jours plus tôt.

Choqués de constater que sa réprobation de l’arrestation, du bout des lèvres, n’ait été que le prélude obligé à une condamnation sans appel de l’écrivain proférée du haut de son piédestal d’historien, de surcroit avec une joie mauvaise. Choqués donc qu’au moment où les voix de grands intellectuels s’élevaient contre l’arrestation d’un écrivain qui n’était coupable d’aucun acte criminel, l’historien, lui, tirait sur l’ambulance. 

A cette triste inconvenance, s’ajoutait une tentative de réfutation des propos de l’écrivain, tout à fait indigne d’un historien qui, s’il se vend habituellement comme « Monsieur Guerre d’Algérie », n’a jamais été un spécialiste de l’histoire ancienne du Maghreb. 

Mais qu’avait donc dit Boualem Sansal de si répréhensible ? « Tout le problème vient d’une décision prise par le gouvernement français : quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc, Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara […] la France a décidé comme ça, arbitrairement, de tracer une frontière… ».

Et que répliqua Stora à l’écrivain qui ne pouvait désormais plus lui répondre ?  

« C’est l’Émir Abdelkader qui a levé l’étendard contre la France… ! C’est un héros national en Algérie ! L’Emir Abdelkader qui était de Mascara… ! Mais je vais aller plus loin ! [Rires de Stora et du présentateur] C’est que celui qui a inventé le mouvement national algérien, avec d’autres, s’appelle Messali Hadj, il est né à Tlemcen… ! Tlemcen, c’est à la frontière avec le Maroc ! Et c’est lui qui va porter l’idée nationale ! Et on nous dit que ce n’est pas important ? ! »

L’Emir Abdelkader a levé l’étendard contre la France, certes, mais quel étendard ? Celui de l’Algérie ? Non, elle n’existait pas comme nation. Ou plutôt l’étendard de l’islam et de quelques tribus de l’ouest ? L’Émir ne fut–il pas vaincu précisément parce que sa révolte resta seulement celles des tribus qui appartenaient à sa confrérie religieuse des Qadirya ? « Il se réclamait de la protection du sultan du Maroc, sous laquelle il a cherché refuge avant de reprendre la lutte en 1845 et de se réfugier une dernière fois au Maroc – qui l’obligea à se rendre aux Français – en 1847 », précise un historien moins soucieux d’idéologie, et plus des faits, Guy Pervillé. Enfin, si la Régence ottomane ne put s’emparer que de la partie orientale du Maghreb (Tunis) et de sa partie centrale (Alger), et jamais de sa partie occidentale, n’est–ce pas parce que le Maroc, au travers de toutes les dynasties qui l’ont constitué en royaume, avait déjà une personnalité suffisamment affirmée pour s’affranchir de son joug ?

Quant à Messali Hadj, en quoi viendrait–il contredire Sansal, lui qui devint le chef du premier parti nationaliste, le PPA… en 1933 ? Un siècle après la conquête française ! Et ce alors que la France a déjà annexé des territoires marocains, qui deviendront de la sorte des territoires algériens, sans que la promesse du FLN de redéfinir la frontière avec le Roi du Maroc après l’indépendance de l’Algérie ne soit jamais honorée, source de conflits et d’animosité jusqu’à aujourd’hui, puisqu’à plusieurs reprises les frontières ont été fermées, et les relations diplomatiques rompues. Au fait, l’historien partagerait–il la vision du PPA et de son chef Messali Hadj : « La Nation algérienne, arabe et musulmane, existe depuis le VIIème siècle » (selon le mémorandum présenté à l’ONU à la fin de 1948) ?

Et c’est sans doute parce que Stora est quand même conscient de sa faiblesse argumentative, qu’il n’hésite pas à franchir le pas de l’histoire vers l’affect : « Imaginez ce que ça représente pour les Algériens ! Ça blesse le sentiment national ! »Mais de quelle autorité, de quels travaux peut–il se prévaloir, pour se poser en spécialiste de la psyché algérienne ? Serait–il devenu l’avocat du pouvoir algérien, son ambassadeur ?

Question tout à fait légitime de mon point de vue qui ai eu plusieurs fois maille à partir avec cet historien.

Algérie, histoires à ne pas dire

Ce film qui montrait que la guerre de libération fut aussi une guerre d’épuration des populations non–musulmanes, fut interdit par les autorités algériennes dès que je le terminai, en juin 2007. Sorti en France en février 2008, Le Monde lui consacra sa 3ème de page. La critique cinématographique de Thomas Sotinel étant élogieuse, la journaliste politique Florence Beaugé se chargea de la contrecarrer sur le plan historique. Et face à Mohammed Harbi, que j’avais invité à voir le film, qui déclare honnêtement : « le principal mérite de ce documentaire est de jeter un pavé dans la mare et d’inciter les Algériens à accepter de se regarder, même si le miroir qu’on leur présente est déformant », les deux autres, Djerbal et Stora, « regrettent que les témoignages présentés par Lledo soient sortis de tout contexte »… Ah, ce « contexte », régulièrement convoqué pour atténuer la barbarie ! Le 7 octobre 2023, le Hamas se comporta de manière barbare… ? « Oui, mais… le contexte ! » Dans cet article, la journaliste ne trouvera rien de plus précis à leur faire dire. Et pour cause ! Ni l’un ni l’autre n’avaient vu le film ! J’avais organisé 3 projections (privées), en juillet à Alger où j’avais invité Harbi de passage, et Djerbal ne vint pas, et une générale en février 2008 à Paris où j’avais réinvité Harbi, mais pas Stora.

Et si Stora s’est senti obligé de dire son désaccord avec l’arrestation de Sansal, dans mon cas, il ne s’éleva même pas contre la censure du film en Algérie. Et ce, pour la simple raison que la quête des personnages principaux, tous quatre Algériens musulmans, qui montre que l’épuration des non–musulmans est, durant toute la durée de la guerre d’Algérie, une stratégie concertée du FLN–ALN dès le début de la guerre, et non l’effet d’une cascade d’événements, va à l’encontre du méta–discours qu’il tient avec constance sur l’Algérie depuis ses débuts d’historien.

Le 5 juillet 1962 à Oran

En ce jour–là qui devait commémorer officiellement l’indépendance, suite aux résultats du référendum, eut lieu la plus grande tuerie de toute la guerre d’Algérie. L’historien Jean–Jacques Jordi, après plusieurs années de recherche dans les seules archives françaises, a réussi à identifier plus de 700 victimes assassinées ou disparues (quelques Arabes, une majorité de chrétiens, et une centaine de Juifs). Lorsque les archives algériennes seront ouvertes, ce nombre pourra être multiplié par deux ou trois. 

En 2013, je fis la description de cette terrible journée à propos de laquelle j’avais récolté des dizaines de témoignages d’Oranais de toutes origines, y compris familiaux, dans un article publié en deux parties par le Huffington Post qui s’attira une réponse de Stora contresignée par une dizaine d’universitaires et politiciens algériens qui n’avaient jamais écrit une seule ligne sur cette tragédie. 

Celui qui n’a jamais cru bon de consacrer un livre à l’évènement le plus meurtrier de toute la guerre, me répondit sans jamais évoquer mon film interdit en Algérie, dont la quatrième partie est entièrement consacré à cet événement du 5 Juillet 1962. Notons que ce film n’a jamais été diffusé par une télévision en France, alors que Stora, qui n’est pas cinéaste, a bénéficié de ce privilège à de multiples reprises.

Mensonge direct ou par omission, diffamation, occultation, amalgame, fausse accusation, déduction abusive, tout cela en deux pages, sa réponse vise surtout à dénier que l’évènement ait pu être organisé en haut lieu… « Il ne faut pas non plus en venir à mettre en cause de manière globale et simpliste les indépendantistes algériens, ni négliger les nombreux témoignages qui relatent des faits de délinquance pure, commis dans un moment d’anarchie… ». Mais y a–t–il jamais eu un pogrom « spontané » ? La justice des Pays Bas ne vient–elle pas de déclarer que celui récent d’Amsterdam avait été concerté, technologie oblige, par WhatsApp ? La tuerie qui advint le 5 juillet 62, simultanément à la même heure (entre 11h et midi) dans tous les quartiers d’Oran, chrétiens et juifs, n’en est–il pas la meilleure preuve ? 

Mon film ne visait pas à se substituer au travail des historiens (véritables), mais à révéler des facettes de la guerre d’Algérie occultée par l’historiographie algérienne, qui sont absolument taboues. Pourtant, Stora m’accusait : « d’écrire une histoire hémiplégique qui ne s’intéresse qu’à une seule catégorie de victimes ». On voit bien aujourd’hui avec Sansal ce qu’il en coûte d’aller à l’encontre des narratifs historiques du pouvoir. 

Mais qui est « hémiplégique » ?

Le Rapport Stora de janvier 2021

L’Algérie n’ayant pas donné suite au projet d’un Rapport rédigé par une commission mixte d’historiens algériens et français, le président Macron commanda à Stora un rapport sur « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». Publié en son nom propre, l’objectif déclaré est de contribuer à une réconciliation franco–algérienne en apaisant les mémoires. Le résultat, fut un ratage complet, le pouvoir algérien considérant que les concessions françaises n’étaient pas suffisantes. Et pourtant à combien de courbettes ce rapport ne s’était–il pas complu ! (Voir mes commentaires sur les parties 1, 2, 3, 4 et 5 du rapport).

Lorsque des « massacres » y sont évoqués, il ne s’agit que de ceux dont ont été victimes les « Algériens ». Stora ignorerait–il que dans la région de Sétif en mai 1945, puis dans le Constantinois le 20 août 1955, ce sont les nationalistes musulmans qui déclenchèrent des insurrections dont la cible, au faciès, furent les non–musulmans, n’épargnant même pas les communistes, pourtant partisans de l’indépendance ? Quant aux massacres des Harkis, ce ne seraient que des « représailles », ce qui est reprendre à son compte le narratif scandaleux de l’État algérien les criminalisant.

Stora propose de commémorer des dates symboliques. Par exemple la répression de la manifestation FLN à Paris du 17 octobre 1961. Mais pourquoi pas aussi le massacre du 26 mars 1962 commis par l’armée française, fauchant en quelques minutes, à la mitrailleuse, près de 80 civils Pieds–Noirs sans armes ?

Il propose de reconnaître l’assassinat de l’avocat et militant politique Ali Boumendjel. Mais pourquoi pas aussi l’assassinat du chantre juif de la musique andalouse Raymond Leyris, assassiné le 22 juin 1961 à Constantine, à ce jour non revendiqué par le FLN ? Musique « judéo–amazigho–arabo–andalouse », et non pas seulement « arabo–andalouse », rectifie Mr Stora qui est resté muet lorsque Khalida Toumi, quatre fois ministre de la Culture dans les gouvernements Bouteflika, déclara s’être donnée pour objectif de « déjudaïser la musique arabo–andalouse » ![1]

Et le Panthéon ? Oui, mais pas pour Gisèle Halimi, originaire de Tunisie, qui hormis son métier d’avocate, se positionna comme une militante anti–harki et anti–pied–noir. Pourquoi pas plutôt l’écrivain Jean Pélégri, publié par Gallimard, dont toute l’œuvre est marquée par l’idée de la complémentarité mémorielle entre l’Arabe et le Pied–Noir, ainsi que par les drames des injustices coloniales, puis algériennes ?

