Alors
force est de reconnaître mes chers amis, en effet, qu’en
dépit des dénégations affirmées en haut
lieu et des propos rassurants, j'ai assisté récemment
à une réunion au Quai d'Orsay, sur le fait que la
repentance ne saurait être la pierre de soutènement
du futur traité, malheureusement la jurisprudence récente
ne plaide pas, un tant soit peu, en faveur de cette thèse,
et fait que notre scepticisme est loin d’être infondé.
Parce que on peut en juger sur les évènements
des derniers mois :
A Sétif, il y a quelques mois, la France,
par la voix de son ambassadeur en Algérie, a reconnu la tragédie
inexcusable qui s’y est déroulée en 1945, en
omettant de souligner le fait générateur de ces dramatiques
évènements, à savoir le massacre de plus d’une
centaine de nos compatriotes.
L’Algérie d'ailleurs ne s’y
est pas trompée, qui a bien cru percevoir dans cet acte,
et je reprends les termes : « les frémissements des
prémices d’une courageuse reconnaissance par l’Etat
Français des atrocités commises en Algérie
».
A Madagascar, quelques semaines plus tard, le Président
de la République dénonçait, quant à
lui, le caractère inique des répressions engendrées
par « les dérives du système colonial »,
repentance a minima reconnaissaient les observateurs, mais repentance
tout de même.
Et puis, comment oublier le lourd silence du chef
de l’Etat face aux outrances, aux insultes, aux dérapages
renouvelés du Président Algérien BOUTEFLIKA
plaçant chaque jour davantage la barre de la provocation
toujours plus haute jusqu’à atteindre le sommet de
l’ignominie avec son inacceptable comparaison entre la présence
française en Algérie et l’occupation nazie.
La seule réponse officielle fut celle de
Monsieur MUSELIER, que l'on pourrait qualifier de « Régional
de l'étape » déclarant, à Alger, que
« chacun s’exprime comme il croit devoir s’exprimer
».
Enfin, il est permis de s’interroger sur la réelle
volonté du Chef de l’Etat de défendre la loi
portant reconnaissance de la Nation en faveur des français
rapatriés du 23 février 2005 dont l’abrogation
a été exigée, certes par le groupe socialiste,
nous en avons parlé, mais aussi vous le savez, au mépris
de toutes les règles de non ingérence dans les affaires
d’un autre Etat par ce même BOUTEFLIKA.
Cette exigence n’a en effet, rencontré
jusqu’alors que la réponse rassurante, par pour nous
mais pour Monsieur BOUTEFLIKA, de Monsieur DOUSTE-BLAZY annonçant
la création d’une Commission Mixte d'universitaires
franco-algériens chargée sans doute, en quelque sorte,
de dire la vérité.
Quant au Ministre de l’Education Monsieur
de ROBIEN, il s’est contenté de déclarer, il
y a quelques jours sur Canal +, que cette loi ne changerait rien
pour les manuels scolaires.
C’est bien ce que l’on appelle un faisceau
d’indices concordants qui nous porte à penser que le
risque existe vraiment.
A cela, nous répondons très simplement
que la repentance française, qu’elle soit d'ailleurs
unilatérale ou non, ne peut être à notre sens
le prélude nécessaire à une véritable
amitié avec l’Algérie, qui conditionnerait éventuellement
d'ailleurs celle semblable des autorités algériennes.
En effet, chacun sait que si les mauvaises consciences
en France sont légions, et d'ailleurs chaque jour se développent,
les mauvaises consciences algériennes se sont rarement exprimées,
on peut même se demander s'il y en a quelques unes, et que
l’on sache aucune tentative de réévaluation
de l’histoire officielle algérienne n’a été
engagée du côté d’Alger.
Alors si ces mauvaises consciences continuent de
proliférer en France, celles de l’Algérie demeurent
bien cachées dans l’opacité des discours du
parti unique.
Oui, mes chers amis, l’amitié, comme
le veut la formule, ne se décrète pas.
Le chemin de la réconciliation entre la
France et l’Algérie, que nous appelons de nos vœux,
nous ne sommes pas évidemment contre l'amitié entre
les peuples, exige le respect mutuel et que chacun accomplisse sa
part de vérité.
C’est à cette condition que la France
et l’Algérie pourront signer un traité, et qui
sera gage d’une réelle et franche amitié.
Et puis, si nous élargissons le champ de
notre réflexion, nous pouvons légitimement nous interroger
sur la nature profonde de cette amitié aujourd'hui avec le
gouvernement algérien.
Etait-ce celle qui consiste depuis plus de 6 mois
de dérapages, d’insultes, et d’outrances, à
accabler votre ami en le comparant à un occupant nazi, en
le traitant de négationniste et de révisionniste ?
