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– Revue de presse N° 156–157

– 5 et 6 juin 2025 – { 2003–2025 } – 22ème année }

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Quatre Généraux et le Putsch d’Alger : Une Rébellion Historique

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Steven Soarez

05/06/2025

En 1961, quatre généraux défient de Gaulle lors du putsch d’Alger. Pourquoi ont–ils risqué leur carrière pour l’Algérie française ? Découvrez ce drame historique...

Le 21 avril 1961, une onde de choc traverse l’Algérie et la France. Quatre généraux, figures respectées de l’armée française, orchestrent une rébellion audacieuse pour s’opposer à la politique d’indépendance de l’Algérie prônée par le président Charles de Gaulle. Ce moment, connu sous le nom de putsch d’Alger, marque un tournant dramatique dans l’histoire de la guerre d’Algérie. Pourquoi ces hommes, au sommet de leur carrière, ont–ils choisi de défier l’autorité ? Plongeons dans ce récit captivant où ambition, conviction et désespoir se mêlent dans un contexte de décolonisation inéluctable.

Le Contexte Explosif de la Guerre d’Algérie

Pour comprendre le putsch d’Alger, il faut remonter à la guerre d’Algérie, un conflit qui, de 1954 à 1962, oppose l’armée française au Front de libération nationale (FLN). Déclenchée le 1er novembre 1954 par une série d’attentats, cette guerre est à la fois un combat pour l’indépendance algérienne et une guerre civile entre communautés. Les tensions sont exacerbées par des violences des deux côtés, tandis que la France, encore marquée par la Seconde Guerre mondiale, lutte pour maintenir son empire colonial.

En 1958, Charles de Gaulle revient au pouvoir, porté par une crise politique majeure. Beaucoup, notamment dans l’armée et parmi les Pieds–Noirs (Français d’Algérie), espèrent qu’il préservera l’Algérie française. Mais de Gaulle, pragmatique, comprend que la décolonisation est inévitable. Ses discours, prônant l’autodétermination, provoquent la fureur de ceux qui se sentent trahis.

Qui Étaient les Quatre Généraux ?

Le putsch est mené par quatre figures emblématiques de l’armée française : Maurice Challe, Raoul Salan, André Zeller et Edmond Jouhaud. Chacun d’eux incarne un mélange de loyauté à la France, de convictions coloniales et de frustration face à la tournure des événements. Voici un aperçu de ces hommes :

  • Raoul Salan : Héros de la Seconde Guerre mondiale, il dirige l’Organisation armée secrète (OAS), un groupe extrémiste pro–Algérie française. Son fanatisme le pousse à des actions radicales.
  • André Zeller : Logisticien brillant, il est motivé par un sens du devoir envers les Pieds–Noirs et les soldats ayant combattu pour la France.
  • Edmond Jouhaud : Pied–Noir lui–même, il incarne le désespoir de ceux qui craignent de perdre leur terre natale.
  • Ces généraux, bien que retraités pour certains, conservent une influence considérable au sein de l’armée. Leur alliance repose sur un sentiment partagé de trahison face à la politique de de Gaulle.

    image4 Alger caserne Pelissier RPweb

    Le Déroulement du Putsch : Une Rébellion Éphémère

    Le 21 avril 1961, les généraux passent à l’action. Ils s’emparent des points stratégiques d’Alger, notamment le Gouvernement général et la radio. Leur objectif ? Prendre le contrôle de l’Algérie et, si possible, renverser le gouvernement à Paris. Dans un discours radiophonique, ils appellent à la mobilisation pour défendre l’Algérie française.

    « Nous sommes résolus à maintenir l’Algérie dans le cadre français, quoi qu’il en coûte. »

    Extrait d’un discours des généraux, 22 avril 1961

    Leur plan repose sur le soutien de l’armée et des Pieds–Noirs. Mais ils sous–estiment la loyauté des conscrits et l’autorité de de Gaulle. Ce dernier, dans une allocution télévisée le 23 avril, condamne fermement les rebelles, les qualifiant de « quarteron de généraux en retraite ».

    image5 Alger Forum 22 avril 1961 RPweb

    Le discours de De Gaulle : un coup fatal

    Dans son discours, de Gaulle utilise son charisme et son autorité pour rallier les Français. Vêtu de son uniforme de général, il appelle les soldats et les citoyens à rejeter le putsch. Cette intervention, retransmise en direct, démoralise les insurgés et retourne l’opinion publique.

    En quelques jours, le putsch s’effondre. Les conscrits refusent de suivre les généraux, et le soutien populaire escompté ne se matérialise pas. Le 26 avril, les rebelles se rendent ou s’enfuient.

    Les Conséquences du Putsch : Une Fracture Durable

    Le putsch d’Alger n’a pas seulement échoué ; il a accéléré le processus d’indépendance. En montrant l’impossibilité de maintenir l’Algérie française, il renforce la position de de Gaulle. Les négociations avec le FLN s’intensifient, aboutissant aux accords d’Évian en 1962.

    Pour les généraux, les conséquences sont lourdes :

    1. Arrestations et procès : Challe et Zeller sont arrêtés et condamnés à des peines de prison. Salan et Jouhaud, en fuite, continuent leur lutte via l’OAS avant d’être capturés.
  • Division de l’armée : Le putsch fracture l’institution militaire, déjà épuisée par des années de guerre.
  • Traumatisme national : L’événement laisse des cicatrices dans la société française, divisée entre partisans de l’indépendance et défenseurs de l’Algérie française.
  • Les Pieds–Noirs, eux, vivent un exode massif. Près d’un million d’entre eux quittent l’Algérie pour la France, souvent dans des conditions dramatiques.

    Pourquoi le Putsch a–t–il Échoué ?

    L’échec du putsch s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’absence de soutien populaire : les Français de métropole, fatigués par la guerre, aspirent à la paix. Ensuite, la fidélité de l’armée à de Gaulle, renforcée par son aura de libérateur. Enfin, les généraux sous–estiment la détermination du président, qui mobilise l’opinion publique avec une efficacité redoutable.

    Un tableau peut résumer les forces en présence :

    Camp

    Forces

    Faiblesses

    Généraux rebelles

    Soutien de certains officiers, contrôle initial d’Alger

    Manque de soutien populaire, désorganisation

    De Gaulle et gouvernement

    Légitimité, contrôle des médias, loyauté de l’armée

    Tensions internes, mécontentement des Pieds–Noirs

    L’Héritage du Putsch : Une Mémoire Conflictuelle

    Soixante ans plus tard, le putsch d’Alger reste un sujet sensible. En France, il symbolise les déchirements de la décolonisation. En Algérie, il est perçu comme une tentative désespérée de prolonger l’oppression coloniale. Les relations entre les deux pays, marquées par des tensions récurrentes, portent encore les stigmates de cette période.

    Les généraux, eux, restent des figures controversées. Pour certains, ils sont des traîtres ; pour d’autres, des patriotes ayant cru défendre l’honneur de la France. Leur action, bien que vouée à l’échec, illustre les passions et les fractures d’une époque.

    « L’histoire de l’Algérie française est celle d’un rêve brisé, d’une illusion entretenue jusqu’au dernier instant. »

    Historien anonyme

    Ce drame historique nous invite à réfléchir sur les dynamiques de pouvoir, les idéaux et les erreurs qui façonnent les nations. Le putsch d’Alger, loin d’être une simple anecdote, est un miroir des tensions qui continuent d’influencer les relations franco–algériennes.

    Un Regard Moderne sur un Passé Tumultueux

    Aujourd’hui, la guerre d’Algérie et le putsch d’Alger continuent de susciter des débats. Les historiens s’interrogent : les généraux étaient–ils des idéalistes ou des fanatiques ? Leur action a–t–elle retardé l’inévitable ou accéléré l’indépendance ? Une chose est sûre : cet épisode a marqué un point de non–retour.

    En Algérie, la mémoire de la guerre est un outil politique. Les accusations de génocide ou de crimes coloniaux resurgissent régulièrement, souvent pour des raisons diplomatiques. En France, le sujet reste tabou, mais les jeunes générations s’y intéressent de plus en plus, cherchant à comprendre ce passé complexe.

    Pour aller plus loin :

  • Lisez des témoignages de Pieds–Noirs pour comprendre leur vécu durant l’exode.
  • Analysez les accords d’Évian pour mesurer leur impact sur l’indépendance.
  • Le putsch d’Alger, bien qu’éphémère, reste un symbole des luttes de pouvoir et des idéaux contradictoires. Il nous rappelle que l’histoire, loin d’être figée, continue de façonner notre présent.

    https://www.politis.fr/articles/2025/06/tribune–un–heritage–empoisonne–la–gauche–et–le–passe–postcolonial–de–francois–mitterrand/

    Un héritage empoisonné ? La gauche et le passé (post)colonial de François Mitterrand

    Pascal Blanchard  et  Nicolas Bancel  • 5 juin 2025

    Guillaume Deleurence

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    Dans les enjeux et débats actuels de la gauche – congrès, alliances/pas d’alliance, positionnement politique, stratégie électorale, bilans politiques –, une question n’a pas été posée : le passé (post) colonial de François Mitterrand pourrait–il éclairer la crise identitaire de la gauche et ses débats actuels ? La question est, au sein de la gauche, notamment socialiste, encore largement taboue, car François Mitterrand est toujours, pour le Parti socialiste un point de repère, et une figure tutélaire.

    Et pourtant… La part d’ombre de François Mitterrand ne s’arrête pas à la francisque reçue des mains du Maréchal Pétain durant le régime de Vichy, ni à ses relations troubles et durables avec d’anciens dignitaires ou fonctionnaires du régime pétainiste, elle s’étend à son parcours colonial (des années 30 au début des années 60) et postcolonial (de 1965 à 1995).

    Après les décolonisations, François Mitterrand a complètement réécrit sa biographie durant la période coloniale : il va, par petites touches dans ses ouvrages successifs, se dépeindre comme un visionnaire qui non seulement avait prévu les décolonisations, mais avait, de surcroît, milité pour leur avènement ! Une légende bâtie de toutes pièces, nécessaire pour celui qui avait, dès le début des années 1960, l’ambition de prendre la tête de la gauche non–communiste (ce qui sera chose faite en 1965). La légende était belle, elle n’a pas été interrogée.

    Défenseur acharné de l’Empire

    Pourtant, des recherches récentes, plusieurs livres et essais, et notamment le tout dernier regroupant plus d’une trentaine de spécialistes reconnus, François Mitterrand, le dernier empereur. De la colonisation à la Françafrique, (éditions Philippe Rey, 2025, sous la direction de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel), ne laissent planer aucun doute : François Mitterrand fut un défenseur acharné de l’Empire, et ce jusqu’à l’indépendance de l’Algérie.

    Il est vrai que François Mitterrand lègue à la gauche plusieurs avancées incontestables : l’abolition de la peine de mort, la liberté étendue des médias, la recherche de la justice sociale, la poursuite du rapprochement franco–allemand, la participation à la construction européenne… Mais il laisse, aussi, un autre héritage à cette même gauche, structurant une relation inavouée au passé colonial et la continuité de la Françafrique, initiée par le général de Gaulle dès 1960.

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    François Mitterrand n’est évidemment pas le seul responsable des errements de la gauche durant la colonisation : le gouvernement Mollet (responsable de la SFIO, ancêtre du Parti socialiste), on s’en souvient, s’abîma dans la répression à outrance durant la guerre d’Algérie, faisant voter les pouvoirs spéciaux en 1957 tout en couvrant la systématisation de la torture. Mais François Mitterrand avait été, dès le début de la guerre d’Algérie et alors qu’il était ministre de l’Intérieur, partisan de la manière forte, excluant toute négociation.

    Tout au long de la IVe République, François Mitterrand demeura convaincu que la grandeur de la France était conditionnée à son domaine impérial.

    Ministre de la Justice sous ce gouvernement, non seulement il suivit sa dérive répressive, mais fut même l’un des plus radicaux puisqu’il fut le plus sévère ministre de la Justice, proposant très peu de grâces aux condamnés à mort du FLN. Il connaissait par ailleurs parfaitement, contrairement à ce qu’il affirmera plus tard, l’usage extensif de la torture. Certains ministres, tels Alain Savary et Pierre Mendès France, démissionnèrent après le détournement de l’avion qui transportait Ben Bella, alors leader du FLN. François Mitterrand choisit de rester, étant prêt à poursuivre l’aventure avant que la crise de mai 1958 ne déjoue ses plans et permette au général de Gaulle de revenir au pouvoir. Paradoxalement, il reviendra à la droite, avec le général de Gaulle, de procéder aux décolonisations.

    Tout au long de la IVe République, François Mitterrand demeura convaincu que la grandeur de la France était conditionnée à son domaine impérial. Cette idée, tôt acquise dans sa jeunesse, ne le quittera plus. Elle sera réactualisée de manière spectaculaire durant ses deux septennats. Sur cette période et ces enjeux, la gauche n’a jamais entrepris un véritable travail d’anamnèse.

    En ce domaine, François Mitterrand, une fois arrivée au pouvoir, avait montré la voie en tentant d’écrire une « mémoire » focalisée sur « l’œuvre française Outre–mer ». Il neutralisera tout d’abord durant ses deux mandats toutes les initiatives issues de la société civile cherchant à insérer l’histoire et la mémoire coloniale dans le débat public et écartera ceux qui, dans son propre camp, aurait pu s’emparer de ces enjeux, à l’image de Michel Rocard, Jean–Pierre Cot, Pierre Joxe ou Alain Savary.

    À partir de 1982–1983, un projet de « mémorial » est initié par François Mitterrand, assisté de son conseiller Maurice Benassayag, avec pour objectif de l’installer à Marseille, ville de son ministre de l’Intérieur Gaston Defferre.

    Nostalgie coloniale

    Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce mémorial avait pour objet de rendre hommage à l’« œuvre coloniale » de la France en Algérie, et plus particulièrement d’évoquer l’histoire des pieds–noirs, une démarche de reconnaissance de la nation en forme de compensation des traumatismes subis par les colons européens en Algérie lors de la décolonisation. L’érection de ce mémorial est cependant compromise, à la fois par les oppositions prévisibles dans le propre camp de François Mitterrand, puis par la cohabitation qui survient en 1986.

    C’est précisément en 1986 que la droite s’empare du projet, qui correspond parfaitement à sa vision de l’histoire coloniale, guidée aussi par des raisons politiques, visant à récupérer le vote pied–noir. Ce projet va être, dès lors, un véritable serpent de mer et, par ricochet, inspirera tous les projets de lieux dédiés à la nostalgie coloniale dans les années 2000 et finalement avortés, à Marseille, Montpellier ou encore dans le cadre de la partie « coloniale » de la Maison de l’histoire de France voulue par Nicolas Sarkozy.

    Il faut se souvenir que le mémorial de Marseille était inclus dans la fameuse loi sur la « colonisation positive » de février 2005, dont l’article 4 – portant sur l’enseignement des « aspects positifs de la colonisation » dans le secondaire et orientant les recherches universitaires en ce sens – sera finalement abrogé, tout en conservant donc l’article stipulant la création du mémorial. L’origine mitterrandienne du projet de mémorial de la France d’outre–mer peut surprendre a priori, sauf si l’on se place dans une perspective de longue durée : elle ne fait que confirmer, au fond, la trajectoire coloniale et postcoloniale de la figure tutélaire du Parti socialiste.

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    Cette initiative mémorielle mitterrandienne est pratiquement simultanée, en 1982, à un autre de ses combats : l’amnistie des factieux de l’OAS et leur réintégration dans leurs grades.

    Geste tacticien, qui visait à conserver le vote pied–noir auquel il avait fait cette promesse, mais qui visait aussi, au fond, à gratifier ceux qui avaient, jusqu’au sacrifice, combattu pour conserver l’Algérie, la « perle de l’empire », dont la perte est pour François Mitterrand un véritable déchirement.

    Nous l’avons aujourd’hui oublié, mais François Mitterrand dut lutter contre son propre camp et passer par le 49.3 pour imposer cette loi.

    Compromission

    Dans le même registre (post) colonial, François Mitterrand remercia Jean–Pierre Cot qui, ministre de la Coopération, avait naïvement cru logique d’appliquer le programme de la gauche concernant le « pré carré » africain de la France. En 1982, François Mitterrand est à la croisée des chemins : doit–il laisser poursuivre la rupture avec ce système, qui ne s’appelle pas encore la Françafrique ou revenir en arrière et poursuivre sur le chemin tracé par ses prédécesseurs ? Le sentiment que cette aire d’influence est indispensable à la puissance de la France – comme l’Empire l’était au temps de la colonisation – l’emporte : Jean–Pierre Cot devra partir.

    La longue histoire de la compromission de la gauche avec les pratiques (néo) coloniales peut se poursuivre, scandée par le soutien à des dictatures corrompues et parfois meurtrières et les scandales qui se succèdent. Le génocide des Tusti au Rwanda marque le crépuscule du sphinx. Ses responsabilités accablantes dans cette tragédie, documentées par le rapport Duclert publié en 2021, doivent aussi être éclairées par la volonté de l’ancien président de conserver à la France, dans la droite ligne de sa pensée coloniale, ce territoire ancienne colonie belge, afin, toujours, de sécuriser et, ici, d’accroître, le « domaine » postcolonial de la France.

    Dans toutes ces configurations historiques, la gauche a joué un rôle central. Il est temps, aujourd’hui, de les regarder en face.

    Le fantôme de Fachoda et la haine des « Anglo–Saxons » supposés soutenir le Front de libération patriotique basé dans l’Ouganda voisin et qui mettra fin finalement au génocide et prendra le pouvoir, pèse aussi d’un poids très lourd dans la dérive mitterrandienne : l’obsession de la concurrence britannique est en effet incorporée dès sa prime jeunesse par François Mitterrand et ne le quittera plus.

    Point aveugle

    Voici le legs « colonial » de François Mitterrand à la gauche. Celle–ci en a–t–elle pris la mesure ? Absolument pas. La loi de 2005 sur la « colonisation positive » a suscité de fortes réactions, venues notamment des enseignants et chercheurs, dans le secondaire et le champ académique, dénonçant à juste titre une politisation de l’histoire. Mais peu ont prêté attention aux débats parlementaires. Le détail de ces débats est hallucinant, où les députés de gauche approuvent les propos révisionnistes des rapporteurs, niant l’usage de la torture par l’armée dans les colonies tout en faisant l’apologie de la « mission civilisatrice ».

    Manque d’attention ? Négligence ? Convergence de vue ? Au minimum, il s’agit d’un point aveugle de la gauche face au passé colonial, son passé colonial. Et ce point aveugle est tenace. François Hollande ne fera rien, sinon déclarer la nécessité d’un « regard lucide » sur ce passé et il faudra attendre l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron pour que le rapport à l’histoire et la mémoire coloniale change, mettant à l’agenda des débats publics, par la commande d’une série de rapports, les dossiers brûlants de la guerre d’Algérie et des relations franco–algériennes pendant et après la colonisation, le rôle de la France durant le génocide des Tutsi au Rwanda, la guerre oubliée du Cameroun et, récemment, les massacres de Madagascar.

    Dans toutes ces configurations historiques, la gauche a joué un rôle central. Il est temps, aujourd’hui, de les regarder en face, pour dépasser un héritage empoisonné au centre duquel nous retrouvons la figure de François Mitterrand.

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    PS – Défaite du PN renégat Nicolas Mayer–Rossignol malgré le soutien de la Zoubia Laurent Lhardit le président du groupe d’amitié France Algérie qui depuis Alger crache le 8 mai sur la France Olivier Faure est réélu à la tête du PS. La Zoubia Nicolas Mayer–Rossignol voulait déposer la Statue de Napoléon à Rouen et la remplacer par une statue de la fellagha Gisèle Halimi elle qui pensait que les Harkis étaient des traîtres.

    https://www.jeuneafrique.com/1694082/politique/algerie–france–xavier–driencourt–parcours–dun–ambassadeur–devenu–inspirateur–de–la–droite–extreme/

    Algérie–France : Xavier Driencourt, parcours d’un ambassadeur devenu inspirateur de la droite extrême

    Arezki Said

    Publié le 5 juin 2025 Lecture : 5 minutes.

