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Vingt-sept détenus se sont évadés de la centrale de Saint-Martin-de-Ré parmi eux Claude Tenne
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Vingt-sept détenus se sont évadés de la centrale de Saint-Martin-de-Ré depuis 1977. Des évasions au sens légal du terme, mais pas au sens physique, puisqu'il s'agit essentiellement de prisonniers n'ayant pas réintégré leur cellule après une permission.
Outre l'évasion de Philippe Dufossé, âgé de 22 ans, purgeant une peine de 18 ans de prison pour braquage et tentative de meurtre, s'est évadé de la centrale de Saint-Martin-de-Ré. le 26 juillet 2004, la plus rocambolesque reste sans doute celle de Claude Tenne, en 1967. Parachutiste pendant la guerre d'Algérie, celui-ci avait participé au putsch des généraux avant de commettre des attentats avec l'OAS. Condamné à perpétuité et incarcéré dans l'île de Ré, l'homme avait repéré que les affaires des détenus libérés étaient entreposées dans des grandes malles quittant la prison sans être fouillées. Pendant une année, il s'entraîne ferme : judo, karaté et surtout yoga.
Le 3 novembre 1967 , il se glisse dans une cantine en retenant son souffle. Un réseau Algérie française l'aidera ensuite à passer en Suisse, puis en Espagne franquiste.
Claude Tenne ne reviendra en France qu'en 1968, après l'amnistie des condamnés de l'OAS.
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Un Pied-noir par le sang versé par Jean-Pierre Rondeau |
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Je suis conscient de l'honneur qu’il m'est fait de vous parler de Claude Tenne. Mais qui mieux qui élu du petit cercle d'amis qu'il avait rêvé, et de plus un «Pied-noir», pouvait vous parler de lui, même s'il m'appelait affectueusement « enfoiré d'Oranais ».
En préambule, il est bon de vous préciser qu'il m'arrivera de passer de Claude à Marc.
Sachez que pour nous, cela était naturel. « Marco», aussi.
Rien ne prédisposait particulièrement Claude Tenne, né le 15 décembre 1936 dans le 14e arrondissement, à devenir l'homme dont l'histoire aurait pu être jouée par un Delon, dont il avait l'allure, ou un Bronson.
Le père de Marc est originaire de Brageyrac en Haute Garonne. A la différence de ses aïeux agriculteurs, Monsieur René Tenne fera carrière dans l'administration des douanes. Pourtant le grand-père a disparu en 1914/18 sur le front. La mère a des origines vendéennes. Comme beaucoup de monde dans le Sud-Ouest. Monsieur René Tenne est socialiste. Pas de ceux que l'on a découvert plus tard, après 1981. Mais de ces socialistes fiers et nationaux tels qu'au début du siècle. Marc portait une grande admiration à son père. Il était fier de savoir que celui-ci aurait pu lui tirer dessus si les paras avaient sauté sur Paris pendant le putsch, comme cela a été envisagé. A l'appel de Malraux, de Debré et de quelques autres, le père s'était mobilisé et armé : « il m'aurait tiré dessus ! » disait Marc.
Mais, l'enfant Claude, qui vit à Saint-Ouen va plutôt faire le désespoir de ses parents, notamment en matière d'enseignement. C'est ainsi que son père le conduira, lui le vieux socialiste, en pension chez les Frères, à Issy-les-Moulineaux. Malgré toutes les frasques que Claude fera involontairement subir plus tard à ses parents, je crois que cette décision fut la chose que son père regretta le plus d'avoir dû exercer. |
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Claude obtient donc un CEP, puis un CAP de forgeron serrurier. Il est bientôt soudeur chez Citroën (1954). Il devient un bon ouvrier mais aussi un des nervis de la CGT, peut-être pour fronder son père. Beau garçon, il fréquente les bars de Clichy où il approche l'univers des voyous et, pour la première fois, les paras en goguette. C'est ainsi que la chute de Dien Bien Phu le peine.
C'est pourtant un vieil ouvrier, communiste mais ancien légionnaire, chez Citroën, qui va, par ses récits, lui donner l'envie de découvrir la Légion et l'univers qu'offre l'empire colonial, même s'il est déjà bien entamé !
