Présent, n° 7389 du 13 juillet 2011 -
Un livre pour le dire -
Robert Saucourt : “Femmes de destin(s)”
L’Algérie française au féminin
Anticipant sur le 50e anniversaire (1962-2012) de l’exode d’Algérie française, les éditions Atelier Fol’Fer (1) proposent dès à présent l’ouvrage de Robert Saucourt, Femmes de
destin(s), sous-titré « L’Algérie française au féminin ».
C’est un livre que je recommande à toutes les femmes et pas seulement, bien sûr, à celles qui sont nées outre-Méditerranée. L’Algérie française au masculin, on commence à connaître et nos bibliothèques sont pleines d’ouvrages – d’ailleurs estimables – qui nous la racontent au travers de l’action politique, militaire, culturelle, économique, des hommes. Les généraux, les défricheurs, les pionniers, les peintres, les écrivains, les machos emblématiques, les loustics de la rue Michelet, d’accord. Mais les femmes ?
C’est à elles que Robert Saucourt donne la parole. Avec d’autant plus d’empathie que, durant sa jeunesse, il a entendu son arrière-grand-mère et ses filles raconter leurs vies.
Des vies difficiles. La littérature nous a dit l’épopée des pionnières de la conquête de l’Ouest américain et les films (et encore, tout dernièrement, La Dernière Piste) ont fait le reste. Là, ce sont les pionnières de la conquête de l’Oued qui nous sont racontées.
Elles s’appelaient Madeleine, Odila, Augustine, Victorine, Joséphine, Blanche, Marcelle.
Elles n’eurent jamais la vie facile et d’autant moins qu’elles eurent à s’accommoder tant bien que mal d’hommes à la tchatche exceptionnelle mais au courage souvent moins affirmé.
Je pense, par exemple, à Madeleine, arrivée de son village d’Alsace, Schirrhofen, en 1839, avec son mari, Joseph. Alger et son exotisme. Un enfant, né sur cette terre promise. Une petite maison à la Bouzaréah. Un emploi de roulier pour Joseph, de femme de chambre pour Madeleine. Ce n’est pas la misère. Mais c’est la lisière de la pauvreté. L’espoir d’une vie meilleure. Et un premier coup du destin. Joseph écrasé par une charrette. D’autres auraient abandonné, seraient retournées en Alsace. Madeleine,
qui a une petite fille à élever, ne s’apitoie pas sur son sort. Elle part chercher du travail à Cherchell, dans une ferme.
En 1857, sa fille, Odila, a 17 ans. Et elle va épouser un homme qui porte le prénom de son père : Joseph. En 1874, elle accouchera de son treizième et dernier enfant, Augustine. Et Augustine, à son tour…
C’est l’histoire de petites gens, des gens simples, durs à la tâche. Qui emporteront dans la tombe bien de leurs secrets. Robert Saucourt les raconte, ces femmes de chez nous.
Avec une émotion toute empreinte de piété filiale. Leur histoire, c’est beaucoup plus que leur histoire, c’est celle de l’Algérie française. |