    La droite et son extrême ne pouvaient pas rêver meilleur professeur, pour décrypter les relations Ô combien complexes entre la France et l’Algérie, que l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt. Pour avoir été en poste à Alger à deux reprises (2008–2012 et 2017–2020), un privilège que nul autre de ses prédécesseurs n’a eu, le diplomate a acquis une expertise fine sur les arcanes du système algérien, ses dirigeants, l’institution militaire, les rouages profonds de la relation franco–algérienne et le pays en général.

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    Ce qui lui permet aujourd’hui de délivrer son savoir sur les plateaux télés, sur les radios, dans les colonnes de journaux, dans des conférences et dans des livres. De fait, cette connaissance fait de lui un expert écouté et courtisé par un arc politique droitier qui va d’Édouard Philippe à Marine Le Pen en passant par Éric Ciotti, Gabriel Attal et bien sûr Bruno Retailleau. « Xavier Driencourt n’est plus un diplomate », disait de lui le 6 mai dernier sur RTL le chef de la diplomatie française Jean–Noël Barrot. « Il est aujourd’hui un porte–parole de l’extrême droite. » Et ce, même si l’intéressé, officiellement, nie toute connivence avec l’extrême droite.

    « Les Algériens ne comprennent que le rapport de force »

    La déclaration de l’actuel ministre des Affaires étrangères ne trompe pas : à l’Élysée comme au Quai d’Orsay, les sorties répétées du diplomate qui, depuis sa retraite, se sent autorisé à s’affranchir du devoir de réserve qui, d’ordinaire, corsète la parole de ses confrères, agace franchement. Tout comme agace sa façon de ressasser à l’infini le sujet de l’Algérie. Ceux qui l’ont connu lorsqu’il était en fonction, à Alger comme à Paris, s’interrogent d’ailleurs. Qu’est–il arrivé au diplomate pondéré et modéré qu’ils ont croisé ? Qu’est–ce qui a pu le transformer en partisan d’une politique de dureté extrême à l’égard de l’Algérie, quitte à aller jusqu’à la rupture ?

    Il est vrai que la vision et la pensée de Xavier Driencourt sur l’Algérie ont connu une évolution nette au cours des cinq dernières années. Au sortir de sa retraite officielle, en 2022, il publie un livre remarqué dans lequel il raconte ses mémoires d’ambassadeur : L’Énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger, aux éditions de l’Observatoire.

    Dans cet ouvrage, il évoque l’opacité du système algérien, décrypte l’appétence de ses hommes pour le secret et la confidentialité et décortique le poids de la colonisation française et de la mémoire, sans négliger le sempiternel dossier des visas. Son regard sur le pays est lucide et sans concessions, mais ne montre ni dureté ni fermeté exagérée. L’ouvrage se termine toutefois sur cette sentence qui, rétrospectivement, augurait sans doute de son revirement : « Les Algériens ne comprennent que le rapport de force. »

    Trois ans plus tard, en avril 2025, sort son nouvel essai, France–Algérie, le double aveuglement, réseaux, immigration, diplomatie : qui tient qui ? Cette fois, le ton a changé. L’ouvrage est une sorte de vade–mecum sur la manière dont il faut refonder – par la force et la fermeté – la relation algéro–française, quitte à aller vers cette rupture que les ténors de l’extrême droite appellent de leurs vœux. L’intérêt, pour ceux que l’expertise de l’ex–ambassadeur intéresse, est que la sortie du livre tombe en plein cœur de cette crise qui, depuis presque un an, a plongé la relation entre les deux pays dans une ère de glaciation jamais connue depuis l’indépendance de 1962.

    Réduire encore les visas et fermer des consulats

    Après avoir fait le constat de la « duplicité du pouvoir algérien et de l’aveuglement français face au pouvoir militaire algérien », le livre égrène les ingrédients nécessaires à une remise à plat totale de la relation que l’ancien diplomate qualifie de « toxique ». Entre les mesures immédiates et celles pensées à long terme, il y a là de quoi largement contenter la droite et son extrême.

    Xavier Driencourt aborde la question des visas, qu’il ne connaît que trop bien pour avoir été au cœur du sujet. En 2017, il avait fait passer le nombre d’autorisations accordées à des Algériens de 413 000 à 279 000. Aujourd’hui, le chiffre est plus bas encore – 250 000 – mais l’ex–ambassadeur appelle à le réduire de moitié. Et ce, sans céder aux protestations des Algériens. Cette mesure, poursuit–il, doit s’accompagner d’une modification de l’accord de Schengen pour empêcher qu’un ressortissant algérien puisse entrer en France avec un visa délivré par un consulat espagnol, allemand ou italien.

    Suite logique, le livre préconise ensuite de s’attaquer à l’accord de 2007, qui exempte de visas les Algériens détenteurs de passeports diplomatiques ou de service. Mesure que Paris a fini par appliquer en mai dernier, plongeant encore davantage les deux capitales dans la crise.

    Troisième palier de cette politique de fermeté prônée par Xavier Driencourt : la fermeture de plusieurs consulats parmi les 18 que compte l’Algérie en France. Sachant que la diaspora algérienne est estimée à 2,7 millions de personnes, on n’ose pas imaginer la palette de difficultés que cette mesure pourrait engendrer pour cette communauté, notamment en matière de démarches administratives.

    Mesures à l’encontre d’Air Algérie

    Concernant le refus des autorités algériennes d’admettre sur leur sol certains de ses ressortissants visés par des Obligations de quitter le territoire (OQTF), autre sujet de tension entre Paris et Alger, l’ancien ambassadeur envisage, sans fournir de détails, de prendre des mesures à l’encontre de la compagnie nationale Air Algérie. Jamais un responsable français en fonction ou à la retraite n’a osé envisager une mesure aussi radicale. Même pas Marine Le Pen ou Sarah Knafo, la compagne d’Éric Zemmour, pourtant habituée des sorties très hostiles à l’Algérie.

    Parmi les autres moyens à mettre en œuvre pour faire plier Alger, Xavier Driencourt suggère également à la France d’user de son influence au niveau communautaire pour bloquer la révision de l’accord d’association signé en 2002 – et entré en vigueur en 2005 – entre l’Algérie et l’Union européenne. Il préconise aussi de refuser l’inscription des enfants de la nomenklatura dans le très prisé et recherché lycée français Alexandre–Dumas d’Alger, et ainsi les priver de poursuivre des études supérieures dans les écoles et les universités françaises.

    Et Xavier Driencourt conseille, par mesure de réciprocité, d’imposer aux diplomates algériens accrédités en France la nécessité de demander une autorisation de sortie en dehors de la ville dans laquelle ils résident. « Petite mesquinerie efficace », admet l’ancien ambassadeur. Bien sûr, il préconise la dénonciation ou l’abrogation du fameux accord de 1968 sur l’installation des Algériens, accord devenu au fil des mois une véritable obsession pour tous ceux qui réclament une politique de fermeté à l’égard des autorités algériennes.

    Et si tout cela n’est pas suffisant ? Il faudra alors s’attaquer aux biens acquis par les responsables algériens en France, en opérant des contrôles fiscaux et financiers et exiger l’origine des fonds avec lesquels ils ont été acquis. Et plus généralement, conclut Xavier Driencourt, toutes ces mesures ne pourront être mises en œuvre de façon efficace qu’en établissant un rapport de force avec les Algériens. Une formule qui, on en conviendra, n’engage pas à grand–chose.

    https://www.lefigaro.fr/histoire/livres/challes–salan–zeller–jouhaud–quatre–generaux–avant–le–putsch–d–alger–20250605

    Challes, Salan, Zeller, Jouhaud : ceux qui ont dit non, lors du putsch d’Alger

    Isabelle Schmitz

    6 juin 2025

    RÉCIT – Alger, 21 avril 1961: quatre généraux déclenchent une rébellion armée pour s’opposer à la politique d’abandon de l’Algérie. Le livre de Bernard Zeller raconte l’histoire de ce «quarteron».

    Cet article est extrait du Figaro Histoire « La grande guerre des Grecs ». De Marathon à Salamine, retrouvez dans ce numéro un dossier spécial pour comprendre comment les guerres médiques ont façonné l’identité grecque.

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    «Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamento militaire. (…) Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d’officiers partisans, ambitieux et fanatiques. » Le 23 avril 1961, à la télévision, le général de Gaulle s’adressait aux Français pour dénoncer cette rébellion face au processus d’indépendance de l’Algérie. L’affaire est entendue, depuis : de Gaulle, qui en orchestrant la résistance depuis Londres avait su infléchir le sens de l’Histoire, l’aurait fait avancer en Algérie en prenant acte du mouvement de décolonisation qui, tel un fleuve sorti de son lit, emportait tout sur son passage. Face à lui, un « quarteron de généraux en retraite » s’était dressé, dérisoire barrage à la marche du temps et au droit des peuples à disposer d’eux–mêmes. « Ils ne voient et ne connaissent la nation et le monde que déformés au travers de leur frénésie » et exploitent « l’adhésion enflammée d’une partie de la population de souche européenne », avait–il déclaré. Pour les jeunes générations, les noms de Challe, Salan, Zeller et Jouhaud semblent punaisés à jamais au « mur des cons » de l’Histoire et n’existent plus que dans le camp des perdants.

    Or, ils étaient tout le contraire. Ils avaient tenu les plus hauts postes de l’armée française et incarné ses forces vives. Le grand mérite du portrait que leur consacre aujourd’hui Bernard Zeller, construit comme une tragédie dont on connaît l’issue, est de nous faire découvrir leur personnalité et l’itinéraire qui les conduisit jusqu’à cet acte de dissidence qu’ils n’auraient eux–mêmes jamais imaginé. Fils du général, l’auteur livre les pièces du dossier sans pathos ni parti pris. Car les faits parlent d’eux–mêmes.

    De ces quatre généraux, c’est André Zeller l’aîné. Alsacien de famille catholique, engagé volontaire à 17 ans, il participe à la bataille de Verdun et à celle du Chemin des Dames. Il en reste marqué à vie, et critique sur la propension de l’état–major à donner des ordres déconnectés du terrain. Décoré de la croix de guerre, il prône un commandement proche des hommes, prêt à faire valoir son point de vue face au pouvoir politique. L’expérience de la drôle de guerre le conforte dans cette conviction. Après l’armistice, il rejoint Alger et participe aux campagnes de Tunisie et d’Italie. En 1955, il est promu chef d’état–major de l’armée de terre, dans un contexte décolonial tendu : la France est en train de quitter l’Indochine, en Algérie les massacres de civils européens et autochtones font rage. Devant le refus du gouvernement de donner plus de moyens à l’armée pour pacifier l’Algérie, Zeller démissionne en février 1956, et insiste sur l’absolue nécessité d’une politique claire, sans laquelle l’armée sera impuissante. Il en appelle au changement de régime. De Gaulle le rappellera comme chef d’état–major des armées en juillet 1958.

    Des parcours militaires

    Raoul Salan a lui aussi connu Verdun. C’est d’ailleurs la seule inscription qu’il demandera sur sa tombe : « Raoul Salan, soldat de la Grande Guerre ». Né en 1899 dans le Tarn, issu d’un milieu modeste, socialiste, il devient officier des troupes coloniales, se bat en Syrie, sert en Indochine, s’illustre en 1940 dans la Somme à la tête d’un bataillon de tirailleurs sénégalais. Il rejoint ensuite le ministère des Colonies à Vichy, est muté à Dakar puis Alger et prend le commandement d’un régiment de tirailleurs sénégalais en 1944. En 1945, de Gaulle le nomme pour seconder Leclerc en Indochine face au Vietminh. Commandant en chef, il y remporte des victoires éclatantes, à Na San et à Nghia Lo, en poursuivant la politique de De Lattre pour impliquer les élites vietnamiennes. Il désapprouve les replis décidés à Paris. En novembre 1956, Salan est nommé commandant supérieur interarmées en Algérie et y impulse l’engagement du côté de la France des populations musulmanes victimes du terrorisme du FLN.

    Edmond Jouhaud a connu Salan à Hanoï en 1954. Ce fils d’instituteur, né en Algérie en 1905, fasciné par l’aviation depuis l’enfance, fait ses premières armes au Sénégal et en Mauritanie. Il essaie en vain de rejoindre l’Angleterre et prend la tête en 1943 d’un réseau de résistance à Bordeaux. Après la guerre, il sert en Afrique du Nord, en Allemagne puis en Indochine : en 1954, il y dirige l’armée de l’air, évacue autant qu’il le peut par voie aérienne des catholiques vietnamiens qui, par centaines de milliers, fuient les représailles du Vietminh. Il prend le commandement de la 5e région aérienne en Algérie en 1957, devient l’adjoint du général Salan avant d’être promu chef d’état–major de l’armée de l’air, en octobre 1958.

    Maurice Challe, enfin, choisit lui aussi l’armée de l’air. Excellent pilote, ce Provençal né en 1905 reste astreint à des postes d’observation et d’organisation jusqu’à l’armistice : « J’étais l’aviateur prisonnier de l’armée de terre », déplorera–t–il. En août 1943, il est appelé à Lyon comme commandant en second du groupe de sécurité aérienne publique 1/71, dont le service de guet aérien a été mis par l’invasion de la zone libre au service des Allemands. Challe réussit à y constituer un service de renseignements de 150 agents répartis sur toute la France, qui transmet aux Alliés à Alger tout le plan de bataille de la Luftwaffe et de la Wehrmacht, informations capitales avant le Débarquement de Normandie. Challe obtiendra pour cela une citation à l’ordre de l’armée, signée de Léon Blum.

    Général de brigade aérienne en 1949, il devient commandant de l’air au Maroc, dirige le Centre d’enseignement supérieur aérien, avant d’être nommé, en 1955, chef de l’état–major général des forces armées. Il se rend en Algérie et conclut qu’il est indispensable d’y promouvoir un développement équilibré des populations européennes et musulmanes. Nommé par de Gaulle commandant en chef des forces françaises en Algérie en 1959, il met en œuvre une stratégie spectaculaire de lutte contre le FLN, le « plan Challe », avec l’appui des harkis et de la population de certains villages. Militairement, c’est un indiscutable succès.

    Le basculement dans la rebellion

    Comment ces serviteurs de la France ont–ils basculé dans la rébellion ? « Il n’y a pas de termes rendant un son moins français, et pour cause, que ceux de “putsch” ou “pronunciamento” », affirmait André Zeller dans Carrefour à propos des événements du 13 mai 1958 à Alger, qui avaient vu l’armée créer un comité de salut public pour rétablir l’ordre. Le 15, Raoul Salan avait publiquement appelé le général de Gaulle, seul capable à ses yeux de tirer la France de l’ornière algérienne, à la tête du gouvernement. Le 1er juin 1958, de Gaulle est investi président du Conseil et, le 4, il prononce à Alger, depuis le balcon du Gouvernement général, son fameux discours : « Je vous ai compris  ! (…) la France considère que, dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants (…), des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. (…) il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d’en avoir une ».

    Il faut savoir (…) que si, depuis quatre ans, en Algérie, environ 1500 civils français de souche ont été tués, c’est plus de 10.000 musulmans, hommes, femmes et enfants, qui ont été massacrés par les rebelles

    Général de Gaulle

    Par là, il avait donc engagé la France auprès des populations d’Algérie à un destin commun, une égalité de droits, et avait enfin semblé donner à l’armée les moyens de sa politique de rapprochement des populations, mise en œuvre en parallèle de la répression contre le terrorisme du FLN. Lors de sa première conférence de presse comme président du Conseil, le 23 octobre 1958, de Gaulle confirme cette orientation : « Il faut savoir (…) que si, depuis quatre ans, en Algérie, environ 1500 civils français de souche ont été tués, c’est plus de 10.000 musulmans, hommes, femmes et enfants, qui ont été massacrés par les rebelles (…). À quelles hécatombes condamnerions–nous ce pays si nous étions assez stupides et assez lâches pour l’abandonner ! »

    Lorsque, le 16 septembre 1959, le chef de l’État évoque pourtant pour l’Algérie un recours à l’autodétermination, en envisageant, parmi les trois solutions proposées, la sécession, les généraux s’inquiètent. Ils comprendront qu’ils ont été trompés lors de la suite donnée par de Gaulle à la réception secrète organisée par Challe à l’Élysée, en juin 1960, du chef de la wilaya de l’Algérois, Si Salah, porte–parole de deux autres chefs de wilaya sur les six existantes. Il était venu demander la « paix des braves » pour bâtir avec la France une Algérie nouvelle et fraternelle. À la cessation des hostilités ainsi offerte, de Gaulle préféra la négociation avec la branche politique de la rébellion, le GPRA, installé à Tunis, qui revendiquait l’indépendance.

    Un coup de force pour maintenir l’Algérie dans la France

    En octobre 1960, Salan s’exile en Espagne et rallie l’OAS, fondée en février 1961. Jouhaud demande sa mise en disponibilité en septembre 1960. Challe démissionne en janvier 1961. Dans son discours du 4 novembre 1960, de Gaulle a parlé de « République algérienne » indépendante. Jouhaud résume : « Pour les Européens, c’est l’abandon vulgaire, et pour les musulmans fidèles à notre drapeau, la trahison pure et simple. » Le 11 avril 1961, de Gaulle déclare en outre que l’indépendance de l’Algérie était dans ses vues depuis de nombreuses années. La décision des généraux est prise : ils vont tenter un coup de force pour maintenir l’Algérie dans la France. « Le général de Gaulle fait de nous définitivement des rebelles », constate Zeller. « Pour éviter à mon pays un parjure qui se terminerait dans la honte, et à l’Algérie une aventure qui la ferait régresser et tomber dans la misère et le chaos sanglant, je donnais mon accord », racontera Challe.

    Ce point de vue sera aussi celui du général de Pouilly, commandant du corps d’armée d’Oran, qui avait pourtant refusé de participer au putsch : « J’ai choisi la discipline, déclara–t–il lors du procès Salan, mais choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager avec mes concitoyens et la nation française la honte d’un abandon. Pour ceux qui n’ont pu supporter cette honte, peut–être l’histoire dira–t–elle que leur crime est moins grand que le nôtre. »

    Edmond Michelet, garde des Sceaux, avait signé en juin 1960 une ordonnance rétablissant la peine de mort en matière politique, abolie depuis 1848. Le même avait publié dans Carrefour, le 7 mars 1956, cette déclaration rendue tristement ironique : « C’est de l’armée d’Afrique que dépendent aujourd’hui non seulement l’honneur, mais la survie de la patrie (…). Pacifier l’Algérie, c’est avant toute chose y faire cesser la terreur, rendre confiance à l’immense masse musulmane qui hésite devant nos atermoiements (…). Mais – je le dis comme je le pense – si l’appui des pouvoirs publics faisait défaut à l’armée (…), elle n’aurait plus à quémander honteusement une impulsion chichement mesurée. Il lui appartiendrait alors d’en appeler à la Nation, de redonner à la patrie le goût de la grandeur. »

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    Un quarteron de généraux avant le putsch, de Bernard Zeller, Perrin, 430 pages, 24,90 €. Perrin

    https://lematindalgerie.com/a–aix–en–provence–lalgerie–au–coeur–des–reflexions–sur–les–guerres–chimiques/

    À Aix–en–Provence, l’Algérie au cœur des réflexions sur les guerres chimiques

    Par : La Rédaction Date : jeudi 5 juin 2025

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    Le jeudi 19 juin 2025, Aix–en–Provence accueille le congrès de l’AEGES (Association pour les Études sur la Guerre et la Stratégie) avec un panel au titre évocateur : « Prométhée aux Enfers : permanences et mutations de la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles ». Au cœur des débats : les usages, les mémoires, mais aussi les silences entourant les différentes formes de guerres chimiques à travers l’histoire, notamment durant la conquête coloniale de l’Algérie.

