- Contre insurrection -

 
 


 

Théorie et pratique
par

David Galula
Préface du Général David H. Petraeus

 
       
   

S'assurer du soutien de la population

Penser autrement, c'est-à-dire promouvoir une approche globale du conflit, davantage basée sur la politique et sur la population que sur l'action militaire. Dans une guerre conventionnelle, le principal enjeu est la puissance respective des adversaires. Pas dans les guerres de guérilla. «L'insurgé est dans le peuple comme le poisson dans l'eau», disait Mao. Pour le vaincre, il faut donc s'assurer du soutien de la population. La séduire en vivant parmi elle et en la protégeant pour la ramener au cœur du projet politique, promouvoir la réconciliation avec ses ennemis, soutenir et légitimer le pouvoir local, mais aussi détruire les éléments considérés comme irrécupérables. «Si l'intervention militaire reste indispensable à la résolution d'un conflit, c'est sa capacité à susciter un environnement stable qui est décisive pour conduire la paix», affirme encore le général Desportes. Voilà donc les principes de contre-insurrection, qui avaient déserté les conflits depuis la guerre d'Algérie, de retour en Afghanistan, après avoir fait leurs preuves en Irak.

Pour les avoir utilisés en Algérie, en Indochine et dans les conflits liés à la décolonisation, les militaires français les connaissent bien. Ils ont même été théorisés par l'un des leurs, David Galula, saint-cyrien atypique, dans un livre - Contre-insurrection. Théorie et pratique - paru en anglais en 1963 et préfacé par le général David Petraeus. Peu connus en France à l'époque, les travaux de Galula ont en revanche fortement influencé la communauté militaire américaine, qui considère l'officier comme le principal stratège français du XXe  siècle. «Le Clausewitz de la contre-insurrection», ose même David Petraeus, qui a rendu la lecture de Galula obligatoire aux officiers en partance pour l'Irak et a appliqué scrupuleusement toutes ses recommandations dans l'ancienne Mésopotamie.

 

(© BEO Story 2009)

 


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Titre : Contre insurrection
Auteur : David Galula
Editeur : Economica
Collection :
Genre :
Pages : 213 pages Poids : 235 g
Dimensions : 11cm x 18cm x 2,2cm
Date de parution : 24/01/2008
ISBN : 978-2-7178-5509-8
EAN13 : 9782717855098
Code éditeur : inconnu

Prix : 19 €

   
 

Qui était David Galula?

Nous ne savons de lui que ce qui figure dans son dossier militaire et dans certaines archives de la Rand Corporation, le célèbre think tank qui a fait paraître ses travaux aux Etats-Unis. Si succincts soient-ils, ces documents révèlent la très grande originalité du parcours de cet officier, qui explique en partie la singularité et la force de sa pensée.

Entré à Saint-Cyr en 1939, Galula a été projeté dans la guerre au bout de quelques mois comme l'ensemble de sa promotion. Rappelé à Aix-en-Provence après l'armistice de juin 1940 pour y achever sa formation, il a été radié des cadres en 1941, victime des premières lois anti juifs. Après quelques temps passés en Afrique du nord, dont il était originaire, il a rejoint l'armée d'Afrique et a participé activement à la libération de la France; il fut même blessé lors des combats de l'Ile d'Elbe.

En 1945, il est pour la première fois envoyé en Asie, au sein des premiers éléments chargés de rétablir la présence de la France dans cette région du monde. Il y passera près de 10 ans en tout et sera témoin de la victoire de l'insurrection communiste en Chine (il est même prisonnier des troupes de Mao Zedong durant une courte période). Il n'interrompt son séjour en Asie que pour participer brièvement à la mission des Nations Unies chargée d'observer la guerre civile qui ravage alors la Grèce (1949-1950); il assiste cette fois à la victoire des forces de contre-insurrection sur les communistes.

De 1956 à 1958, renouant avec le destin de la majorité des officiers de sa génération, Galula commande une compagnie d'infanterie en Algérie. Il applique dans le secteur dont il a la charge, en Kabylie, les méthodes de contre-insurrection qu'il a tirées de ses observations antérieures. Ses résultats sont remarqués. Son avancement, jusque-là assez lent, s'accélère brusquement. Il est sollicité pour une série de conférences à l'étranger et est affecté à l'état-major de la défense nationale.

Il semble toutefois qu'il ne parvienne pas à revenir totalement "dans le moule", puisqu'en 1962 il demande sa mise en congé sans solde pour partir étudier aux Etats-Unis. On retrouve sa trace au Center for International affairs de l'université d'Harvard où, en qualité de professeur associé, il publie deux ouvrages: "Pacification in Algeria 1956-1958", puis "Counter insurgency warfare, theory and practice".