Claude décide de tout abandonner. Après avoir informé son père lors d'un entretien difficile (le père ne fera pas de reproches mais son attitude et le peu de mots prononcés témoignent de sa réprobation), il va suivre le parcours de tout nouveau légionnaire.
Voulant toujours être le premier, il choisit le meilleur régiment de l'époque : le 1er R.E.P. Il sera légionnaire et para. En tant que légionnaire, il doit être étranger. Bien ! Il deviendra, alors qu'il n'a pas dix-huit ans, le légionnaire Marc Tenard, Suisse, parce qu'il ne parle que français. A l'époque la plupart des légionnaires viennent d'Allemagne ou fuient les pays de l'Est.
Le parcours c'est Vincennes, Marseille, la gare St Charles, le Fort St Nicolas, Oran, Sidi-Bel-Abbès, le Quartier Viennot Claude devenu Marc, subit l'instruction décrite par tant de films et de livres.
Pourtant les Pionniers de la Légion (ceux que l'on voit défiler le 14 juillet avec barbe, tablier et hache sur l'épaule) essaient de garder pendant un temps le jeune ouvrier, qui témoigne de réelles qualités, à la forge. C'est ainsi que Marc participera à la fabrication des lampadaires du Quartier Viennot à Sidi-Bel-Abbès.
Enfin, il part pour le Kreider, centre d'instruction près de la frontière marocaine (Chott-Ech-Chergui), puis à Zeralda, quartier du 1er REP. Il passe son brevet de parachutiste à la BETAP de Blida.
Ce sont alors les premiers combats. Mais le bleu Tenard doit encore faire ses preuves. Il se retrouve donc pourvoyeur, chargé de porter les cartouches et de suivre, pas à pas, le tireur au F.M. Rien de bien exaltant. Marc, comme toujours, fait bien son travail. Il devient alors voltigeur, c'est-à-dire en pointe de la section, de la compagnie, du régiment pour la recherche de l'ennemi. |
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C'est alors qu'il acquiert une spécialité de « nettoyeur » de grottes. Laissons parler un autre de nos amis, aujourd'hui disparu, le capitaine Pierre Sergent, dans son livre « Je ne regrette rien », aux éditions Fayard.
« J'y vais ». Les voltigeurs de la section regardaient sans mot dire le légionnaire Tenard enlever ses équipements de toile, les poser sur le sol dans un coin de la cour, échanger son fusil contre un P.M. dont il enleva la crosse métallique et s'approcher de l'angle de l'étable. Une dalle parfaitement ajustée avait été découverte sous la paille. Le prisonnier, en montrant du doigt l'entrée de la cache, avait simplement dit : « C'est là ! » Le problème consistait maintenant à en faire sortir les fells. A les faire sortir ou à les détruire. Problème souvent posé et toujours angoissant. Tenard s'avança vers le prisonnier. Il lui demanda de soulever la dalle. Elle pouvait être piégée. |
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Devant le peu d'empressement du prisonnier, Tenard lui planta le canon de son arme dans les reins : « Ouvre ça et dépêche-toi ! »
L'homme obéit. Un trou noir apparut. Tenard se pencha « Ça sent le fell là-dedans », dit-il.
- Grenade, ordonna le caporal.
- Non, caporal, répliqua Tenard ; l'odeur de la grenade pique les yeux ; çà gêne pour le travail et puis, çà risquerait de s'ébouler».
Tenard - de son vrai nom Claude Tenne - s'était spécialisé dans la fouille de caches et de grottes.
Dangereuse spécialité qu'exerçaient dans chaque compagnie quelques voltigeurs d'élite. Tenard en était arrivé là par défi. Il voulait montrer à ses camarades et à ses chefs de quoi il était capable, lui qu’on avait relégué pendant des semaines au rôle de pourvoyeur. Cette équipée solitaire dans une cache habitée serait son premier titre de gloire : deux fells envoyés à tout jamais au royaume des ombres.
Des Ténard, il y en avait quelques-uns au 1er REP qui allaient faire merveille au cours de cette guerre des grottes qui venait de commencer et que Challe baptisa l'opération «Jumelles»...