    Parmi les temps forts de panel accueillie par Sciences Po Aix, l’intervention très attendue du professeur Mostéfa Khiati. Intitulée « Les enfumades lors de la conquête de l’Algérie : état des connaissances », elle revient sur une des pratiques les plus controversées de la guerre coloniale française : l’usage d’asphyxies et de gaz dans les grottes où se réfugiaient les populations civiles. En érudit de la mémoire algérienne, Khiati exhume, à partir de sources rares, cette violence de masse longtemps reléguée aux marges de l’histoire officielle. Elle sera accompagnée d’une intervention du Dr. Christophe Lafaye sur les traces et stigmates de la guerre chimique pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954–1962).

    L’Algérie n’est pas seulement objet d’étude mais aussi pleinement actrice de cette rencontre scientifique. La chercheuse Lina Leyla Abdelaziz de l’université de Batna 2, clôturera la journée par une intervention de synthèse proposant un autre regard sur la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles.

    Le panel, co–organisé par le Professeur Pierre Journoud, le docteur Christophe Lafaye et la docteure Lina Leyla Abdelaziz, s’ouvre avec quelques mots d’accueil du professeur émérite Jean–Charles Jauffret et une introduction générale du docteur Olivier Lepick, spécialiste international des armes chimiques. Il est structuré autour de trois tables rondes, l’une sur les aspects méthodologiques et les origines de la guerre chimique, une autre sur les atteintes environnementales et une dernière sur les formes contemporaines de la guerre chimique.

    Ce panel réunira une dizaine de chercheurs venus de France, d’Allemagne, du Cameroun ou encore d’Algérie.

    Si les interventions sur le Cameroun, l’Algérie et le Vietnam sont d’un grand intérêt comparatif, la présence algérienne dans ce dispositif intellectuel souligne un regain d’intérêt scientifique et mémoriel pour les violences chimiques coloniales. Ce retour du refoulé colonial dans les études stratégiques interroge aussi bien les pratiques passées que les responsabilités présentes, dans une période marquée par de nouvelles conflictualités au Moyen–Orient et en Afrique.

    Avec ce congrès, l’AEGES ouvre un espace critique où les voix du Sud, encore trop marginales dans les sciences de la guerre, prennent enfin leur juste place ».

    Djamal Guettala en collaboration avec Dr Christophe Lafaye 

    https://www.aeges.fr/congres–2025–aix–en–provence/

    Congrès 2025 : Aix–en–Provence

    L’Association pour les études sur la guerre et la stratégie (AEGES), en partenariat avec Sciences Po Aix, organisera la 7ème édition de son congrès bisannuel les 18, 19 et 20 juin 2025 à Aix–en–Provence. Cet événement se veut un espace de socialisation et de discussion scientifiques permettant de rassembler très largement la communauté des chercheur.e.s travaillant sur la guerre et la stratégie, quel que soit leur ancrage disciplinaire.

    Le congrès accueillera 22 sections thématiques et 2 panels transversaux (un panel « varia » et un panel « book review »).

    Le programme général du congrès est disponible à partir du lien suivant.

    Format des panels

    Chaque panel disposera d’un, deux ou trois créneaux horaires de 2 heures. Chaque créneau pourra accueillir entre 3 et 4 communications. Les communications ne devront pas dépasser 20 minutes, afin de conserver un temps suffisant pour la discussion des papiers et les échanges avec le public.

    Les panels pourront se tenir en français et/ou en anglais.

    Organisation pratique

    Le congrès débutera le mercredi 18 juin en début d’après–midi. Il se déroulera sur deux journées et demie. Il s’achèvera le vendredi 20 juin en milieu d’après–midi.

    Les intervenant.e.s devront transmettre une version rédigée de leur communication en amont du congrès, au plus tard le 30 mai. Cela permettra aux membres du panel et aux discutant.e.s d’en prendre connaissance à l’avance, favorisant ainsi la discussion.

    Ayant à cœur de faciliter la participation des jeunes chercheur.e.s à cet événement, l’AEGES pourra participer à la prise en charge de leurs frais de déplacement et d’hébergement via un système de bourses (sur candidatures). De même, l’AEGES pourra contribuer à la prise en charge des frais de déplacement pour des chercheur.e.s étrangers ou de chercheur.e.s ne bénéficiant pas d’un appui de leur laboratoire.

    Le congrès se tiendra dans les locaux de Sciences Po Aix. Il se répartira entre deux lieux : les conférences plénières du mercredi et du jeudi auront lieu sur le site Saporta (au 25 rue Gaston de Saporta, en plein cœur du centre historique d’Aix–en–Provence) ; les sessions thématiques se tiendront quant à elles au sein de l’espace Philippe Séguin (avenue Jean Dalmas, très légèrement excentré par rapport au centre historique).

    Calendrier

    Vendredi 25 octobre : date limite de soumission pour l’appel à panels

    Début novembre : sélection des propositions par le comité scientifique

    Lundi 18 novembre : lancement de l’appel à communications

    Vendredi 17 janvier : date limite de soumission des propositions de communication

    Fin janvier : sélection des propositions de communications par chaque responsable de panels

    Vendredi 30 mai : date limite pour l’envoi des communications

    18–19–20 juin : congrès

    Frais d’inscription

    La participation au congrès sera soumise à des frais d’inscription, sur la base des tarifs ci–dessous :

  • Titulaires / non–membres de l’AEGES : 75 euros
  • Non–titulaires / membres de l’AEGES : 0 euro
  • Non–titulaires / non–membres de l’AEGES : 15 euros
  • Les récipiendaires des bourses de mobilités seront exonérés des frais d’inscription.
    La procédure d’inscription se fera en ligne à compter de la fin du mois d’avril

    https://www.elmoudjahid.com/fr/culture/7–juin–1962–l–incendie–de–la–bibliotheque–universitaire–d–alger–un–memoricide–au–coeur–de–l–histoire–235701

    7 juin 1962, l’incendie de la Bibliothèque universitaire d’Alger : Un mémoricide au cœur de l’histoire – Culture : EL Moudjahid

    Mehdi Kaouane Journaliste

    7 juin 2025

    Le 7 juin 1962 à 12h27, à quelques jours seulement de l’indépendance de l’Algérie, un acte d’une violence inouïe vient frapper l’un des symboles les plus précieux du savoir algérien : la Bibliothèque universitaire d’Alger est ravagée par les flammes. Ce qui aurait pu être un simple sinistre accidentel est rapidement reconnu comme un geste délibéré, un crime méthodiquement orchestré par ceux–là mêmes qui, durant plus d’un siècle, s’étaient présentés comme les « porteurs de civilisation».

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    Le 7 juin 1962 à 12h27, à quelques jours seulement de l’indépendance de l’Algérie, un acte d’une violence inouïe vient frapper l’un des symboles les plus précieux du savoir algérien : la Bibliothèque universitaire d’Alger est ravagée par les flammes. Ce qui aurait pu être un simple sinistre accidentel est rapidement reconnu comme un geste délibéré, un crime méthodiquement orchestré par ceux–là mêmes qui, durant plus d’un siècle, s’étaient présentés comme les « porteurs de civilisation ».

    L’incendie de cette Bibliothèque, joyau du savoir académique, n’a pas seulement consumé des livres, des manuscrits rares, des thèses et des revues scientifiques. Il a délibérément ciblé la matière première nécessaire à la construction de la nouvelle nation : le savoir, la recherche, la mémoire historique. C’était une attaque contre l’intelligence, contre l’avenir. Le cri d’alerte lancé par l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), dans un appel vibrant à la grève générale, résonne encore : « Et nous, les cadres de demain, on nous offre d’encadrer quoi ? Les ruines et les morceaux de cadavres sans doute… » Ce cri, prophétique, révèle toute la portée symbolique de l’acte. Il ne s’agissait pas d’un simple autodafé mais bien d’un sabotage de l’édification nationale. Aujourd’hui, avec l’évolution du droit international, ce drame n’est plus analysé uniquement comme un acte de vandalisme ou un épisode tragique de la guerre. Il s’inscrit dans une catégorie juridique nouvelle, celle du « mémoricide » — un terme fort pour désigner la destruction volontaire de la mémoire d’un peuple, considérée comme une forme de crime contre l’humanité, au même titre que le génocide ou la purification culturelle. Détruire une bibliothèque, c’est menacer l’universalité du savoir. C’est, pour reprendre les mots d’un historien, « attenter au visage de l’homme ». L’incendie de la Bibliothèque universitaire d’Alger s’inscrit dans une triste tradition humaine.

    De la Bibliothèque d’Alexandrie aux manuscrits de Tombouctou, de Bagdad à Beyrouth, en passant par Louvain et Sarajevo, les bûchers de livres ont souvent accompagné les guerres, les purges idéologiques. À chaque époque, des inquisiteurs modernes ont tenté d’effacer les traces de l’autre. Mais dans le cas algérien, l’intention allait plus loin : il s’agissait de freiner l’émancipation d’un peuple, de retarder sa capacité à se prendre en charge, à former ses propres élites. Après l’indépendance, les universités algériennes ont relevé le défi de la reconstruction intellectuelle. Mais le traumatisme de l’incendie du 7 juin 1962 demeure. Il rappelle, avec acuité, que la liberté ne peut être séparée du droit au savoir. Il rappelle également que la culture est une cible stratégique dans les guerres coloniales, et que sa protection devrait être sacrée. Aujourd’hui, la Bibliothèque universitaire d’Alger a été reconstruite, mais le souvenir de cette perte irréparable doit continuer de nourrir notre vigilance collective. Car brûler une bibliothèque, c’est assassiner silencieusement des générations.

    L’incendie de la Bibliothèque universitaire d’Alger ne fut pas un simple épisode de la fin coloniale, mais un acte profondément symbolique : celui de vouloir effacer l’âme d’un peuple à l’aube de son indépendance. À travers ce geste, c’est tout un avenir qu’on a tenté de condamner au silence. Pour que nul n’oublie ce mémoricide, l’Algérie a institué le 7 juin comme Journée nationale de la bibliothèque et du livre. Une manière solennelle d’ancrer ce drame dans la mémoire collective, de rendre hommage au savoir sacrifié, et de réaffirmer le droit fondamental de chaque peuple à préserver et transmettre sa culture. Ce crime, désormais reconnu dans le langage du droit international comme un « mémoricide », mérite de rester gravé dans nos mémoires comme un avertissement universel, une nation sans mémoire est une nation sans avenir.

    M. K.

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    https://www.lefigaro.fr/vox/politique/jean–noel–barrot–est–il–encore–permis–de–critiquer–la–faiblesse–de–notre–politique–vis–a–vis–d–alger–20250605

    «Jean–Noël Barrot, est–il encore permis de critiquer la faiblesse de notre politique vis–à–vis d’Alger ?»

    Noëlle Lenoir, Arnaud Benedetti

    5 juin 2025

    TRIBUNE – Le 6 mai, sur RTL, le ministre des Affaires étrangères, Jean–Noël Barrot, a qualifié l’ex–ambassadeur de France à Alger de « porte–parole de l’extrême droite ». Arnaud Benedetti et Noëlle Lenoir* dénoncent cette attaque.

    *Noëlle Lenoir et Arnaud Benedetti sont la présidente et le secrétaire général du Comité de soutien à Boualem Sansal.

    Depuis six mois qu’il a été arrêté et incarcéré par le régime algérien, les soutiens de Boualem Sansal ne cessent de se battre pour dénoncer une situation inacceptable. Inacceptable pour un homme tout d’abord, l’un de nos plus grands écrivains francophones du moment, âgé et malade ; inacceptable pour sa famille, sa femme, elle–même gravement malade et qui, étroitement surveillée, ne parvient à le voir qu’épisodiquement dans sa geôle algérienne, et ses filles, qui de l’étranger ont écrit au président de République algérienne et au président de la République française une supplique en attente toujours à ce jour d’une réponse ; inacceptable pour ses amis en France et à travers le monde, à qui il a tant apporté et qui s’identifient à son sort ; inacceptable pour la France, qui est visée tout particulièrement par un embastillement valant embastillement de nos principes et de nos valeurs les plus fondamentales ; inacceptable enfin parce que la cause de Boualem Sansal a mis à jour des comportements au sein même de la société française qui tournent le dos délibérément à notre tradition de défense de la liberté d’expression.

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    Boualem Sansal : peut–on encore critiquer la stratégie française ? Le point de vue de Noëlle Lenoir Figaro Live

    Parmi d’autres attitudes, les plus visibles ont été les votes hostiles des quelques parlementaires qui se sont opposés aux propositions de résolution qui tant au Parlement européen qu’à l’Assemblée nationale exigent la libération immédiate et inconditionnelle de notre compatriote. Le combat du Comité de soutien international à Boualem Sansal est ingrat parce qu’il lui faut vaincre tous les jours l’indifférence. Il est âpre parce que, sans autre moyen que l’énergie de ses membres, il convient de maintenir une mobilisation dont le pouvoir algérien souhaiterait qu’elle disparaisse pour mieux étouffer dans l’oubli son illustre prisonnier d’opinion et faire ainsi un exemple pour tous ceux qui auraient des velléités de critiquer les hiérarques d’Alger. Il faut le dire, ce combat est parfois décourageant tant il nous faut lutter contre l’accommodement aux diktats algériens qui vient trop souvent conduire la ligne officielle et officieuse française…

    Depuis plusieurs mois, l’un de nos membres, l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, constitue la cible d’une campagne politico–médiatique qui de l’autre côté de la Méditerranée en fait, après le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, l’un des principaux boucs émissaires des dignitaires d’un régime dont l’unique cohésion consiste à se regrouper autour d’une ligne d’hostilité provocatrice et violente à l’encontre de notre pays. La France est couverte d’opprobre d’article en article de presse, d’émission en émission de télévision.

    La clairvoyance et la rationalité dont Xavier Driencourt fait preuve dans ses ouvrages et ses déclarations gênent évidemment les efforts du gouvernement algérien pour culpabiliser la France

    Le seul tort de Xavier Driencourt est de connaître au plus près l’écosystème d’Alger, d’en dénoncer le double discours antifrançais, mais utilitariste, dès lors qu’il s’agit pour sa caste dirigeante de bénéficier des avantages d’une société démocratique et du modèle social qui l’accompagne. La clairvoyance et la rationalité dont Xavier Driencourt fait preuve dans ses ouvrages et ses déclarations gênent évidemment les efforts du gouvernement algérien pour culpabiliser la France, qui serait structurellement coupable de ne pas suffisamment ouvrir les vannes en matière migratoire et pour ne pas suffisamment se repentir dans le cadre des travaux mémoriels lancés par les deux présidents de la République. Ami de Boualem Sansal, qu’il est par ailleurs un des derniers à avoir vu libre, comme de Kamel Daoud, autre écrivain également primé en France pour ses œuvres et de même persécuté, il est engagé depuis les premiers jours au sein du Comité de soutien dont il est l’une des chevilles ouvrières.

    C’est cet homme à l’expertise documentée, à l’expérience éprouvée, à la vigilance lucide qui est désormais la cible récurrente du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean–Noël Barrot, qui, sur RTL, l’a qualifié de « porte–parole de l’extrême droite », qualificatif fourre–tout qui suffit aujourd’hui à disqualifier toute pensée qui oserait la critique de la faiblesse de notre politique, en l’occurrence celle menée vis–à–vis d’Alger. Ce propos qui fait suite à d’autres déclarations similaires du chef de notre diplomatie nous heurte de plein fouet parce qu’il témoigne d’une méconnaissance de l’esprit qui anime notre Comité de soutien, pluraliste à la fois sur le plan politique et intellectuel et dont le moteur justement est de regrouper tous ceux qui, nonobstant leurs horizons de pensée, se battent parce qu’ils refusent qu’un homme soit emprisonné pour ses idées.

    «France–Algérie : le double aveuglement» : le nouveau livre de Xavier Driencourt Figaro Live

    Il y a quelque chose de profondément troublant à voir ainsi un haut responsable français reprendre à son compte les attaques de la presse algérienne contre Xavier Driencourt et par ricochet contre le Comité de soutien, comme s’il s’agissait de nous faire taire.

    Noëlle Lenoir et Arnaud Benedetti

    C’est une faute politique, non seulement parce qu’un chef de notre diplomatie doit se situer au–dessus de l’arène politicienne, mais aussi parce que ce faisant le ministre fait du gouvernement français le certificateur au millimètre près de la propagande algérienne qui n’a de cesse de s’en prendre en ces termes mêmes avec une hargne débridée à celui qui fut par deux fois notre ambassadeur à Alger et qu’il faudrait faire taire précisément parce qu’il en connaît les arcanes. Enfin, ce propos nous inquiète pour la sécurité de Xavier Driencourt parce qu’il reprend la sémantique des oligarques algérois, alors même que Jean–Noël Barrot ne peut ignorer les risques pesant sur l’intégrité physique de Xavier Driencourt, plusieurs fois, hélas, agressé dans la rue ou lors de déplacements.

    Tout aussi grave : ces attaques ad hominem ont des causes profondes. Elles témoignent de ce qui manque à une grande partie de la classe dirigeante actuelle : la modestie du savoir et de la connaissance. Le diplomate chevronné, fort de son expérience empirique des hommes et des situations, a ceci sans doute de déplaisant, pour un pouvoir qui ne parvient pas, en dépit de ses gestes d’apaisement depuis plusieurs mois, à normaliser sa relation à l’Algérie, qu’il décrit ce qui est vu comme la faiblesse de la France dont se nourrissent avec machiavélisme ses interlocuteurs algériens. On eut aimé que le ministre, lors de son voyage à Alger, le 7 avril dernier, montre autant d’énergie à demander la libération de Boualem Sansal (dont il se borna à évoquer le cas du bout des lèvres dans sa conférence de presse post–rencontre avec le président Tebboune) qu’il n’en déploie à s’en prendre régulièrement à Xavier Driencourt.

    Boualem Sansal : peut–on encore critiquer la stratégie française ? Le point de vue de Noëlle Lenoir Figaro Live

    Il y a quelque chose de profondément troublant à voir ainsi un haut responsable français reprendre à son compte les attaques de la presse algérienne contre Xavier Driencourt et par ricochet contre le Comité de soutien, comme s’il s’agissait de nous faire taire. Nous ne nous tairons pas. Nous savons pertinemment que si Boualem Sansal est libéré, c’est en raison du bruit et de la mobilisation de terrain qui perdurent notamment dans les villes de France pour dénoncer son incarcération inique. Refuser de se taire, telle est la vocation d’un comité de soutien ; telle est surtout la leçon que nous sommes naturellement invités à tirer de toute l’œuvre de notre ami otage à Alger…

    https://www.lepoint.fr/monde/cabale–politico–judiciaire–en–italie–pour–extrader–kamel–daoud–vers–l–algerie–05–06–2025–2591341_24.php#11

    Cabale politico–judiciaire en Italie pour extrader Kamel Daoud vers l’Algérie

    C’est plus que de l’acharnement judiciaire qui cible Kamel Daoud en France comme en Algérie. Cette fois–ci, une vendetta politico–judiciaire a été lancée contre l’écrivain en Italie.

    Par Farid Alilat

    Publié le 05/06/2025 à 18h03

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    image19Kamel Daoud a dû annuler son voyage en Italie de crainte d’être arrêté par la police à son arrivée. © KHANH RENAUD POUR « LE POINT »

    Alors qu'il devait se rendre dans plusieurs villes italiennes durant la deuxième moitié de juin pour une tournée de quatre jours dans le cadre de la promotion de son roman traduit en italien, Kamel Daoud, écrivain franco–algérien, chroniqueur au Point et Prix Goncourt 2024 pour son roman Houris, a dû annuler son voyage de crainte d'être arrêté par la police italienne.