Stora attribue au cinéma la vertu d’être un « formidable catalyseur de mémoire ». Bien sûr, mais pourquoi taire l’omnipotence de la censure en Algérie ? Et au–delà du cinéma et de la littérature, l’exemple du chanteur Enrico Macias, interdit d’antenne et de scène dans son pays natal depuis 60 ans, alors qu’il est adulé par les Algériens !

Alors qui est « hémiplégique » ?

Colloque sur les Juifs d’Algérie – Jérusalem – 24 au 26 Septembre 2024

Ce colloque, ouvert au public, qui s’est tenu en Zoom, avaient réuni des universitaires israéliens et français. Les questions soulevées par les intervenants étaient intéressantes. Sauf qu’il en manquait une et de taille : celle de la judéophobie musulmane avant, durant, et après l’indépendance. Ayant eu à examiner les relations judéo–musulmanes dans divers ouvrages et conférences, Stora était l’un des invités. 

Dès la fin de son exposé, la parole me fut accordée et je posai deux questions, l’une aux organisateurs et la suivante à Stora :

  • Mr Stora, pourriez–vous m’expliquer pourquoi vous avez constamment cherché à atténuer cette réalité ? Et pour ne prendre qu’un exemple, prenons celui du livre, commandité par l’Europe, que vous avez dirigé avec le Tunisien Abdelwaheb Meddeb Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours, dédié à la conviviencia judéo–musulmane. L’un des articles écrits par l’un de vos amis constantinois, Abdelmajid Merdaci, fait les louanges de Raymond Leyris (il chantait en arabe, il y avait des Arabes dans son orchestre, etc.), sauf… qu’il occulte le fait que le musicien juif ait été… assassiné par le FLN, le 22 juin 1961.
  • Ne me laissant pas finir, Stora se mit à crier : « C’est faux ! ». Je pus lui répondre que c’était le témoignage de Jacques Leyris, le fils de Raymond. Menaçant de s’en aller, Stora continua son cirque, et les organisateurs coupèrent mon micro.

    Si j’avais pu poursuivre, j’aurais demandé aussi à Stora pourquoi dans le livre précité, il avait expurgé de la bibliographie les noms d’universitaires qui eux, n’avaient pas occulté dans leurs œuvres la judéophobie musulmane en Algérie, ces éminents chercheurs que sont Shmuel Trigano, Georges Bensoussan, Paul Fenton, et David Littman. Étrange coïncidence : ces mêmes universitaires n’avaient pas été invités à ce Colloque (à part Littman, décédé).

    Conclusions

    J’arrêterai là la liste loin d’être exhaustive de mes griefs. Ceux ici invoqués sont suffisants pour que l’on puisse se persuader que le coup de poignard dans le dos asséné à un écrivain jeté en prison n’était pas un lapsus. C’était plutôt la continuation en droite ligne de sa tentative d’exonérer de ses crimes le nationalisme algérien, et de sa vision irénique des relations judéo–arabes.

    Pourtant si les chefs nationalistes masquèrent leur projet d’épuration ethnique durant la guerre d’Algérie, ils ne le dissimulèrent plus, l’indépendance acquise. Ainsi l’un des négociateurs des Accords d’Évian, qui fut un Premier ministre anti–intégriste durant la décennie noire, le « moderniste » Réda Malek : « Heureusement, le caractère sacré arabo–musulman de la nation algérienne était sauvegardé ».[3] Ou bien Ben Khedda, le président du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), 1961–1962 : « En refusant notamment la nationalité algérienne automatique pour un million d’Européens, nous avions prévenu le danger d’une Algérie bicéphale ».[4]

    Benjamin qui, la retraite venue, semble découvrir sa judéité, aura–t–il le courage d’un Nathan Weinstock, lequel après avoir écrit deux ouvrages dans les années 70 qui devinrent la Bible des Falestiniens, osa remettre en cause ses convictions ébranlées par la réalité d’un terrorisme falestinien dont le but était et demeure la destruction d’Israël et des Juifs ? Osera–t–il à son tour écrire une histoire de la judéophobie musulmane en Algérie, aujourd’hui dissimulée en israélophobie ?

    Je l’espère, sinon s’il s’entête à vouloir plaire aux uns et à ne pas déplaire aux autres, il lui faudra assumer l’inconfort d’être en alternance l’historien officiel de la repentance française, et à ses heures perdues, un ambassadeur plénipotentiaire. 

    De la France ou de l’Algérie ? On ne sait trop…

    Ah, j’oubliais… Comme à la bonne époque de votre trotskysme, vous vous êtes infiltré dans le Comité de soutien à Sansal. Quel culot ! Auriez–vous l’obligeance de vous en retirer ? Merci.

    [1] Propos tenus le 10 février 2008 dans le quotidien algérien arabophone, de tendance islamique, Ech Chourouq.

    [2] Voir J.–P. Lledo, « La judéophobie musulmane en Algérie avant, pendant, et après la période française » in Juifs d’Algérie, dirigé par Joëlle Allouche–Benayoun et Geneviève Dermenjian (PUF, 2015).

    [3] Réda Malek, Accords d’Évian (Seuil, 1990).

    [4] Ben KheddaLa fin de la guerre d’Algérie (Casbah Ed., Alger, 1998).

    Beaucoup de ceux qui avaient encore quelque estime pour cet historien ont été choqués par ses propos le dimanche 24 novembre sur la chaine publique France 5, suite à l’arrestation de l’écrivain algérien Boualem Sansal dès son arrivée à l’aéroport d’Alger, huit jours plus tôt.

    Choqués de constater que sa réprobation de l’arrestation, du bout des lèvres, n’ait été que le prélude obligé à une condamnation sans appel de l’écrivain proférée du haut de son piédestal d’historien, de surcroit avec une joie mauvaise. Choqués donc qu’au moment où les voix de grands intellectuels s’élevaient contre l’arrestation d’un écrivain qui n’était coupable d’aucun acte criminel, l’historien, lui, tirait sur l’ambulance. 

    A cette triste inconvenance, s’ajoutait une tentative de réfutation des propos de l’écrivain, tout à fait indigne d’un historien qui, s’il se vend habituellement comme « Monsieur Guerre d’Algérie », n’a jamais été un spécialiste de l’histoire ancienne du Maghreb. 

    …………………………/…………………

    https://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/xavier–driencourt–il–faut–denoncer–l–accord–franco–algerien–de–1968–20241226

    Xavier Driencourt : «Il faut dénoncer l’accord franco–algérien de 1968»

    Par  Judith Waintraub, pour Le Figaro Magazine

    Publié le 26 décembre

    ENTRETIEN – Les Algériens représentent 40% des étrangers désireux de s’installer dans notre pays. L’ancien ambassadeur de France en Algérie explique comment ce traité, confère aux ressortissants algériens un statut qui les soustrait à toutes les lois visant à récupérer le contrôle de notre politique migratoire.

    LE FIGARO MAGAZINE. – La nationalité algérienne est aujourd’hui la première parmi les étrangers vivant en France. En quoi l’accord franco–algérien de 1968 est–il responsable de cette situation ?

    Xavier DRIENCOURT. – Il faut remonter à son origine. Une annexe des accords d’Évian du 19 mars 1962 prévoyait que « tout Algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre l’Algérie et la France » et que « les Algériens ayant l’intention de s’établir en France pourront transporter leurs biens mobiliers hors d’Algérie ». Les négociateurs pensaient en effet que les pieds–noirs resteraient en Algérie après l’indépendance et opteraient pour la nationalité algérienne. Ils devaient pouvoir venir librement en France où ils avaient leurs attaches. Mais dès juillet 1962, les pieds–noirs sont majoritairement rentrés en France. De ce fait, la liberté de circulation prévue à Évian ne jouera qu’au profit des Algériens. C’est la raison pour laquelle un accord a été négocié en 1968 avec le gouvernement algérien qui modifie sur ce point les accords d’Évian : on ne rétablit pas la liberté de circulation prévue à Évian, mais on octroie aux Algériens des avantages que n’ont pas les autres nationalités.

    Pourquoi ce traitement de faveur et en quoi consiste–t–il ?

    Pour compenser l’abandon de la libre circulation, la France octroie aux Algériens de nombreux privilèges : ils ont accès plus rapidement que les autres nationalités au regroupement familial, sans conditions d’intégration ni de maîtrise de la langue française, les étudiants algériens sont autorisés dès 1968 à travailler, un titre de séjour spécial est créé, le certificat de résidence, de plein droit la plupart du temps et qui ne peut être retiré que par un juge. Le statut de commerçant est particulièrement avantageux : on ne vérifie pas la viabilité de l’entreprise ; or, avec un clic, vous devenez aujourd’hui autoentrepreneur et donc obtenez un statut de commerçant et le titre de séjour !

    Comment cet accord peut–il être à ce point exorbitant du droit commun ?

    Dans notre ordre juridique interne, il existe une hiérarchie des normes : la Constitution est le texte suprême, puis viennent les traités internationaux régulièrement ratifiés et enfin les lois. Concrètement, cela signifie qu’un traité international comme l’est cet accord de 1968 a une valeur juridique supérieure aux lois. Le Conseil d’État rappelle d’ailleurs fréquemment à l’administration, aux consulats et aux préfectures que les Algériens ne dépendent que de l’accord de 1968 et non des autres textes.

    Autrement dit, 40 % des migrants en France, les Algériens, ne dépendent pas des lois votées par le Parlement, mais uniquement de l’accord de 1968.

    L’obtention d’un visa touristique dit « de court séjour » permet–il à un Algérien de faire jouer l’ensemble des dispositions de l’accord franco–algérien ?

    Oui, l’accord de 1968 permet effectivement à un Algérien de venir en France avec un visa de « court séjour », communément appelé « visa touristique », et de s’établir en France en faisant jouer les différentes clauses de ce texte. Le Consul général à Alger, lorsque j’y étais ambassadeur, disait avec humour que cet accord « sert à blanchir la fraude ». Pour les autres nationalités, un visa de long séjour est nécessaire, beaucoup plus difficile à obtenir dans les consulats. Comme le disait le président algérien dans les colonnes du Figaro en décembre 2022« la France a colonisé l’Algérie 132 années, les Algériens ont droit à 132 années de visas » !

    Bruno Retailleau affirme qu’il est impossible de refuser à un Algérien le renouvellement de sa carte de résidence de dix ans, y compris quand son comportement constitue « une menace grave à l’ordre public ». Est–ce exact ?

    Oui, c’est une des dérogations instituées de fait par l’accord de 1968, même si le texte est muet sur ce point. L’interprétation du Conseil d’État a toujours été que l’accord franco–algérien ne permet pas le retrait par l’administration d’un titre de séjour, y compris pour des motifs d’ordre public.

    image3

    Nous avons des leviers, mais pas la volonté politique de les utiliserXavier Driencourt

    Le ministre de l’Intérieur s’est dit favorable « à titre personnel » à la dénonciation unilatérale de cet accord. Est–ce juridiquement possible ?

    Si un traité international liait les États ad vitam aeternam, ils ne pourraient plus avoir leur propre politique étrangère. L’article 56 de la Convention de Vienne prévoit la possibilité de dénonciation unilatérale d’un traité notamment si la « nature du traité le permet », ce qui est à l’évidence le cas d’un texte sur la circulation des personnes qui n’a pas vocation à être éternel. Mais aux termes de la Constitution, le président de la République est le seul qui puisse signer, ratifier et dénoncer les traités. Le ministre peut dire qu’il le souhaite, mais n’a pas le pouvoir de le faire.

