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Une action secrète menée contre l'OAS serait en cours... C'est ce que comprend le journaliste Lucien Bodard, alors qu'il se trouve dans l'avion qui le conduit à Alger avec de hauts responsables de la police. Telle est l'origine de l'article qu'il publie dans France-Soir le 2 décembre 1961, intitulé Les barbouzes arrivent . Tout commence, en fait, à la fin de l'été 1961 par une réunion de Louis Joxe, négociateur d'Evian, Jacques Dauer, fondateur du Mouvement pour la coopération (mouvement gaulliste qui exerçait son activité en Algérie), et Raymond Schmittlein, président du groupe gaulliste à l'Assemblée. La nécessité de contrer l'OAS à Alger s'impose aux trois hommes. Ils dépêchent donc dans la capitale Lucien Bitterlin, membre du mouvement de Dauer, qui avait déjà milité outre-Méditerranée pour une « troisième force » soutenant la politique du général de Gaulle. |
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Or, six mois après le putsch, toutes les entreprises de troisième force sont abandonnées par le gouvernement. Bitterlin et ses hommes ciblent leur action contre l'OAS. Et uniquement contre elle. Aussi, ceux que l'on appellera les barbouzes délaissent-ils vite affiches et pots de colle pour l'action directe contre les partisans de l'Algérie française, désignés dans la presse de l'époque comme des « activistes ». L'adjoint de Bitterlin, Goulay, le met en contact avec Ponchardier et l'avocat Lemarchand, deux vieux routiers de la guerre de l'ombre, qui fournissent des hommes. L'argent est versé par le délégué général en Algérie, Jean Morin. Les explosifs et les armes par la sécurité militaire. Des cafés, des restaurants d'Alger, tenus pour des repaires de l'OAS, sont plastiqués, des militants de l'OAS ou des suspects sont enlevés. Premières initiatives en un domaine où elles feront florès à partir du 17 avril 1962, sous la responsabilité cette fois des commandos du FLN (ils enlevèrent 3 018 personnes).
Le colonel André, de la sécurité militaire, demande aux barbouzes de collecter des renseignements sur l'OAS. Mais les membres de cette dernière ne tardent pas à réagir. Une villa des barbouzes, située sur les hauteurs d'Alger, est plastiquée le 29 janvier 1962 à l'initiative du lieutenant Degueldre. La succession d'opérations menées par l'OAS finit par affaiblir considérablement les barbouzes de Bitterlin.
Pour autant, l'opération n'est pas terminée. Le 12 février suivant, Ponchardier et son adjoint Robert Morel prennent le relais et lancent un groupe de contre-terreur, le Talion, qui enlève notamment un responsable de l'OAS, un dénommé Petitjean, beau-frère du général Méry, celui-là même qui deviendra responsable du cabinet militaire de Valéry Giscard d'Estaing. Petitjean est torturé et retrouvé près d'Orléasnville, découpé en morceaux.
Beaucoup de questions se posent à propos de l'activité des barbouzes, dont l'efficacité comme les méthodes furent des plus discutables. A quoi ont servi ces hommes, peu nombreux, mal armés et dont les chances, face aux commandos de l'OAS, étaient bien minces ?
Certains affirment que les barbouzes ont servi à leurrer l'OAS en l'entraînant vers des cibles secondaires tandis que se mettait en place, discrètement, la Mission C, dirigée par Michel Hacq, directeur de la police judiciaire. Celui-ci était à la tête de deux cents policiers triés sur le volet, fonctionnaires du gouvernement, lesquels, aidés par les gendarmes du capitaine Lacoste, allaient porter de durs coups à l'organisation clandestine. Cette théorie du leurre a été soutenue par le journaliste et historien Yves Courrière. De nombreux chefs de l'OAS, comme le docteur Perez, l'estiment valable. Toutefois, pour Jean Morin, alors délégué général en Algérie, comme pour Vitalis Cros, alors préfet de police d'Alger, une conclusion s'impose : ce rôle de leurre, les barbouzes ne l'ont joué que par hasard.
IN Barbouzes-FLN, une alliance inavouée http://www.historia.presse.fr/data/thematique//76/07605201.html
Par Jean Monneret |