    Attendu à Milan le 15 juin pour prendre part au festival culturel La Milanesiana que dirige son éditrice italienne Elisabetta Sgarbi, également à la tête de la maison La Nave di Teseo, il a été informé qu'il serait interpellé dès sa descente d'avion par un comité d'accueil chargé de son arrestation en vue d'une éventuelle extradition vers l'Algérie.

    Kamel Daoud fiché auprès des services de la police des frontières italiens

    Selon le journal Corriere della Sera, qui a révélé en premier l'information, le nom de Kamel Daoud figure sur la base de données de la police de l'air et des frontières italiennes. Plusieurs médias italiens évoquent aussi l'éventualité de son arrestation dès son arrivée à Milan, sans toutefois préciser la nature du dossier ainsi que ses détails technico–juridiques. Mais toutes les sources s'accordent sur un fait avéré : Kamel Daoud était fiché auprès des services de la police des frontières en Italie.

    De son côté, le ministre italien de la Justice, Carlo Nordio, ancien procureur adjoint du parquet de Venise, a mollement démenti l'existence d'un risque que l'écrivain soit arrêté. « Nous ne savons pas encore si Daoud viendra ou non, affirme–t–il. S'il ne vient pas, le problème ne se pose pas. » Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.

    L'annulation par Kamel Daoud de sa tournée ainsi que les risques qui planent sur sa sécurité dans le cas où il mettrait un pied dans un aéroport italien continuent de susciter indignations et réprobations en Italie. Dans une déclaration à L'Express, Elisabetta Sgarbi assure que le nom de l'écrivain figure dans les fichiers de la police des frontières italienne. « L'Italie doit garantir à un écrivain, à un grand écrivain comme Kamel Daoud, la possibilité de parler de son roman lorsqu'il est sur le sol italien, dit–elle. C'est un droit inaliénable, non négociable par aucun type d'accord. »

    Président de l'Association des éditeurs italiens, Innocenzo Cipolletta apporte son soutien à Kamel Daoud qui, affirme–t–il, doit pouvoir participer librement aux événements culturels en Italie et dans le reste du monde sans que ses œuvres et ses idées ne le mettent face au risque d'être privé de sa liberté. « Il doit pouvoir parler de ses livres et exprimer ses idées, en Italie comme ailleurs », assure–t–il dans une déclaration. Innocenzo Cipolletta ajoute que « Kamel Daoud, est accusé par les autorités algériennes de crimes d'opinion, comparables à ceux qui ont conduit à l'incarcération de Boualem Sansal, dont nous continuons de réclamer la libération ».

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    Journaliste, chercheur, philosophe italien et directeur de la revue MicroMega, Paolo Flores D'Arcais interpelle le gouvernement de Giorgia Meloni pour garantir à Kamel Daoud la possibilité de se rendre en Italie sans risquer d'y être arrêté. « Sinon, précise–t–il dans une tribune publiée dans cette revue, ils se rendent personnellement complices de la répression féroce du régime algérien contre les intellectuels et les dissidents, ajoutant cette nouvelle infamie à celles, nombreuses, commises par le gouvernement au cours de sa brève, mais déjà trop longue, existence. »

    L'attention de la France à l'acharnement contre Kamel Daoud

    Ce qui peut être désormais considéré comme l'affaire italienne de Kamel Daoud interpelle par ailleurs une partie de la classe politique italienne. Lia Quartapelle, députée du Parti démocrate et membre de la commission des Affaires étrangères, a saisi publiquement le gouvernement de Giorgia Meloni sur le cas de l'auteur de Houris. « De quoi parle Giorgia Meloni lorsqu'elle affirme vouloir rendre sa grandeur à l'Occident, si nous ne sommes pas capables de respecter et de faire respecter la liberté d'expression ? » se demande–t–elle dans un entretien accordé au HuffPost. « Le silence du gouvernement vaut mieux que mille mots. Aucun intérêt ne vaut plus que les valeurs constitutionnelles fondatrices », ajoute–t–elle.

    Naturalisé citoyen français, Kamel Daoud ne peut donc faire l'objet d'une extradition vers l'Algérie sur décision de la justice italienne dès lors qu'un ressortissant d'un État de l'Union européenne ne peut être extradé vers un État tiers. Son éventuelle arrestation sur le sol italien aurait immédiatement provoqué un incident diplomatique entre Paris et Rome.

    Déjà à la peine pour obtenir la libération de l'écrivain Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison par un tribunal algérien, les autorités françaises ne pourraient pas accepter qu'un autre écrivain français soit arrêté sur le sol européen, en Italie en l'occurrence, en raison de ses écrits. Et encore moins renvoyé en Algérie, où il risque d'être emprisonné avant d'être exhibé sur les chaînes de télévision algériennes comme un trophée arraché à la France. Un écrivain français dans une prison d'Alger, c'est déjà un prisonnier de trop. Deux, ce serait intolérable.

    Preuve que Paris attache une attention particulière à l'acharnement judiciaire qui vise Kamel Daoud, Christophe Lemoine, porte–parole du ministère des Affaires étrangères, indiquait, le 7 mai dernier, que le gouvernement français suivait avec attention l'évolution de la situation concernant les deux mandats d'arrêts émis par Alger contre lui, tout en soulignant que celui–ci était « un auteur reconnu et respecté » et que la France était attachée à la liberté d'expression.

    Ce mardi 3 juin, le président Emmanuel Macron était en déplacement Rome pour rencontrer Giorgia Meloni, la présidente du Conseil italien, afin d'apaiser les relations tendues entre les deux pays depuis l'élection de Donald Trump. Interrogé par Le Point pour savoir si Emmanuel Macron avait évoqué avec Giorgia Meloni le cas de Kamel Daoud, l'Élysée n'a pas encore donné suite à notre sollicitation.

    Lune de miel entre l'Italie et l'Algérie

    En mars et avril derniers, la justice algérienne a émis deux mandats d'arrêts internationaux contre Kamel Daoud pour des considérations purement politiques, indiquait son avocate Me Jacqueline Laffont. Celle–ci avait alors engagé une procédure auprès d'Interpol afin de les contester et de les annuler. Selon nos informations, Interpol a rejeté les deux mandats d'arrêts algériens en raison de leur caractère éminemment politique et le nom de l'écrivain ne figure aujourd'hui dans aucune base de données, dans une aucune fiche rouge de cette organisation de police internationale. Comment, alors, le nom de Kamel Daoud se retrouve–t–il dans les fichiers de la police des frontières italienne ?

    L'explication est à trouver sans doute dans la très bonne entente entre Alger et Rome. Depuis la visite d'État de trois jours du président Abdelmadjid Tebboune en Italie en mai 2022, les deux pays vivent une lune de miel qui contraste avec le cycle de montagnes russes de la relation franco–algérienne. Pour lui rendre l'ascenseur, Giorgia Meloni est reçue en grande pompe à Alger en janvier 2023. Gaz, pétrole, agriculture, industrie, services, les échanges commerciaux entre l'Algérie et l'Italie ont atteint 13,9 milliards d'euros en 2024. À ce rythme, l'Italie risque d'évincer la France comme deuxième client de l'Algérie après la Chine.

    « L'Algérie est un partenaire fiable d'une importance stratégique absolue pour l'Italie », disait Giorgia Meloni lors de cette visite Alger. Signe patent que cette dernière chouchoute les autorités algériennes ? Elle avait personnellement invité Tebboune au sommet du G7 qui s'est déroulé en juin 2024 en Italie. C'est d'ailleurs en marge de ce sommet qu'Emmanuel Macron avait annoncé au président algérien la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, annonce qui fut le prélude à la crise qui perdure encore aujourd'hui entre Paris et Alger.

    Au–delà de la politique et du business, Italiens et Algériens sont liés par une coopération judiciaire soutenue. En 2005, Alger et Rome avaient signé une convention sur les extraditions, avant de renforcer et de bétonner cette entraide judiciaire par une autre convention sur les extraditions des criminels que les deux parties ont ratifiée respectivement en 2023 et 2024. Dans le cadre de cette coopération, plusieurs magistrats algériens ont été formés en Italie ou à distance par des homologues italiens. Par le passé, juges et procureurs algériens et italiens ont croisé des informations et coopéré sur des dossiers de corruption, notamment dans le cadre du gros scandale qui a ébranlé en 2010 le géant pétrolier algérien Sonatrach et la compagnie pétrolière Saipem, filiale du non moins géant italien Eni. Tout cela peut donc parfaitement valider le scénario d'un deal qui aurait pu être scellé en vue d'extrader Kamel Daoud en Algérie, ou du moins tenter de le faire.

    Un précédent avec l'affaire Ould Kaddour

    C'est qu'il existe un précédent où l'Algérie et un partenaire étranger se sont affranchis des règles de droit et de diplomatie pour faire extrader un ressortissant algérien vers son pays où il purge désormais une peine de dix ans de prison. PDG de la compagnie Sonatrach entre 2017 et 2019, Abdelmoumen Ould Kaddour est arrêté le 20 mars 2021 aux Émirats arabes unis sur la base d'un mandat d'arrêt international délivré contre lui par un juge d'Alger.

    Interrogé par un magistrat émirati, il est aussitôt remis en liberté et interdit de quitter les Émirats dans l’attente que la demande d’extradition algérienne soit documentée avec des preuves pouvant justifier son renvoi en Algérie. Les avocats d’Ould Kaddour, défendu par le cabinet Lutfi & Co Advocates and Legal Consultants, basé à Dubai, ont contesté la légalité et le fondement de cette demande d’extradition et attendaient que la justice émiratie statue sur leur requête. Sauf qu’un autre scénario était en préparation entre Alger et Abou Dhabi.

    Mardi 3 août 2021, deux mois et demi après son arrestation à sa descente d'avion, Ould Kaddour est interpellé par des policiers en civil pour être conduit dans les locaux du ministère de l'Intérieur émirati. Entre–temps, un avion spécial s'est envolé d'Alger en direction de Dubai avec à son bord le général Abdelghani Rachedi, patron de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), parti avec ses hommes pour récupérer Ould Kaddour. Embarqué à Dubai alors que la justice émiratie n'a pas encore statué sur son cas, il arrive quelques heures plus tard à l'aéroport d'Alger où des équipes de télévision coachées par la direction de la communication de la présidence de la République l'attendent pour le filmer menottes aux poignets et l'exhiber tel un butin de guerre.

    Qu'est–ce qui avait rendu possible cette extradition de l'ancien PDG de Sonatrach ? De très bonnes relations entre Algériens et Émiratis. Et ce plus qui ouvre les portes les plus hermétiques : le général Abdelghani Rachedi, celui–là même qui avait récupéré Ould Kaddour pour l'extrader, avait longtemps servi comme attaché militaire… aux Émirats.

    A–t–on voulu faire subir le même traitement, le même sort, à Kamel Daoud en Italie ? Rien n'est exclu dans la mesure où les autorités algériennes usent de tous les moyens pour salir les voix qui dérangent, harceler et faire condamner écrivains et journalistes et tenter de faire extrader ceux qu'elles qualifient de traîtres et de renégats.

    Chat échaudé, Kamel Daoud a décidé d'annuler la tournée qu'il comptait faire en Asie à la fin du mois de juin où il est invité pour la promotion de Houris. Compte tenu de l'excellence des relations excellentes que Pékin entretient avec Alger, il ne faut surtout pas tenter le diable et se hasarder à mettre un pied dans un aéroport chinois, sous peine d'être extradé vers l'Algérie. Et exhibé devant les caméras comme on exhiberait un scalp.

    https://fr.timesofisrael.com/theatre–une–adaptation–dun–livre–de–boualem–sansal–fait–vivre–son–oeuvre/

    Théâtre : une adaptation d’un livre de Boualem Sansal « fait vivre son œuvre »

    À travers le journal intime de l'un et de l'autre, l'auteur invoque à la fois la Shoah, la guerre civile des années 1990 en Algérie et la vie des Algériens dans les banlieues françaises.

    Par AFP 5 juin 2025, 21:53

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    La pièce de théâtre « Le village de l'Allemand ». (Crédit : compagnie Les Asphodèles du Colibri)

    L’adaptation au théâtre du livre Le village de l’Allemand de Boualem Sansal remonte à 2023 mais la compagnie qui l’a montée a toujours à cœur de « faire entendre » cette œuvre de l’écrivain incarcéré depuis plus de 200 jours en Algérie et la présentera en juillet au « off » du Festival d’Avignon.

    Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller (éditions Gallimard, 2008) raconte l’histoire, inspirée d’un cas réel, de deux frères, Rachel et Malrich. Nés de mère algérienne et de père allemand, ils ont été élevés par un oncle dans une cité de banlieue parisienne, tandis que leurs parents sont restés dans un village près de Sétif en Algérie.

    À travers le journal intime de l’un et de l’autre, l’auteur invoque à la fois la Shoah, la guerre civile des années 1990 en Algérie et la vie des Algériens dans les banlieues françaises. Grand Prix RTL – Lire en 2008, il a été censuré en Algérie car il dresse un parallèle entre islamisme et nazisme.

    « J’ai été bouleversé par sa façon d’écrire », a expliqué mercredi soir Thierry Auzer, directeur artistique de la compagnie Les Asphodèles du Colibri, lors d’une rencontre avec la presse à l’occasion d’une représentation au festival « Le mois Molière » à Versailles.

    Kibboutz Beeri au coeur des ruinesKeep Watching

    M. Auzer a raconté comment, après la sortie du livre, il s’était rapproché de l’écrivain, qui avait initialement accordé les droits du roman à un projet de cinéma. Ce dernier ne se fera pas, ouvrant la voie à une adaptation sur les planches, née en 2023, avec le metteur en scène Luca Franceschi, « frère de scène » de Thierry Auzer, également directeur d’un théâtre à Bruxelles.

    La pièce est en tournée depuis, notamment dans des lycées, et sera à l’affiche du « off » du Festival d’Avignon cet été (5–26 juillet). M. Sansal devait assister à une représentation l’automne dernier, avant d’être arrêté.

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    Boualem Sansal à la foire du livre de Francfort, en 2011. (Crédit : Domaine public)

    « Je dis aux comédiens : vous nous racontez une histoire à chaque fois qu’on joue. Et, en même temps, on fait vivre l’œuvre de Boualem Sansal. C’est pour moi fondamental, en 2025, de dire (qu’)on fait vivre un spectacle vivant de quelqu’un qui est enfermé », a témoigné Thierry Auzer.

    « Silence » et « mémoire »

    Âgé de 80 ans, Boualem Sansal est incarcéré depuis le 16 novembre 2024 en Algérie. Il a été condamné le 27 mars à cinq ans de prison, notamment pour des déclarations en octobre au média français d’extrême droite Frontières, où il estimait que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque–là au Maroc. Un procès en appel est prévu le 24 juin.

    L’écrivain est l’objet d’une lutte diplomatique entre l’Algérie et la France. Alger estime que la justice a suivi son cours normal, tandis que Paris appelle à un « geste d’humanité » envers un homme atteint d’un cancer.

    Gallimard a fourni à l’écrivain un avocat français qui n’a jamais obtenu de visa pour pouvoir assurer sa défense.

    Sur scène, six comédiens manipulent eux–mêmes un décor tout en simplicité, avec un canapé, une table, quelques cubes. Quelques notes d’humour et de légèreté, du rythme, un récit narré parfois simultanément à deux ou trois niveaux : le spectateur est emmené dans la quête douloureuse d’identité des deux frères Schiller, et notamment dans leurs interrogations en tant qu’enfants de criminel de guerre

    « Nous ne sommes pas responsables, ni comptables, des crimes de nos parents », assure l’un des personnages de la pièce, un commissaire de police, sorte d’ange gardien de Malrich.

    « Le silence », « la mémoire », « l’amnésie familiale »… Ce livre permet « de ne pas oublier hier, pour comprendre ce qu’on vit aujourd’hui », selon Thierry Auzier.

    https://www.algerie360.com/jai–fait–mon–devoir–decrivain–yasmina–khadra–interpelle–tebboune–sur–laffaire–sansal/

    « J’ai fait mon devoir d’écrivain » : Yasmina Khadra interpelle Tebboune sur l’affaire Sansal

    rima.a

    5 juin 2025

    Après son sacre littéraire en Espagne, en remportant le prestigieux prix « Pepe Carvalho« , Mohamed Boulessehoul, plus connu sous la plume de Yasmina Khadra, a été reçu par le président de la République Abdelmadjid Tebboune.

    L’écrivain a profité de l’occasion pour évoquer l’affaire de Boualem Sansal.

    L’écrivain algérien Yasmina Khadra a révélé, mercredi 4 juin, avoir plaidé en faveur de la libération de Boualem Sansal, emprisonné depuis 200 jours. Il a déclaré avoir directement abordé le sujet avec le président Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre la semaine dernière à Alger.

    Yasmina Khadra plaide pour la libération de Boualem Sansal

    L’écrivain algérien Yasmina Khadra a indiqué mercredi 4 juin à l’AFP avoir plaidé auprès du président Abdelmadjid Tebboune en faveur de la libération du Franco–Algérien Boualem Sansal, actuellement en prison.

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    « J’ai insisté pour qu’il soit libéré », a fait savoir Yasmina Khadra, joint par un appel téléphonique depuis Alger. « Tout ce que je voulais, c’était d’essayer de le solliciter pour que Boualem Sansal retrouve sa liberté le plus rapidement possible. Il a écouté attentivement« , insiste l’auteur de « Cœur d’amande« .

    Le romancier ajoute : « J’ai fait mon devoir d’écrivain. S’il y a une petite chance, il faut la tenter. Boualem Sansal est malade, il ne faut jamais l’oublier« .

    Le procès en appel de Boualem Sansal prévu pour le 24 juin

    Pour rappel, Boualem Sansal a été condamné, le 27 mars, à cinq ans de prison, pour atteinte à l’intégrité nationale. Notamment suite à des déclarations en octobre 2024 à un média d’extrême droite française, où il estimait que « l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque–là au Maroc« . Son procès en appel est prévu pour le 24 juin 2025.

    L’affaire de cet écrivain s’inscrit dans la large liste des sujets sensibles qui ont dégradé les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France. Alors qu’Alger défend le déroulement normal de la justice, Paris, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean–Noël Barrot, appelle à « un geste humanitaire«  envers Boualem Sansal, atteint d’un cancer.

    https://tamurt.info/yasmina–khadra–evoque–enfin–boualem–sansal/

    Yasmina Khadra évoque enfin Boualem Sansal

    Par Idir Yatafen

    – 5 juin 2025

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    Tebboune récompense l'écrivain Yasmina Khadra

    ALGERIE (TAMURT) – L’écrivain algérien Yasmina Khadra a fini par rompre le silence sur l’incarcération arbitraire de Boualem Sansal, sept mois après son arrestation à l’aéroport d’Alger. Il a choisi la presse française pour annoncer qu’il a rencontré la semaine passée Abdelmadjid Tebboune pour lui évoquer la libération de Boualem Sansal.

    « J’ai vu la semaine dernière le président Tebboune et j’ai profité de cette occasion pour lui demander de libérer Boualem Sansal. Il m’a écouté. J’ai fait mon devoir d’écrivain », a déclaré l’ancien militaire et écrivain Yasmina Khadra, au journal français Le Monde.

    Yasmina Khadra a longtemps hésité pour murmurer un semblant de soutien à Sansal. Durant sept mois, il n’a soufflé aucun mot sur cette injustice. Il était entre l’enclume et le marteau. D’un côté, il avait peur de la réaction des Algériens qui sont tous contre Boualem Sansal, hormis les Kabyles bien sûr ; et surtout, il avait peur du régime algérien. D’autre part, Yasmina Khadra ne peut pas garder le silence. Il est obligé de prendre position, sinon il serait banni des médias français et tous ses rendez–vous littéraires en France seraient annulés s’il ne soutenait pas Sansal, et il perdrait tous ses privilèges en France.

    Khadra a fini par prendre son courage à deux mains et prononcer un mot pour la libération de Sensal.