    Quels sont les leviers dont nous disposons aujourd’hui pour juguler le nombre d’entrées de ressortissants algériens en France ?

    Nous en avons plusieurs. Il faut d’abord agir sur les visas que nous délivrons. Les titulaires de passeports diplomatiques algériens bénéficient d’un régime encore plus favorable que celui institué par l’accord de 1968 grâce à un échange de lettres de 2007 entre le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Bernard Kouchner, et son homologue algérien. Ils n’ont pas besoin de visa pour venir en France régler leurs différentes affaires, financières ou médicales. Cet échange de lettres entre deux ministres peut être dénoncé sans l’accord du président de la République. Nous pouvons aussi agir sur les circuits financiers et immobiliers algériens en France, notamment à Paris et à Neuilly. Pourquoi ne pas demander à l’Inspection des finances d’enquêter sur ces circuits ? Rien qu’une annonce de ce type inquiéterait le pouvoir algérien. Il faut aussi s’intéresser aux réseaux de la mosquée de Paris, qui jouent un rôle non négligeable pour contrecarrer les autorités françaises.

    L’Algérie ne délivre que 7 % des visas consulaires nécessaires à l’exécution d’une OQTF. Comment obliger les consulats algériens à en émettre davantage ? 

    On pourrait convoquer tous les consuls algériens, les rappeler à l’ordre, voire fermer un ou deux consulats pour l’exemple. Lorsque j’ai tenu en Bretagne une conférence–débat sur mon livre L’Énigme algérienne, le consul du lieu a menacé d’organiser une manifestation contre ma venue. Était–ce son rôle ? Nous avons des leviers, mais pas la volonté politique de les utiliser, comme le montre l’exemple des deux consulats supplémentaires ouverts par le ministre Darmanin sans aucune contrepartie.

    L’Algérie en compte désormais 20, alors que la France n’a que trois consulats en Algérie et cinq centres culturels seulement, malgré nos demandes réitérées d’en ouvrir de nouveaux.

    Bruno Retailleau veut se servir du levier des visas, dont la délivrance est désormais une prérogative du ministère de l’Intérieur, mais le gouvernement a déjà essayé, puis a renoncé. Pourquoi cet échec ?

    Le levier des visas est effectivement important. Pour mémoire, la France délivrait en 2012 environ 210.000 visas aux Algériens. En 2017, lorsque je suis retourné à Alger, nous en délivrions 413.000 environ. À la demande des deux ministères (Intérieur et Affaires étrangères, puisque les consulats restent des services du Quai d’Orsay), et en accord avec l’Élysée, j’avais réduit le nombre de visas en quelques mois, simplement en appliquant rigoureusement les critères de délivrance. Mais nous ne l’avons pas clamé urbi et orbi. Je l’ai fait, alors que le gouvernement précédent, celui de Mme Borne et de M. Attal a dit qu’il le ferait mais a fait marche arrière au bout de trois mois. C’est toute la différence. De mon temps, en un an, le nombre de visas délivrés était repassé sous la barre de 260.000, sans drame majeur. Mais pour qu’une telle politique soit pleinement efficace, il faudrait que la liberté de circulation dans l’espace Schengen soit mieux contrôlée. Aujourd’hui, si un consulat français en Algérie refuse un visa à un ressortissant algérien, ce dernier peut se tourner vers le consulat d’un autre pays européen et obtenir un « visa Schengen » valable pour la France. Une fois chez nous, il s’y établira sans que nous ayons notre mot à dire grâce à l’accord de 1968.

    Les moyens financiers de l’Agence française pour le développement sont insignifiants par rapport aux aides et avantages douaniers ou autres accordés par l’UE. Xavier Driencourt

    L’Agence française pour le développement (AFD) verse 180 millions d’aides par an à l’Algérie. Cette aide peut–elle constituer un levier pour obtenir des laissez–passer consulaires ?

    D’une manière générale, si l’UE voulait utiliser les moyens de pression sur l’Algérie, cela ferait peur à l’Algérie car ce gouvernement n’aime absolument pas être dénoncé par l’Europe ou le Parlement européen. Les moyens financiers de l’AFD sont insignifiants par rapport aux aides et avantages douaniers ou autres accordés par l’UE. Avec l’accord d’association UE Algérie, il y a un levier important.

    Au niveau français, plus de 50 % des demandeurs de visas déboutés obtiennent satisfaction devant la justice. Est–elle pro migrant ?

    On sait que le droit des étrangers accapare 40 % de l’activité de la justice administrative. Le juge judiciaire est aussi partie prenante tant les possibilités de recours sont nombreuses. C’est la Commission pour les recours de refus de visas (CRV) qui les examine. Si les demandeurs sont déboutés, ils peuvent ensuite se tourner vers le juge administratif, qui tranche en fonction du droit, mais aussi parfois de ses convictions. Dois–je préciser qu’un Français qui se voit refuser un visa algérien ne dispose pas de ces recours ?

    Près de 3500 Algériens sont actuellement détenus dans les prisons françaises. Ils représentaient en 2021 plus de 20 % des détenus étrangers. Leur renvoi en Algérie est–il envisageable, par libération–expulsion ou avec l’accord des autorités algériennes ?

    Il faudrait quand même que l’Algérie délivre le laissez–passer consulaire si l’impétrant n’a plus ses papiers. En outre l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme les protège. C’est donc très compliqué.

    La puissance des relais algériens en France explique–t–elle la faible mobilisation en faveur de Boualem Sansal ?

    Ces relais et en particulier ceux de ce qu’on appelle l’Algérie nouvelle du président Tebboune, sont constitués d’abord par les consulats et diverses associations prises en main par des Franco–Algériens, dont certains sont d’ailleurs connus dans les médias. Il y a aussi les réseaux autour de la mosquée de Paris. Son recteur Chems–Eddine Hafiz, binational, présidait d’ailleurs le comité de soutien du président Tebboune pour sa réélection. Des comités régionaux à la solde d’Alger avaient été créés, à Marseille notamment. Il ne faut pas sous–estimer l’influence de ces divers réseaux. Voyez comme ils ont pris parti contre Boualem Sansal, avec les mêmes éléments de langage que la presse et le pouvoir algériens !

    Partagez–vous l’opinion de l’ancien ambassadeur Jean–Christophe Rufin, selon lequel « le silence n’a jamais rien arrangé » ?

    Écoutez, il y a de la discrétion du côté du gouvernement, mais une mobilisation considérable dans le pays. Votre journal a soutenu Boualem Sansal, les prix Nobel se sont mobilisés, La Revue politique et parlementaire, avec Arnaud Benedetti, Kamel Daoud et moi–même, a lancé une pétition en faveur de Boualem Sansal avec plus de 700 signataires de tous les bords politiques, de François Hollande à Édouard Philippe. La gauche a été malheureusement très discrète.

    https://ripostelaique.com/avec–nos–deux–amis–harkis–driss–et–brahim–boualem–serait–deja–libre.html

    et

    https://louyehi.wordpress.com/2024/12/25/avec–nos–deux–amis–harkis–driss–et–brahim–boualem–serait–deja–libre/

    Avec nos deux amis harkis, Driss et Brahim, Boualem serait déjà libre !

    Publié le 25 décembre 2024

    image4

    Alors que les voyous qui tiennent les rênes de nos anciens (1) départements d’Outre–Méditerranée persistent à vouloir humilier la France censée vaillante et éternelle, notre ami Boualem SANSAL (mon ami puisque je l’ai rencontré et avec lequel j’ai longtemps conversé à plusieurs reprises) est toujours retenu de la plus ignominieuse façon.

    Quel dommage que nous soyons dans les années 2020 et non plus dans le contexte des années soixante–dix…

    Le contexte était bien différent.

    Passé le choc des infâmes accords dits d’Évian et alors que ladite guerre d’Algérie n’était pas bien loin, les anciens harkis d’abord sonnés s’évertuaient pour une part d’entre eux à relever vaillamment la tête.

    Ils savaient qui étaient les anciens fellaghas et leurs (in)dignes successeurs, et étaient loin de pactiser avec eux ! Leurs « dignes » héritiers aujourd’hui s’intitulent DZ (2) MAFIA !

    Cela chauffait alors ; les S.O.A. (Soldats de l’Opposition Algérienne) s’activaient (bombes contre les représentations consulaires et attentats jusque sur le sol algérien – siège d’EL Moudjahid et tribunaux algériens), les prises d’otages se succédaient en divers points. Mes amis Driss et Brahim ne me disaient pas tout et tout de suite (dans un louable souci certainement de me préserver !).

    Il s’est en particulier produit un début d’incendie de la première mosquée d’Alsace (malencontreusement située en face de la caserne des pompiers !). Une quinzaine d’anciens harkis était dans la confidence et aucun n’a « moufté » privilégiant de loin leur appartenance nationale française sur leur étiquette islamique qui ne leur était pas totalement indifférente !

    Quoi qu’il en soit, mes amis harkis et tout particulièrement Brahim exécrait tout ce qui était algérien de façon ostentatoirement FLN et excluant tout compromis avec les anciens et nouveaux fellaghas !

    Le brave Brahim n’habitait pas très loin de chez moi, à Rouffach, où il subsistait grâce à sa modeste entreprise de peinture avec sa petite famille. Il consacrait beaucoup de son temps libre à faire prospérer une association de défense des Français de confession islamique (à une époque où ce terme était moins connoté qu’aujourd’hui).

    Il fut amené à défendre les intérêts d’un de ses adhérents dont le fils fut retenu bien illégalement en Algérie auprès de ses grands–parents, pour une obscure raison qui appartenait aux barbaresques de là–bas !

    Vive réaction de Brahim auprès des autorités françaises : « J’exige que ce garçon soit libéré immédiatement ». Interpellation de Brahim : « Que feriez–vous si ? »

    Réponse cinglante de l’intéressé : « Vous verrez bien !”.

    Comme de surcroît plusieurs affaires de ce genre se produisirent, mon cher ami de Rouffach obtint gain de cause, d’autant que votre serviteur était en liaison avec ses camarades pieds–noirs qui de leur côté ne restaient pas inactifs.

    Brahim obtint gain de cause sur tous les plans.

    Il n’y a que la fermeté qui paie, ce qu’oublient nos mollassons de responsables politiques, sauf peut–être un certain RETAILLAUD…

    Je me mets à rêver aujourd’hui de prises d’otages (3) dans certaines représentations sur notre territoire français (suivez mon regard) tout particulièrement au cas où des compatriotes feraient l’objet de mesures illégales là où vous savez !

    Hélas ! Je peux toujours rêver…

    Notre pays se grandirait et serait digne de son image noble et multiséculaire s’il s’avisait à défendre et honorer ses compatriotes à la fois les plus méritants et les plus vulnérables : particulièrement les harkis et les Mahorais !

    Les Mahorais sont également musulmans et, pour tous ceux que je connais, modérés.

    Comme ceux de la communauté harkie, ils se revendiquent uniquement français et méritent à ce titre une attention particulière (car comment se « décarcasser » pour des Français douteux – Français pour les papiers et souvent… Algériens par leur arrogance ou leur orgueil).