Il ne fallut pas longtemps aux hommes du 1er REP pour découvrir la tactique des rebelles. Quelques interrogatoires menés rondement par les commandants de compagnie suffirent à leur prouver que la Kabylie n'avait pas été miraculeusement évacuée de tous ses hommes valides. Ils étaient bien là, sous la terre. Les fourmis avaient disparu sous l'averse, mais elles étaient dans la fourmilière. Restait à les en faire sortir.
Chaque unité avait pour cela une technique particulière. Chacune avait ses spécialistes, mais tous avaient un point commun : l'appréhension qui les prenait au ventre chaque fois qu'ils enlevaient leurs équipements et s'apprêtaient à descendre !
Pourtant, ils aimaient cette chasse, avec ses risques. Ils retrouvaient dans les boyaux des montagnes kabyles l'exaltation et la noblesse des tournois du Moyen Age. Ils livraient sous terre des joutes cruelles et des duels à mort. Armés du pistolet et du poignard, ils avançaient en aveugles à la rencontre de l'adversaire, les nerfs à vifs, l'angoisse au cœur. Qui tirerait le premier ? Ils retrouvaient les ruses des combats singuliers : le caillou adroitement lancé pour simuler l'attaque et faire ouvrir le feu par l'autre ; le cri d'effroi poussé dans un angle que l'on quitte. Un jour, ce fut sa veste de combat que Ténard jeta dans un boyau et qu’il rapporta criblée de balles. Les chances étaient égales de part et d'autre. Sport terrible, qui plaisait aux légionnaires parachutistes.
Pour son premier « trou », Marc acquiert sa première citation. Il est maintenant reconnu et même parfois demandé par une autre compagnie pour « nettoyer » une grotte. Il a mis au point une technique et ne « descend » qu'armé d'un poignard et d'un pistolet. Il aime ce combat de chasseur, à armes égales, dans le noir, bien que les fellaghas cachés puissent être en nombre. Marc participe à la bataille d'Alger, aux abords de la Casbah. Il a 21 ans et n'en garde pas un excellent souvenir. |
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Il est aussi de la bataille des frontières (près de la Tunisie) où le 1er REP perd 150 morts et subit 400 blessés. Mais celui-ci fait payer dix fois ses morts, à l'ennemi. Il appartient à la 2eme Cie du Capitaine Ysquierdo. Il voit tomber l'alouette du Colonel, le fameux Jeanpierre. Marc Ténard, qui n'oubliera jamais sa formation d'ouvrier et de forgeron, participera à ce titre à la fabrication de la Chapelle dédiée à Zeralda, à St-Jean et St-Pierre ou souvenir de Jeanpierre.
Entre-temps, il est passé radio, a reçu quelques décorations et sauvé son chef, le Lieutenant Lobel.
Il ne garde pas un souvenir important du 13 mai 1958, si ce n'est qu'à l'époque il fait la connaissance d'une famille de « Pieds-Noirs », dont le père a fait la campagne d'Italie. Il commence, grâce à eux, à aimer l'Algérie.
Pour le 14 juillet 58 (il a 21 ans), il défile à Paris. Les Paras sont alors acclamés et Marc est d'autant plus fier (il se dit enivré) qu'il est un enfant de la capitale. Mais il ne va pas voir ses amis : « Dès le lendemain, nous repartons chez nous, en Algérie ». |
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Du 24 janvier 60, il garde le souvenir des barricades, d'une population tantôt nerveuse, tantôt suppliante, mais toujours sympathique. Et l'image des jolies filles d'Alger.
Avec sa compagnie, il présente les armes lors de la réédition, avec les honneurs, de Lagaillarde et de ses hommes qui iront quelque temps former la commando Alcazar au sein du 1er REP. Hommes qu'il retrouvera, pour la plupart, quelques mois plus tard, dans l'OAS.
Le 1er REP se politise. Les officiers et sous-officiers sont écœurés de voir tomber leurs hommes pour rien puisqu'au plus haut de l'Etat les discours témoignent de l'abandon en préparation de l'Algérie. Le Lieutenant Degueldre déserte.
Le 21 avril, c'est le Putsch. Marc, participe à l'investissement de la caserne Pélissier, puis de la caserne d'Orléans, de l'Amirauté et garde l'aérodrome militaire de Maison Carrée.