    Idir Yatafen

    https://www.atalayar.com/fr/articulo/politique/lalgerie–perd–son–siege–au–conseil–securite–lonu/20250605102539215632.html

    L'Algérie perd son siège au Conseil de sécurité de l'ONU

    Enrique Fernacutendez 5 juin 2025

    Dans le cadre de l'élection des nouveaux membres qui accompagneront la France, les États–Unis, le Royaume–Uni, la Chine et la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies, l'Algérie a perdu son siège au profit du Bahreïn, de la Colombie, de la République démocratique du Congo (RDC), de la Lettonie et du Liberia, bien que cette décision ne prendra effet qu'au 1er janvier 2026. 

    Cette décision est un pas de plus en faveur du plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental, puisque le Libéria, Bahreïn et la RDC sont de fervents défenseurs du projet proposé par le roi du Maroc, Mohammed VI, en 2007 sur la souveraineté du Sahara occidental, considéré par plus de 100 pays, dont le dernier en date est le Royaume–Uni, comme le plan le plus « sérieux, réaliste et crédible pour résoudre un conflit qui dure depuis plus de cinq décennies ». Concrètement, Bahreïn a obtenu 186 voix, la RDC 183 et le Liberia 181 sur 193 possibles. 

    https://450.fm/2025/06/06/albert–camus–un–pied–noir–sans–tablier–a–la–recherche–dun–grand–architecte–de–lunivers–introuvable/

    Albert Camus : un pied–noir sans tablier à la recherche d’un Grand Architecte de l’Univers introuvable

    Par Michel Baron 6 juin 2025

    image25Albert Camus

    « Savoir si l’homme est libre ne m’intéresse pas. Je ne puis éprouver que ma propre liberté. Sur elle, je ne puis avoir de notions générales, mais quelques aperçus clairs. Le problème de la « liberté en soi » n’a pas de sens. Car il est lié d’une toute autre façon à celui de Dieu. Savoir si l’homme est libre commande qu’on sache s’il peut avoir un maître. L’absurdité particulière à ce problème de la liberté lui retire en même temps tout son sens. Car devant Dieu, il y a moins un problème de la liberté qu’un problème du mal. On connaît l’alternative : ou nous ne sommes pas libre et Dieu tout–puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables mais Dieu n’est pas tout–puissant. Toutes les subtilités d’écoles n’ont rien ajouté ni soustrait au tranchant de ce paradoxe »

     Albert Camus (Le Mythe de Sisyphe. 1942)

    Villeblevin dans l’Yonne, le 4 janvier 1960 : un accident de voiture, banal et tragique amène la mort de tous les passagers. Dans les victimes figurent le célèbre éditeur Gaston Gallimard qui conduisait le véhicule et le philosophe Albert Camus, dont l’oeuvre littéraire fut couronnée en 1957 par le prix Nobel de littérature. Dans la voiture accidentée, seront retrouvée les notes avancées d’un roman biographique que l’auteur estimait ce qui serait son plus important écrit et qui sera reconstitué après coup, pour voir le jour (1). Y figurait une étrange dédicace destinée à sa mère : « A toi qui ne pourras jamais lire ce livre ».

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    Albert–Camus

    Cette mère, Catherine Sintès, sourde, mutique, d’origine espagnole, qui ne sait ni lire ni écrire, s’exprime par une gestuelle qui complète les pauvres 400 mots qu’elle possède pour s’exprimer. D’ailleurs, à quoi servirait un vocabulaire sophistiqué quand on « fait des ménages » pour survivre dans l’un des quartiers les plus pauvres d’Alger, avec un fils qui s’avère être tuberculeux, version sordide, pas celle que Thomas Mann décrira en 1924, sur sorte de tuberculose métaphysique et philosophique qui fera beaucoup sourire Camus à sa lecture (2). Cette adresse à sa mère, qu’il vit du même amour que pour l’Algérie lui évitera le déchirement qu’aurait pu lui amener les accords d’Evian de 1962 (3) : « J’ai aimé avec passion cette terre où je suis né, j’y ai puisé tout ce que je suis, et je n’ai jamais séparé dans mon amitié aucun des hommes qui y vivent, de quelque race qu’ils soient. Bien que j’ai connu et partagé les misères qui ne lui manquent pas, elle est restée pour moi la terre du bonheur, de l’énergie et de la création. Et je ne puis me résigner à la voir devenir pour longtemps la terre du malheur et de la haine ». Même si dans ce parallélisme entre sa mère et l’Algérie, c’est sa mère qu’il choisit toujours : « En ce moment, on lance des bombes dans les tramways à Alger, ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si cela est la justice, je préfère ma mère ». Cette fixation impérative à sa mère amènera Camus à des échecs répétitifs d’ordre sentimentaux : il tient à distance affectivement les femmes pour qui il a un véritable attachement et qui se lassent, tout en les choisissant d’un milieu intellectuel qui n’était pas le sien et qu’il fallait séduire pour se prouver qu’il en était à la hauteur, bien que cela était une évidence, il n’a cessé d’en douter toute sa vie, voulant ainsi compléter les manques de sa mère, par la connaissance supposée des autres. Deux exemples, parmi d’autres, illustrent cette dialectique de l’échec : sa femme Francine Faure, institutrice à Oran qui aura avec lui deux jumeaux (Catherine et Jean Camus) et sa liaison avec l’actrice Maria Casarès. Des femmes qui parlent, sont brillantes, mais perdent toujours face à la figure maternelle !

     Dans le fond, si deux visages se rencontrent au–delà des siècles et des différences idéologiques apparentes, dans ce Maghreb baigné de lumière et si brûlant à leur coeur, ce seraient ceux de Saint–Augustin et d’Albert Camus, qui plongeaient leur racines dans un désespoir raisonné de la condition humaine prise dans les remous d’une violence historique sans bornes. Saint Augustin d’Hippone (354–430) est né à Thagaste (actuellement Souk–Ahras) et mort à Hippone au moment des invasions barbares. Même importance de la mère (Sainte Monique), même milieu modeste (petits exploitants agricoles), même santé fragile, même dérives idéologiques : Camus démissionnant du Parti Communiste après sa prise de conscience des crimes perpétrés et Saint Augustin devenant membre influent, durant plusieurs années, d’un courant manichéen et s’en éloignant pour se convertir au christianisme sous l’influence de sa mère malgré l’opposition du père païen (« Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique »), même vie affective compliquée (St. Augustin aura un enfant naturel, Adéodat, mort à 19 ans, avec sa concubine, et Camus une vie compliquée avec de nombreuses femmes). Cependant un point essentiel les sépare : la croyance en un Principe divin. Pour St. Augustin la présence divine est constante et préside à la destinée de l’homme de façon totale, allant jusqu’à la prédestination (Rappelons que le protestantisme et le jansénisme pascalien sont imprégnés d’augustinisme). Camus, est un cherchant permanent qui ne se définit pas comme athée (4) : « Je lis souvent que je suis athée, j’entends parler de mon athéisme. Or ces mots ne me disent rien, ils n’ont pas de sens pour moi. Je ne crois pas à Dieu et je ne suis pas athée ». Le monde vit hors de la grâce et Camus cherchait, pour les hommes et lui–même, beaucoup plus le salut que le bonheur. St. Augustin croyait à la venue de la « Jérusalem céleste », Camus à la « Jérusalem terrestre » qu’il faudrait transformer par la justice et la fraternité, en mettant en priorité le dialogue pour en exclure la violence. Un choix humaniste par excellence

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    Par humour et sympathie, il m’est arrivé de penser que Camus aurait pu être Franc–Maçon ! Il en avait toutes les qualités pour porter le titre « sans tablier » : tolérance, laïcité, regard fraternel, sur le prochain ouverture à l’altérité, méfiance vis–à–vis des idéologies. Sur le plan de la non–croyance à un « Grand Architecte », la pensée de la philosophe Simone Weil nous est précieuse (5) : « Entre deux hommes qui n’ont pas l’expérience de Dieu, celui qui le nie en est peut–être le plus près. Le faux Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’on ne le touche pas, empêche d’accéder au vrai. Croire en un Dieu qui ressemble en tout au vrai, excepté qu’il n’existe pas, car on ne se trouve pas au point où Dieu existe ». Telle fut, peut–être le cheminement d’Albert Camus qui pensait que Jésus était un « saint laïc » !

     I– « LES DOUTES, C’EST CE QUE NOUS AVONS DE PLUS INTIME »

    Le panthéisme sensuel de Camus, présent dès l’origine, va se doubler, au fil des ans, d’un stoïcisme très présent : absence de Dieu et la certitude de la mort qui représente le mal absolu puisque la vie corporelle est le seul bien incontestable. Mais c’est l’acceptation lucide de cette condition mortelle qui donne à l’homme la seule joie qui lui soit permise qui est la jouissance immédiate de son être. Camus, en Algérie, se rendait souvent sur la colline de Djemila et, contrairement à Barrès et la recherche des « lieux où souffle l’esprit » sur la colline de Sion en Lorraine, se plaît au contraire à être en un lieu « où meurt l’esprit pour que naisse une vérité qui est sa négation même ». C’est une recherche d’un détachement de soi–même par la présence au réel du monde : « être pur c’est retrouver cette partie de l’âme ou devient sensible la parenté du monde ». Cemonde est beau, et hors de lui, point de salut. Selon Camus, dans « Noces » l’accession à la sagesse est « ce singulier instant où la spiritualité répudie la morale, où le bonheur naît de l’absence d’espoir, où l’esprit trouve sa raison dans le corps ». Ceci, sans sublimation en élévation métaphysique ou extase religieuse.

    Existent cependant, pour Camus, des vertus naturelles à l’homme, indépendamment de toute éducation sociale ou culturelle. Ces vertus sont le courage viril, le respect des faibles (en particulier des femmes), la sincérité et la honte du mensonge, le goût de la liberté et de l’indépendance. Sans trop se faire d’illusions sur la pratique de l’homme vers cette sagesse : « Celui qui désespère des événements est un lâche, mais celui qui espère en la condition humaine est un fou ». Tout homme est un criminel qui s’ignore car le destin de l’homme prend racine dans l’irrationnel : rien n’est certain que la mort qui est le scandale de la conscience et de l’absurde. Et, par conséquent, c’est à partir de cette absurdité que doit se construire une philosophie et une morale. Rappelons que le mot « absurde » pour Camus ne signifie pas « qui n’a pas de raison », mais « qui a reconnu que tout est sans raison » ! Il y a même un plaisir dans l’absurde : c’est tout le thème du « Mythe de Sisyphe ». La négation de l’existence d’un Principe qui gomme l’absurde ne peut que conduire à l’action permanente du sujet et Nietzsche écrit que ce qui importe n’est pas : « La vie éternelle mais l’éternelle vivacité ». Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers et cet univers sans Maître n’apparaît ni stérile ni futile, la lutte vers les sommets suffisant à remplir son coeur d’homme et selon la formule « Il faut imaginer Sisyphe heureux ».

    Pour Camus, l’homme absurde doit–être un être conscient, livré à la fatalité dans un univers sans providence, acceptant sa condition et mettant son plaisir dans l’accomplissement de sa tâche humaine. Vision humaniste des choses, mais qui se double de stoïcisme. L’absurde ne peut avoir de sens que dans la mesure où l’on n’y consent pas, sous peine de ne tomber que dans une protestation pathétique. Camus tente de concilier le sens du fatal avec le goût de l’action et de fonder le courage sur le pessimisme et le bonheur sur l’orgueil. Mais, ce qui demeure absurde est la confrontation de cet irrationnel avec le désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au plus profond de l’homme.

    Mais vient toujours un temps ou il faut choisir entre la contemplation et l’action et entre Dieu et le temps. Camus choisit naturellement l’action et le temps : il rejoint là une position laïque qui, ayant éliminé Dieu, pense conserver ou restituer les valeurs morales à partir de la seule conscience de l’homme. Pari risqué, d’autant qu’il a commencé par poser l’irrationalité du monde, mais il pense que l’absorption des consciences singulières, peuvent se résoudre à terme dans un état d’âme collectif. Belle définition du panthéisme ! Dans cette vision des choses le christianisme est suspect aux yeux de Camus, et il l’est doublement : en ce qu’il reporte dans l’au–delà l’espoir de la félicité et en ce que, devant les misères du monde, il se résigne, devient l’esclave de Dieu (Le «serf arbitre » de Luther), au lieu de tendre sa propre volonté contre le poids du « rocher fatal » de Sisyphe.

    En février 1946, dans un colloque au couvent dominicain de Latour–Maubourg, Camus reconnu que le christianisme lui était étranger, qu’il n’y était jamais entré et que le problème pour lui était de savoir si l’homme, « sans le recours de l’Eternel ou de la pensée rationaliste, peut créer, à lui seul, ses propres valeurs ». Ce qui le conduisit à souhaiter la conception d’un « universalisme moyen » et la définition de « valeurs provisoires ». Cette mise en mouvement d’un sens à donner suppose l’action. Ce que Camus expliquera avec humour : « La vie c’est comme une bicyclette : il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre » !

    II– LA RECHERCHE DESESPEREE DU PERE, DONC DU SENS.

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    Albert Camus – Portrait de la collection de photographies du New York World–Telegram et du Sun, 1957

    La fiche civile d’Albert Camus porte la mention suivante : « Né à Mondavie en Algérie (Aujourd’hui Dréaan, à proximité d’Anaba, ex–Constantine), fils de Lucien Camus, ouvrier cariste et Catherine Sintès, d’origine espagnole. » A peine un an après sa naissance, son père est envoyé en France, lors de la première guerre mondiale. Le 11 octobre 1914, il meurt dans une offensive. Camus ne connaît pas son père et il le rebâtira de façon permanente à–travers les projections masculine qu’il fera au cours de sa vie. Celle qui assure le quotidien, c’est la mère sourde et mutique, qui va être la figure déifiée incontournable de sa vie, passant devant toutes les nombreuses figures féminines rencontrées.

    En revanche, Camus va nourrir une ambivalence évidente envers la figure du père : à la fois un besoin irréversible et la méfiance d’être abandonné, « lâché ». Cela se traduira par des épisodes douloureux, notamment dans sa querelle avec Sartre qui lui servait de modèle et qui fera ressortir dans le conflit la nullité du milieu d’où il venait en faisant fi de ses soi–disant idées politiques révolutionnaires ! En revanche, il y aura des moments de grâce qui lui sauvèrent la vie : par exemple, l’influence de son maître d’école, Louis Germain, qui sentant chez lui de véritables talents, va le pousser à la création et donner une orientation le menant d’un quartier sordide d’Alger au prix Nobel de littérature le 19 novembre 1957, et où dans son discours inaugural il félicitera l’humble enseignant qui le conduisit à la réalisation d’une exemplaire résilience, le rendant définitivement persuadé de l’importance de l’étude pour la liberté personnelle et l’égalité. Il écrira d’ailleurs cette formidable lettre à son ancien maître d’école (6) :« Cher Monsieur Germain– J’ai laissé s’éteindre un peu le bruit qui m’a entouré tous ces jours–ci avant de venir vous parler de tout mon coeur. On vient de me faire un bien trop grand honneur (le prix Nobel de Littérature), que je n’ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j’en ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur. Mais celui–là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et vous assurer que vos efforts, votre travail et le coeur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse de toutes mes forces ». Mais au–delà de ses belles parenthèses, le sujet est repris, noyé, dans l’absurdité du monde et de sa finalité propre. Il ne lui reste plus qu’à faire son « métier d’homme » sans se soucier des dieux ou des modèles provisoirement déifiés car l’action dépasse la réflexion. Son œuvre, reprendra d’ailleurs ses réflexions sur la négation sous trois formes : romanesque avec « l’étranger », dramatique avec « Caligula » et le malentendu idéologique avec « Le mythe de Sisyphe ». Mais, le quatrième temps prévoyait une réflexion sur l’amour. Juste avant l’accident…

    Camus fréquentait des croyants mais ne partageait pas l’idée que pour vaincre la solitude et le désespoir, l’homme devait céder à la religion et à la croyance à une Parousie quelconque. Pas de renoncement à la raison, même si ce qu’elle offre s’apparente à l’angoisse pascalienne.

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    III– « SOLITAIRE OU SOLIDAIRE ? »

    C’est la question finale d’une nouvelle de Camus, « Jonas ou l’artiste au travail » (7) qui résume parfaitement les interrogations de l’auteur : même si la solitude me tente, du fait de mon narcissisme même, puis–je me passer des autres et de leur potentielle fraternité, d’autant que je rejette l’idée d’une transcendance. Il ne me reste que le choix de l’horizontalité des rapports humains avec son lot de joies et de blessures.

    Camus propose une transcendance de l’immanence, en laissant toute cause métaphysique de côté. Ce qui suppose une spiritualité humaniste qui mette en mouvement la justice et le dialogue. En fait, s’abandonner à l’amour quand il écrit (8) : « Il n’y a pas d’autre accomplissement que celui de l’amour, c’est à dire du renoncement à soi–même et de la mort au monde. Aller jusqu’au bout. Disparaître. Se dissoudre dans l’amour. Ce sera la force de l’amour qui créera alors et non plus moi. S’abîmer. Se démembrer. S’anéantir dans l’accomplissement et la passion de la vérité ».

    Pour les Francs–Maçons une question maintenant se pose : INCLUONS–NOUS ALBERT CAMUS DANS NOTRE CHAÎNE D’UNION ?!

    MOI, JE VOUS PREVIENS JE VOTE POUR !

     Notes

    (1) Camus Albert : Le premier homme. Paris. Ed. Gallimard. 1994.

    (2) Mann Thomas : La montagne magique. Paris. Livre de poche. 2019.

    (3) Camus Albert : Chroniques algériennes 1939–1958. Actuelles III. Paris. Ed. Galliimard. (Pages 181–182).

    (4) Camus Albert : Carnets III. 1954. (Page 149).

    (5) Weil Simone : La pesanteur et la grâce ». Paris. Ed. Plon.1948. (Page 133).

    (6) Maeso Marylin : l’Abécédaire d’Albert Camus. Paris. Ed. De l’Observatoire. 2020. (Pages 59 et 60).

    (7) Camus Albert : Jonas ou l’artiste au travail. Oeuvres complètes. Tome IV. Paris. Ed. Gallimard. 2008. (Page 83).

    (8) Camus Albert : Carnets II. (Page 316).

     Bibliographie

    – Basset Guy et Faes Hubert : Camus, la philosophie et le christianisme. Paris. Ed. Du Cerf. 2012.

    – Camus Albert : L’envers et l’endroit. Paris. Ed. Gallimard. 1958.

    – Camus Albert : L’étranger. Paris. Ed. Gallimard. 1942.

    – Camus Albert : Le mythe de Sisyphe. Essai sur l’absurde. Paris. Ed. Gallimard. 1942.

    – Camus Albert : La peste. Paris. Ed. Gallimard. 1996.

    – Camus Albert : Les justes. Paris. Ed. Gallimard. 1950.

    – Camus Albert : L’homme révolté. Paris. Ed. Gallimard. 1951.

    – Camus Albert : Le premier homme. Paris. Ed. Gallimard. 2020.

    – Camus Albert : Conférences et discours. 1936–1958. Paris. Ed. Gallimard. 2017.

    – Camus Albert : La chute. Paris. Ed. Gallimard. 1956.

    – Camus Albert : L’exil et le royaume. Paris. Ed. Gallimard. 1957.

    – Camus Albert : Lettre à un ami allemand. Paris. Ed. Gallimard. 1991.

    – Camus Albert : Caligula suivi par Le malentendu. Paris. Ed. Gallimard. 1958

    Corbic Arnaud : Camus et Bonhoffer. Rencontre de deux humanismes. Paris. Ed. Labor et Fides. 2002.

    Corbic Arnaud : Camus et l’homme sans Dieu. Paris. Ed. Du Cerf. 2007.

    – Garcia Penaranda Adrian–Mauricio : Albert Camus et les différents sens du sacré. Paris. Ed. Du Cerf. 2022.