    Que les islamo–gauchistes, les « wokistes » et les gauchistes de tout poil se cramponnent à leurs perverses certitudes, ils ne perdent rien pour attendre, mais que certaines et certains les rejoignent dans des anathèmes anti–harkis et anti–mahorais dépasse mon entendement et finira par provoquer ma colère!

    Jean–Michel Weissgerber

    RENVOIS :

    1) Anciens et qui sait ? Futurs…

    2) N’oublions pas la signification de DZ–ALGÉRIE.

    3) Les prises d’otages ne devaient constituer qu’un mode opératoire ultime. Encore faudrait–il qu’on commence à se montrer ferme et non à mollir continuellement.

    Source : RIPOSTE LAÏQUE – Avec nos deux amis harkis, Driss et Brahim, Boualem serait déjà libre !

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/12/26/en–algerie–le–president–tebboune–annonce–des–mesures–d–apaisement–et–la–liberation–de–2–471–detenus_6468588_3212.html

    En Algérie, le président Tebboune annonce des mesures d’« apaisement » et la libération de 2 471 détenus

    Mustapha Kessous Publié hier 26 décembre 2024 à 18h45

    Les noms des personnes concernées n’ont pas été précisés, mais cette décision inédite pourrait en théorie bénéficier à l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal, arrêté le 16 novembre.

    image5

    Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a annoncé dans un communiqué, mercredi 25 décembre, « des mesures de grâce présidentielle au profit de 2 471 détenus » et « des mesures d’apaisement » pour « huit détenus [en détention provisoire] dans l’attente des procédures d’enquête et de jugement ». Les noms des personnes concernées et les modalités de ces mesures « d’apaisement » n’ont pas été précisés, mais certains juristes espèrent qu’elles consisteront en l’abandon des poursuites et la libération des détenus. « C’est exceptionnel et inhabituel », indique une source judiciaire.

    Cette décision inédite pourrait en théorie bénéficier à Boualem Sansal.

    Interpellé à l’aéroport d’Alger le 16 novembre alors qu’il arrivait de Paris, l’écrivain franco–algérien de 80 ans est accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national ». L’intellectuel à la santé fragile, selon son avocat, a été transféré dans une unité de soins de l’hôpital Mustapha–Pacha d’Alger. L’arrestation de l’auteur du Village de l’Allemand a suscité un fort émoi en France. En pleine période de tension entre Alger et Paris, l’Elysée s’est dit « très préoccupé ». Sa libération « serait un signal très fort et sans doute la meilleure façon de sortir d’une situation que le temps ne pourra rendre moins douloureuse », déclare au Monde François Zimeray, son avocat.

    Outre ces mesures d’apaisement, des réductions de peine et des « grâces totales » sont prévues pour quatorze individus « condamnés définitivement pour des crimes d’atteinte à l’ordre public ». Là encore, le communiqué de la présidence n’indique pas de nom et ne donne aucun détail.

    En Algérie, ces prisonniers de droit commun sont considérés comme « des victimes, voire des otages d’une parade politico–judiciaire », pointe l’avocat algérien Aïssa Rahmoun, en exil en France et secrétaire général de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) : « C’est la meilleure manière officielle de masquer la qualité de détenu d’opinion. » Ils seraient actuellement au moins 218 dans ce cas, selon le défenseur des droits humains Zaki Hannache, désormais réfugié au Canada et qui documente la répression dans le pays depuis le Hirak, le mouvement de protestation populaire et pacifique de février 2019.

    « Desserrer l’étau »

    Parmi ces détenus d’opinion pourraient se trouver des personnalités comme le général à la retraite Ali Ghediri, candidat à l’élection présidentielle en 2019, l’entrepreneur Nabil Mellah, qui a fait fortune dans l’industrie pharmaceutique, ou encore l’artiste franco–algérienne Djamila Bentouis.

    Avec ces gestes, le chef de l’Etat veut « montrer que l’Algérie n’est pas un Etat répressif », assure l’un de ses proches, Mehdi Ghezzar. « M. Tebboune veut surtout desserrer l’étau après les pressions internationales qu’il a reçues dans l’affaire Sansal et après la vague de mécontentement que les Algériens ont manifesté sur les réseaux sociaux », analyse le militant Saïd Salhi, réfugié en Belgique.

    L’ancien vice–président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) fait référence au hashtag « Manich radi » (« je ne suis pas satisfait », en arabe), qui a fait irruption ces derniers jours sur les réseaux sociaux. En l’utilisant, des Algériens dénoncent le manque de liberté, la répression, mais aussi la situation économique et sociale du pays. Une campagne qualifiée d’« hostile » par plusieurs journaux algériens proches du régime.

    En riposte à ce hashtag, un autre a été lancé – « Ana mâa bladi » (« Je suis avec mon pays ») – et repris par des Algériens pour affirmer leur solidarité avec les institutions de leur pays. « Que personne ne pense que l’Algérie peut être dévorée par un hashtag, nous protégerons ce pays dont le peuple a le sang des martyrs qui coule dans les veines », a même réagi le président Tebboune, mardi, lors d’une rencontre entre le gouvernement et les walis (préfets).

    https://www.lexpress.fr/idees–et–debats/france–algerie–entre–abdelmadjid–tebboune–et–emmanuel–macron–la–rupture–est–consommee–AY62VFHJ25ANXEFPHIZCYYF4FU/

    France – Algérie : "Entre Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, la rupture est consommée"

    Thomas Mahler

    26 décembre 2024

    C’est un énième échec de la politique étrangère d’Emmanuel Macron. Alors que le président français avait fait de la "réconciliation des mémoires" un axe majeur des relations entre la France et l’Algérie, celles–ci sont aujourd’hui plus détériorées que jamais. A l’arrestation de l’écrivain franco–algérien Boualem Sansal le 16 novembre, qui a provoqué l’émoi en France, a succédé une accusation ubuesque contre la DGSE, qui selon la presse algérienne, aurait monté une opération clandestine pour "déstabiliser" l’Algérie. Il faut sans aucun doute y voir les conséquences du revirement d’Emmanuel Macron qui, le 30 juillet, a reconnu la "souveraineté marocaine" sur le Sahara occidental.

    Mélanie Matarese vit depuis quinze ans en Algérie. Après avoir travaillé en tant que journaliste et lancé El Watan Week–end, elle dirige aujourd’hui une entreprise. Dans Comment la France a (encore) perdu l’Algérie (Les Presses de la Cité), elle offre un éclairage passionnant, de l’intérieur, sur comment les relations entre les deux pays ont pu se dégrader à ce point–là. Pour L’Express, elle analyse la crise diplomatique actuelle, qui a atteint un point de non–retour, explique comment Macron "s’est piégé tout seul dans une course à la reconnaissance et aux actes symboliques" et décrypte le fonctionnement et la logique d’un régime algérien de plus en plus isolé sur le plan diplomatique, encore plus si la Chine lui fait faux bond…

    L’Express : Le régime et la presse gouvernementale algériens ont accusé la France d’avoir ourdi, via la DGSE, un complot visant à recruter des terroristes algériens. Ce qui rappelle des accusations précédentes au moment de l’affaire Bouraoui en 2023, ou les attaques ubuesques la même contre les services de renseignement français qui auraient comploté avec le Mossad et le Maroc pour déstabiliser l’Algérie… Un nouveau palier a–t–il été franchi dans la dégradation des relations franco–algérienne ?

    image6

    Mélanie Mataresse : Cette "affaire DGSE" est beaucoup plus préjudiciable à la relation bilatérale qu’elle n’en a l’air car elle ne touche pas seulement le politique. Elle sape un des fondements les plus sacrés de la relation bilatérale : la coopération sécuritaire entre les deux pays.

    Depuis que la grande crise – dans laquelle s’inscrit cet épisode – a éclaté en juillet, à la suite de la reconnaissance par Paris de la marocanité du Sahara occidental, Alger a coupé quasi tous les canaux de communication avec Paris, y compris ceux des services de renseignements. Ces derniers ont très mal vécu cette rupture, d’autant qu’à l’époque, ils comptaient sur leurs partenaires algériens pour échanger afin de prévenir d’éventuels attentats alors que la France recevait les Jeux olympiques.

    Là, apparaît d’ailleurs toute l’incongruité de cette histoire de complot : non seulement Paris et Alger ont toujours été, malgré les crises politiques, unis dans la lutte contre le terrorisme. Mais surtout, on voit bien que la France n’a aucun intérêt à déstabiliser l’Algérie puisqu’elle serait la première à en payer les conséquences. Ces attaques répétées contre les services français causent aussi des dégâts durables à l’intérieur même de la DGSI et de la DGSE, où même les plus fervents défenseurs de l’Algérie soulèvent un problème de confiance.

    Comment expliquez–vous l’arrestation de Boualem Sansal, à l’âge de 80 ans, qui choque profondément en France ?

    L’arrestation de Boualem Sansal choque profondément de ce côté de la Méditerranée puisqu’on la regarde, et c’est normal, à travers un prisme français : c’est une atteinte à la liberté d’expression, on a "embastillé" (le choix du mot est d’ailleurs éclairant) un écrivain, un homme de 80 ans, un libre penseur, etc.

    Pour les autorités algériennes, le prisme est un peu différent. Leur priorité est de gérer deux types de pressions qui pourraient, si elles ne sont pas contenues, réellement déstabiliser le pays. La première est interne. L’Algérie est un très grand pays (quatre fois plus grand que la France), avec une population hétérogène entre le nord et le sud du pays, très jeune (70 % de la population a moins de 40 ans), qui a des besoins importants en logements, emploi, énergie, et qui connaît des dynamiques internes très fortes. Pour les gouvernants, le défi est énorme.

    La seconde est externe. Depuis la chute de Kadhafi, la Libye est une source d’inquiétude permanente. Début août, le fils de Haftar, Saddam Haftar, a lancé une offensive dans les zones de l’ouest et du sud, près de la frontière avec l’Algérie et le Niger, qui a provoqué un regain de tensions diplomatiques entre les deux pays. Les coups d’Etat au Mali et au Niger ont aussi complètement bouleversé les relations avec Alger, Bamako et Niamey rejetant l’arbitrage de leur grand voisin algérien qui lui, craint à juste titre le développement d’un Sahélistan à ses frontières.

    Enfin et surtout, la situation ne cesse de se dégrader entre Alger et Rabat. Pour l’Algérie, il ne fait aucun doute que la normalisation entre le Maroc et Israël, à l’origine de la rupture des relations diplomatiques en 2021, a pour objectif de la déstabiliser. Que cette conviction soit justifiée ou pas, tout dans l’actualité internationale laisse penser qu’à la perte d’influence régionale va s’ajouter un plus grand isolement diplomatique de l’Algérie, surtout si les Etats–Unis de Donald Trump II classent le Front Polisario sur la liste des organisations terroristes, s’il pousse à une seconde vague de normalisation avec Israël (accords Abraham II avec l’appui de l’Arabie saoudite de Mohammed ben Salmane), et surtout si, comme on l’entend de plus en plus fort, la Chine, que l’Algérie croit son alliée, reconnaît à son tour la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    “Abdelmadjid Tebboune est bien le décideur principal”

    Dans cette atmosphère, il y a des sujets qui énervent Alger, notamment ceux liés à l’intégrité de son territoire ou à l’intangibilité de ses frontières. Alors quand un de ses ressortissants, qui a déjà exprimé sa sympathie pour Israël ou qui discute avec des membres du Mouvement pour l’autonomie de la Kabyle (MAK, classé terroriste par Alger), déclare, sur un média d’extrême droite, depuis l’étranger, qu’au moment de la colonisation française, l’ouest algérien était marocain, le pouvoir algérien se sent agressé.