Nous ne raconterons pas le Putsch, les trahisons des officiers «fidèles» qui avaient pourtant promis, ni les cafouillages. Quand le 1er REP quitte Zeralda en chantant le fameux « Non, je ne regrette rien », pour ne plus y revenir et pour être dissous, Marc déserte. En civil, avec son P.M. Grâce à un «Pied-Noir» inconnu, il rejoint Alger en voiture.
Il retrouve le « Sergent » Bobby Dovecar, l'un des « Maréchaux de la Légion » qui a fui la Yougoslavie communiste, « français par le sang versé ». Il rejoint aussi le Lieutenant Degueldre qui fonde alors les Delta |
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- ALGER - Caserne Pélissier |
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Nous ne raconterons pas non plus l'OAS. Marc continue de faire son travail. Il est soldat. L'ennemi est toujours le même : le FLN. Malheureusement, il est aussi parfois français, puisque la guerre est devenue civile et que certains ont décidé d'abandonner une partie de la terre française que Marc, ancien ouvrier, fils de socialiste et lui-même ancien cégétiste, s'est mis à aimer. Il dira plus tard :
«J'ai pris conscience d'être un «Pied-Noir» par le sang versé. L'Algérie perdue, il m'a semblé que je perdais mon pays. Nous voulions sauver cette Algérie qui devenait notre patrie. Là-bas, nous nous sentions chez nous».
Marc fait son travail en soldat. Sans état d'âme. Il obéit au lieutenant, au Sergent. Il prend en charge de jeunes déserteurs et de jeunes Pieds-Noirs à qui il applique une formation de légionnaire. «Vous allez en baver avec moi » racontera son ami « Le Fennec ». C'est l'époque des caches, des problèmes d'intendance : s'habiller en civil, se nourrir, trouver de l'argent, etc..
Il fait des ponctuelles : exécutions, le plus souvent dans la rue. Sans état d'âme, mais sans haine. C'est ainsi qu'il participe au commando qui a pour mission d'exécuter le commissaire Gavoury, chargé de la lutte anti O.A.S. à Alger. Il lui est demandé d'agir au poignard pour frapper l'imagination : le « coup de la sentinelle ». Il l'a appris à la Légion.
Quelques jours plus tard, alors qu'il est avec Degueldre et son grand ami Karl, légionnaire d'origine allemande, fiancé à une « Pied-Noir », leur cache à la Bouzaréah est encerclée par les gendarmes mobiles. Marc fait « Camerone » pour permettre au Lieutenant de s'enfuir. Et puis, n'ayant plus de cartouches, il fonce vers le ravin. Il reçoit une balle dans le rein, une autre dans le ventre. Ayant perdu connaissance, il est ramassé comme mort et jeté dans un camion. |
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Pourtant, il survit. Deux mois de coma à l'hôpital Maillot.
Trois opérations. Une tentative d'enlèvement par les barbouzes. Marc arrache ses drains et ses tubes. Il veut mourir par crainte de parler lors d'une séance de torture. Le 3 août 61, il s'envole par avion vers le Val de Grâce à Paris.
En octobre, il rejoint la Santé. Il retrouve son ami Karl, qu'il croyait mort à la Bouzaréah, et le Sergent Dovecar dont il partage pendant un mois la cellule. La plupart du temps Marc Tenard, qui a refusé de révéler son identité (Claude Tenne), est allongé car ses blessures ne sont pas guéries.
Le procès débute le 28 mars, deux jours après le massacre de la rue d'Isly. Dovecar, Karl et Marc sont en uniforme, décorations pendantes. Piegst, le «Pied-Noir», est en civil. Juges militaires et civils réprobateurs, journalistes indifférents, mais public ami. |
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- ALGER - Caserne des Tagarins - Gardes mobiles -
- Centre de tortures des membres de l'OAS.