    – Guerin Jean–Yves : Dictionnaire Albert Camus. Paris. Ed. Robert Laffont. 2009.

    – Kremer–Marietti Angèle : L’éthique. Paris. PUF.1987.

    Maeso Marylin : L’Abécédaire d’Albert Camus. Paris. Ed. De l’Observatoire. 2020.

    Malidor Philippe : Camus face à Dieu. Paris. Ed. Excelsis. 2019.

    – Simon Pierre–Henri : L’homme en procès/ Malraux–Sartre– Camus–Saint–Exupéry. Paris. Ed. Payot. 1950.

    https://fr.le360.ma/culture/parution–france–algerie–le–double–aveuglement–ce–que–revele–le–dernier–livre–de–xavier–driencourt_W6EMGRUZ5JC2LBTECBBAGYHIUM/

    Parution. «France–Algérie, le double aveuglement», ce que révèle le dernier livre de Xavier Driencourt

    Karim Serraj

    6 juin 2025

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    Publié aux Éditions de l’Observatoire en mai 2025, ce livre choc est bien plus qu’un diagnostic. C’est une double mise en accusation: la France est coupable de complaisance, d’aveuglement et d’angélisme; l’Algérie, de duplicité, de propagande. Dès les premières lignes s’installe un climat de désenchantement historique, un constat impitoyable sur les rapports franco–algériens, marqués selon l’auteur par un vice originel: une naissance dans le sang et la défiance avec les Accords d’Évian (mars 1962), qui devaient non seulement acter l’indépendance de l’Algérie, mais aussi jeter les bases d’une coopération équilibrée entre les deux nations. Ces accords, plébiscités par référendum – «90% des Français et 99% des Algériens», rappelle l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt – prévoyaient notamment des garanties pour les Européens d’Algérie, ainsi que des coopérations économiques, militaires et culturelles.

    Mais cette volonté de continuité fut balayée dès l’été 1962 par un événement fondateur et occulté: le coup d’État de l’Armée des frontières. Driencourt qualifie cet épisode de «mal connu ou carrément ignoré en France». La légitimité politique du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), qui avait négocié les Accords d’Évian, est confisquée par les militaires au détriment des négociateurs civils. Le pouvoir effectif passe aux mains de figures telles que ben Bella et Boumediene, absentes à la table des négociations d’Évian.

    «Comment, dans ce contexte imprévu, dans ces conditions nouvelles, construire une relation saine?», s’interroge l’ancien ambassadeur. La question est rhétorique. Le ver est dans le fruit. L’Algérie devient dès l’indépendance un État militaire à parti unique. L’ALN, victorieuse, se perçoit comme «seule propriétaire du pays». Le FLN, désormais hégémonique, redéfinit l’identité nationale autour de trois axes fondateurs: l’arabisation, l’islam et le socialisme. Les Accords d’Évian apparaissent alors comme caducs, déphasés par rapport au projet idéologique de l’Algérie indépendante.

    Une phrase prononcée par ben Bella prend tout son sens: «il avait, dans un discours, relevé que les Accords d’Évian constituaient “un compromis sans doute incompatible avec les perspectives socialistes de l’Algérie”», relève Xavier Driencourt.

    L’aveuglement stratégique de la France: une bienveillance coupable

    C’est ici que l’ouvrage devient particulièrement polémique. «De Gaulle comme Pompidou étaient sans illusions sur la nature du pouvoir algérien», avance l’auteur. Pourtant, la France n’a pas voulu voir. Depuis Charles de Gaulle, elle a préféré «fermer les yeux» sur l’Algérie. «On faisait comme si elle allait s’en sortir», écrit Driencourt, en reprenant avec ironie une formule gaullienne pour dénoncer la politique du simulacre.

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    Couverture de l'ouvrage «France–Algérie, le double aveuglement», de Xavier Driencourt, 192 pages. Éditions de l’Observatoire, 2025.

    Ce «lâche soulagement», qui succède à la fin du conflit algérien, se transforme en politique d’aveuglement durable. Sous Pompidou, la France se détourne du Maghreb pour se tourner vers l’Europe, tandis que l’Algérie adopte une voie socialiste et tiers–mondiste, concrétisée par la nationalisation des hydrocarbures en 1971.

    Honteuse de sa guerre, désireuse de stabilité régionale, la France choisit la complaisance diplomatique plutôt que la lucidité politique. Elle ferme les yeux sur les dérives autoritaires, sur les élections truquées, sur les atteintes systématiques aux libertés publiques. Elle évite soigneusement de nommer la nature réelle du régime algérien, que l’auteur qualifie de «démocrature», de «régime policier, militaire, quasi dictatorial».

    C’est cette vérité, selon Driencourt, que la diplomatie française a toujours voulu ménager, protégeant un «faire–semblant» permanent, illustré jusqu’à nos jours par l’attitude de Paris face aux élections truquées ou aux atteintes aux libertés sous les mandats de Bouteflika et de Tebboune.

    Le deuxième aveuglement français: une cohabitation intime impossible

    À cet aveuglement s’ajoute une impasse politique. L’Algérie n’est pas seulement une question de politique étrangère: elle est devenue un enjeu de politique intérieure. Immigration, harkis, pieds–noirs, binationaux, islam, identité, laïcité… Driencourt décrit cette cohabitation postcoloniale avec lucidité: «L’Algérie est devenue pour les Français autant de la politique étrangère que de la politique intérieure».

    Les relations franco–algériennes sont alors assujetties à des considérations électorales et communautaires, tant à gauche (Mélenchon, immigration) qu’à droite (pieds–noirs, harkis, extrême droite). Mais cette porosité est réciproque. La France devient aussi un enjeu de politique intérieure pour Alger. Driencourt dresse le tableau d’un déséquilibre persistant: la France est contrainte de composer avec un régime algérien qui instrumentalise sans relâche la mémoire coloniale et la question migratoire. Le régime vit d’une rente mémorielle: l’exploitation constante du ressentiment colonial et la fabrication d’un ennemi extérieur utile: la France, entre autres…

    De Gaulle, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron: tous ont voulu écrire un nouveau chapitre. Tous ont échoué sur une constante algérienne: le refus de la réciprocité, l’usage offensif de la mémoire, une stratégie d’humiliation feutrée. La France, enfermée dans ses tabous postcoloniaux, oscille entre repentance partielle et silence coupable. L’Algérie, de son côté, fait de la mémoire une arme, et de la France un exutoire.

    Des excuses aux injonctions: l’escalade mémorielle

    Sarkozy et Hollande, par exemple, tentent, chacun à leur manière, de renouer avec Alger. Sarkozy prononce un discours à Constantine en 2007. Hollande s’adresse aux parlementaires algériens en 2012. Mais ces efforts restent marqués par l’ambiguïté. L’Algérie ne veut pas seulement des paroles: elle veut des excuses, puis des réparations, puis la criminalisation de la colonisation. Abdelaziz Belkhadem (chef du gouvernement sous Bouteflika) réclame même une loi algérienne pour poursuivre les «apologistes du colonialisme». Pendant ce temps, la diplomatie française tergiverse. «D’un côté, on y va franchement, de l’autre, on tourne autour du pot», ironise Xavier Driencourt. «Alger joue sur du velours», tandis que Paris multiplie les contorsions pour ne pas heurter.

    Cette double image – l’impasse et le piège – condense l’échec de la diplomatie française. Le premier mandat d’Emmanuel Macron incarne cet échec: «Le pari algérien fait depuis sept ans par le président de la République n’avait rien rapporté (…) Jamais un compliment, encore moins de remerciements.» L’Algérie est dépeinte comme un pays rigide, méprisant, voire «toxique» selon le mot de Driencourt. Il témoigne: «Nous ne récolterions que des rebuffades, des insultes ou des critiques.»

    Le Maroc, big bang du basculement régional

    Face à ce mur algérien, le Maroc apparaît comme un interlocuteur raisonnable, mature, pragmatique. «Le Maroc ne demandant qu’un geste diplomatique, certes risqué», dit le diplomate: la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara dit occidental.

    La diplomatie marocaine est qualifiée de subtile. Elle place Paris devant une alternative: «Rabat, jouant finement, a finalement accepté le rapprochement avec Paris.» La décision de Macron d’épouser la thèse de Rabat, en juillet 2024, est vécue à Alger comme un «crime absolu». Les conséquences sont immédiates: «L’Algérie a, avant même la publication de cette lettre (d’Emmanuel Macron au roi Mohammed VI), rappelé pour la quatrième fois son ambassadeur à Paris.» Paris, dépité, finit par lâcher Alger. Le Maroc, à l’offensive, s’impose dans le jeu international: alliance avec Israël, les États–Unis, l’Espagne, et d’autres. L’Algérie, elle, paraît isolée, figée dans une posture défensive. «Alger a beau critiquer, il dispose de peu de moyens de rétorsion», rappelle l’ancien ambassadeur.

    L’affaire Boualem Sansal: un tournant symbolique

    L’ombre de Boualem Sansal traverse l’ouvrage, qui lui est dédié d’ailleurs. Ami de l’auteur, le romancier est arrêté le 16 novembre 2024 et condamné à cinq ans de prison. Le texte devient un plaidoyer pour la liberté d’expression: «Pour les militaires d’Alger, Boualem Sansal est un agent étranger, au service du Maroc et de la France.»

    La figure du président Tebboune devient rapidement le symbole de cette mascarade diplomatique. Son entretien au journal L’Opinion, qualifié d’exercice de révisionnisme – «des “perles”, ou des contre–vérités» –, est méthodiquement démonté: «Boualem Sansal a été arrêté “parce qu’il avait dîné la veille avec Xavier Driencourt”.» Cette justification délirante achève de dépeindre un pouvoir à la dérive, obsédé par le contrôle, jusqu’à l’absurde. L’auteur ajoute, pince–sans–rire: «On découvre ainsi que dîner avec moi justifie une arrestation.» L’Algérie est décrite comme un pays en chute libre diplomatique.

    On touche à une forme de néo–stalinisme provincial, maquillé en démocratie. Les chiffres électoraux sont tournés en ridicule: «Le président Tebboune s’attribua 94,65% des voix (…) taux que Bouteflika lui–même n’avait jamais réalisé.» La justice elle–même devient un théâtre d’ombres: «On l’appelle la “justice du téléphone”, les magistrats reçoivent les instructions du verdict dictées par El Mouradia.» Comme dans l’affaire ubuesque de Sansal dont «l’arrestation apparaît, d’une certaine façon, comme le signe du “dérèglement” du Système.»

    L’accord de 1968: une anomalie juridique persistante

    L’accord franco–algérien du 27 décembre 1968 est présenté comme un vestige juridique à la fois injuste, obsolète, et intouché depuis plus de cinquante ans, malgré ses révisions. Le diagnostic est implacable: l’accord, dans son esprit comme dans sa lettre, ne concerne ni la circulation, ni le retour, mais l’installation durable des Algériens en France. L’auteur en rappelle les trois piliers:

    • Sa force normative, supérieure aux lois ordinaires: «Les Algériens sont régis exclusivement par l’accord franco–algérien (…) Ceci implique que les Algériens échappent largement aux lois votées par le Parlement.»

    • Son ancrage historique dans la logique post–Évian: «L’accord de 1968 visait à combler un “vide juridique” créé par les Accords d’Évian.»

    • Ses avantages exorbitants qui perdurent jusqu’en 2025: «L’accord de 1968, on l’oublie, est un accord sur l’installation des Algériens en France

    Le catalogue des privilèges rend visible l’étendue d’une inégalité institutionnelle. Quelques exemples frappants:

    • Pas de visa long séjour pour les conjoints algériens;

    • Obtention accélérée de cartes de séjour de 10 ans;

    • Pas d’exigence de vie commune pour les couples mixtes;

    • Reconnaissance automatique de la kafala islamique, unique en Europe;

    • Régularisation facilitée des sans–papiers après 10 ans de présence;

    • Non–opposabilité du trouble à l’ordre public.

    L’auteur résume avec clarté: «Le visa de court séjour est le sésame permettant l’installation en France.» C’est cette faille juridique qui transforme l’accord en levier migratoire, voire en outil de contournement de la politique française. La conclusion est nette: «L’abrogation de l’accord de 1968 ne fera que faire entrer les Algériens dans le droit commun.»

    Un chapitre central sur l’accord de 1968, à lire comme un plaidoyer pour la souveraineté législative française.

    Refonder la relation: de la rupture à la réconciliation

    «France–Algérie, le double aveuglement» est un manifeste de la possible réconciliation. Une doctrine de rupture, et de reconstruction. Avec une élégance de plume empreinte d’amertume, Xavier Driencourt conclut son ouvrage sur un chapitre charnière: celui de la refondation possible de la relation franco–algérienne. Plus qu’un simple plan d’action diplomatique, ce texte est une méditation sur le temps long, une confession stratégique, un testament d’ambassadeur. La question posée – «Comment se fait–il que, plus de soixante ans après l’indépendance, nous vivions toujours dans cette relation quasi schizophrénique avec l’Algérie?» – installe d’emblée le malaise: cette relation est anormale, irrésolue, et peut–être irréconciliable. Mais elle mérite, insiste–t–il, d’être pensée sans angélisme, et reconstruite avec fermeté.

    Il faut, plaide Driencourt, «normaliser la relation», c’est–à–dire sortir du mythe, traiter l’Algérie comme n’importe quel autre partenaire. Il cite Victor Hugo: «Et l’œil (algérien) était dans la tombe et regardait Caïn».

    La citation signifie que l’Algérie regarde la France comme coupable, et la France se regarde avec honte. Il s’agit désormais, affirme–t–il, de «tourner la page», selon la formule gaullienne, non pour oublier, mais pour traiter l’Algérie comme on traite l’Allemagne ou l’Argentine: sans passion, sans exception. Ainsi sera démystifié le deuxième aveuglement français, séparant la politique étrangère de l’intime national.

    «France–Algérie, le double aveuglement», de Xavier Driencourt, 192 pages. Éditions de l’Observatoire, 2025. Prix public au Maroc: 260 DHS.

    Le 06/06/2025 à 12h00

    https://resistancerepublicaine.com/2025/06/06/comme–jadis–pour–lalgerie–la–cgt–refuse–dembarquer–le–materiel–destine–a–israel/

    Comme jadis pour l’Algérie, la CGT refuse d’embarquer le matériel destiné à Israël !

    6 juin 2025

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    Cerise sur le gâteau, l’assemblée Nationale reconnaît enfin les rapatriés d’Indochine, mais toujours rien pour les rapatriés d’Algérie, les Harkis notamment. La honte sur nous….

    Pour les rapatriés d’Indochine, il leur a fallu attendre ou plutôt patienter plus de 70 ans pour que la gauche de notre pays les reconnaisse enfin comme faisant partie de la communauté française.
    Ce qui laisse un espoir aux Français de l’ancienne Algérie française, à savoir les Pieds–noirs mais aussi et surtout aux Harkis d’être enfin reconnus comme pleinement membres de cette communauté française ! 
Le terrorisme du FLN a d’ailleurs commencé dès la fin de l’insurrection en Indochine.
    D’ailleurs, ces deux jours derniers, deux informations se sont percutées :

    D’une part ce texte du PS sur les « rapatriés d’Indochine » voté par tous les députés dont, donc, les communistes alors que, dans les années 50, ils ont trahi la France au profit de terroristes ennemis de cette même… France !


    D’autre part, ces jours–ci, la décision de la CGT de refuser, dans le port de Marseille, d’embarquer du matériel militaire à destination d’Israël, ce qui rappelle donc les mêmes actions anti–France de la même CGT dans les années 50.

    Avec l’appui du PCF, elle s’évertua, entre 1954 et 62, d’aider les terroristes du FLN en Algérie alors départements français ! Cela contre les Pieds–noirs et les Harkis, ces musulmans ayant choisi la France en combattant le FLN ! Les dockers CGT refusaient d’embarquer du matériel pour l’Algérie lors de la lutte contre les terroristes du FLN et, en 1962, firent –évidemment « accidentellement »– tomber dans le port marseillais les conteneurs de rapatriés pieds–noirs ou Harkis! Harkis qu’en outre, de Gaulle avait ordonné à leurs officiers de désarmer et d’abandonner aux mains de leurs ennemis du FLN !!! Heureusement que certains officiers eurent le courage et l’honneur de ne pas obéir à cette infamie qui fait encore tache sur le CV gaullien !

    Rappelons aussi que les actions de la CGT au printemps 1962 avaient l’appui à 100% du maire de Marseille le si socialiste Gaston Deferre qui avait eu la honte de déclarer publiquement –j’étais alors un « rapatrié » de 16 ans et je m’en souviens– :
    « Français d’Algérie, allez vous faire réadapter ailleurs. Il faut les pendre, les fusiller, les rejeter à la mer… Jamais je ne les recevrai dans ma cité » ! Et ce fut ce lâche socialiste que Mitterrand, évidemment reconnaissant d’autant que lui–même « s’était » organisé un faux « attentat » dit de l’Observatoire ! Après avoir « oublié » un certain Pétain !  récompensa en 1981 par une nomination au poste de ministre de l’Intérieur !

    fin de la guerre d’Indochine, a précisé le premier secrétaire du PS Olivier Faure, auteur du texte. »

    La suite m’a fait penser à ce que nous avons vécu, nous, rapatriés d’Algérie…
    J’y inclus naturellement mes amis les Harkis qui furent, comme certains Pieds–noirs, assassinés après la déclaration d’indépendance, ou incarcérés durant des mois dans des conditions atroces, et seuls quelques–uns, une minorité, ont pu s’enfuir… Ils furent pourtant oubliés par le général de Gaulle alors qu’ils avaient accepté de mourir pour la France en combattant contre le FLN sous le drapeau BLEU–BLANC–ROUGE !


    Et ces survivants attendent pourtant toujours, eux aussi depuis 70 ans,   soit la légion d’honneur, soit une médaille, ne serait–ce que d’ancien prisonnier de guerre…
    Même le Premier Ministre ne répond pas actuellement aux demandes de rendez–vous d’associations de Harkis ! Ah, cette FRANCE, si peu reconnaissante envers ceux qui ont donné leur vie pour ELLE, mais si laxiste pour ceux qui, actuellement, la déshonorent !

    .
    
Comme le relève Le Parisien a propos des « rapatriés d’Indochine »…
    
« Celui de ces supplétifs de l’armée française, de ces fonctionnaires de police, de l’administration pénitentiaire, de ces travailleurs de comptoir que l’on appelait encore indigènes, devenus étrangers dans leur pays d’origine pour avoir servi la France. Alors il faut les rapatrier », a égrené à la tribune le rapporteur du texte  Olivier Faure.


    Ce texte que tous les partis de gauche mais aussi les centristes et les LR ont cosigné mais refusant, curieusement, la signature de la droite « ciottiste » et RN, comme l’a noté Le Parisien :
    
« …texte cosigné par une centaine de députés de LFI à LR. Les députés RN et ciottistes ont longuement reproché au député de ne pas les avoir inclus. »


    Curieux ce refus pour un tel texte, de la part de la gauche…
–PC et PS avaient participé à la victoire des ennemis de la France commettant ainsi un acte de haute trahison– gauche qui a volontairement tenu à l’écart deux formations politiques afin, peut–être, de pouvoir dire que… « vous voyez ! Ni Marine Le Pen, ni Éric Ciotti ne sont co–auteurs de ce texte ! »


    
Peu importe : l’important c’est que les électeurs s’aperçoivent que les idées de droite surtout concernant des… « rapatriés » –idées jusqu’alors rejetées par la gauche et surtout par le… PCF !– trouvent des échos même chez les élus du LFI !!!


    Que d’espoir pour nous, Français auxquels cette même gauche a sali les qualificatifs de « Pieds–noirs » et de « Harkis » jusqu’à en faire au sein de certaines communautés adulées par les LFI d’un Jean–Luc Mélenchon en perdition des termes injurieux !

    Injures que, ce jour, je puis enfin, 70 ans après, renvoyer aux expéditeurs ! L’un en pleine gueule : un coup de poing hardi de… Harki ! Suivi d’un coup de pied–noir aux fesses !