    Vu de France, le régime algérien semble de plus en plus opaque. Qui a aujourd’hui le pouvoir ? Le président Tebboune ? Le puissant général Saïd Chengriha ? La bureaucratie ?

    Vu de France, c’est toute l’Algérie qui est opaque. C’est même un "trou noir". Et pour cause, les informations les plus accessibles sont celles émises par les médias officiels, les réseaux sociaux et des opposants offshore aux motivations souvent douteuses. Pour ne rien arranger, toutes ces informations sont lues à travers des poncifs largement instrumentalisés par une partie de la classe politique française, aussi bien une gauche paternaliste qu’une droite et une extrême droite "nostalgérique", qui décrivent l’Algérie comme une sorte d’Afghanistan en devenir, une société statique et monolithique engluée dans l’islamisme et dirigée par des militaires moustachus qui agitent une marionnette de président. Le cliché absolu.

    L’autre biais reste la difficulté d’accès de chercheurs, journalistes, etc., au terrain algérien, faute de visas : cela renforce l’image de la terra incognita qui impose, au–delà de la complexité de la situation algérienne, cette idée d’"opacité". Ceci dit, les témoignages des Algériens, en contact direct avec les autorités civiles et militaires, rapportent tous une même constante : Abdelmadjid Tebboune est bien le décideur principal, ce qui ne l’empêche pas d’échanger avec les militaires sans qu’il y ait nécessairement un rapport de subordination.

    Si le fonctionnement du système algérien – plasma où présidence, décideurs militaires, services de renseignements et puissante administration centrale, circulent dans un mouvement constant et un peu chaotique générant des décisions – est devenu plus opaque depuis 2019, c’est parce qu’il n’a pas fini de stabiliser la machine après le gros bouleversement qu’a été le Hirak qui a profondément secoué le système en redistribuant les cartes après vingt ans du règne Bouteflika.

    Ce dernier avait imposé une prédominance, illusoire, d’une "façade" civile face aux militaires et à l’État profond (notamment les services de renseignement et l’administration). Depuis 2019, les données changent, assez rapidement. Il faudrait un effort analytique, loin des poncifs cités plus haut, pour appréhender la complexité rationnelle des équilibres des pouvoirs en Algérie.

    A vous lire, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron avaient pourtant bien plus d’affinités personnelles que par exemple Macron avec le roi du Maroc Mohammed VI. Pourquoi ?

    Emmanuel Macron avait vraiment envie de parier sur Abdelmadjid Tebboune. Sans doute un peu par opportunisme. Le chef de l’Etat français a une conscience aiguë du "trauma Algérie" en France et rêve d’une grande réconciliation entre Français (il a fait de la mémoire refoulée de la guerre d’Algérie est un des terreaux du séparatisme) mais aussi entre Paris et Alger.

    Sans doute aussi parce que le président algérien est un interlocuteur idéal pour la France : l fait partie d’une génération qui n’a pas fait la guerre de libération mais est formé par le cumul historique de cette période. C’est le premier président algérien depuis 1962 à ne pas être un moudjahid (combattant de l’Armée de libération nationale, bras armé du FLN 1954–1962), tout en ayant un père érudit nationaliste qui a été persécuté par l’administration coloniale de l’époque.

    Tebboune est un raconteur intarissable d’anecdotes et d’histoires sur la France et l’Algérie, il a le sens de la répartie. Comme je l’explique dans le livre, sur le papier, le casting était parfait. Les deux hommes ont en commun un franc–parler, ils méprisent les éléments de langage, assument leurs dérapages et leur franchise. Abdelmadjid Tebboune est, enfin, un partenaire moins problématique que Mohammed VI : le pouvoir algérien n’a jamais espionné Emmanuel Macron en utilisant un logiciel espion israélien et sa famille ne déboule pas à Paris en semant la pagaille dans les hôtels.

    Emmanuel Macron a fait de la mémoire un axe majeur de sa tentative de réconciliation avec l’Algérie, reconnaissant que le dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été torturé et assassiné par l’armée française, ou se recueillant aux côtés des failles des victimes du massacre du 17 octobre 1961. S’est–il fourvoyé dans cette voie ?

    Emmanuel Macron s’est acharné à faire de la mémoire un thème central de la réconciliation. En France, l’enjeu de la réconciliation des communautés mémorielles (pieds–noirs, appelés et harkis notamment) ne présentait pas de risque politique majeur pour lui. En revanche, instrumentaliser l’histoire à des fins diplomatiques, qui plus est avec l’Algérie, présentait un risque énorme.

    En conditionnant la relation bilatérale à une question qui ne se réglera jamais, le président Macron s’est piégé tout seul dans une course à la reconnaissance et aux actes symboliques a pour conséquence de faire s’éterniser la douleur, pas de la régler. Parce qu’il a entraîné contre leur gré les autorités algériennes dans un process trop lourd pour elles. Il est aujourd’hui compliqué en Algérie de mener un travail sur la réconciliation alors que les universitaires ont difficilement accès aux archives nationales ou qu’ils sont confrontés à des entraves bureaucratiques.

    Résultat, le piège s’est refermé sur Emmanuel Macron. Reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, figure de la révolution algérienne, était une initiative très forte, surtout à l’occasion du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance. Sauf que ce geste est arrivé quelques jours après le discours du président devant le Parlement marocain à Rabat, où il a réitéré que "le présent et l’avenir" du Sahara occidental "s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine" et assuré que la France investirait au Sahara occidental. Si ce n’était pas voulu, l’épisode "Larbi Ben M’hidi" a été perçu comme une humiliante compensation à Alger.

    D’un point de vue purement stratégique, économique et géopolitique, la France n’a–t–elle pas tout intérêt à "jouer" le Maroc, comme l’ont fait les Etats–Unis, l’Espagne ou l’Allemagne, plutôt que l’Algérie, qui a accentué sa coopération avec la Russie ? Le premier s’est clairement rangé dans le camp occidental, offre un cadre bien plus rassurant et attractif pour les entreprises et entretient bien moins de rancœur mémorielle par rapport à l’histoire coloniale…

    Les échanges commerciaux entre la France et le Maroc progressent chaque année, la France a retrouvé en 2022 son deuxième rang de fournisseur devant la Chine, elle reste le principal pourvoyeur de devises du Royaume, son premier investisseur étranger et le premier pays d’origine des transferts de la diaspora marocaine et des recettes touristiques. L’argument économique se tient donc évidemment.

    “Dans quelques années, en Algérie, le français ne sera pratiqué que par une partie de l’élite intellectuelle”

    Mais la France ne peut pas oublier qu’elle compte sur son territoire un peu plus de deux millions d’Algériens et de Franco–Algériens. La France peut–elle aussi se passer de bonnes relations avec le plus grand pays du Maghreb, qui, malgré une susceptibilité diplomatique, est amené à jouer, de fait, un rôle régional important dans la lutte contre le terrorisme ou la migration clandestine ?

    Si le régime algérien a trouvé dans la France une cible facile pour détourner l’attention de ses échecs, la droite et l’extrême droite françaises ont aussi selon vous trouvé dans l’Algérie "une cible commode pour justifier des politiques anti–immigration". Se focalise–t–on trop sur cette immigration algérienne ?

    Bien trop. L’immigré algérien est brandi comme le responsable de tous les maux de la France. Il est vrai qu’en ce moment, un certain nombre d’Algériens notamment diplômés, parce qu’ils ne trouvent pas de travail en Algérie, cherchent à gagner la France. Ces périodes d’exode, on le voit à travers l’histoire, sont conjoncturelles. Si vous demandez, dans la rue, à un Algérien, s’il préfère partir en Europe ou rester chez lui, il vous répondra invariablement qu’il préfère vivre dans son pays.

    Le problème, c’est qu’aujourd’hui, l’Algérie suscite une grande fatigue dans la classe politique française, à droite comme à gauche. Puisqu’il est devenu difficile de la défendre, l’extrême droite a un boulevard pour raconter tout et n’importe quoi. À l’image de Sarah Knafo qui peut tranquillement déclarer que la France donne 800 millions d’euros d’aide à l’Algérie chaque année. En réalité, cette somme a été distribuée sur cinq ans, et il ne s’agit pas d’argent pour l’aide au développement mais de différentes bourses attribuées aux étudiants algériens.

    Autre exemple : la droite et l’extrême droite ont fait de l’accord de 1968 une obsession et réclament sa révision au prétexte qu’il serait trop favorable aux Algériens. En pratique, dans beaucoup d’aspects (accès à l’emploi des étudiants algériens), le texte leur est plus défavorable que le droit commun.

    Vous suggérez que le rejet de la France en Algérie, et plus globalement au Sahel, est alimenté par le sentiment d’un déclin français et d’une perte d’influence sur la scène internationale. Vraiment ?

    Essentiellement. Ce déclin, nettement perceptible quand on est à l’étranger, au Liban comme au Sénégal, pas seulement en Algérie, a commencé il y a quelques années déjà. Sur le continent africain, une nouvelle génération et de nouvelles élites ont émergé, particulièrement critiques à l’égard de la politique étrangère française, accusant Paris d’avoir soutenu des régimes autoritaires au nom de ses intérêts économiques, dénonçant une relation déséquilibrée, désireuses de rompre avec l’héritage colonial, réclamant davantage d’indépendance politique et économique.

    La France officielle semble ne pas avoir mesuré les conséquences de cette remise en question. En tout cas, elle est restée impuissante face à de nouvelles dynamiques et de nouvelles revendications souverainistes. Elle n’a pas compris que ses interventions militaires, en particulier en Libye en 2011, ont causé une profonde rupture avec les gouvernants et les populations. Elle n’a pas entendu les voix qui lui soufflaient que les opérations Barkhane/Serval seules – sans développement économique, sans implication de Bamako, sans des "politiques intégrantes" comme demandé à l’époque par Alger… – seraient inopérantes au Sahel pour endiguer les groupes islamistes armés.

    Dans le même temps, alors même que son attractivité économique baissait, elle n’a cultivé ni son hard, ni son soft power face à l’arrivée, sur ses terres d’influence, de puissances concurrentes redoutables comme la Chine, la Russie, la Turquie. Ou encore les pays du Golfe dont on donne par moments l’impression d’être les vassaux.

    Le français est en net recul en Algérie, le régime pousse l’anglais en primaire et les écoles françaises sont selon vous fréquentées plus par pragmatisme que par amour de la langue. Notre langue est–elle condamnée en Algérie ?

    Dans quelques années, le français ne sera pratiqué que par une partie de l’élite intellectuelle, et dans les quartiers les plus luxueux de la capitale. L’élite politique a fait le choix de l’arabe et l’élite économique, tournée vers le Moyen–Orient, a, elle, déjà fait le choix de l’anglais, mondialisation et facilité de visas vers le Golfe obligent. Dans le secteur privé, les moins de 30 ans parlent dans une novlangue, mélange de derja (dialecte algérien) et d’anglais.

    Ce recul est à mettre sur le compte de la chasse au français menée par Alger. Le français est en principe inscrit au programme en troisième année de primaire (l’équivalent du CE2). Mais face à la raréfaction des instituteurs formés à une telle mission, il a progressivement disparu des emplois du temps. En même temps, depuis 2022, l’anglais est devenu obligatoire au même âge. À l’université, certains profs dans certaines matières, notamment scientifiques, font de la résistance pour ne pas enseigner en anglais, mais sous la poussée des nouvelles générations qui ne seront formées qu’à l’anglais, le glissement va inévitablement s’opérer.