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Dovecar et Piegst sont condamnés à mort, Karl et Marc sauvent leur tête. Marc qui s'était depuis longtemps préparé à mourir met un certain temps à comprendre qu'il est «simplement» condamné à perpétuité. Finalement, son rôle de soldat, donc d'exécutant, et peut-être le fait que ses blessures non guéries semblent lui laisser peu de chance de survivre, l'ont sauvé. Il arrache ses décorations, imité dans ce geste par Karl et Dovecar, et la lance à la tête des juges militaires qui s'enfuient. Retour à la Santé. Marc est enchaîné au Sergent Dovecar. Salut militaire. Embrassade pour le civil Claude Piegst. Marc aura la chance de rencontrer pendant plusieurs jours le Sergent qui a rejoint avec Piegst le quartier des condamnés. Ils échangent leurs bérets de parachutistes. Le Sergent est prêt à mourir. Il s'est tourné vers la foi. Ils se rencontrent pour la dernière fois le 5 mai. |
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Marc fait partie du premier convoi pour Ré. Ils sont douze. Ils remplacent, dans les geôles puantes, les anciens prisonniers du FLN libérés. Marc aura le matricule 1559. Il est très fatigué. Ses blessures ne guérissent pas. Celle au ventre suppure. Salan, Jouhaud, Degueldre sont arrêtés.
Pourtant, malgré sa lassitude, retrouvant peut-être son passé à la CGT, il déclenche une grève de la faim pour faire obtenir aux prisonniers OAS un statut politique. Il devient leur délégué. Il dérobe un poste radio et organise à l'attention de ses compagnons une revue de presse. En Algérie, c'est la fin.
Salan est gracié à la grande fureur de De Gaulle. Curieusement, parmi les témoins en sa faveur : Mitterrand.
6 juin 1962 : Dovecar et Piegst sont exécutés. De Gaulle leur fait payer la grâce de Salan. Minute de silence, à Ré. Chant des Africains.
La Marseillaise. Le dimanche suivant messe et catafalque : pour la garde, un Métro, un « Pied-Noir », deux Légionnaires. Marc est pour beaucoup dans l'organisation de ces manifestations. Les matons n'osent rien faire.
6 juillet : c'est au tour de Degueldre. Une boucherie. Plusieurs coups de grâce. Le Lieutenant n'arrive pas à mourir. Mêmes cérémonies à l'Ile de Ré. Marc voit disparaître ses meilleurs compagnons et ses chefs. Il n'oubliera jamais. |
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Penitancier de Saint-Martin-de-Ré |
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Septembre 62 : la blessure suppure. Marc décline. Il ne peut presque plus marcher. En fait, il subit deux éventrations. L'administration ne bouge pas. Il faudra plusieurs manifestations de détenus en sa faveur pour que son transfert à Fresnes, en brancard, soit obtenu. Marc subit sa quatrième opération. Il lui est posé une plaque en matière plastique sur le ventre.
6 mois après, il quitte Fresnes pour Ré. Pour la première fois depuis deux ans, il peut marcher sans béquilles ou sans canne. Mais il n'a plus de ceinture abdominale, il est faible. Son corps n'est plus celui que lui avait fait la Légion.
Alors il se remet au judo et devient l'un des deux responsables du Dojo de Saint-Martin-de-Ré.
Retrouvant la rigueur asiatique, les prisonniers de Ré n'auront droit qu'à deux ceintures : la Blanche ou la Noire. Marc s'entraîne jusqu'à 18 heures par semaine. Il se met aussi au Karaté et devient avant-centre de l'équipe de football. Enfin, il devient un bon joueur de tennis. Marc refait son corps.
Il devient l'ami du lieutenant Godot, arrêté en métropole (OAS métro) avec lequel, il développe son amour pour l'Histoire qu'il retrouve aussi dans la lecture. Jusqu'au bout Claude m'étonnera par sa connaissance de l'Histoire depuis l'époque romaine qu'il raconte avec des mots simples.
Un autre prisonnier « Petit Paul » lui fait découvrir la musique.
Le concerto d'Aranjuez restera son morceau fétiche. Là aussi, Marc me surprendra par son goût de la musique classique. Il devient aussi un bon cuisinier et entretient une popote digne des meilleurs chefs. Il a deux enfants, conçus lors de parloirs «privés» auxquels les détenus politiques ont droit une fois par mois. Marc a épousé en prison l'infirmière qui le soignait au Val de Grâce. |
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Mais Marc est un soldat et il aime la liberté. Il participe au creusement d'un tunnel avec d'autres détenus dont certains deviendront ses amis : Jean-François le «Pied-Noir», Jean-Loup Perret, fils de l'écrivain. Mais la tentative n'aboutira pas. Il en est de même d'un autre essai en 1965 mené par trois prisonniers par-dessus le mur d'enceinte.