Nous ne savons rien ou presque de la fin de sa vie, sinon qu'il mourut dans l'Essonne en juin 1968.

Doctrine : Comment se fait-il qu'un ouvrage rédigé en 1963 paraisse pour la première fois en France en 2008 ?

On a vu que la renommée de Galula en France était restée assez confidentielle avant son départ pour les Etats-Unis. Il semble qu'il n'ait jamais été vraiment reconnu de son vivant en dehors des cercles universitaires américains dans lesquels il a évolué, et que ses travaux soient longtemps restés dans les archives de la Rand Corporation. Son retour sur le devant de la scène doit beaucoup à l'action du général d'armée Petraeus lorsqu'il commandait Fort Leavenworth, où sont regroupés l'équivalent de notre CID et du CDEF pour l'US Army.
La pensée de Galula a alors beaucoup influencé la rédaction du manuel de contre-insurrection rédigé conjointement par l'US Army et le Marine Corps. Le général Petraeus a même rendu la lecture de Galula obligatoire pour l'ensemble des stagiaires du Command and General Staff College.

Il était souhaitable qu'un ouvrage français connaissant un tel succès outre Atlantique soit publié en France.

Doctrine : Qu'est-ce qui explique l'intérêt des américains pour cet auteur ?

Tout d'abord, je crois qu'il faut mesurer la force de l'engouement que suscite Galula: le général Petraeus, qui a accepté de préfacer l'édition française, le qualifie de "Clauzewitz de la contre-insurrection" et de "penseur militaire français le plus important du XXème siècle". Quand on connaît le culte que les américains vouent à Clauzewitz, ces mots sont lourds de sens. Une grande partie des officiers américains engagés en Irak a lu Galula.

On peut sans doute dire que les théories de Galula comblent un certain vide dans la culture militaire américaine et qu'elles ont de quoi séduire particulièrement les militaires engagés dans les conflits actuels. Il faut rappeler que même si les américains ont connu avec le Vietnam une guerre révolutionnaire majeure, ils ont ensuite choisi de tourner la page sur cet échec, sans vraiment en tirer les leçons stratégiques. Par ailleurs, ils voient chez Galula une synthèse de l'expérience française en Algérie, qui leur semble assez proche de leur situation actuelle en Irak.

D'autre part, les théories de Galula ont de quoi les séduire car elles font la démonstration que la victoire de l'insurrection n'est pas une fatalité et que les moyens de la combattre sont avant tout politiques. On sait que les militaires américains regrettent le peu d'implication des pouvoirs politiques dans la conduite des opérations de stabilisation et la mauvaise qualité de la coopération interagency (interministérielle). Or Galula apporte la preuve que ces facteurs sont des clés de la victoire.

Doctrine : Les théories présentées par Galula sont-elles réellement révolutionnaires ?

Il faudrait plutôt dire qu'elles sont originales. Galula reprend des constats faits par l'ensemble des théoriciens de la guerre révolutionnaire: le soutien de la population est l'enjeu principal du conflit, le renseignement est la clé du succès.On peut toutefois observer que les solutions qu'il propose diffèrent de celles d'auteurs comme Trinquier , car elles n'impliquent pas systématiquement l'usage de la force. Galula propose plutôt une sorte d'argumentaire pour contrer la dialectique communiste et pour convaincre la population qu'elle ne sera pas plus en sécurité ou plus prospère dans le régime que propose l'insurrection. Il tire de son expérience une connaissance intime de l'appareil d'insurrection et en dévoile certaines failles que l'on retrouve dans tous les exemples de guerre révolutionnaire.

Doctrine : Finalement, quel intérêt les Français peuvent-ils trouver à la lecture de Galula ?

Je crois que cet ouvrage est avant tout un document historique, livrant une vision très originale des guerres révolutionnaires auxquelles la France a pris part. Nous avons sans doute un devoir de mémoire vis-à-vis de cet officier. Nous nous devons aussi d'être capables d'expliquer notre histoire aux américains, de façon dépassionnée.

"CONTRE-INSURRECTION : Théorie et pratique"

Traduction de l'ouvrage du Lieutenant-colonel David Galula (1919-1968) : "Contre-insurrection, théorie et pratique", rédigé en 1963.

David GALULA : "un pont doctrinal entre la France et les Etats-Unis". Après avoir suscité un engouement très fort dans la communauté militaire américaine, l'ouvrage "Contre-insurrection, théorie et pratique", rédigé en 1963, paraît pour la première fois en France. Son auteur, le Lieutenant-colonel David Galula (1919-1968), y livre les leçons qu'il a tirées de son expérience d'officier français témoin et acteur des guerres révolutionnaires de la deuxième moitié du XXème siècle. Le chef d'escadrons de Montenon, en service à l'état-major des armées, a traduit et présenté l'édition française.