    Mais le déclin du français est aussi à imputer à la prise en compte tardive, par la France, de la culture et de la langue comme outils de soft power dans une feuille de route diplomatique. Pendant que la diplomatie française se gargarisait de voir autant d’Algériens s’inscrire en cours de français, attirés par ce qui était pour elle "l’amour de la langue française", elle n’entendait pas ces mêmes jeunes rire du français, langue "de Victor Hugo" (comprendre : désuet) et "des romans d’amour". Pendant que toutes ces années, ses cinq (!) instituts français en Algérie se flattaient d’une programmation de spectacles de danse, de conférences et de pièces de théâtre complètement hors sol.

    Que devraient selon vous faire les autorités françaises pour éviter que les relations entre les deux pays se dégradent totalement ?

    Dans les milieux les mieux informés à Alger, il se murmure que la rupture est consommée entre les deux présidents. Abdelmadjid Tebboune aurait vécu l’alignement Paris–Rabat comme une trahison. Un casus belli. Que la relation bilatérale se trouve aujourd’hui hypothéquée par Emmanuel Macron alors qu’il cherche depuis le début, malgré des maladresses, à favoriser Alger, est un triste retournement. Mais cela dit une chose essentielle : l’axe Paris–Alger ne doit pas être otage de la bonne entente entre deux hommes. Il doit se construire sur des partenariats sécuritaires, économiques, culturels solides, portés par des administrations conditionnées pour résister aux aléas politiques.

    Il faut sortir des logiques personnelles pour reconstruire les mécanismes mis en place sous François Hollande, fixant un cadre pour les consultations politiques, comparable à ce qui avait été fait entre la France et l’Allemagne. Ce sont ces réunions régulières qui permettent de se dire les choses, de désamorcer les tensions avant qu’elles deviennent ingérables, et au pire de trouver des solutions aux crises. Avant cela, Paris – car c’est Paris, qui en choisissant la solution marocaine, en pleine connaissance de cause des conséquences, est responsable de la crise actuelle – doit se montrer proactif en proposant un plan de sortie de crise. Cela prendra du temps, mais en mobilisant les bonnes personnes à un niveau institutionnel (l’envoi d’un émissaire neutre, un plan déjà éprouvé), appuyées par les réseaux informels de la relation bilatérale, d’ici à quelques mois, il est possible de renouer le dialogue.

    https://mondafrique.com/a–la–une/la–grave–crise–diplomatique–entre–paris–et–alger/

    La grave crise diplomatique entre Paris et Alger

    La redaction de Mondafrique

    26 décembre 2024

    image7

    Le documentaire de deux chaînes publiques algériennes  qui accuse directement les services extérieurs français de graves ingérences en Algérie surviennent dans un contexte de relations tendues entre l’Algérie et la France. Les dernières années ont été marquées par des différends sur des questions historiques (notamment la colonisation), migratoires, et géopolitiques. L’Algérie, cherchant à affirmer son indépendance politique, a dénoncé à plusieurs reprises ce qu’elle perçoit comme une ingérence française dans ses affaires internes.

    Les premiers signes (2013–2021)

    La crise trouve ses origines dans la restructuration des services de renseignement algériens en 2013. Cette réforme entraîne le départ de figures historiques, notamment en 2015 celui le chef emblématique des services, le général Toufik, en poste depuis 25 ans et toujours présent dans les coulisses du pouvoir algérien après une sévère peine de prison qu’il n’a exécuté que très partielleemnt. Ce bouleversement affaiblit la centralité et la coordination au sein des services algériens, affectant leur capacité à gérer des dossiers complexes, notamment dans le Sahel.

    La période entre 2019 et 2021 est marquée par un turn–over accéléré parmi les responsables des trois principaux services de renseignement (renseignement militaire, services extérieurs, contre espionnage). Ces changements nuisent à la stabilité des institutions sécuritaires et à leur capacité d’anticipation dans un contexte de bouleversements géostratégiques liés à la montée du terrorisme, à l’alliance du Maroc avec les Émiratis et les Israéliens ainsi que des rivalités étrangères au Sahel qui voient la Turquie et la Russie sortir du bois.

    La dégradation des relations bilatérales (2013–2022)

    La dissolution du CEMOG, un comité d’état–major opérationnel conjoint établi en 2010 à Tamanrasset, marque une rupture majeure souvent sous estimée. Cette dissolution résulte de l’intervention française au Mali en 2013 (opération Serval), perçue par les services comme une manœuvre unilatérale orchestrée par la DGSE même si le président français d’alors, François Hollande, avait obtenu un feu orange du Président Bouteflika en faveur de cette intervention. Depuis, les services français et algériens se livrent une guerre feutrée, multipliant les opérations de représailles. 

    Bien que les deux pays aient maintenu des coopérations sécuritaires historiques et qu’Emmanuel Macron, parvenu au pouvoir en 2017, ait tenté une alliance privilégiée avec le Président tebboune, élu à la fin de 2019, les tensions n’ont jmaias cessé. La méfiance des services français à l’égard de leurs homologues algériens est renforcée par l’absence de centralisation dans la prise de décisions en Algérie. De leur côté, les services algériens facilitent l’accès des mercenaires russes de Wagner au nord du Mali, une réponse implicite aux opérations françaises dans la région.

    La montée des tensions (2022–2023)

    Le 23 janvier 2023, le chef d’état–major algérien effectue une visite à Paris, la première en 17 ans. Ce déplacement, présenté comme une tentative de rapprochement, est la première en 17 ans d’un patron de l’armée algérienne. L’Algérie est sur le point d’augmenter son budget militaire de 130%, d’après l’avant–projet de loi de finances dont Mondafrique a une copie. Une façon de financer son ambition de rester un acteur de premier plan au Sahel, qui devrait être au coeur des discussions entre le général Chengriha et les Français Le budget du département de la Défense passera d’environ dix milliards de dollars, un niveau qu’il n’a pas dépassé depuis au moins huit ans, à 22,6 milliards de dollars, un montant jamais égalé depuis l’indépendance du pays et équivalent au budget de l’Etat tunisien, tout en étant le plus élevé d’Afrique.

    Cette visite qui ne fera pas date malgré une rencontre entre le patron de l’armée algérienne et Emmanuel Macron ne provoquera aucun réchauffement de la relation bilatérlae, bien au contraire.

    Un epu plus d’un an plus tar, la reconnaissance officielle par la France du plan marocain pour le Sahara occidental en juillet 2022 surprend Alger. Cette position est considérée comme une trahison par le régime algérien, qui voit en elle un alignement sur les intérêts marocains au détriment de ses propres revendications.

    Ce n’est pas tout. Amira Bouraoui, militante algérienne, figure connue du Hirak (le mouvement populaire de contestation en Algérie), a été au centre d’un incident diplomatique majeur entre Paris et Alger en février 2022. Recherchée par les autorités algériennes pour ses critiques ouvertes du régime, elle se réfugie en Tunisie pour éviter une condamnation judiciaire en Algérie.

    Alors que Bouraoui était sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire tunisien, elle est exfiltrée vers la France par des réseaux diplomatiques français. L’opération, orchestrée de manière discrète, est perçue par Alger comme une violation flagrante de sa souveraineté et une ingérence dans ses affaires internes.

    L’Algérie réagit violemment à cet incident, accusant la France d’avoir organisé cette fuite et de protéger une personne considérée comme « hostile à l’État algérien ».

    En représailles, Alger rappelle son ambassadeur à Paris, marquant une nouvelle escalade dans les tensions bilatérales.

    Du côté français, la décision est justifiée comme une mesure humanitaire, mais elle met en lumière les désaccords profonds sur les questions de droits de l’Homme et de souveraineté.

    Le soutien à des groupes dissidents

    L’Algérie accuse régulièrement la France de soutenir ou d’héberger des opposants politiques et des groupes dissidents, notamment des militants berbéristes et des figures du Hirak. Ces accusations s’inscrivent dans un contexte où le régime algérien perçoit toute opposition organisée à l’étranger comme une menace existentielle. La France, en tant que destination privilégiée de nombreux exilés politiques algériens, est souvent pointée du doigt pour offrir une tribune à ces opposants.

    Les rassemblements hebdomadaires, place de la République à Paris ou ailleurs, les scores de participation de la disapora aux différents scrutins inférieurs à 10%, voire moins, ou encore l’audience auprès d’une fraction de l’émigration kabyle du mouvement du MAK (indépendantiste) témoignent d’un malaise général des Algériens émigrés qui ont majoritairement basculé dans l’opposition. Les vagues projets à l’époque du ministre des Affaires étrangères de Bouteflika de créer une banque de l’émigration pour restaurer un lien de confiance entre la communauté algérienne et Alger, sont totalement décalés. 

    La surprise pendant la mobilisation populaire du Hirak après 2018, la voici: les services algériens changent désormais de braquet et menacent de mort certains opposants réfugiés à l’étranger particulièrement populaires sur les réseaux sociaux. Leur choix porte de préférence sur les stars islamistes du Net. L’espoir du pouvoir algérien aura été de convaincre ses interlocuteurs occidentaux, notamment à Paris, qu’il reste le seul rempart contre le péril intégriste. Cette position avait particulièrement bien fonctionné durant les années noires entre 1992 et 1998 où la répression violente des militaires algériens contre le Front Islamique de Salut (FIS) n’a guère provoqué de réactions de la part des gouvernements français et européens.

    La crise ouverte (décembre 2023)

    Le 7 décembre, deux chaînes publiques algériennes ont diffusé un documentaire qui accuse directement les services extérieurs français d’ingérences en Algérie. Ce documentaire présente un récit structuré autour de plusieurs accusations, dont une particulièrement grave : celle d’une tentative de recrutement de jihadistes par les services français pour déstabiliser l’Algérie. Les chaînes algériennes affirment que les services de renseignement français auraient orchestré des actions visant à interférer dans les affaires intérieures algériennes. Cette ingérence prendrait la forme d’opérations clandestines destinées à affaiblir la stabilité politique et sociale du pays.

    Selon le documentaire, les services français auraient tenté de recruter des individus à tendance extrémiste, notamment des jihadistes, pour inciter des troubles en Algérie. Cette allégation suggère que la France chercherait à utiliser des réseaux clandestins pour provoquer une situation de crise dans le pays. Les auteurs du documentaire présentent ces actions comme faisant partie d’une stratégie globale visant à affaiblir les institutions algériennes, notamment dans le contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Alger et Paris.

    Ces accusations pourraient renforcer le discours officiel du gouvernement algérien visant à unir la population autour de la lutte contre les « ingérences étrangères ». Cela peut aussi servir à légitimer des actions internes, notamment contre des opposants politiques ou des groupes accusés de collusion avec des puissances étrangères.  Paris pourrait nier ces accusations et appeler au dialogue diplomatique pour désamorcer les tensions. La France pourrait également considérer ces allégations comme une tentative de détourner l’attention de problèmes internes en Algérie.

    Si ces accusations étaient prises au sérieux, elles pourraient avoir des répercussions sur la coopération régionale dans la lutte contre le terrorisme et la stabilité en Afrique du Nord. Elles risquent aussi de compliquer davantage les efforts de médiation et de rapprochement entre Alger et Paris.