C'est à Pâques 1967 que Marc a l'idée, pour la première fois, de s'évader dans une malle. En effet, il a remarqué que les autres détenus, qui commencent à bénéficier de grâces, sortent de la prison accompagnés de malles et de cantines, emplies de livres de distraction et d'études (certains passent des diplômes) accumulés en six ans. Or, ces bagages ne semblent pas fouillés. Marc se le fait discrètement confirmer par ceux déjà sortis. Il peut tenir dans une malle (1,76 m -72 kgs). Mais il lui faut s'entraîner à y rester trois heures. Il parviendra à quatre. Il pratique maintenant le yoga pour apprendre à retenir sa respiration : deux inspirations, une expiration par minute. Sa grâce, il veut l'obtenir de lui-même.
Le 3 novembre, n'y tenant plus, il profite de la sortie de son ami Varga (il dira, pour le protéger, que ce dernier ignorait tout). « Tu prends une cantine de plus, je serai dedans ». Il vide les livres d'une cantine et la rajoute aux bagages du nouveau libéré et prend leur place. |
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Il s'enferme dans la malle. Porté, il parcourt en sens inverse la prison, est chargé avec les bagages dans une camionnette. Il fait froid. Il passe les portes de la citadelle. Dernier arrêt, le presbytère.
Il est resté dans sa position inconfortable, engourdi par le froid, pendant plus de deux heures. Il a paniqué par moments et a souffert de crampes. Marc sort de la cantine dans le noir. Respirer un grand coup. Le bac. Le récit de la suite de l'évasion, que vous lirez peut-être dans son livre ou dans les journaux de l'époque, n'est pas le vrai. Sachez qu'un réseau Algérie Française va le prendre en charge. Mais Marc ne se sent pas en sûreté. Trop de gens parlent. La guerre finie, la discipline s'est relâchée. Marc se cache près de Paris. Il trouve un peu d'argent, peut-être en commettant quelques hold up comme au vieux temps de l'OAS.
C'est une jeune femme, résistante de l'Algérie Française, ancienne prisonnière politique, qui seule organisera sa fuite de France, non pas vers la Belgique, comme il est dit dans ses propres récits, (il faut dérouter les R. G.) mais vers la Suisse. Marc gardera à cette femme, j'en suis témoin, la plus grande amitié et la plus grande tendresse, jusqu'à son dernier jour. |
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Son évasion de Ré a rendu fous De Gaulle et Fouchet. Le plan Rex a mobilisé 150.000 hommes : policiers, gendarmes, militaires, barbouzes. Les parisiens ont vécu leur pire rentrée de week-end et l'acteur bien connu, Pierre Tornade se retrouva en prison pour avoir revêtu, en partant de chez lui, sa tenue de scène ... de légionnaire. Comme si un évadé... ! La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère (journaux anglais, espagnols, etc..) parlent de l'évasion du « Sing Sing » français. Jamais personne ne s'était évadé de l'Ile de Ré. Robin, prisonnier lui aussi de l'Ile de Ré, s'est évadé, mais d'une infirmerie lors de soins à La Rochelle. |
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Quelques mois après, un réseau propose à Marc un reportage pour Paris Match. Celui-ci a besoin d'argent. Il accepte, bien qu'il ait peur de se voir enlever par des barbouzes comme un certain colonel Argoud ! Le rendez-vous est pris à Rome. Il fait croire aux journalistes qu'il est protégé par de nombreux commandos de 1' OAS. En fait, seule la jeune femme dont nous avons parlé surveille, sans armes. Marc a lui un pistolet caché dans le journal italien qu'il tient à la main (photo dans Paris Match). Il mime dans une chambre d'hôtel, son entrée et sa position dans la malle. Les photos feront à nouveau le tour du monde. Alain Delon (Marc, à l'époque, à un air de famille avec lui) paiera un acompte pour se réserver le droit de tourner un film. Mais l'argent ne parviendra jamais à Claude.