Préface du Général d'armée David H. PETRAEUX (US ARMY), et du lieutenant-colonel John A. NAGL (US ARMY),

Le général d'armée David H. Petraeus commande actuellement la force multinationale en Irak. Diplômé de West Point, il est titulaire d'un Ph.D. (doctorat) de l'université de Princeton. Sa thèse de fin d'études avait pour titre : Les leçons du Vietnam pour les armées américaines. Il a auparavant servi en Irak comme chef de la 10' division aéroportée puis comme chef de la force multinationale de transition (chargée de former les forces de sécurité irakiennes). Il a également pris part à des opérations de contre-insurrection en Haïti et en Bosnie. En 2006, il a supervisé, avec son homologue du corps des Marines, la rédaction d'un manuel de doctrine commun, baptisé Contre-insurrection.

Le lieutenant colonel John A. Nagl commande le 1er bataillon de la 34e brigade blindée, basée à Fort Riley (Kansas). Diplômé de West Point et lauréat de la prestigieuse bourse Rhodes, il a obtenu un D. Ph il. (doctorat) à l'université d'Oxford (Massachussets). Sa thèse avait pour titre : Learning to Eat Soup With a Knife . Ancien chef de peloton de char durant la première guerre du Golfe et ancien officier opérations de bataillon en Irak, il a été en 2006 l'un des principaux rédacteurs du manuel Contre-insurrection.

« Je n'écris pas pour tenter de prouver un quelconque génie, mais pour montrer combien il est difficile de convaincre les autres, en particulier les militaires, d'abandonner des voies traditionnelles et de s'adapter à de nouvelles situations. » David Galula, Pacification in Algeria, 1956-1958

C'est un honneur pour nous de préfacer Contre-insurrection - Théorie et pratique et de par-ticiper ainsi à la reconnaissance par la communauté militaire française de l'un des siens, David Galula, qui fut à la fois un excellent théoricien et un brillant acteur de la contre-insurrection.

Bernard Brodie disait du De la guerre de Clausewitz qu'il s'agissait « non seulement du plus grand, mais du seul grand livre jamais écrit sur la guerre ». De la même façon, on peut dire de l'ouvrage de Galula qu'il est à la fois le plus grand et le seul grand livre jamais écrit sur la guerre non conventionnelle. L'ouvre et la carrière de Galula sont d'autant plus actuelles et importantes que cette forme de conflit a de sérieuses chances de dominer l'actua-lité du XXIe siècle.

Comme Clausewitz, Galula a blanchi sous l'uniforme avant de commencer à écrire. Né en Tunisie puis élevé au Maroc, il entra à Saint Cyr à la veille de la deuxième guerre mondiale. Il prit ensuite part aux combats de libération en Afrique du nord, en France et en Allemagne. Motivé par la carrière militaire, il resta dans l'armée après la guerre et se porta volontaire pour une affectation en Chine, où il se trouva aux premières loges pour assister à la victoire du plus grand insurgé de l'histoire, Mao Zedong. Tout de suite après, il fut envoyé en Grèce au sein de la Commission des Nations Unies pour les Balkans. Il put cette fois y observer l'échec d'une insurrection, avant d'être réaffecté en Extrême-Orient comme attaché militaire à Hong Kong. De là, il suivit avec attention les guerres révolutionnaires qui ravageaient alors l'Indochine, la Malaisie et les Philippines.

Cette longue observation de la contre-insurrection s'avéra capitale dans ce qui fut le sommet de la carrière de Galula : son engagement en Algérie. Commandant de compagnie durant près de deux ans, puis commandant en second du 45e bataillon d'infanterie coloniale, il y acquit une pratique complétant parfaitement son approche théorique du sujet.

Il est en effet notable que toute expérience de guerre non complétée par la réflexion intellectuelle n'est qu'une longue succession d'horreurs absurdes. De même, toute théorie militaire échafaudée en l'absence d'expérience vécue est vaine. Galula présente donc, comme Clausewitz, la particularité d'avoir accumulé une grande expérience de la guerre tout en possédant les qualités intellectuelles et philosophiques suffisantes pour arriver à dégager au profit des générations futures les caractéristiques du type de conflit dont il avait été témoin.