    Cette situation illustre les tensions latentes entre les deux pays, enracinées dans une histoire coloniale complexe et dans des divergences actuelles sur des questions stratégiques.

    Les implications stratégiques

    Le poste d’ambassadeur à Alger est stratégique pour la politique extérieure française, notamment en Afrique du Nord. Plusieurs ambassadeurs, comme Bernard Bajolet et Xavier Driencourt, ont été directement impliqués dans les relations sécuritaires bilatérales. Cependant, leur passage est souvent marqué par des tensions, reflétées dans des écrits critiques, comme ceux de Driencourt.

    Le pouvoir algérien, conscient de la fracture entre les dirigeants et le peuple, utilise des campagnes médiatiques pour mobiliser le nationalisme. Le documentaire diffusé en décembre 2023 vise à renforcer l’unité nationale tout en détournant l’attention des difficultés internes, comme l’émigration croissante des jeunes.

    Un avenir incertain

    La crise entre Alger et Paris reflète des divergences profondes sur des questions stratégiques, mémorielles et sécuritaires. Si des tentatives de rapprochement existent, elles sont systématiquement compromises par des tensions historiques et des rivalités d’intérêt. L’avenir des relations bilatérales reste conditionné à une volonté mutuelle de dépasser ces conflits latents.

    https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/capture–d–ecrans/capture–d–ecrans–du–jeudi–26–decembre–2024–7528358

    "Etre noir à l'Opéra" : la diversité à petit pas...

    Publié le jeudi 26 décembre 2024

    Les parcours du danseur étoile Guillaume Diop et la contrebassiste Sulivan Loiseau montrent à quel point la diversité est un sujet sensible au sein de l'Opéra. Un excellent documentaire qui a le mérite de poser les bonnes questions. Á voir sur arte.tv.

    11 mars 2023, à l'issue de la représentation de "Giselle", à Séoul, et pour la première fois de son histoire, l’Opéra de Paris nomme un jeune homme noir danseur étoile. Guillaume Diop a alors 23 ans. De ce titre, il en tire une grande fierté, mais aussi une immense responsabilité. Lui qui a manqué de modèle au cours de son apprentissage, mesure à quel point il devient un symbole pour les tout jeunes danseurs, et danseuses, qui rêvent d'entrer à l'Opéra. "Je viens d'avoir 23 ans. Il faut déjà que je me connaisse, moi. Que je me représente, moi, avant de représenter les autres. Et là, il faut que je fasse les deux en même temps, c'est compliqué".

    Dans cet excellent documentaire de Virginie Plaut et Youcef Khemane, Guillaume Diop se livre, raconte ce sentiment d’illégitimité qui le pousse à travailler toujours plus et la violence des mots assénés.

    Manifeste de 2020

    "Nègre. Singe. Vous n'êtes pas des vrais noirs. C'est vous qui avez décidé de faire un sport de blanc..." Voici le florilège des mots entendus après la publication d’un manifeste que Guillaume Diop a co–écrit en 2020, dans le sillage de l’affaire George Floyd. Un texte contre les discriminations raciales à l’Opéra de Paris, signé par 400 personnes.

    "C'était hyper violent, raconte le jeune homme. Je n'avais que 20 ans et je ne voyais pas le mal dans cette démarche. En fait, je me suis tellement senti "plus moi" après avoir fait ce manifeste – je pense que cela s'est ressenti même dans ma façon d'aborder la danse, et dans la vie en générale – que je n'ai pas regretté !". Résolument positif, le danseur voit peu à peu l’institution se poser des questions.

    image8

    Remises en question...

    Le documentaire nous emmène ainsi dans les réunions du comité consultatif diversité de l’Opéra. Séquences sans commentaire qui ne manqueront pas d’en provoquer chez les téléspectateurs et téléspectatrices. Car l’Opéra semble figé dans une temporalité d’un autre siècle. Mais, admettons, les choses bougent. Un tout petit peu. Au sein de l’orchestre, une jeune femme noire a fait son entrée : Sulivan Loiseau, contrebassiste, une pionnière, dixit une de ses amies.

    Elle le sait et le reconnaît même si elle n'a jamais cherché à être cette figure tutélaire. "Tu sais que les seuls gens qui te ressemblent, ce sont ceux de l'administration, du ménage ou de la cantine. Y'en a qui ont témoigné, qui m'ont dit "ça fait plaisir de voir quelqu'un qui fait ça. Tiens bon". Ca, c'est cool quand même" concède–t–elle au cours d'une conversation avec une amie.

    Etre noir à l’Opéra de Paris, ce n’est pas seulement une histoire de personnalités

    C’est aussi la nécessité de changer un regard, et de redéfinir le répertoire. La question est : comment remettre en cause les codes esthétiques de l’opéra ? En arrêtant, par exemple, d’utiliser du maquillage pour exagérer les traits des personnes racisées – pas de « Black face » pour utiliser un anglicisme – en oubliant aussi les collants de couleur chair conçus uniquement pour les peaux blanches… Et en acceptant qu’un danseur noir porte des tresses. Guillaume Diop, au côté de sa coiffeuse Nadine, l'exprime très bien : "A chaque fois que tu fais quelque chose de nouveau, ce n'est jamais évident. Je suis juste hyper content, et de pouvoir porter mes tresses demain pendant le ballet. C'est important, la représentation, elle passe par là aussi. De voir que, oui je suis danseur étoile, mais je ne suis pas en train de me lisser les cheveux pour faire les rôles à l'Opéra".

    Un documentaire qui a le mérite de poser les bonnes questions et d’ouvrir le débat. Pour les réponses, il va sans doute falloir encore attendre.

    Le documentaire "Être noir à l’opéra" est disponible, gratuitement, sur la plateforme arte.tv

    https://greatyassine.com/depots–sauvages–ordures–menageres–algerie–colonisation–francaise/

    Les dépôts sauvages d’ordures ménagères en Algérie : Héritage de la colonisation française ?

    Déc 26, 2024 parYassine dans Algérie

    Les dépôts sauvages d’ordures ménagères sont devenus un vrai problème en Algérie. Mais au–delà de l’aspect environnemental, il y a une question importante : est–ce que ce comportement pourrait trouver ses racines dans la colonisation française ? Quand on regarde l’histoire, on comprend que la colonisation a laissé des séquelles profondes, et ce manque de respect pour l’espace public pourrait bien en faire partie.

    image9

    Avant la colonisation : une société structurée et respectueuse

    Avant 1830, les Algériens avaient un mode de vie communautaire où l’espace public était une responsabilité collective. Dans les villages et les quartiers comme la Casbah d’Alger, l’ordre et l’hygiène étaient gérés par les habitants eux–mêmes. Chacun se sentait concerné, car ces espaces faisaient partie de leur quotidien et de leur identité.

    Mais avec l’arrivée des Français, tout a changé. Les colons ont imposé une gestion centralisée qui servait uniquement leurs propres intérêts. Les Algériens, eux, étaient relégués en périphérie, dans des zones négligées, sans infrastructures adaptées. Cette exclusion a brisé le lien entre les habitants et leurs espaces de vie, créant une distance psychologique qui, aujourd’hui encore, peut se ressentir dans certains comportements.

    Une marginalisation qui a marqué les mentalités

    Durant la colonisation, les Algériens étaient considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Ils n’avaient aucun pouvoir sur leur territoire, ni sur la manière dont il était géré. Les grandes villes étaient réservées aux colons, tandis que les Algériens vivaient dans des quartiers souvent insalubres. Cette marginalisation a fait perdre à beaucoup le sens de la responsabilité collective envers l’espace public, un comportement qui a pu se transmettre de génération en génération.

    image10

    Marseille été 1962 retour des Français d’Algérie en métropole – colorisation RPweb

    Après l’indépendance : un héritage difficile à effacer

    Avec l’indépendance, on aurait pu s’attendre à un renouveau. Mais le système colonial avait laissé un vide. L’éducation sur l’environnement et les politiques de gestion des déchets n’ont pas été prioritaires. Résultat : l’espace public reste, pour beaucoup, un lieu qui n’appartient à personne, et donc que personne ne se sent obligé de préserver.

    Quand on voit des ordures s’accumuler dans des endroits qui pourraient être beaux et propres, on ne peut pas s’empêcher de penser à cette rupture historique. Ce désintérêt pour l’environnement, ce manque de sentiment d’appartenance aux lieux publics, ce ‘est pas juste une question de négligence actuelle. C’est aussi une conséquence de l’oppression et de l’exclusion imposées par les colons.

    Reprendre le contrôle de l’espace public

    Pour changer les choses, il faut reconnecter les Algériens à leur environnement. Ça passe par l’éducation, des campagnes de sensibilisation, mais aussi une valorisation de nos pratiques traditionnelles. Nos ancêtres savaient gérer leurs espaces communs ; il est temps de retrouver cet esprit collectif et de tourner la page d’un passé colonial qui a laissé tant de dégâts.

    Pour conclure, dire que les dépôts sauvages en Algérie sont uniquement un problème contemporain serait ignorer une partie de l’histoire. La colonisation française n’a pas seulement exploité les ressources de l’Algérie ; elle a aussi détruit le lien entre les Algériens et leur territoire. Comprendre cet héritage, c’est le premier pas pour reconstruire un rapport sain et respectueux à notre environnement.

    Hors sujet

    Le matin d’Algérie

    https://lematindalgerie.com/le–mali–supprime–les–noms–de–rues–et–de–places–faisant–reference–a–la–france–et–a–la–cedeao/

    Le Mali supprime les noms de rues et de places faisant référence à la France et à la CEDEAO

    La Rédaction

    26 décembre 2024

    La junte au pouvoir a décidé le remplacement des noms français de rues et places de la capitale Bamako par ceux de figures historiques nationales ou africaines.

    Les autorités de la transition malienne ont décidé de remplacer les noms des avenues et des places héritées de la colonisation française et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) par des noms de figures historiques nationales et africaines.

    image11

    C’est ce qui ressort d’un décret présidentiel en date du 13 décembre courant qui a officialisé le changement de nom de nombreuses voies, places et établissements publics à Bamako.

    Cette initiative vise, selon les autorités de la transition, à honorer des figures nationales et africaines et à marquer une nouvelle ère.

    Quelque 11 boulevards, 15 avenues, 5 rues, une place publique et 3 établissements publics ont été rebaptisés aux noms de héros nationaux et personnalités qui se sont distingués par leurs bonnes œuvres et des références historiques du continent.

    Ainsi, l’avenue CEDEAO devient l’avenue de l’AES (Alliance des États du Sahel), la place du sommet Afrique–France est rebaptisée place de la Confédération des États du Sahel.

    L’avenue Joost Van Vollenhoven est renommée l’avenue du Général Moussa Traoré. La rue Faidherbe est rebaptisée rue Mamadou Lamine Dramé.

    Au total, dans la capitale, ce sont près de vingt–cinq lieux, boulevards, avenues, rues, places publiques, établissements publics, qui ont été rebaptisés.

    Prenant la parole devant les officiels et invités, le Premier ministre malien, le général Abdoulaye Maïga, a rappelé que c’était un acte de souveraineté que posait, encore une fois, son pays. Et comme pour reconfirmer la rupture avec l’organisation régionale et l’ancrage du Mali au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), la célèbre avenue de Bamako, l’avenue de la Cédéao, change de nom et devient l’avenue de l’AES.