Marc se réfugie à Palma, dans une villa prêtée par une vieille dame. Puis il essaie de monter une société en Espagne où se sont réfugiés de nombreux clandestins. Il écrit son livre : «Mais le Diable marche avec nous» qui rappelle le chant célèbre du 1er REP. Livre qui paraît à «La Table Ronde» en 1968. |
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En mai 1968, il est gracié comme tout 1' OAS. Promesse faite par un De Gaulle, affolé, à Massu, à Baden Baden. Peur aussi de voir la révolution gagnée par les communistes et le pouvoir balayé. Qui mieux que les anciens de l'OAS auraient pu servir de rempart aux communistes ? C'est Michel Barouin, l'ancien patron de la GMF, ancien Grand Maître du Grand Orient, disparu mystérieusement il y a quelques années en Afrique, qui organisera les accords conduisant à l'amnistie.
Marc revient en France. Il a une famille avec laquelle il n'a jamais vécu. Bientôt cinq enfants. Il redémarre à la base. Son objectif : ouvrier puis contremaître. Il fait des chantiers en France, en Belgique, puis au Moyen-Orient. Il achète une maison à Maurous (Gers).L'aspect rude du bâtiment et ses propres rêves le feront l'appeler « La Commanderie». Enfin, le petit ouvrier, le légionnaire, le combattant de l'ombre, le détenu, le réprouvé a sa maison.
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Loi d'amnistie n° 68-697
du 31 juillet 1968 ( JO) |
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Il participe à des actions de certains groupes d'anciens d'Algérie et de mouvements Pieds-Noirs, attachés à défendre les rapatriés endettés. Ils sont aussi demandés pour des actions politiques, des meetings un peu chauds où l'on vient armé d'un fusil de chasse. Ils seront ainsi pour quelque chose (faut-il le regretter ?) dans l'élection de Frèche à Montpellier ou Léotard à Fréjus.
A Mauroux, Marc se fait des amis. D'anciens OAS des «Pieds-Noirs» et des locaux. Tous un peu braconniers. Mais les gendarmes sont maintenant amis. Le Maire aussi. Marc renouera encore une fois avec l'action syndicale et mènera, avec une passionaria cégétiste, une des grèves les plus dures dans le Sud-Ouest de la France.
Et puis en 1983, Il se retrouve condamné à douze ans. Il en fera huit, ne bénéficiant que des grâces automatiques, obligatoires.
Aucune grâce à titre personnel, pas de permission. La police n'a pas oublié qu'il a «exécuté» un commissaire en Algérie. La justice n'a pas non plus oublié qu'il s'est évadé des prisons dont elle a la charge. Mesquine, elle lui refuse de lui retirer ses menottes pour l'enterrement de son fils. Il refusera de s'y rendre. Il ne plie toujours pas.
Jusqu'au jour de sa libération, j'en suis témoin, il subira d'autres mesquineries de l'administration. Mais les matons et les voyous respecteront ce détenu pas comme les autres, ce politique. Il faut dire que Marc, qu'ils appellent « Le vieux », saura se faire respecter, quitte à donner la plus grande «correction» au parrain corse ou au voyou maghrébin, petite frappe de banlieue. Renouant avec son habitude de popote, Marc s'attachera la sympathie de deux ou trois truands, casseurs de banques, les seuls qu'il respecte. Il leur parlera, sans être sûr qu'ils le comprennent, des événements qu'il a vécus ou de ses rêves de Révolution et leur donnera des cours de politique et d'Histoire. |
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C'est au parloir, tous les samedis, que j'apprends à le connaître.
Cela faisait cinq ans maintenant que Claude était sorti de prison. Il rêvait d'ouvrir un atelier de ferronnerie d'art. Il avait passé d'autres diplômes en prison, dont le CAP de métallier. Et ses œuvres peuvent figurer dans les plus beaux salons. A Paris, puis à Toulouse, il a essayé tous les métiers. Il parcourait tous les chantiers pour trouver un emploi. C'est difficile quand on a 56 ou 58 ans, surtout quand la sincérité vous fait dire les nombreuses années passées derrière les barreaux. Je l'ai vu bosser comme le gosse de vingt ans qu'il avait été. Sa forme physique, entretenue pendant ces sombres années, était extraordinaire. Marc fut pendant quelque temps chef monteur de poutrelles dans les immeubles parisiens en construction. Il aimait bien se comparer à cette tribu indienne qui monte les buildings américains. Il se sentait bien à vingt ou trente mètres du sol.