C'est dans le cadre de l'état-major de la défense nationale, à Paris, puis dans celui de l'université d'Harvard, où il fut chercheur associé, que Galula réalisa les travaux par lesquels nous connaissons sa pensée. Assistant à une conférence sur la contre-insurrection organisée par la RAND corporation en 1962, il fut remarqué par un de ses membres, Stephen Hosmer, qui l'invita à décrire son expérience dans ce qui devint son premier livre : Pacification in Algeria, 1956-1958, publié en 1963 (et republié en 2006 avec une excellente préface de Bruce Hoffman). Par la suite, en 1964, il compléta ce récit assez brut par une véritable pépite : Théorie et pratique de la contre-insurrection.

Car il s'agit véritablement d'une pépite : tout comme le De la guerre de Clausewitz, cet ouvrage est à la fois une réflexion philosophique sur la nature de la guerre et un précis de doctrine.

À l'évidence, la guerre révolutionnaire diffère de la guerre conventionnelle, car l'ennemi insurgé ne livre aucune bataille rangée et trouve sa protection au sein de la population plutôt que sous l'épaisseur du blindage ou dans la loi des nombres. Suivant la formule bien connue de Mao, l'insurgé « est dans le peuple comme le poisson dans l'eau . Le débusquer et le vaincre est impossible à moins de s'assurer du soutien de la population. Galula observe que « le gouvernement loyaliste ne peut pas arriver à grand-chose si la population n'est pas et ne se sent pas protégée contre l'insurrection ».

Sa principale intuition est que, contrairement à la guerre conventionnelle au cours de laquelle le principal enjeu est la puissance respective des adversaires, toutes les actions de contre-insurrection doivent avoir pour but la protection de la population indigène. Dans un exposé d'une logique, d'une précision et d'une concision remarquables, tout ce qui suit découle de ce principe.

Protéger la population implique de connaître les menaces qui s'exercent sur elle. La difficulté, comme le savent bien les policiers, est de trier le bon grain de l'ivraie. Pour Galula, «la principale source d'information sur la guérilla est le renseignement obtenu de la population. Cependant, celle-ci ne livre des informations que si elle se sent en sécurité, ce qui est impossible tant que la menace des forces d'insurrection s'exerce sur elle ». Les insurgés se soumettant rarement aux lois de la guerre, ils peuvent choisir de contraindre la population par la violence et le terrorisme. Mettre cette stratégie en échec requiert l'engagement patient et durable des forces de contre-insurrection. Les unités les plus exposées sont les troupes déployées au niveau local, dont la présence est un rappel constant de l'autorité et de la volonté d'aboutir du gouvernement loyaliste.

Les forces militaires conventionnelles peinent souvent à s'adapter aux exigences de la contre-insurrection. Généralement, elles n'ont pas été créées, organisées et équipées pour ce type de guerre. C'est la raison pour laquelle le nouveau manuel de doctrine de l'armée de terre et du corps des Marines des Etats-Unis, baptisé Contre-insurrection, pose la nécessité d'apprendre et de s'adapter comme une condition essentielle du succès pour les campagnes de contre-insurrection du XXIe siècle. Les forces conventionnelles engagées dans de telles opérations doivent donc être des organisations en perpétuelle adaptations, capables d'adapter très rapidement leurs structures, leurs tactiques et leurs procédures pour vaincre leurs ennemis de l'ombre. Elles doivent consacrer des ressources plus importantes au recueil et à l'analyse du renseignement, étaler leurs unités plutôt que les regrouper pour optimiser la protection de la population, s'équiper de véhicules de reconnaissance blindés pour être protégées contre les attaques par bombes le long des itinéraires et, par dessus tout, se dépenser sans compter pour former les forces locales (indigènes) de sécurité dont la victoire dépend.

Galula montre aussi clairement les paradoxes de ce type de combat : « On pourra, dans ces circonstances, préférer une ronéo à une mitrailleuse, un médecin militaire qualifié en pédiatrie à un spécialiste des mortiers, du ciment à du barbelé et des employés de bureau à des fantassins. » Les adaptations à réaliser sont considérables : « Il est tout aussi important que les dirigeants et les hommes, civils comme militaires, soient préparés intellectuellement aux défis de la guerre révolutionnaire ».

Lire Galula constitue certes un pas significatif vers une adaptation des mentalités aux exigences de la guerre moderne, mais il faut faire bien plus. Même si la plupart des préceptes de Contre-insurrection - Théorie et pratique sont intemporels, les insurrections ont changé au cours des 45 dernières années; elles sont devenues encore plus dangereuses, dans un monde dont l'urbanisation et la globalisation ont accru le pouvoir et l'influence de groupuscules autrefois voués à disparaître. De fait, certains des successeurs actuels de Galula parlent « d'insurrection globale », menée par des fanatiques religieux égarés dans des croyances hérétiques.