Etait-ce celle qui consiste à réaffirmer,
comme l’a récemment fait le Ministre de l’Agriculture
Algérien, Monsieur BARKAT, que les enfants de Harkis ne seront
les bienvenus en Algérie que lorsqu’ils auront dénoncé
les crimes de leurs parents ?
Etait-ce celle, encore, qui consiste à refuser
toute réconciliation, je reprends la formule, « avec
les traîtres, les harkis et les pieds noirs » comme
l’a proclamé le Secrétaire Général
du FLN ?
Etait-ce, enfin, celle qui consiste à exiger
de la France qu’elle reconnaisse selon les paroles du Président
BOUTEFLIKA « qu’elle a tué et exterminé
de 1830 à 1962 » en faisant de la repentance unilatérale
un préalable à tout acte d’amitié ?
Pour nous cela est clair, l’amitié
sur ces bases n’a aucun sens, et les conditions, nous l'avons
déjà dit, et nous le réaffirmons aujourd'hui,
ne sont à l’évidence pas remplies pour la signature
d’un tel traité
Alors, s’il y a quand même traité, puisqu'il
y a tout à penser qu'il y aura traité, il est non
moins clair que nous serons vigilants et exigeants pour que :
- celui-ci ne laisse pas dans l’ombre le
drame vécu et les crimes subis par des dizaines de milliers
de nos compatriotes harkis qui n’envisageaient d’autre
avenir qu’avec la France en laquelle ils avaient confiance
et ont payé un lourd tribut à cette fidélité
;
- ce traité ne rejette pas dans l’oubli
l’exode de toute une population livrée à la
fureur des nouveaux conquérants et les massacres et enlèvements
et disparitions de milliers de nos compatriotes.
Si la France s’engageait dans la voie de
cette omission, nul doute bien sûr que cela provoquerait une
blessure irréparable pour toute notre communauté déjà
meurtrie, et résonnerait pour elle comme une insupportable
provocation annihilant tous les efforts entrepris pour reconnaître
l’oeuvre qui a été la sienne.
Cela aurait aussi pour signification de trahir
la mémoire de tous les anciens combattants qui ont fait leur
devoir en Algérie, ont servi la France dans l’honneur
et pour beaucoup y ont laissé leur vie.
Si la France doit faire un pas supplémentaire
en direction de l’Algérie, elle ne saurait le faire
sans ignorer toutes les souffrances et toutes les blessures, et
sans associer dans le souvenir tous les drames et toutes les victimes.
Le devoir de mémoire et de vérité
exige donc, Monsieur le Président, que la France ne se livre
pas à un exercice d'auto flagellation supplémentaire
car la vérité historique ne peut reposer, nous l'avons
déjà dit, sur une vision hémiplégique
de l’histoire.
La France et les Français d’Algérie
qui ont fait par milliers le sacrifice de leur vie pour contribuer
au développement d’un pays auquel ils étaient
charnellement attachés, n’ont pas à rougir,
et nous le réaffirmons aujourd'hui, cela a été
la ligne directrice de ce que nous avons évoqué ce
matin, de l’oeuvre accomplie outre-mer.
C’est la raison pour laquelle, m'adressant
au Président de la République très humblement,
nous ne pouvons que l'inviter, au moment où il va apposer
sa signature dans quelques jours, dans quelques semaines, au bas
de ce traité, à s'inspirer de ces quelques mots, de
ces quelques phrases que je vous livre :
« Pacification, mise en valeur des territoires,
diffusion de l’enseignement, fondation d’une médecine
moderne, création d’institutions administratives et
juridiques, voilà autant de traces de cette oeuvre incontestable
à laquelle la présence française a contribué
(...) Traces matérielles, certes, mais aussi apport intellectuel,
spirituel, culturel (...) Aussi, après le retour en Métropole
de ces Français, il convient de rappeler l’importance
et la richesse de l’oeuvre que la France a accomplie là
bas et dont elle est fière (...) Les uns et les autres ont
mérité les honneurs de la Mémoire ».
Nous sommes convaincus Monsieur le Président
de la République que vous ne sauriez les renier puisqu’elles
furent prononcées par un certain Jacques CHIRAC le 11 novembre
1996.
Si tel n’était pas le cas, nous n’aurions
d’autre ressource, et j’en prends à témoin
bien sûr les nombreux présidents présents dans
cette salle, que d’exercer le moment venu notre devoir de
mémoire.
Merci de votre attention.
32ème Congrès du Cercle Algérianiste
Marseille, le 12 novembre 2005
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