    Jacques MARTINEZ, journaliste, 
à RTL, de stagiaire à chef d’édition des informations de nuit (1967–2001), pigiste à l’AFP, le FIGARO, le PARISIEN…

    https://www.larepubliquedespyrenees.fr/lieux/pyrenees–atlantiques/mourenx/mourenx–l–histoire–meconnue–des–harkis–devoilee–aux–lyceens–24718427.php

    Mourenx : l’histoire méconnue des harkis dévoilée aux lycéens

    La République des Pyrénées

    image33Les élèves de terminale avec Anne–Lyse Gennevois (au centre) et Alain Ferki (à droite).

    Claude Jouanserre

    publié le 6 juin 2025 à 6h23.

    Mourenx : l’histoire méconnue des harkis dévoilée aux lycéens

    Une classe de terminale du lycée professionnel a visité l’exposition sur l’histoire des harkis, présentée au MI[X]. Alain Ferki, représentant de l’association des harkis des Pyrénées–Atlantiques, a partagé son témoignage.

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    Alain Ferki a raconté son parcours de fils de harki aux lycéens présents.

    Claude Jouanserre

    Mercredi dernier, Anne–Lyse Gennevois, enseignante d’histoire au lycée professionnel de Mourenx, a convié une de ses classes de terminale de la filière sécurité à visiter l’exposition sur l’histoire des harkis, qui était présentée au MI[X] (lire notre édition du 30 mai).

    C’est Alain Ferki, représentant l’Association des harkis et enfants de harkis des Pyrénées–Atlantiques, qui les a reçus. Ce dernier, lui–même enfant de harki et qui a vécu dans un camp de réfugiés, leur a raconté son parcours chaotique entre son départ d’Algérie et son arrivée en France.

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    Les jeunes ont écouté avec beaucoup d’attention le témoignage d’Alain Ferki.

    Claude Jouanserre

    Pratiquement tous les lycéens présents ne connaissaient pas ce pan de l’histoire de France, longtemps caché et ignoré par les instances gouvernementales.

    C’est avec beaucoup d’intérêt que les jeunes ont écouté le témoignage d’Alain Ferki et lui ont posé des questions.

    https://www.midilibre.fr/2025/06/06/un–vibrant–hommage–a–ete–rendu–aux–harkis–du–plo–de–mailhac–12744699.php

    Un vibrant hommage a été rendu aux Harkis du Plô de Mailhac

    Correspondant

    Publié le 06/06/2025 à 09:19

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    Une cérémonie vient de rassembler une trentaine de personnes dans la clairière du Plô de Mailhac pour un hommage aux nombreuses familles de Harkis hébergées dans des conditions précaires sur ce site devenu un lieu de mémoire,

    Président de l’association Communauté harkis du Saint–Ponais, Hocine Boudjemaa est revenu sur la vie de ces enfants, femmes et hommes déracinés de leur terre natale pour se retrouver dans un hameau de forestage isolé dans le massif forestier des Avant–Monts : "Aujourd’hui sur ces lieux, seule cette stèle témoigne d’une présence que le temps ne saurait effacer". Il rappelait que de 1963 à 1974, plus de 140 familles y ont été logées dans des préfabriqués construits dans l’urgence. Les conditions de vie étaient dures, surtout en hiver lorsque la source, seul moyen d’approvisionnement en eau potable, était gelée et que le poêle à bois ne suffisait plus pour chauffer les deux ou trois pièces. L’eau courante ne viendra que bien plus tard couler au robinet.

    Sous l’autorité d’un chef de camp, les hommes étaient employés sur des chantiers de plantation par l’Office national des forêts. Le soir, après avoir fait les courses essentielles à Saint–Pons–de–Thomières, ils se retrouvaient dans un foyer. Les femmes sortaient rarement. Elles restaient sur place pour s’occuper des tâches quotidiennes. Les enfants fréquentaient une école intégrée dans les équipements sommaires du hameau. Aujourd’hui, il ne reste aucune trace de vie. Les préfabriqués ont depuis longtemps été détruits et la végétation a gagné du terrain. "On a connu le froid, le poids de l’isolement et la grande misère", se remémoraient deux femmes en évoquant un douloureux passé qui a bien du mal à s’estomper malgré le temps qui s’écoule. Mais est–il possible d’oublier ?

    En présence d’une trentaine de personnes, dont plusieurs porte–drapeaux, des maires et des élus des communes voisines, des représentants d’associations d’anciens combattants et du Souvenir Français, de la gendarmerie et des pompiers, des gerbes ont été déposées au pied de la stèle par le premier adjoint de la commune Jean–Luc Gazel et Hocine Boudjemaa avant que ne retentisse La Marseillaise entonnée a cappella.

    https://www.scienceshumaines.com/pierre–nora–une–histoire–de–memoire

    Pierre Nora, une histoire de mémoire

    François Dosse

    Issu d’une famille bourgeoise juive miraculée, Pierre Nora aura construit son parcours adossé à l’ombre de la tragédie qu’il a traversée dès son enfance. En 1942, pendant l’occupation nazie, il a 12 ans. Il se réfugie dans un collège, Le Portique, dans la région de Grenoble. Le directeur du Collège, Charles Juillet, lui sauve la vie une nuit de janvier 1944 lorsque, voyant arriver la Gestapo vers 3 heures du matin, il l’invite à sauter par la fenêtre et à prendre la fuite.

    À l’exception du père, Gaston Nora, titulaire de la Croix de guerre et de la médaille militaire, chirurgien qui a pu poursuivre son activité à Paris à condition de porter l’étoile jaune et de rester sous étroite surveillance, toute la famille Nora s’est réfugiée à Grenoble. À l’été 1943, la mère de Pierre, Julie Lehman, sa sœur et lui s’installent à Villard–de–Lans dans le massif du Vercors, dans la pension Georges. Quant à ses frères, Simon et Jean, ils ont rejoint la résistance, le maquis du Vercors.

    À Méaudre, la peur des incursions allemandes était constante. Dès ses 13 ans, il tient son journal, y consignant des informations dangereuses comme les parachutages, les actions de tel ou tel résistant, au risque de tomber dans les mains des Allemands. De son côté, son frère aîné, Simon, a rejoint à 22 ans la compagnie du capitaine Goderville durant l’été 1943, et il a ainsi combattu, sans le savoir jusqu’à la veille de sa mort, sous les ordres du poète Jean Prévost.

    Le jeune Pierre Nora traverse ces événements sans traumatisme apparent, mais dans un climat d’horreur quotidien. Il restera marqué par la traversée de cette période mortifère où le danger extrême se trouve à chaque croisement. Il en résulte chez lui un profond sentiment de gravité, et en même temps un sens tout aussi aigu de la dérision pour tout ce qui ne touche pas à l’essentiel, c’est–à–dire aux forces vitales, ce qui va faire de lui un adolescent, puis un jeune homme décalé.

    Pierre Nora, petit dernier de la famille, est pour toute la famille « petit Pierre ». Tout le monde l’adorait. Le père exerçait au sein de sa famille une autorité sans partage, imposant ses points de vue et régentant le destin de tous dans un climat de crainte peu à peu mis en question par les deux frères aînés, Simon et Jean. L’autorité paternelle ne souffrait pas de discussions, au point que Pierre qualifiait son père de « Pétain juif » tant son austérité était ostentatoire ainsi que son sens du rituel et du devoir. Mais le petit dernier échappait pour l’essentiel à cette férule par son sens précoce de l’humour. Sa première vocation, enfant, était d’être acteur. Il déclamait, apprenait des rôles, et ce goût du jeu théâtral le suivra jusqu’à l’âge adulte.

    Après sa traversée traumatique de la guerre, même si sa famille sort miraculeusement indemne de cette période, Pierre Nora retrouve sa ville natale, Paris, le 8e arrondissement, et l’appartement familial au 60 de la rue La Boétie. Il poursuit ses études scolaires au lycée Carnot en classe de troisième et ressent immédiatement le décalage entre l’innocence de ses camarades de classe et la maturité qu’il a acquise. Cette discordance va avoir deux incidences majeures : d’une part le refuge dans le monde de la poésie, de la littérature, de la culture – à défaut de communication directe avec ses camarades de classe – et, d’autre part, une propension à préférer nourrir des relations avec ses aînés, des personnes plus expérimentées, plus matures.

    C’est dans ce grand lycée parisien sur le boulevard Malesherbes que Pierre Nora va achever le cycle de ses études secondaires. C’est à Carnot que Pierre Nora fait la connaissance de Pierre Vidal–Naquet, d’un an son aîné, et qui, en seconde, est en avance sur lui d’une classe.

    Amoureux de poésie, Pierre Nora lit avec passion et retient avec une mémoire déjà étonnante. Les deux Pierre ont un projet commun : lancer une revue avec un petit groupe d’amis qui n’ont pas plus de 17 à 18 ans. En cette année 1948 parait le premier numéro d’Imprudence. Il est placé sous le signe de Paul Valéry : « Le meilleur des conseils ne vaut pas la moindre imprudence ».

    Cette publication fait son petit effet et un jour, signe du destin pour Pierre Nora qui sera qualifié beaucoup plus tard par certains de « Paulhan des sciences humaines », la revue reçoit une lettre énigmatique signée J.P. : « Je voudrais bien m’abonner à Imprudence, mais comment ? On n’a jamais vu revue qui n’indiquât pas son prix. » Il s’agit de l’écrivain Jean Paulhan, et voilà que cette petite revue est invitée aux cocktails de Gallimard ! Il restait à trouver une nouvelle figure de référence pour incarner cette nouvelle « ligne » et les deux Pierre tombent d’accord pour que ce soit René Char, auteur des fameux Feuillets d’Hypnos.

    Au sortir du bachot obtenu au lycée Carnot, Pierre Nora, brillant élève, semble avoir un destin tout tracé qui doit impérativement le mener rue d’Ulm, lieu de consécration des littéraires, de la même manière que son frère aîné Simon a intégré l’École nationale d’administration (ENA). Il entre donc tout naturellement en classes préparatoires et suit les cours d’hypokhâgne et de khâgne dans les prestigieux lycées Henri–IV et Louis–le–Grand qui forment l’essentiel de la petite élite intégrant l’École normale supérieure d’Ulm.

    La traversée de la guerre et de ses horreurs rendait aux yeux de Pierre Nora dérisoire ce qu’il percevait comme une rhétorique évidée de sens. Il n’en est pas moins un brillant khâgneux, décrochant d’excellentes notes et appréciations, surtout en lettres. Fondamentalement attaché à une certaine forme de dilettantisme, de curiosité ouverte et gratuite, les contraintes des classes préparatoires ont été vécues comme une camisole de force.

    Il y avait cependant chez lui une certitude que l’on ne cessait de lui rappeler à satiété : « Tu seras écrivain », et incontestablement cette injonction semblait la plus fondée car tous lui reconnaissaient un talent de plume hors–norme, et lorsque l’on est dans ce domaine conforté par des poètes reconnus comme René Char, on ne peut pas, on ne doit pas douter. En situation de fragilité par rapport aux examens (il a échoué trois fois au concours d’entrée à Normale supérieure), il bascule de la philosophie vers l’histoire et passe une première fois l’agrégation en 1957. Après un échec, il réussit le concours en 1958. Au cours de la première année, il part avec un sérieux handicap dans la mesure où il a une formation de philosophe, de littéraire, mais pas d’historien qu’il s’efforce de rattraper avec vélocité.

    Arrivée en Algérie

    Le succès à l’agrégation d’histoire va peser lourd dans la carrière de Pierre Nora, mais pour lui, c’est au départ un pis–aller qui n’efface pas l’échec de ne pas avoir été intégré l’ENS. Il sera donc historien, et l’on peut dire qu’on ne pouvait trouver meilleur serviteur de la muse Clio. 1958 est une année historique avec le retour aux affaires du général de Gaulle. Pierre Nora, doit prendre son poste de titulaire à la rentrée automnale. Or, de Gaulle a décidé que les nouveaux fonctionnaires de la catégorie A devraient commencer leur carrière en Algérie.

    Sursitaires et célibataires sont donc tous nommés de l’autre côté de la Méditerranée. Il se retrouve à Oran pour deux années d’enseignement, affecté au lycée Lamoricière. Il y enseigne jusqu’à l’été 1960 dans le climat tendu de l’inéluctable indépendance de l’Algérie et des derniers soubresauts des fervents de l’Algérie française.

    Il voit ainsi défiler cinq cents élèves de la quatrième à la classe d’hypokhâgne, très étonné de constater que ses élèves ne semblent pas vraiment avoir conscience de vivre en pleine situation de guerre. Plongé dans ce chaudron algérien, il va de surprise en surprise dans ce milieu où l’exaspération est à son comble, et c’est avec un humour caustique qu’il vit cette première expérience professionnelle et politique.

    Il s’étonne par exemple de ces Français qui ne lisent que la presse locale. L’Écho d’Oran tire alors à 75 000 exemplaires, alors que la presse métropolitaine est laissée aux musulmans. De retour en métropole, Pierre Nora entre à la fondation Thiers pour entreprendre sa thèse, sans avoir vraiment de plan de carrière. La fondation Thiers est une sorte d’abbaye de Thélème qui offre à une quinzaine de pensionnaires pour trois années le gîte, le couvert et de quoi bien vivre. On y est payé, nourri, logé, blanchi et même raccommodé, et tout cela pour se consacrer exclusivement à ses recherches.

    image37 Oran

    L’historien et les Français d’Algérie

    Pierre Nora publie son premier article, « Professeur en Algérie », dans France Observateur, le 27 octobre 1960. Il plante tout de suite le décor qui fut le sien pendant deux ans, Oran : « C’est un Monaco de Prisunic où des gratte–ciel surplombent le quartier espagnol, flanqué de bidonvilles discrets 1. »

    Il stigmatise ensuite le culte de l’inculture, la censure, les organes de presse devenus des entreprises d’abrutissement pour les Européens d’Algérie chez lesquels il ne fait pas bon, quand on est un jeune garçon, se promener un livre à la main, car on se fait vite traiter de « fillette ».

    À peine rentré à la fondation Thiers, il se lance dans l’écriture d’un livre sur son expérience algérienne. En ce début des années 1960, les publications critiques sur la politique algérienne de la France se multiplient, accompagnant le mouvement de contestation contre la guerre, alors que les réseaux d’informations restent étroitement contrôlés par la censure gouvernementale.

    Lorsque Pierre Nora donne à son livre le titre Les Français d’Algérie, il participe à une provocation nominaliste car on parlait à l’époque des pieds–noirs, des Européens, mais pas vraiment des « Français d’Algérie » comme catégorie communautaire spécifique.

    Préfacé par le spécialiste du sujet, Charles–André Julien, professeur à la Sorbonne, le jeune agrégé Pierre Nora s’emploie, dans cet essai de psychologie collective, à un exercice de sagacité critique sur le milieu dont il a partagé l’existence pendant deux années. Il en dresse, sans fard, le portrait dans la crudité d’un regard animé par une intelligence qui résiste à l’effusion affective pour préserver sa lucidité.

    Pour l’indépendance de l’Algérie

    Pierre Nora entend déjà porter sur le milieu qu’il traverse un double regard d’historien et d’ethnologue. La thèse radicale qu’il oppose aux libéraux revient à affirmer que l’on ne peut plus composer avec le système colonial, qui finit par pervertir les meilleures intentions du monde, les plus réformatrices et généreuses.

    À partir de ce constat, il n’y a pas d’autre issue que d’accepter l’indépendance algérienne.

    L’ouvrage paraît avant les accords d’Évian et tout semble encore possible dans un sens ou dans l’autre. Pierre Nora invite donc fermement à trancher, à couper, une fois pour toutes, le cordon ombilical, et à sortir enfin des propos alambiqués à double sens. L’ouvrage paraît opportunément au printemps 1961 alors que le putsch des généraux (avril 1961) et la première conférence d’Évian (du 20 mai au 13 juin 1961) ont pour effet de concentrer tous les regards vers le devenir encore incertain des Français d’Algérie.

    Plus qu’un témoignage, son livre revêt instantanément une importance politique majeure, celle d’une intervention au cœur de la plaie, de la véritable gangrène qui atteint la nation française en son entier.

    L’ouvrage connaît un succès retentissant. Tiré tout de suite à 35 000 exemplaires aux éditions Julliard, il s’arrache en librairie, faisant la réputation de son jeune auteur.

    L’éditeur idéal

    En 1964, Pierre Nora voit son présent et son avenir se dessiner plus clairement du côté éditorial, ce qui réduit sensiblement son activité journalistique. En ce début des années 1960, la maison Julliard constitue un pôle éditorial particulièrement original, non–conformiste, créatif et transgressant les frontières entre la littérature et la politique.

    Pierre Nora y crée une nouvelle collection de poche en 1964, « Archives », spécialisée dans le domaine historique. La formule est particulièrement originale ; elle a pour ambition de parvenir à une position d’équilibre entre la restitution de l’archive et l’éclairage que peut en donner l’historien. La collection doit donc refuser la fétichisation du document, qui considérerait que l’archive parle d’elle–même, qu’elle serait transparente, délivrant d’emblée la vérité historienne. L’autre écueil à éviter est de donner trop de poids au commentaire, qui se substituerait à l’authenticité de l’archive. Cette collection entend promouvoir une sensibilité historique nouvelle en privilégiant le contact direct avec le document.

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    Pierre Nora a longtemps été éditeur, notamment chez Gallimard.

    La visée de Nora est à la fois de renouveler le regard sur des dossiers connus et de faire connaître des thématiques historiques méconnues. Chaque plongée archivistique doit correspondre à une innovation de la part de l’historien responsable de sa mise en musique.

    Le grand succès de cette première livraison de la collection est le livre de Léon Poliakov sur Auschwitz, premier livre paru en France sur ce qui va devenir l’emblème même du génocide, le lieu par excellence de la barbarie humaine. Le livre est tiré à 30 000 exemplaires et devient immédiatement la référence pour se représenter ce qu’aura été le fonctionnement de cette industrie moderne de mort, nourrie de témoignages de bourreaux et de survivants ainsi que des archives rassemblées dans le Centre de documentation juive à Paris.

    L’âge d’or des sciences humaines

    L’ampleur prise par cette collection et son passage chez Gallimard appellent un collaborateur compétent. Pierre Nora trouve la perle rare en la personne de Jacques Revel. En ce milieu des années 1960, il devient l’orchestrateur de l’âge d’or des sciences humaines, qui rayonnent comme jamais dans le paysage intellectuel. Il s’appuie sur la vague structuraliste, favorisant la cristallisation de ce moment en lui donnant la légitimité de la maison Gallimard.

    En effet, Claude Gallimard prend contact avec Pierre Nora en 1965 et lui propose de venir travailler à ses côtés dans le domaine en pleine croissance des sciences humaines, pourtant reléguées en deuxième division dans la prestigieuse maison d’édition. Dans le hall du 5 de la rue Sébastien Bottin, un des auteurs–phares de la maison, Louis Aragon, alors au faîte de la gloire, le devise du haut de l’escalier et le salue d’un coup de chapeau : « Monsieur Notes–de–bas–de–page, je présume ? » Cette apostrophe en dit long sur sa commisération pour ceux qui ne sont pas considérés en ces lieux comme de vrais écrivains, mais comme de vulgaires « écrivants ».

    Pierre Nora décide de créer une nouvelle collection avec la « Bibliothèque des sciences humaines », qui entend être le parallèle de la « Bibliothèque des idées », et décide dans le même temps de créer une collection plus proche du grand public, plus en prise avec l’actualité, et il a l’excellente idée de l’appeler la collection « Témoins » qui va immédiatement se trouver en phase avec ce qu’Annette Wierviorka appellera plus tard « l’ère du témoin ». Il conçoit cette collection comme un moyen de diffusion d’un savoir savant à un plus vaste public que celui des universitaires. C’est à l’honnête homme qu’il s’adresse.

