Avec l'arrivée au pouvoir du général de Gaulle, les SAS servent d'abord d'alibi à la politique algérienne du général de Gaulle, avant d'être sacrifiés dans le cadre de la politique d'autodétermination de l'Algérie à partir de 1960.
Le rude choc entre idéaux et réalités
Les officiers SAS s'inscrivent dans la légende des officiers des "bureaux arabes" et du service des "affaires indigènes" à l'époque de Lyautey. Les SAS, ainsi, représentent la réalité de la politique d'intégration de l'Algérie à la métropole. Par leurs missions civiles et militaires, elles ont voulu réaliser l'idéal de faire des algériens des citoyens semblables à ceux de métropole.
Cette politique s'est incarnée,pour l'essentiel, à travers de très jeunes officiers, plus ou moins volontaires, mal formés, mal préparés, isolés dans des lieux hostiles et pourtant seule autorité représentant la France en contact avec les populations déshéritées du bled. Le choc a été rude entre les idéaux et les réalités.
Car, il faut bien reconnaître que la France n'avait pas fait grand-chose pour le « bled » depuis le début de la conquête, en 1830. Et, les populations autochtones que rencontrait le lieutenant Hary avaient des conditions de vie proches de celles du Moyen-Âge. Devant la carence évidente d'une Administration défaillante à plus d'un titre et, sur instructions d'une pléiade de gouvernements de la IVème République, l'Armée a mené à bien une pacification pour laquelle elle n'avait pas été formée. Car, si le rétablissement de l'ordre ne pouvait passer que par la répression des rebelles, depuis sa récente aventure indochinoise, l'Armée avait compris que cette répression devait s'accompagner de l'adhésion totale des populations et elle fera, sinon tout, du moins beaucoup, pour l'obtenir L'idéal brisé !
Claude Hary en porte un témoignage douloureux : "Qu'aurions-nous pu faire, seuls, nous les officiers des Sections Administratives Spécialisées sans le soutien, le support et la protection des militaires ? Qui aurait assuré l'Assistance Médicale Gratuite ? Qui aurait enseigné à des gamins jamais scolarisés ? Qui aurait ouvert les pistes et les routes pour désenclaver des régions entières oubliées depuis toujours ? Qui aurait encadré les jeunes musulmans dans les Centres de Formation de la Jeunesse Algérienne et les Foyers sportifs ? Qui ? Je vous le demande ! Mais, de ceci, personne ne parle, "Jamais".
Aussi, ce livre a t-il été écrit en hommage aux 73 officiers, 33 sous-officiers, 42 attachés civils et 607 moghaznis des Affaires Algériennes morts au Champ d'Honneur Et, plus largement, aux quelques 18 à 30 000 hommes (selon les estimations et sources), Français de tous grades, de toutes origines et de toutes confessions qui sont tombés sur la terre algérienne, alors française à part entière, dans une guerre qui ne voulait pas dire son nom. " Morts..........pour rien", conclut l'auteur pour qui : "Laisser planer sur eux, sans réagir; l'idée qu'ils aient, tous, été des tortionnaires, ce serait les tuer deux fois".
De 1955 à 1962, les officiers SAS on cru à leur mission et à l'idéal qui la sous-tendait. Leur cause, c'était la présence (éternelle) de la France sur cette terre mais une France pacifique,civilisatrice, tournant le dos à une colonisation bornée qui, depuis 1830, n'avait rien fait pour les populations indigènes. Alors que les pouvoirs publics évoluaient au gré des circonstances et qu'à partir du retour du Général de Gaulle, la France se résignait à l'abandon, on les a laissé jusqu'au bout, seuls face aux populations, engager leur foi et leur honneur dans une politique que contredisaient les négociations de Paris avec les rebelles, avançant par étapes rapides jusqu'à l'Indépendance.
Le quotidien de la vie des
S.A.S
Les officiers SAS ont réussi à obtenir l'adhésion des populations qui leur ont été confiées et ont notamment, ainsi, compromis les hommes qu'ils ont engagé au service de cette politique : harkis des harkas et surtout ici moghaznis des maghzens. Claude Hary force le ton pour écrire : "Oui ! La honte de notre pays est d'avoir trahi ces gens là, de les avoir compromis, de les avoir trompés avant de les abandonner".
Mais, le récit de ces trois années et demi en Algérie n'est pas que l'histoire d'une terrible désillusion et l'éphéméride des coulisses d'un drame. C'est aussi un beau livre de fraternité, de rires, de sourires et d'émotions. Claude Hary s'y découvre conteur et n'a pas son pareil pour camper des scènes cocasses, tendres ou amères.
Comme celle du fils d'un moghzani, enlevé par le FLN, et que l'auteur retrouve plusieurs semaines plus tard, un peu par hasard, dans une mechta éloignée et qu'il rend à son père, en véritable instrument de la Providence.
Comme celle du lot de soutiens-gorge usagés, cadeau de femmes d'une petite ville de Métropole à leurs "consoeurs" d'Algérie, consciencieusement distribués et qui se retrouvent utilisés comme bonnets sur la tête des enfants en bas âge ! Comme les réceptions pantagruéliques, dans un décor digne des Mille et Une Nuits, chez le cheikh d'une zaouïa, à la "table" duquel se succédaient officiers français et responsables du FLN.
Sur les pas de Claude Hary, c'est d'abord le quotidien de la vie des SAS que nous vivons. Avec lui, nous entrons dans les mechtas, nous nous situons au coeur du maghzen, nous ressentons les affres d'une population soumise aux Français le jour et au FLN la nuit. Nous suivons l'officier à cheval ou en jeep dans ses tournées. Nous percevons l'importance de l'installation, à ses côtés, de la jeune femme qu'il épouse en permission et qu'il ramène, loin de tout, dans sa SAS. Nous écoutons à la radio les déclarations successives du général de Gaulle qui plongent progressivement "ceux qui y ont cru" dans le désarroi puis la colère et, enfin, le renoncement ! L'auteur n'a pas de thèses à défendre, ni de comptes à régler Si son dernier chapitre est un "cri du coeur", s'il se dit "révolté mais lucide", son livre témoigne avant tout de ce qu'une poignée d'hommes réussit à accomplir en quelques années ! Récit d'une forte expérience personnelle, confrontée à une étude de plusieurs semaines des archives des SAS, déposées aux Archives de l'Outre-Mer, à Aix-en-Provence, il permet d'entrevoir ce qu'aurait pu devenir Algérie si une telle action avait été menée à grande échelle, avec volonté et cohérence, à partir de 1945. |