    Depuis le coup d’État du 18 août 2020 contre feu Ibrahim Boubacar Keita, le Mali s’est inscrit dans une démarche de rupture avec la France, une rupture qui s’est illustrée à travers la dénonciation des accords de défense, le retrait des forces françaises Barkhane, la fermeture de l’ambassade de France au Mali, la fermeture des ONGs françaises, entre autres.

    https://www.algerie360.com/constructions–inachevees–en–algerie–tebboune–lance–un–dernier–avertissement/

    Constructions inachevées en Algérie : Tebboune lance un DERNIER avertissement !

    Lynda A

    26 décembre 2024

    Entre constructions inachevées, bâtisses non conformes et façades en briques hideuses, un véritable chaos gangrène le paysage urbain en Algérie, créant un effet de fragmentation visuelle. Ces maisons, parfois habitées à l’intérieur, mais laissées avec des façades brutes, illustrent un urbanisme anarchique qui persiste depuis plusieurs années. Désormais, l’État décide de passer à l’action !

    Lors du récent Conseil du gouvernement, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a soulevé ce phénomène qui ne cesse de gagner du terrain en Algérie. Affirmant :« Je tiens à souligner, avec insistance, l’urgence de s’attaquer à ce fléau des bâtisses non achevées. Imaginez des maisons où l’intérieur est habité, meublé, parfois même chaleureux, tandis que l’extérieur reste figé dans une éternité de briques nues ». Il s’est alors interrogé : « On se pose la question de savoir pourquoi ? ».

    À ce titre, les autorités lancent un dernier appel et prévoient des mesures strictes pour mettre fin à ce fléau. Tout en indiquant que l’État interviendrait, à la charge des propriétaires, si ces derniers ne finissent pas leurs constructions.

    image12

    Archive RPweb

    Constructions non terminées en Algérie : l’État durcit le ton contre les propriétaires

    En effet, depuis la loi de 2008 sur l’achèvement des constructions, les autorités ont accordé plusieurs délais de grâce aux propriétaires. Leur permettant de finaliser leurs projets et/ou qu’ils se mettent en conformité avec les normes administratives. Mais sans succès notable.

    L’anarchie architecturale qui règne sur les quartiers des grandes villes algériennes crée un environnement dégradé et peu accueillant. Cette situation reflète un défi majeur pour la gestion urbaine, mettant en lumière le besoin urgent de réguler et d’organiser le développement de l’urbanisme en Algérie.

    Les autorités passent à l’action pour résoudre ce problème en renforçant la régulation des projets immobiliers et en assurant un développement urbain plus cohérent et respectueux des standards architecturaux du pays. D’ailleurs, une feuille de route devrait être présentée lors des prochaines réunions gouvernementales. Afin de mettre un cadre législatif strict.

    Lors de la réunion, le président Tebboune a souligné qu’il est « impératif de convaincre les concitoyens de terminer leurs constructions, de donner un visage complet à leurs habitations. Sinon, l’État n’aura d’autre choix que de prendre le relais… et ce sera, bien sûr, aux frais des propriétaires ».

    https://www.lejdd.fr/societe/elles–ont–toujours–existe–dans–notre–region–la–mairie–rn–de–beaucaire–refuse–de–retirer–sa–creche–de–noel–153265

    «Elles ont toujours existé dans notre région» : la mairie RN de Beaucaire refuse de retirer sa crèche de Noël

    Kévin Tanguy

    26/12/2024 à 17:46

    Alors que le tribunal administratif de Nîmes a ordonné à la municipalité du Gard de retirer sa crèche, le maire refuse d'appliquer la décision de justice. Nelson Chaudon est prêt à payer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard car il souhaite défendre « les traditions locales ».

    image13

    Crèche de Noël (image d'illustration). © Serge Tenani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

    Le maire de Beaucaire persiste et signe. La municipalité Rassemblement national a annoncé maintenir sa crèche malgré la décision de justice. C'est la Ligue des droits de l’Homme qui a attaqué en justice la ville afin de la contraindre de retirer ce symbole religieux au nom du principe de laïcité.

    Le tribunal administratif de Nîmes a donc estimé le 20 décembre qu’il y avait « un caractère urgent à faire retirer la crèche de Beaucaire » et a indiqué qu'elle devait être enlevée sous quarante–huit heures sous peine de devoir payer une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Mais le maire, Nelson Chaudon, ne l'entend pas de cette oreille et a décidé de laisser la crèche en place. L'édile de la ville peut compter sur le soutien de ses habitants : « Les crèches provençales ont toujours existé dans notre région. Je ne suis pas pratiquant et je n’ai pas le sentiment d’attaquer la laïcité en venant voir cette crèche avec mes petits–enfants », confie Jean–Claude, un septuagénaire interrogé par Le Monde.

    Le 22 décembre, suite au verdict, Nelson Chaudon a organisé une « votation citoyenne » avec pour question : « Etes–vous favorable à l’exposition d’une crèche provençale en mairie comme cela se fait depuis 10 ans ? ». 1 680 personnes ont pris part au vote sur les 15 000 habitants de Beaucaire. Le résultat est sans appel, 98,56 % des participants ont voté « oui ». Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l'élu affirme envisager un pourvoi en cassation et dit agir au nom « des traditions locales ».

    Les arguments de Nelson Chaudon ne convainquent pas Sophie Mazas, l’avocate de la LDH, pour qui « la loi de la France s’applique partout dans le pays ». « De quel droit un maire peut–il se permettre de violer les décisions de justice ? », s’interroge–t–elle

    https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/culture/notre–dame–de–paris–le–projet–de–vitraux–contemporains–de–claire–tabouret–toujours–decrie

    Notre–Dame de Paris : Le projet de vitraux contemporains de Claire Tabouret toujours décrié

    Tandis que l’artiste peintre Claire Tabouret a été sélectionnée pour remplacer des vitraux d’Eugène Viollet–Le–Duc dans la cathédrale Notre–Dame, des associations de défense du patrimoine montent au créneau et promettent une réponse judiciaire. 

    Par Pauline Condomines

    Publié le 27 décembre 2024 à 16h00 Mis à jour le 26 décembre 2024 à 17h51

    image14

    image15

    La cathédrale Notre–Dame de Paris lors de la cérémonie de réouverture le 7 décembre. Photo © Sarah Meyssonnier/AP/SIPA

    Mercredi 18 décembre, l’Élysée et le diocèse de Paris ont annoncé dans un communiqué que l’artiste Claire Tabouret sera chargée de concevoir de nouveaux vitraux pour la cathédrale Notre–Dame. Associée à l’atelier verrier Simon–Marq, l’artiste peintre a été sélectionnée parmi huit finalistes. Sa tâche : réaliser de nouvelles verrières qui remplaceront celles d’Eugène Viollet–Le–Duc dans six chapelles du bas–côté sud de la nef. Le coût des travaux est estimé à 4 millions d’euros. 

    Âgée de 43 ans, Claire Tabouret a été formée aux beaux–arts et adoubée par l’homme d’affaires et mécène François Pinault. L’artiste contemporaine jouit d’une renommée internationale grâce à ses peintures figuratives. Sa nouvelle mission s’annonce difficile, tant le projet porté par Emmanuel Macron de substituer des vitraux contemporains à ceux érigés par Viollet–Le–Duc au XIXᵉ siècle fait polémique, décrié par de nombreux défenseurs du patrimoine. L’artiste a ainsi indiqué vouloir « rendre hommage à Viollet–Le–Duc » en conférence de presse, en signe de respect envers l’œuvre de son prédécesseur. 

    « C’est un peu paradoxal de vouloir rendre hommage à Viollet–Le–Duc tout en défaisant son œuvre », réagit Julien Lacaze, président de l’association de défense du patrimoine Sites et Monuments. Fermement opposé à ce projet, il pointe l’incohérence dans le choix de l’artiste. « On nous présente Claire Tabouret comme étant “moderne”, “disruptive”… Or, c’était Eugène Viollet–Le–Duc le vrai rebelle, assure–t–il. Elle a fait les beaux–arts, lui a préféré se former tout seul. Et la restauration des décors de la cathédrale a montré toute l’audace dont il su faire preuve dans le choix des couleurs. » 

    image16

    Archive RPweb

    Emmanuel Macron persiste malgré l’avis des experts du patrimoine

    Au–delà du choix de l’artiste, c’est la décision annoncée par le président de la République en décembre 2023 de remplacer ces vitraux qui fait réagir. La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) qui s’est saisie de la question en juillet, a rendu un avis unanimement défavorable en s’appuyant sur la “Charte de Venise”. Ce texte approuvé en 1964 fournit un cadre international pour la restauration des monuments historiques. Il autorise des ajouts contemporains à deux conditions : que l’adjonction remplace des parties détruites ou inachevées et qu’elle ne vienne pas rompre l’équilibre de la composition du bâtiment. Notre–Dame, classée monument historique au XIXᵉ siècle, fait donc l’objet d’une protection particulière. 

    Or, « Le projet porté par Emmanuel Macron ne respecte aucune de ces conditions », fustige Julien Lacaze dont l’association est représentée au CNPA. Les flammes de l’incendie qui a ravagé Notre–Dame en avril 2019 ont en effet laissé intacts les vitraux de Viollet–Le–Duc, l’adjonction ne semble donc pas justifiée. L’équilibre de la composition du bâtiment est aussi mis à mal : les verrières destinées à être remplacées, dites en “grisailles”, présentent des motifs géométriques abstraits, tandis que les nouveaux vitraux représenteront la Pentecôte de manière figurative. « Les vitraux ont été conçus pour qu’il y ait une progression visuelle : ils sont abstraits dans la nef et figuratifs au chœur, la partie la plus sacrée de l’Église. C’est toute cette conception qui est détricotée, précise Julien Lacaze. De plus, il y aura une rupture d’équilibre car on n’ajoute des vitraux figuratifs que d’un seul côté de la nef… »

    « Le choix de l’artiste nous importe assez peu, c’est le projet qui pose problème »

    « Finalement, le choix de l’artiste nous importe peu, c’est le projet en lui–même qui pose problème », indique Julien Lacaze. Même son de cloche du côté du magazine la Tribune de l’Art, dont la pétition pour la préservation des vitraux historiques de Notre–Dame recueille à ce jour plus de 247 000 signatures. « C’est le remplacement des vitraux classés […] que nous combattons, pas l’artiste choisi pour le faire », explique Didier Rykner, journaliste et président du magazine. Les défenseurs du patrimoine rappellent que dans les beffrois nord et sud de la cathédrale, de grandes verrières blanches et sans motifs pourraient tout à fait accueillir des créations contemporaines. « Malheureusement, les beffrois sont en accès payants et cela n’intéresse pas Emmanuel Macron qui veut laisser sa trace à la vue de tous, dans la nef », soupire Julien Lacaze. 

    L’association Sites et Monuments affirme être résolue à attaquer l’autorisation de travaux devant le tribunal administratif.  Celle–ci doit être délivrée prochainement par le préfet de région pour réaliser le chantier. « Si les administrations sont respectueuses du patrimoine, il n’y aura pas d’autorisation de travaux. Mais les pressions sont multiples et nous serons prêts à passer par la voie judiciaire pour empêcher ce projet absurde », conclut Julien Lacaze. 

    Les dessins du jour

    image17image18

    image19

    image20

    image21

    image22

    image23