    Un succès immédiat

    Le moins que l’on puisse dire est que Pierre Nora n’a pas raté le lancement de sa collection. Le premier étage de la fusée sera linguistique, et Pierre Nora prend contact avec Émile Benveniste, professeur au Collège de France depuis 1937 pour lui suggérer de réunir en un volume ses divers articles parus dans les revues les plus savantes. Il publie ainsi en 1966 Problèmes de linguistique générale, ouvrage qui devient instantanément un livre de référence, au point que trois semaines après la publication, il faut réimprimer, et Pierre Nora prend son téléphone pour en informer son auteur qui n’en croit pas ses oreilles : « Monsieur, vous mentez. » Reprenant peu à peu ses esprits, il ajoute : « Monsieur, je m’assieds et je tiens mon cœur. »

    Le grand succès des débuts de la collection sera le livre de Michel Foucault, Les Mots et les Choses, qui reçoit un accueil flamboyant en 1966. Fait sans précédent, en quelques jours le tirage est épuisé. Le Nouvel Observateur titre : « Foucault comme des petits pains : 800 exemplaires des mots et les choses vendus en 5 jours pendant la dernière semaine de juillet (9 000 exemplaires en tout) 2. » En 1987 la vente cumulée s'élèvera à 103 000 exemplaires.

    Autre monstre sacré que Pierre Nora va chercher : Georges Dumézil. C’est en 1966 que Payot décide de publier un livre originellement prévu pour un éditeur allemand, La Religion romaine archaïque. Il saisit immédiatement le parti qu’il peut tirer en tant qu’éditeur de l’œuvre de Dumézil. « Pierre Nora est intervenu. C’est lui qui m’a fabriqué. Je suis une création Gallimard 3», reconnaît l’intéressé, vingt ans plus tard.  

    De Hannah Arendt à Artur London

    Avec la collection « Témoins », Pierre Nora réussit à compenser le coût prévisible de la prestigieuse « Bibiliothèque des sciences humaines » et à éviter de se faire appeler « Monsieur déficit ». Il accueille d’abord le livre d’Hannah Arendt sur le procès d’Eichmann, en 1966. Cet ouvrage va faire grand bruit. Il retrace le procès de ce haut membre du parti nazi à Jérusalem que la philosophe a couvert pour le quotidien américain The New Yorker 4. À partir du choc traumatique d’Auschwitz, elle prend ses distances avec la notion de « mal radical » de Kant pour lui substituer sa thèse sur la « banalité du mal ».

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    En 1968, Pierre Nora a la chance de recevoir un manuscrit qui va connaître un succès à ce point retentissant qu’il va se transformer en film à succès, joué par l’un des acteurs français les plus talentueux, Yves Montand, réalisé par un grand cinéaste, Costa–Gavras, L’Aveu (1970). Mais avant d’être un film distribué sur tous les écrans français, L’Aveu est un livre du communiste tchécoslovaque Artur London.

    C’est Pierre Daix, directeur des Lettres françaises, et qui se trouve être le gendre d’Artur London, qui apporte le manuscrit à Pierre Nora au lendemain de l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie en août 1968. Pierre Nora dévore le manuscrit en une nuit avec une irrépressible émotion, et au petit matin, enthousiaste, il est convaincu qu’il faut le publier au plus vite. L’itinéraire de London a quelque chose d’exemplaire.

    Dans ces années 1960, la chanson de Jacques Dutronc est sur toutes les lèvres : « 500 millions de Chinois et moi et moi et moi ? ». La Chine inquiète par son explosion démographique, elle fascine certains qui se convertissent au col Mao et au petit livre rouge. Ce n’est pas le cas de Pierre Nora, mais sa collection doit faire place à la Chine et cela commence par la publication en 1972 d’une traduction de Jan Myrdal, Un village de la Chine populaire. Puis, toujours en ce début des années 1970, Pierre Nora publie une traduction du livre de Jean Pasqualini, Prisonnier de Mao, qui sera un gros succès. Mis en vente début janvier 1975, le livre est déjà en rupture de stock le 30 du mois. Pierre Nora alerte tout de suite Claude Gallimard en lui demandant de passer à une autre échelle, ayant bien senti le sens du vent. Les ventes s’élèveront à plus de 55 000 exemplaires en 1988 : un vrai Soljenitsyne chinois !

    L’âge d’or de l’École des Annales

    Pierre Nora va surtout incarner l’explosion de l’histoire nouvelle, celle de l’École des Annales qui connaît en cette fin des années 1960 un succès spectaculaire. En 1974, le nombre de volumes consacrés à l’histoire est six fois ce qu’il était en 1964. Cet engouement pour l’histoire dans les années 1970 s’inscrit dans une certaine continuité avec l’intérêt suscité par l’anthropologie dans les années 1960.

    Il s’agit toujours de découvrir la figure de l’Autre, non en des lieux lointains, mais à l’intérieur même de la civilisation occidentale, dans les profondeurs du passé. La sensibilité historique de cette période se porte vers l’étude des mentalités. Elle évacue l’irruption de l’événement pour la permanence, le calendrier répété de la geste quotidienne de l’humanité : la naissance, le baptême, le mariage, la mort.

    De sa position d’éditeur, Pierre Nora accompagne et orchestre ce retour en faveur des historiens. Il décide de lancer en 1971 chez Gallimard une collection spécifique qui lui sera consacrée : la « Bibliothèque des histoires ». L’histoire s’écrit désormais au pluriel et sans majuscule ; elle renonce à réaliser un programme de synthèse pour mieux se redéployer vers les multiples objets qui s’offrent à son regard sans limites. Cette notion d’histoires, au pluriel, correspond tout à fait à la définition que donne Foucault de la pratique historienne dans l’introduction de L’Archéologie du savoir.

    Pierre Nora élabore un texte de présentation de la collection très marqué par la philosophie foucaldienne. Il reprend la notion de monument, et affirme : « Nous vivons l’éclatement de l’Histoire. Des interrogations nouvelles, fécondées par les sciences sociales voisines, l’élargissement au monde entier d’une conscience historique longtemps demeurée le privilège de l’Europe ont prodigieusement enrichi le questionnaire qu’adressent au passé les historiens. (...) L’histoire a changé ses méthodes, ses découpages et ses objets... » La multiplication de ces objets nouveaux, la dilatation du territoire de l’historien, semblent autant de signes d’un triomphe de l’histoire et en même temps de renoncement à l’idée d’un sens continu en voie d’accomplissement.

    Inauguration de la « Bibliothèque des histoires »

    Pierre Nora a eu l’intention de faire précéder sa collection d’un livre–manifeste, d’un petit ouvrage synthétique qui aurait permis de condenser les positions théoriques défendues par une nouvelle histoire à promouvoir. Ayant besoin d’être secondé dans son travail d’éditeur, il demande à Jacques Le Goff de venir travailler chez Gallimard une partie de son temps. Ce dernier s’engage avec un tel enthousiasme dans cette entreprise qu’il transforme l’idée d’un petit ouvrage–manifeste en trois gros volumes de la collection « Bibliothèque des histoires », Faire de l’histoire, parus en 1974, dirigés conjointement par lui et Pierre Nora.

    Qui aurait imaginé que cette collection prestigieuse, mais austère, de la « Bibliothèque des histoires », allait donner naissance à un véritable best–seller ? C’est pourtant le cas avec l’ouvrage d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan, paru en 1975, qui atteint le tirage cumulé peu habituel pour un historien universitaire de 300 000 exemplaires. Certes, Le Roy Ladurie exploite là un document exceptionnel, les registres de l’évêque de Pamiers, qui permettent de restituer la vie ordinaire de ce petit lieu d’Ariège au début du 14e siècle. Le récit est enlevé, talentueux. Avec ce succès, Pierre Nora porte au premier plan un des leaders de l’École des Annales, auteur d’une thèse sur Les Paysans de Languedoc, héritier de Fernand Braudel dont il prend la succession au Collège de France en 1973.

    L’intellectuel démocratique

    En 1980, le retournement de la conjoncture intellectuelle est particulièrement bien perçu par Pierre Nora qui est alors conscient que la page structuraliste est tournée. Prenant acte de l’échec des visées globalisantes, il lance une nouvelle revue qui fait figure de véritable événement dans la vie intellectuelle française en 1980, Le Débat, avec Marcel Gauchet. L’ouverture se veut être une rupture décisive avec la période qui précède et proclame de manière provocatrice : « Le Débat, parce qu’en France il n’y en a pas ».

    La nouvelle revue ne prétend plus être le support d’un système de pensée, d’une méthode à vocation unitaire, mais plus simplement un lieu de dialogue, un carrefour des idées. Le Débat se place dans une perspective d’ouverture et prend donc ses distances avec la conjoncture structuraliste pour lui substituer un certain éclectisme et la juxtaposition la plus vaste des points de vue, sans accorder de prévalence à telle ou telle méthode d’analyse.

    Dans le numéro inaugural, Pierre Nora se pose frontalement et sans complaisance la question : « Que peuvent les intellectuels ? ». Il constate que le déplacement du centre de gravité de la littérature vers les sciences humaines est peut–être en train de s’inverser. Certes, les sciences sociales ont permis de comprendre que l’on parle un langage autre que celui que l’on croit parler, de savoir que l’on ignore les motifs pour lesquels on agit, et que le point d’aboutissement, les résultats, échappent au projet initial. Si sur ce plan, le bilan est positif, la conjoncture impose un nouveau rapport au savoir car « c’est à l’abri de la fonction critique que fonctionne à plein l’irresponsabilité politique des intellectuels 5».

    Pierre Nora s’en prend en 1980 à une certaine forme de terrorisme intellectuel, à cette propension à exercer un magistère. Son intervention inaugurale, Pierre Nora l’achève par dix commandements qui visent à définir les tâches indispensables pour faire naître enfin un « régime de démocratie intellectuelle ». En ce tournant du début des années 1980, Le Débat promeut une nouvelle figure d’intellectuel en tension entre éthique de conviction et éthique de responsabilité qui travaille dans un espace intermédiaire entre les laboratoires de l’innovation et la nécessaire divulgation médiatique. Sa fonction n’est plus limitée à une simple dénonciation de ce qui est ; elle s’attache à éclairer les controverses, les grands enjeux de la Cité, les conflits d’interprétation pour contribuer à des choix plus avisés de l’opinion sur la place publique. C’est ce rôle, bien exprimé par le titre de son anthologie, Historien public, qu’aura joué Pierre Nora : se servir de l’histoire pour acquérir une meilleure intelligibilité de notre société contemporaine pour pouvoir y agir avec davantage de discernement.

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    François Dosse est historien des idées et épistémologue. Il a publié Pierre Nora : Homo historicus (2011).

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    Pierre Nora et sa jeune femme Anne Sinclair

    https://www.ouest–france.fr/pays–de–la–loire/cholet–49300/une–premiere–une–place–de–cholet–portera–le–nom–de–boualem–sansal–ecrivain–detenu–en–algerie–3cc3e956–42ea–11f0–b321–9f4333574570

    « Une première » : une place de Cholet portera le nom de Boualem Sansal, écrivain détenu en Algérie

    Le maire de Cholet (Maine–et–Loire), Gilles Bourdouleix, a confirmé que la Ville inaugurera officiellement la « place Boualem Sansal » le lundi 16 juin. Une première en France pour cet écrivain franco–algérien détenu en Algérie.

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    L’écrivain franco–alégrien Boualem Sansal est incarcéré en Algérie depuis le 16 novembre 2024, après avoir obtenu la nationalité française en juin 2024 et contesté les frontières de l’Algérie dans un média français. | AFP

    Publié le 06/06/2025 à 17h46

    La Ville de Cholet a annoncé, ce vendredi 6 juin, qu’elle inaugurera officiellement une place du nom de Boualem Sansal, lundi 16 juin à 11 h, sept mois après son incarcération en Algérie. La cérémonie se tiendra place Boualem–Sansal, derrière La Poste, rue Travot, au cœur du centre–ville. La décision avait été actée au Conseil municipal le 14 avril dernier, à l’initiative du maire, Gilles Bourdouleix (divers droite)

    https://maroc–diplomatique.net/il–y–a–50–ans–lexpulsion–brutale–de–350–000–marocains–dalgerie–par–boumediene/

    Il y a 50 ans, l’expulsion brutale de 350 000 Marocains d’Algérie par Boumediene

    Hassan Alaoui

    Par Hassan Alaoui

    6 juin 2025

    Les images dramatiques ne s’estompent pas, même vieillies, flétries et usées par le temps. Comme celle notamment d’un mouton de l’Aïd à peine égorgé, suspendu dans la cour ou l’escalier et abandonné brusquement, dans l’espace et dans le temps. Celle ensuite de femmes, enveloppées hâtivement de haïk, sous la baïonnette d’une police digne du régime nazi, contraintes à la frontière de remettre bijoux, bagues et boucles d’oreille…

    Comme autrefois la sinistre étoile jaune discriminatoire infligée au peuple juif par le régime totalitaire nazi, les Marocains portaient ce jour de l’aïd de 1975 l’indigne blason d’Expulsé d’Algérie imposé par Boumediene et son pouvoir.

    Nous sommes en décembre 1975, et le monde arabo–musulman célèbre la fête sacrée de Aïd al–Adha. Le Royaume du Maroc, sorti depuis quatre semaines à peine de l’épreuve – glorieuse néanmoins – de la Marche verte, se prépare à cette cérémonie collective de partage et de convivialité. Il ne se doutait pas que le régime voyou de Boumediene allait commettre ce que l’on qualifie volontiers d’un crime d’humanité. L’expulsion brutale et manu militari vers le Maroc de plus de 350.000 familles marocaines vivant en Algérie, dont plus des deux tiers s’y étaient installées des décennies avant. Elles y avaient construit leur vie, fait des enfants, travaillé pour l’Algérie, participé au combat de libération anti–coloniale, pris part au développement du pays et s’y étaient tout simplement identifiées !

    Les récits dramatiques qui avaient accompagné ce crime collectif du régime militaire d’Alger ne manquant pas et jusqu’à aujourd’hui, ils continuent de nous révolter : enfants baluchons sur le dos, femmes arrachées, dégagées par l’armée de leurs foyers, hommes de toutes conditions dépouillés de leurs commerces et jetés en pâture à la violence de la police et des services de sécurité, sous les ordres d’un certain Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, ministre de l’Intérieur de son état et sbire affidé de Boumediene dont l’inassouvissable  sévérité, malgré sa petite taille, n’avait d’égale que la haine que son président nourrissait à l’égard du Maroc et de la Monarchie, qu’il inculquait à son peuple.

    Un épisode de folie, une séquence qui déshonore cette Algérie sortie des limbes mais plongée dans la paranoïa collective. A la frontière avec le Maroc, vers Jouj Bghal et Akkid Lotfi, les bijoux des femmes – or, chaines, bagues, ceintures de mariages et autres ornements précieux – leur était simplement arrachés avec une brutalité inouïe, rajoutant à leur détresse, nourrissant ce sentiment de vols et de viols que l’on ne voyait que dans les scènes de razzia, au Moyen Age. Car il fallait, en plus de la dépossession, infliger l’humiliation, celle–là même qu’un certain Jacques Berque décrivait dans son livre célèbre «  Dépossession du monde »…

    On disait le chiffre effarant de plus de 350.000 citoyens innocents, blessés dans leur âme, fierté volée, leur identité violée et leur sécurité relative enterrée sous la menace qu’un régime militaire jeta sur eux avec opprobre et culpabilisation. Les observateurs et sans doute plus tard les historiens se demanderaient pourquoi cette exaction collective envers des citoyens qui avaient fait de l’Algérie, pour les uns leur pays d’accueil, une terre hôte et pour d’autres leur terre ni plus ni moins, là où ils mourraient.

    L’Histoire est pleine de ces campagnes de déportation massive…où un potentat, dénommé Mohammed Boukharrouba, alias Boumediene trônant sur son pouvoir confisqué, cigare cubain au bec, ordonnait à ses services de jeter dehors un peuple…Le pire est que beaucoup d’entre eux ne connaissaient même pas le Maroc ou n’y avaient jamais mis les pieds et, par conséquent, jetés hors d’Algérie, ils étaient confrontés à un défi existentiel…

    La scène qui aura duré quelques quarante–huit heures tout au plus mais qui s’est inscrite à jamais dans le désastreux mémorial de la dictature algérienne, nous avait donné, bien entendu, la mesure exacte d’une tragédie : celle d’un régime militaire, impulsif, battu en brèches par ses propres et profondes contradictions, miné par une soif de vengeance, acculé à une ridicule et indigne revanche, quelques semaines seulement après le succès spectaculaire de la Marche verte et de la récupération par le Maroc de son Sahara. Il convient de rappeler que, tout de suite après que le Roi Hassan II, relayant la décision le même jour de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, eut annoncé le soir du 15 octobre 1975 l’organisation et le lancement pour le 6 novembre de la Marche verte, Houari Boumediene, ravalant son orgueil, lança des troupes de l’ALN autour de Lâayoune avec le fol objectif d’attaquer le Maroc en cas d’affrontements entre les FAR et le Tierço espagnol…

    Il ne croyait pas si bien dire. Il se vengerait plutôt des Marocains installés en Algérie, maillon faible et désarmé. Ainsi lâchés dans le vide sidéral, leurs biens confisqués, volés, agressés dans leur chair, les 350.000 Marocains d’Algérie nous renvoient, a contrario, à une autre image paradoxale celle–là : les séquestrés des camps de Tindouf Lahmada que, toute honte bue, le gouvernement d’Alger s’acharne à qualifier et présenter comme des « réfugiés » alors qu’ils sont ni plus ni moins des séquestrés. Le traitement qui leur est infligé s’apparente à un calvaire, digne d’une Kolyma stalinienne.

    Ni la simple humanité, ni le sens de l’éthique n’étaient venus pour calmer ou tempérer la pernicieuse haine d’un Boumediene, escogriffe engoncé dans son orgueilleux mépris du Maroc et de son peuple. L’épisode de Aïd al–Adha de l’année 1975 ne sera jamais oublié, et moins encore effacé des esprits de celles et ceux qui l’avaient vécu en chair et en os ! Une pièce à conviction à la décharge d’un régime au bord du gouffre…estampillé de soutien actif au terrorisme régional, isolé et immoral.

    https://www.lefigaro.fr/flash–actu/maine–et–loire–une–place–de–cholet–portera–le–nom–de–boualem–sansal–20250606

    Maine–et–Loire : une place de Cholet portera le nom de Boualem Sansal

    Par Le Figaro avec AFP

    6 juin 2025

    La ville de Cholet (Maine–et–Loire) a annoncé vendredi l'inauguration le 16 juin d'une place Boualem Sansal, écrivain incarcéré en Algérie depuis novembre. «Suite à son engagement et au vote du Conseil Municipal du 14 avril dernier, la ville de Cholet va inaugurer officiellement la place Boualem Sansal le lundi 16 juin», a indiqué à l'AFP le service communication de Cholet, confirmant une information de Ouest–France.

    «Cholet est la première ville en France à ainsi exprimer son soutien à l'auteur Boualem Sansal en dénommant une place à son nom et ce, au 7ème mois de son emprisonnement en Algérie», selon la même source. La future place Boualem Sansal est située en plein coeur de ville, à un endroit qui n'avait pas de nom, a précisé la même source. Boualem Sansal est incarcéré depuis le 16 novembre 2024 en Algérie.

    Il a été condamné le 27 mars à cinq ans de prison, notamment pour des déclarations en octobre au média français Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque–là au Maroc. Un procès en appel est prévu le 24 juin. L'écrivain est l'objet d'une lutte diplomatique entre l'Algérie et la France. Alger estime que la justice a suivi son cours normal, tandis que Paris appelle à un «geste d'humanité» envers un homme atteint d'un cancer.

    Les dessins du jour

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    Budget : l’hypothèse d’une « année blanche »

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    L’exercice du pouvoir

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