La religion peut constituer un ferment d'insurrection plus dangereux encore que le nationalisme qui motivait les contemporains de Galula. Tandis que l'on pouvait souvent venir à bout d'insurgés nationalistes par la négociation, on ne maîtrise généralement les fanatiques religieux qu'en les emprisonnant ou en les tuant. La tactique du terrorisme kamikaze, utilisant des explosifs de plus en plus puissants, a considérablement accru la précision et les dégâts que peuvent infliger les insurgés d'aujourd'hui. Toutefois, la première nécessité dans les opérations de contre-insurrection moderne est d'une autre nature : il s'agit de conserver la maîtrise de l'information et des attentes de l'opinion ; Galula avait aussi vu cela, bien avant l'avènement de l'Internet.

Les vidéos créées et aussitôt mises en ligne sur le cyberespace servent de campagnes de recrutement, de levées de fonds et d'opérations de propagande pour saper la volonté des loyalistes. Comme s'il anticipait cela, Galula s'intéresse bien plus, dans son ouvrage, à la façon de coordonner l'information opérationnelle qu'à celle de tuer ou de capturer des insurgés. Sans doute avait-il perçu que, pour des armées conventionnelles engagées dans une telle guerre, la première de ces tâches est à la fois plus difficile et plus importante que les autres. C'est toujours vrai aujourd'hui : les loyalistes doivent réussir l'exploit de conserver une transparence totale sur leurs objectifs et leurs résultats de même que sur les atrocités commises par l'ennemi tout en maîtrisant le flot d'informations opérationnelles, ce qui est clé dans toute campagne de contre-insurrection moderne.

Cette constatation amena Galula à une autre de ses intuitions : celle que les opérations militaires ne devaient constituer que 20 % du combat de contre-insurrection, le reste étant consacré à la politique. La victoire sur l'insurrection requiert la coordination de multiples lignes d'opérations ayant pour objectifs non seulement la destruction ou la capture des insurgés et la formation des forces indigènes (tâches essentielles mais non suffisantes), mais aussi le renforcement de la capacité à gouverner du pouvoir local, l'amélioration de l'environnement économique et la garantie pour tous d'un accès à l'eau courante et à l'électricité. Toutes ces actions doivent autant que possible être menées par et avec les dirigeants de la nation hôte, l'objectif ultime étant la légitimation d'un gouvernement capable de satisfaire les besoins de la population, de gagner sa confiance, son soutien et son engagement citoyen.

L'importance des travaux de Galula pour la compréhension par les armées américaines des campagnes de contre-insurrection menées en Irak et en Afghanistan ne saurait être exagérée. Sa pensée est même la principale source du manuel contre-insurrection publié en 2006. Ayant eu cette influence sur la doctrine et ayant été érigé en lecture obligatoire au Command and General Staff College et au centre de préparation des militaires désignés pour encadre les forces de sécurité irakiennes et afghanes, Contre-insurrection - Théorie et pratique sera un jour considéré comme le plus important des écrits militaires français du siècle dernier. C'est déjà le cas aux États-unis.

Malheureusement, Galula a reçu jusqu'ici un hommage plus appuyé de notre côté de l'Atlantique que dans son propre pays. La publication du présent ouvrage en français est donc une reconnaissance tardive de son importance. On peut imaginer que, de même que la vision de Galula a permis de faire évoluer la doctrine et la mentalité américaine, des effets similaires se fassent sentir en France sur la doctrine, l'entraînement, la formation et jusque dans la politique de défense.

Une question posée par Galula il y a quarante ans reste cruciale pour notre environnement menacé par une insurrection globale : « si chaque membre de l'organisation agit dans le même esprit et que chaque organisation fonctionne sur le même modèle, les problèmes sont résolus. N'est-ce pas précisément ce que permettrait une doctrine cohérente, bien comprise et bien acceptée de tous » ? On ne saurait mieux dire.

À l'heure où nous tentons de comprendre et de triompher de cette insurrection, dont Galula n'aurait que trop bien perçu l'ampleur et les buts, chacun de nos plans de guerre, de nos recueils d'expérience et de nos manuels de doctrine peut s'inspirer de ce texte rédigé par un simple lieutenant-colonel français mort depuis 40 ans, qui est peut-être le seul vrai grand livre sur la guerre révolutionnaire.

Sources : Un article de Wikipédia
http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/publications/biblio/contre_insurect/contre_insurect.htm
http://www.lefigaro.fr/international/2008/10/29/01003-20081029ARTFIG00057-le-retour-de-la-contre-insurrection-.ph

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