Nous refaisions parfois le monde, l'Algérie, l'OAS, en buvant l'anisette. Marc ne se reconnaissait plus dans cette année, cette Légion qui ne peut plus s'enorgueillir que du rôle de constructeur de routes ou de cible comme «soldats de la paix». La dérive de la France l'écœurait.
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Il avait souvent appris la haine en prison, lui le soldat sans haine. Pourtant, grâce à une amie d'origine «Pied-Noir», vivant à Toulouse, il avait trouvé la paix. Je lui en sais gré.
Marc-Claude a choisi de partir, le 7 janvier à minuit, à Toulouse, sur une petite place qu'il appelait «mon village». Debout. Une balle dans le cœur, pour faire propre, pour ne pas déranger. Il avait des tas de bonnes raisons pour cela. Mais, moi je crois qu’entrer dans sa soixantième année, il a choisi de partir, pendant qu'il en était encore temps, rejoindre le Lieutenant Degueldre et le Sergent Dovecar. En les assassinant, De Gaulle leur avait offert de conserver l'âge auquel ils furent fusillés.
Marc a voulu les rejoindre pendant que sa forme lui permettait encore de courir derrière eux les Djebels, au Paradis des héros de l'Algérie Française.
Adieu l'ami*
J'avais un camarade
Jean-Pierre RONDEAU
* Cette belle histoire d'amitié entre un béret vert (Bronson) et un béret rouge (Delon) était notre film fétiche.
IN Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui - N° 66 - Mars 96 |
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Claude Tenne nous laisse un livre qui retrace son évasion chez l'éditeur de la table Ronde |
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"Mais le diable marche avec nous"
Un témoignage passionné de Claude Tenne l'évadé de l’île de Ré
Un homme au visage émacié énergique dont l’évasion du pénitencier de l’île Ré défraya la chronique signait hier à la librairie Laffitte l’ouvrage «Mais le diable marche avec nous »
Entre deux signatures, j'au pu bavarder avec cet homme qui fut un militant de l'OAS.
Pourquoi ce titre ? - C'est le début du refrain d'un chant de parachutistes, dans ce titre je raconte ma vie depuis mon engagement à la Légion, le combat de mes idées. J'expose pourquoi je suis allé jusqu'au bout parce que je croyais à un combat qui impliquait le maintient de l'Algérie Française. J'y ai cru. Je reste fidèle à mes idées à mon combat.
- Ce livre est aussi l'histoire de vos six années de captivité de votre évasion.
- Je dis ce qu'a été pour nous la prison, ce qu'on en ressent et comment, si on ne s'abandonne pas, on y devient un homme : la prison c'est une terrible école, on y mûrit.... |
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Depuis son évasion qui mobilisa 150000 policiers, Claude Tenne vit à Madrid et sa femme et ses deux enfants.
- L'amnistie nous autorise à rentrer en France, pourquoi restez vous en Espagne ?
- D'abord parce que j'y ai trouvé une situation au musée du Prado je participe à la protection du capital artistique Espagnol. Et puis je reste en Espagne parce que rien ne m’incite à rentrer en France.
J'espère revenir quand tout sera vraiment oublié.
J'ai la nostalgie de la terre de France, ma terre mais pas du genre de vie actuelle des Français.
Comme toutes les affaires gaullistes, l'aventure actuelle se terminera dans le chaos ! C'est malheureux mais je crois que c'est inéluctable.
Quels que soient nos sentiments le livre de Claude Tenne mérite d'être lu, car il est le témoignage sans doute passionné d'une époque et de la mentalité d'hommes désespérées qui se lancèrent dans une folie et sanglante aventure.
JE |
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LIBRAIRIE LAFITTE – MARSEILLE - 13
Devant l'étonnement de certains clients la libraire Laffitte tient à préciser :
" Qu'indépendamment de ses opinions personnelles elle tient par dessus tout à la liberté d'expression, qu'en toutes occasions ses clients adultes et responsables doivent avoir la possibilité de s'informer complètement, qu'elle veut être un carrefour ou doivent pouvoir se confronter en toute sérénité les opinions les plus diverses, qu'elle est enfin contre toutes les censures et toutes les interdictions.
Photo Claude Tenne signe son ouvrage à la librairie Laffitte de Marseille |
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