L’Aventure et l’Espérance

 




 

L’Aventure et l’Espérance
par

Hélie de Saint Marc

       
   

Depuis que Laurent Beccaria, son neveu, a publié sa biographie, en 1989, Hélie de Saint Marc a multiplié les livres. Non pour se raconter sans cesse, mais parce qu’à partir du moment où, à près de soixante-dix ans, il a ouvert la porte de ses souvenirs, il ne l’a plus refermée. Derrière cette porte, il y a, à la fois, une malle aux trésors et une salle aux fantômes. Comme le dit, avec une belle lucidité, Hélie de Saint Marc, « chacun de nous est un pauvre homme. Nous avons tous des zones d’ombre et, à la fin de notre vie, des souvenirs dont nous ne sommes pas très fiers. L’homme est ombre et lumière, à l’image de la jungle, luxuriante et belle, mais qui renferme aussi la pourriture porteuse de maladies mortelles ».
Son dernier livre est une sorte d’anthologie tirée des différents livres qu’il a publiés depuis plus de vingt ans, avec aussi différents textes inédits. La trame est chronologique. Les textes, volontairement courts, sont des souvenirs qui se répondent les uns les autres, « entrecoupés, dit l’éditeur (L. Beccaria), de sentiments vécus et de pensées – voire de simples phrases – qui sont comme la cristallisation de son témoignage ».
Cela donne non pas une anthologie façon puzzle, mais un livre extraordinairement fluide et prenant. Hélie de Saint Marc a-t-il commencé à écrire dès sa jeune vie d’adulte ou a-t-il été incité à le faire sur le tard, à la fin des années 1980 ? Quoi qu’il en soit, son style a atteint une sobriété et un éclat qui font de ce livre non pas un simple témoignage historique, mais une oeuvre littéraire belle.
« Quatre saisons »
Hélie de Saint Marc dit de sa vie qu’elle a été composée de « quatre saisons » : l’adolescence, libre, incertaine ; la déportation à Buchenwald, suite à un engagement précoce dans la Résistance ; la Légion étrangère – la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie – ; la prison, enfin, pendant six ans, dans les geôles gaullistes, suite à sa participation à la tentative de putsch d’avril 1961.

(© APERS 2011)

Titre : L’Aventure et l’Espérance
Auteur : Hélie de Saint Marc
Editeur : Les arènes
Nombre de pages : 272
Genre : Histoire
Date de parution : 9 avril 2010
ISBN : 978 2 35204 091 0
EAN13 : inconnu
Code diffuseur : 949 701 4
Prix : 22 €
On ne résumera pas ici la vie du commandant Hélie de Saint Marc, depuis son enfance bordelaise (comme Dom Gérard, dont il deviendra, bien plus tard, l’ami) jusqu’à la sortie de prison, au début de 1967 : « Je n’avais plus de papiers d’identité, plus de carnet de chèques, plus de maison, plus de métier. Pendant de longs mois encore, j’étais un citoyen de second rang. »
Que retenir de cet itinéraire ? D’abord la Légion étrangère. Elle fut « la grande affaire de ma vie » dit Hélie de Saint Marc. On est d’autant plus sensible à tout ce qu’il écrit sur la Légion – une nouvelle fraternité, le monde de l’oubli et de l’engagement, l’honneur de servir – lorsqu’on a soi-même, ces jours-ci exactement, un adolescent de 17 ans et demi qui s’engage à la Légion.
De l’incarcération à Buchenwald, qui a précédé de si peu d’années l’engagement à la Légion, on retiendra les regards des déportés : « Il n’y avait plus d’étincelle ni d’attention. C’était un regard tourné vers la mort, un regard absent, terrible, vide. » On relèvera aussi ce témoignage sur la réalité de l’univers concentrationnaire qui ne fut pas constitué que de héros et de martyrs : « Les déportés qui ont prospéré dans l’administration des camps sont protégés par l’horreur du fait concentrationnaire, qui les recouvre de son ombre. J’entends et je lis aujourd’hui certains témoignages de ces déportés peu ordinaires. J’ai parfois envie de leur écrire que je me souviens d’eux, avec leur belle veste capitonnée, leurs bottes et des livres qu’ils pouvaient emprunter à la bibliothèque de Buchenwald. Un peu de pudeur les obligerait davantage. Avoir été concentrationnaire n’est pas un label suffisant, loin s’en faut. »
Enfin, sur la prison ordinaire, pour ainsi dire, comment ne pas retenir le témoignage d’un homme qui a connu la prison politique à Tulle dans les années 1960 : « Aucune solidarité humaine ne pourra jamais empêcher l’enfermement d’attaquer les prisonniers dans ce qu’ils ont de meilleur. Comme la rouille érode le fer, la prison détruit. C’est un pourrissoir moral. L’uniformité des jours m’écrasait. J’étais nourri, chauffé, logé. Je n’avais plus aucune initiative, aucune responsabilité. Chaque heure, chaque minute, il fallait résister à la destruction de soi. Au fil des mois, l’angoisse devint mon ennemie familière : l’impuissance, l’accablement des aubes sans oubli, l’ennui monstrueux que rien ne pouvait combler. L’angoisse montait à intervalles réguliers, comme une marée puissante, bousculant les résolutions, la volonté, le courage. »
Au total, un livre fort et beau. Sans fioritures, sans formules élégiaques et faciles, sans lyrisme menteur.
• Hélie de Saint Marc, L’Aventure et l’Espérance, Les arènes, 275 pages.
IN PRESENT - YVES CHIRON - Article extrait du n° 7260
Cette liste de livres et publications n'est évidemment pas exhaustive et est en perpétuelle évolution. Malgré nos soins, il est possible qu'une des adresses ne soit plus valide, signalez le nous ainsi que les livres qui vous semblent digne d'intérêt.
Merci d'avance